Faire du logement une stratégie universitaire | terra nova


Play all audios:

Loading...

INtroduction Pendant des décennies, notre pays a sous-financé l’enseignement supérieur, en particulier les universités. Une conséquence notable en est le manque criant de logements pour les


étudiants, dont ceux-ci font douloureusement l’expérience au début de chaque année universitaire en raison d’une forte pénurie et de prix très élevés dans la plupart des villes


universitaires . Pour les étudiants « décohabitants  », qu’ils le soient par nécessité, leur famille habitant loin du lieu d’études, ou par le choix de l’autonomie, le poste logement est, et


de très loin, ce qui pèse le plus lourd dans leur budget. Ainsi, le problème du logement joue un rôle important dans la décision d’entreprendre ou de poursuivre certaines études : certains


étudiants doivent renoncer à tel ou tel cursus parce que le logement est trop cher dans la zone recherchée. Le logement se trouve donc au centre des problématiques d’égalité des chances.


C’est pourquoi il faut imaginer des solutions pour qu’il cesse d’être un instrument de discrimination pesant sur les choix d’orientation des étudiants issus des milieux les moins favorisés.


Mais le logement des étudiants n’est pas seulement une question d’égalité des chances. Il est aussi un élément primordial de la vie universitaire, des dynamiques intellectuelles et sociales


qui se créent – ou pas – entre étudiants, de leurs conditions de travail, en particulier de leur accès aux cours, aux bibliothèques, aux équipements collectifs, à la vie culturelle. Partant,


c’est aussi l’efficacité des enseignements et la réussite étudiante qui sont en jeu. C’est pourquoi notre réflexion et nos propositions sur le logement étudiant s’inscrivent dans une


réflexion d’ensemble sur la politique universitaire. L’enjeu n’est pas simple. Car il faut tout d’abord faire face à une urgence : augmenter rapidement à la fois l’offre de logements


étudiants à caractère social et l’offre de logements étudiants dans le secteur privé, et agir sur le coût des loyers et sur la capacité des étudiants à les payer. Mais comme souvent dans la


conception des politiques publiques, il faut veiller à ce que l’urgence n’aille pas à l’encontre des objectifs à plus long terme. Si le plus urgent est bien l’augmentation du parc social


étudiant, et donc des capacités des résidences universitaires, il nous paraît indispensable d’amorcer sans attendre un processus aboutissant, à terme, À LA PLEINE RESPONSABILITÉ DES


ÉTABLISSEMENTS UNIVERSITAIRES (LE PLUS SOUVENT À TRAVERS LES COMUE : COMMUNAUTÉS D’UNIVERSITÉS ET D’ÉTABLISSEMENTS) SUR LA POLITIQUE DU LOGEMENT DE LEURS ÉTUDIANTS . En effet, si les


résidences étudiantes ne doivent pas être seulement des logements, mais aussi des outils de la réussite étudiante et de la vie sociale, il est de la responsabilité des universités de mettre


en place les conditions pratiques de cette réussite. C’est pourquoi nous proposons (cf. plus bas, partie III C) que les universités aient à terme la charge d’établir les partenariats


nécessaires avec les collectivités territoriales et les organismes chargés de la construction en redéfinissant le rôle des CROUS et leurs relations avec eux. Mais elles devront aussi


imaginer les moyens concrets pour favoriser l’épanouissement des étudiants sur leurs lieux de vie, comme l’organisation de système de tutorat assuré par des étudiants plus avancés (en master


ou en doctorat) logés eux-mêmes dans la résidence. Naturellement, nous ne partons pas de zéro. Le bilan du quinquennat de François Hollande en matière de logement étudiant apparaît même dès


maintenant comme nettement positif. Dès le début de son quinquennat, le Président de la République avait pris l’engagement de mettre en œuvre un plan national pour la vie étudiante qui n’en


négligerait pas les aspects les plus pratiques. Lors de ses vœux à la jeunesse à Grenoble en 2013, il a renouvelé sa promesse de campagne de créer « une garantie universelle et solidaire


des risques locatifs », destinée à bénéficier notamment aux étudiants. Cette mesure a été généralisée en septembre 2014 sous le nom de Caution Locative Etudiante (« Clé ») : elle permet aux


