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Et une étude de plus, accablante, sur la plastification accélérée de notre monde, de nos organismes, du vivant en général, de toutes les espèces, de l’homme, des femmes plus exposées encore,
du placenta des mamans, du sperme, de l’air, de la terre et des mers et même des sels marins ! Cette fois, 19 laboratoires et 40 chercheurs ont examiné, sous la coordination du CNRS, 2 700
échantillons prélevés par la goélette Tara, une mission 100 % française, sur neuf fleuves : la Loire, la Seine, le Rhin, l’Elbe, la Tamise, l’Èbre, le Rhône, le Tibre et la Garonne. Et sous
les microscopes, il n’y a pas que de l’eau mais des plastiques « grands » entre 500 micromètres et 5 mm et « petits », les « microplastiques », entre 25 micromètres et 500 micromètres qui
sont invisibles à l’œil nu. LES MICROPLASTIQUES ABSORBENT ET RELARGUENT LES BACTÉRIES LES PLUS TOXIQUES Des poussières plastiques qui grouillent et pullulent et saturent nos cours d’eau :_ «
jusqu’à une centaine de microgrammes par mètre cube, soit jusqu’à 1 000 fois plus en nombre et en masse que les "grands" microplastiques »_. Les grands plastiques flottent. Les «
micros » aussi mais pas tous : 35 % coulent dans l’épaisseur d’un fleuve et vont donc contaminer flore et faune de fond en comble. Contaminer, le mot est faible. D’abord parce que ces
plastiques servent de bouées à des bactéries pathogènes très agressives pour l’homme. Univers mutant affublé d’un nouveau nom ; la plastisphère. Ces microplastiques, décidément surdoués,
sont capables d’absorber, de fixer, puis de relarguer tels des éponges pistons les molécules chimiques concentrées de tout poil : pesticides, métaux lourds etc. Alors, l’eau douce issue de
nos sources ne lave plus vraiment : elle enduit, elle imbibe, elle propage. Si vous souhaitez approfondir votre compréhension du roman noir de ce liquide qui paraît innocent et transparent,
mais qui cache en réalité une pollution plastique à des niveaux sans précédent, nous vous recommandons de consulter le résumé de l’étude sur le site de Tara. ÉTUDIER LES FLEUVES C’EST
COMPRENDRE QUE LA TERRE EST UN DÉPOTOIR Étudier les fleuves, c’est en effet comprendre la tragédie qui se joue en amont sur les terres dépotoirs et en aval dans les « mers poubelles »
jaunes, bleues, rouges, grises ou vertes. Chaque année, ces eaux courantes plastifiées déversent dans les océans _« 8 à 12 millions de tonnes de débris qui s’accumulent dans tous les
écosystèmes du monde »._ Autre manière de quantifier ce cauchemar : on évalue à 5 000 milliards le nombre de microplastiques en mer, soit autant que de zooplancton en Méditerranée ! >
CHAQUE CERVEAU HUMAIN RECÈLE, EN POIDS, L’ÉQUIVALENT D’UNE > CUILLERÉE DE PLASTIQUE On ne peut plus faire semblant de découvrir l’amplitude de cette déchetterie liquéfiée qui nous imbibe.