étudiants de moins de 28 ans (et plus pour les doctorants et post-docs étrangers) disposant d’un revenu de bénéficier d’une garantie de l’État en cas d’impayés moyennant une cotisation à


hauteur de 1,5 % du loyer. Quant à la loi ALUR, il est encore trop tôt pour en mesurer les effets sur le logement étudiant. Parallèlement, au mois de mai 2013, Geneviève Fioraso, à l’époque


Ministre en charge de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, annonçait un plan de construction de 40 000 logements étudiants d’ici 2017, qui semble, il faut le souligner, en passe


d’être réalisé. Dans le cadre de ce plan, le caractère spécifique du logement étudiant par rapport au logement social en général a été enfin reconnu, ce qui est une avancée importante, même


si l’intervention de plusieurs ministères reste un frein à une action rapide et spécifique. Nous pensons que l’effort de construction de logements sociaux étudiants doit être poursuivi  :


NOUS PROPOSONS DE PROLONGER LE PLAN 40 000 PAR UN « PLAN 100 000 » DE CONSTRUCTION DE LOGEMENTS COLLECTIFS ÉTUDIANTS, INCLUANT 25 000 LOGEMENTS DE TYPE PLUS. Notre réflexion porte également


sur la politique fiscale et les aides sociales. En matière de politique fiscale, deux mécanismes sont concernés : le dispositif « Censi-Bouvard » de défiscalisation des investissements , qui


stimule la construction de résidences privées pour étudiants ; la demi-part fiscale dont bénéficient les parents d’étudiants restant rattachés à leur foyer fiscal. Les aides sociales


spécifiques au logement, appelées Aide personnalisée au logement (APL) et Allocation de logement sociale (ALS), qu’on confond parfois sous le nom générique d’APL, permettent aux étudiants


(sans condition de ressource dans beaucoup de cas, compte-tenu de la non-déclaration des transferts familiaux) de couvrir une partie du loyer. Nous proposons une seule réforme, mais très


importante : l’obligation pour les étudiants et leurs parents de choisir entre le bénéfice de la demi-part fiscale et l’APL/ALS. L’idée est que l’Etat ne paye pas deux fois la même chose,


une fois aux parents et une fois aux enfants, afin de réaffecter de manière plus équitable l’économie ainsi réalisée aux étudiants eux-mêmes. On voit qu’il s’agit d’un dossier complexe,


touchant à de nombreux aspects de la vie étudiante, de la qualité générale de l’expérience universitaire, de la réussite étudiante mais aussi du financement des études ; il concerne plus


généralement l’efficacité et la place de l’enseignement supérieur dans notre pays. Il a une dimension fiscale et met en jeu des budgets considérables au titre des aides au logement (APL et


ALS) , mais relève aussi de la politique de développement urbain. Il implique des ministères différents, ainsi que les collectivités territoriales, qui obéissent à des logiques différentes –


tout cela freine les projets et en menace la cohérence. Nos propositions, dont nous avons esquissé les principales ci-dessus, sont parfois techniques car elles doivent rendre compte de


cette complexité. Mais elles cherchent toujours à s’inscrire dans une double perspective en faveur des étudiants : l’égalité des chances et la réussite de leurs études. 1 – Le constat


quantitatif : la confrontation des besoins à l’offre révèle des tensions qui ont des effets néfastes 1.1 – LA DEMANDE L’évaluation des besoins est complexe. Si c’est souvent la pénurie qui


est pointée, celle-ci n’est pas généralisée : la situation du logement étudiant est contrastée. La France compte presque 2,4 millions d’étudiants . Au niveau national, on estime que presque