_« Vous vous rendez compte_, confie Rosalie Mann, créatrice de la Fondation No More plastic et autrice du livre « No more Plastic » (EDS La Plage)_, que nous avons tous plus ou moins
l’équivalent en poids d’une cuillérée de plastique dans le cerveau ! »_ Le résultat d’une étude publiée le 3 février dernier par la revue Nature Medicine : _« la quantité de microplastiques
retrouvés dans nos cerveaux aurait d’ailleurs augmenté de 50 % entre 2016 et 2024 »._ Quels types de plastiques trouve-t-on dans le cerveau ? Accrochez-vous : _« de minuscules éclats ou
flocons de polyéthylène, l’un des plastiques les plus courants au monde, souvent utilisé dans les emballages »._ On lira aussi non sans épouvante le rapport très complet de l’Office
parlementaire des choix scientifiques et technologiques remis en novembre et intitulé : Les impacts des plastiques sur la santé humaine. Quelques constats en vrac : * Les déchets plastiques
produits devraient passer de 360 millions de tonnes en 2020 à 617 millions de tonnes en 2040 ; * Au niveau mondial, moins de 10 % des déchets sont recyclés ; * Découverte d’une nouvelle
formation rocheuse, dite plasticomérat, dont l’un des principaux éléments est le plastique ; * Il existe trois voies d’exposition de l’homme aux plastiques : par l’alimentation, la
respiration et le contact cutané ; * Les organes d’absorption sont multiples : les poumons, le côlon, la peau. Il a été démontré que les plastiques pouvaient être transportés par le sang,
mais également par les nerfs, et atteindre ainsi des organes qu’on qualifie de lointains, tels que les testicules, le placenta, les reins ou encore le cerveau ; * 25 % des 14 000 produits
chimiques contenus dans les matériaux plastiques en contact avec les aliments ont été identifiés dans le corps humain ; * Du fait de l’exposition aux PBDE, au BPA et au DEHP, « les coûts
s’élèveraient à 675 milliards de dollars par an pour ces trois substances chimiques et pour les États-Unis seulement » ; * La production primaire de plastiques est responsable de quatre fois
plus d’émissions de gaz à effet de serre que le secteur de l’aviation. LA FAUSSE BONNE IDÉE DU RECYCLAGE _« Le diagnostic est indiscutable et généralement indiscuté sauf, _tonne Rosalie
Mann, _qu’on s’obstine à croire et faire croire que la solution passe par le recyclage, ce qui est une aberration »._ Dans son livre, Rosalie Mann bataille en effet contre les pouvoirs
publics, l’industrie des plastiques et même certaines ONG. WWF pour ne pas la nommer. _« De très nombreuses études,_ écrit-elle, _démontrent que les plastiques recyclés sont contaminés par
des produits chimiques dangereux qui sont soit introduits dans la matière vierge, soit absorbés par un contact direct ou par inhalation de composés chimiques volatils, notamment pour les
déchets provenant de l’océan ou restés longtemps dans l’environnement. Ces matières plastiques recyclées contiennent donc souvent encore plus de substances chimiques nocives qu’un plastique
vierge. »_ BAISSER DE 50 % LE PLASTIQUE ET C’EST LE RETOUR AU NIVEAU DE 2007 Conclusion ? «_ Sachant qu’il y a deux sources principales à cette invasion des plastiques, le packaging et les
textiles, eh bien,_ confie-t-elle,_ il faut trouver des alternatives. Il faut déplastifier à la source. »_ Il faut tarir les flux. Pour les bouteilles d’eau minérales – une seule contient
entre 110 000 et 370 000 particules par litre, dont 90 % de nano plastiques et 13 milliards sont vendues chaque année en France – on pourrait revenir au verre. Du verre léger, incassable. Un
boulevard industriel pour Saint-Gobain ou même pour la PME Duralex… Sur le papier, oui ! En vrai : non. Pareil pour les algues brunes aptes à fabriquer des emballages effectivement bio
dégradables. Trop tard ? Rosalie cite pourtant à l’appui une ribambelle de start-up qui fabriquent des chaussures de sport, des maquillages ou des lingettes « plastic free ». Sway The future
aux États-Unis, Zerocircle en Inde ou Notpla en Grande-Bretagne, propose des emballages entièrement compostables à base d’algues. Circle en France vend même une basket Circle x Woolmark 100
% biodégradable, et toujours en France, la marque La Bouche Rouge Paris produit des cosmétiques, rouge à lèvres compris, zéro plastique. _(Produits qui seront présentés au "Pop-up
More" by "No More Plastic" du 22 avril au 5 Juillet 2025 au RDC du Printemps Haussmann)._ Des Robinson Crusoé ? Disons de minuscules pionniers face à des ogres de plastique,
des tsunamis de perles, ces billes plastiques matières premières des industriels, des régiments d’experts issus de la pétrochimie et la rétro croisade anti-environnementale de Donald Trump
aux Etats-Unis… Comme si notre civilisation était désormais 100 % plastifiée. Rigidifiée dans sa chair mais aussi dans son intellect. _« Mais enfin,_ réagit Rosalie, _vous savez que l’on
pourrait diminuer de 50 % les plastiques en vivant simplement comme en 2007 ! _». Il est exact que l’augmentation logarithmique des volumes de plastique ces vingt dernières années fait
oublier que cette matière première, ultra-pratique, modelable à souhait, apparemment bon marché si l’on zappe les externalisations négatives sanitaires, est à bien y regarder… très récente
dans notre quotidien. La première formule plastique, la bakélite, remonte certes à 1907 et le nylon à 1935. Mais l’essentiel des produits plastico-sourcés, remonte à moins d’un siècle ! A
l’après-guerre. La première poupée « Barbie », c’est 1950, les premières peintures acryliques c’est 1960, le premier Kevlar, 1965, la première bouteille Vittel en PVC, c’est 1968, les
premières Led polymères ? 1989, comme les premières bouteilles en plastique PET… UN ÊTRE HUMAIN INGÉRERAIT JUSQU’À 5 GRAMMES DE PLASTIQUE PAR SEMAINE Et en moins d’un siècle, l’imprégnation
de notre humanité est devenue intégrale. C’est une purée de pois plastifiée dans laquelle nous évoluons. Que nous respirons. Que nous enfilons avec nos vêtements matin et soir. Pire encore
dans les inférieurs des maisons où la plupart des meubles et composants sont en plastique. Les terres agricoles ne sont pas en reste où les plastiques sont massivement utilisés pour
encapsuler les graines pesticides ou pour fournir les films de serre. Rien n’échappe à cette glue : ni la cosmétique, ni les tampons hygiéniques, ni l’alimentation, ni les crevettes, ni les
fruits de mer « filtreurs » comme les moules ou les huîtres jusqu’aux animaux d’élevages intensifs… C’est simple, il a été calculé dans une étude canadienne publiée dès 2019 dans _Science
& Technology_ qu’un être humain ingérerait et inhalerait jusqu’à 5 grammes de plastique par semaine. Voilà ce que ça donne tous les 12 mois : _« une personne lambda ingère et respire une
moyenne de 100 000 particules de plastique par an, avec un surplus de quelque 90 000 particules si elle consomme uniquement de l’eau en bouteille en plastique. »_ Et les _« femmes sont plus
particulièrement exposées,_ insiste Rosalie Mann,_ pour des raisons biologiques - leur niveau d’œstrogène et le volume de graisse sont plus importants dans leur métabolisme - mais aussi
pour l’utilisation massive de cosmétiques et la surexposition à la _fast fashion_ »_. Question : saurons-nous démanteler ce carcan empoisonné que nous avons créé, tissé, et tant aimé ? Il y
a de quoi en douter dans l’immédiat ; la cinquième session de négociations sur le « traité plastique » sous l’égide des Nations unies devait aboutir à un projet de texte fin 2024 à Pusan en
Corée-du-Sud. Échec. Tout est reporté à cet été 2025. Et l’hypothèse pâteuse de négociations qui prévaut n’augure rien de bien de décisif : un objectif mondial visant soit à « réduire »,
soit à « maintenir » (stabiliser ?), soit à « gérer » la production de plastique. Jamais à y mettre un terme. Nous savions que nous étions rentrés dans l’ère de l’Anthropocène. Une ère
géologique générée par l’homme. L’ère qui suit s’appellera sans doute le « Plasticocène ». Après le climat, c’est la matière même du vivant que nous avons en effet contrefait. Hybridé.
Vérolé. Hier pour le grand bonheur de nos sociétés d’hyperconsommation. Aujourd’hui pour le pire. Étonnamment, c’est un philosophe, Roland Barthes, qui avait discerné très tôt la menace
invasive. Dans son livre culte _Mythologies_ (1957), il évoque avec une formidable vista son caractère invasif : une _« substance alchimique »_ , écrit-il, bon marché, qui requinque les
cuisines par le formica, rend tout jetable, tout substituable. « _La fonction ancestrale de la nature est modifiée_, ajoute-t-il, _elle n’est plus l’Idée, la pure Substance à retrouver ou à
imiter ; une matière artificielle, plus féconde que tous les gisements du monde, va la remplacer, commander l’invention même des formes._ » Conclusion visionnaire : _« Le plastique est tout
entier englouti dans son usage : à la limite, on inventera des objets pour le plaisir d’en user. La hiérarchie des substances est abolie, une seule les remplace toutes : le monde entier peut
être plastifié. _» C’est fait.