un tiers d’entre eux habitent le foyer parental (contre presque la moitié à la fin des années 1990) , alors que deux tiers occupent un logement distinct. Autour de 1,6 millions d’étudiants


ont donc besoin d’un logement chaque année. Les deux tiers ont recours à l’offre locative privée de logement, soit presque la moitié de la population totale des étudiants. 160 000 d’entre


eux se tournent vers les résidences sociales, soit 10 % des étudiants « décohabitants ». Les étudiants restant habitent dans du logement social non résidence, des internats ou encore les


résidences des grandes écoles. 1.2 – L’OFFRE Quelle offre cette demande rencontre-t-elle ? Le premier constat est que cette offre, diverse, est difficile à évaluer. Elle se décompose pour


l’essentiel de la manière suivante : résidences sociales (gérées le plus souvent par le CROUS – Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – mais certaines d’entre elles sont


gérées par des associations, voire directement par un bailleur de logements sociaux), résidences étudiantes privées et logements locatifs privés « classiques ». L’OFFRE DE RÉSIDENCES


SOCIALES POUR ÉTUDIANTS EST INSUFFISANTE QUANTITATIVEMENT, SURTOUT EN ILE-DE-FRANCE Si elle n’est pas connue avec une absolue précision en raison de la diversité des acteurs publics


impliqués et d’une approche segmentée entre acteurs, notamment entre ministères, l’offre en résidences sociales, qui porte sur des chambres individuelles ou petits studios, et aussi depuis


peu sur des petites colocations en résidences, est, d’une manière générale, meilleur marché que les offres du secteur privé . Le CNOUS – Centre national des œuvres universitaires et


scolaires – gère, par l’intermédiaire des CROUS, un peu plus de 160 000 logements. On compare en général cette offre au nombre de boursiers : c’est en effet ce public, aux besoins


particuliers, qui est visé en premier lieu. Or le CNOUS dénombre plus de 620 000 boursiers, tous échelons de bourse confondus . En l’état actuel, l’offre de résidences étudiantes publiques


ne peut donc accueillir qu’un peu plus d’un quart des boursiers, soit moins de 10 % des étudiants décohabitants, soit encore à peine plus de 6 % de la population totale des étudiants. Le


ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche évalue lui-même le manque de logements étudiants collectifs entre 165 000 et 180 000 logements. Le CNOUS, qui se fixe l’objectif


urgent de loger entre 30 et 35 % des boursiers, considère pour sa part qu’il manque environ 60 000 logements. Mais ce manque de logements collectifs étudiants ne se fait pas sentir partout


de la même manière. La pénurie est particulièrement forte en Ile-de-France, qui compte plus de 635 000 étudiants, dont presque 114 000 boursiers, et encore plus à Paris qui compte 330 000 


étudiants, dont 52 000 boursiers, alors qu’il y a en Ile-de-France à peine 20 000 logements dans le logement collectif étudiant public, et moins de 5 100 places à Paris . Effectivement, le


parc immobilier estudiantin parisien ne peut prendre en charge que 10 % des boursiers, alors que la concentration de formations y attire beaucoup d’étudiants décohabitants. Hors de


l’Ile-de-France, la situation est légèrement moins tendue avec des taux autour de 20 %, soit 1/3 des boursiers. On est donc très loin de pouvoir loger tous les étudiants boursiers


décohabitants dans le parc social, et _ a fortiori_ tous les étudiants. Selon une règle empirique fréquemment invoquée, si l’habitat collectif public pouvait accueillir le tiers des


boursiers, la tension sur le marché de l’offre privée individuelle deviendrait plus supportable – c’est ce qui justifie la détermination de cet objectif intermédiaire d’urgence qu’était le


plan 40 000. L’OFFRE DE RÉSIDENCES ÉTUDIANTES COLLECTIVES PRIVÉES ET LE PARC PRIVÉ DIFFUS Il est normal que l’offre privée joue un rôle, en particulier pour les étudiants plus avancés dans


le parcours universitaire. Il est en revanche contestable qu’une partie de la population décohabitante se trouve piégée, dans les zones tendues, par une offre privée onéreuse, qui bénéficie


alors d’une demande captive. Cette offre se divise en deux volets : les résidences privées pour étudiants qui bénéficient d’incitations fiscales (Censi-Bouvard). Cette offre est hétérogène,


en général plus onéreuse que l’offre collective publique et proche des niveaux de prix du marché général ; le parc locatif privé diffus, qui accueille le reste des étudiants décohabitants


qui n’ont pas voulu ou n’ont pas pu se loger dans des résidences sociales ou privées. Sur ce segment du marché, les prix ont connu une forte hausse depuis dix ans, en particulier les loyers


pratiqués pour les petites surfaces fréquemment relouées. Le ministère du logement estime que les loyers à la relocation ont ainsi augmenté de 50 % en dix ans à Paris, ville la plus chère


(autour de 750 euros en moyenne pour un studio) avec une hausse annuelle entre 8 et 10 %. L’immense majorité des grandes villes universitaires connaissent des loyers entre 500 et 600 euros


en moyenne par studio et un renchérissement de 5 % en moyenne par an. Si la hausse des loyers a semblé se stabiliser en 2013–2014, c’est sans doute que l’on est arrivé à un plafond, après


une décennie de hausse. Les villes où les prix augmentent le plus dans le parc privé sont aussi celles où la pénurie est la plus forte, les villes universitaires les plus attractives et qui


rassemblent près d’un million d’étudiants : Paris, Toulouse, Lille, Lyon. Il est donc probable que la pénurie de l’offre de résidences sociales provoque une tension inflationniste sur le


marché locatif privé . 1.3 – CONSÉQUENCES DE LA PÉNURIE ET DES COÛTS ÉLEVÉS Pour mesurer les conséquences d’un logement étudiant rare et cher, il faut revenir au rôle social particulier


qu’il joue. Pour l’étudiant, ou le futur étudiant, le logement, et singulièrement la question de la « décohabitation » d’avec les parents, est l’un des paramètres de l’accès aux études


supérieures, du choix des études, et de leur réussite. Dans beaucoup de cas, la décohabitation s’impose à l’étudiant ou au futur étudiant en raison de l’éloignement entre le domicile


familial et le lieu des études envisagées. Il est évident que les chances de décohabitation sont plus élevées pour les études les plus sélectives, comme la médecine ou les CPGE (classes


préparatoires aux grandes écoles), et pour les études de niveau master, car ces formations sont concentrées géographiquement. La décohabitation est moins fréquente pour les Sections de


Technicien Supérieur (STS), qui sont généralement des études de proximité . Pour mener les études de son choix, particulièrement lorsque celles-ci sont sélectives, l’étudiant doit souvent


quitter le domicile familial. La répartition inégale, mais tout à fait logique, des formations sur le territoire doit alors être mise en relation avec la distribution géographique inégale


des groupes sociaux. Moins souvent parisiens, habitant davantage en périphérie des grandes villes ou dans le monde rural, les bacheliers issus de classes populaires doivent plus fréquemment


décohabiter, sous peine de limiter leurs choix à l’offre locale qui risque de ne pas correspondre à leurs aspirations ou à leurs possibilités. La décohabitation ne répond pas seulement à


l’éloignement géographique mais aussi à « la distance par rapport à la culture scolaire » du milieu d’origine . Sans surprise donc, les étudiants en STS (et dans une moindre mesure de


l’Université) vivent beaucoup plus au domicile familial que les étudiants des IUT (Instituts universitaires de technologie), des CPGE, de Médecine. Il y a donc bien un localisme des études


les moins sélectives, dont le choix est trop souvent un choix contraint. Ce sont donc les étudiants issus des milieux populaires qui auraient le plus souvent besoin de décohabiter. Or, ce


sont eux qui le font le moins, en raison du coût que représente le fait d’habiter indépendamment de leur famille (le logement est le premier poste dans le budget d’un étudiant, représentant


quasiment 50 % du budget total). D’ailleurs, la présentation statique de la demande à partir du nombre d’étudiants décohabitants masque une demande dissimulée : combien des 800 000 étudiants


qui restent chez leurs parents subissent-ils une contrainte économique qui les empêche de quitter le domicile familial ? Les études montrent que plus le logement étudiant est cher, plus ce


coût sera désincitatif à la décohabitation, non pas pour les étudiants issus des milieux les plus favorisés, mais pour les étudiants issus des milieux les plus fragiles. On mesure alors


mieux _ la mission sociale cruciale du logement étudiant collectif : faire diminuer au maximum l’impact du logement dans les inégalités devant l’enseignement supérieur_ . Ni les résidences


étudiantes privées, ni _ a fortiori_ le logement locatif individuel, ne constituent une alternative viable en raison de leur cherté. Etant donné les implications sociales de la question du


logement étudiant, il est légitime que la collectivité prenne en charge, d’une manière ou d’une autre, une partie des coûts : _ la politique du logement étudiant est au cœur d’une véritable


égalité des chances_ . Le coût du logement étudiant pose bien sûr la question de la précarité étudiante. En pratique, les études montrent que les boursiers aux échelons élevés, issus des


milieux les plus fragiles, sont relativement bien solvabilisés : l’accès au logement social étudiant, conjugué à l’aide au logement et aux bourses, leur permet de s’en sortir, surtout s’ils


peuvent accéder à un éventuel travail l’été. A l’autre bout du spectre, les étudiants issus des milieux favorisés bénéficient de transferts familiaux importants. C’est autour de l’échelon 0 


des bourses (30 000/45 000 euros de revenus familiaux selon les situations individuelles), et juste au-dessus, que la situation est plus critique. Dans les zones les plus tendues, l’étudiant


concerné n’aura peut-être pas accès au logement social et devra se loger au prix fort sur le marché privé, alors même que l’aide au logement n’est pas suffisante, qu’il ne touche pas de


bourses et que les transferts familiaux sont forcément limités. Dans les zones tendues, le déficit de logements sociaux a d’autres conséquences néfastes. Le report d’une part importante de


la demande sur le parc privé, outre la tension inflationniste, est aussi problématique en raison de l’inadéquation des caractéristiques de l’offre à la demande (besoin du logement seulement


dix mois sur douze, fréquents changements de logement…). Un autre effet pervers de la pénurie est qu’elle réserve de fait, dans les zones concernées, les résidences étudiantes sociales aux


étudiants boursiers, et aux plus fragiles socialement d’entre eux. Elle ne rend donc pas possible la mixité sociale. Il y a même un cercle vicieux puisque ce constat diminue l’attractivité


de ce type de logements pour un autre public, plus favorisé, quand bien même il pourrait y avoir accès. Si les résidences étudiantes n’ont pas vocation à accueillir _ tous_ les boursiers


(qui d’ailleurs n’ont pas ou ne ressentent pas forcément tous le besoin de décohabiter, ou qui préfèrent d’autres solutions de logement), elles n’ont pas non plus vocation à n’accueillir que


des boursiers. Il nous semble que les politiques devraient avoir pour objectif que les logements collectifs étudiants _ soient accessibles à tous et non réservés prioritairement aux


boursiers_ – ce qui n’est, en général, pas possible actuellement, car un effort massif de construction serait alors nécessaire. Mais, dans le même temps, on ne peut pas ignorer qu’un des


atouts des grandes écoles est le logement collectif à caractère universel. Il est un élément fort des dynamiques collectives qui se créent en leur sein et qui favorisent la réussite des


étudiants et leur insertion professionnelle. 1.4 – INADÉQUATION DE L’OFFRE L’OFFRE DE RÉSIDENCES SOCIALES N’EST PAS TOUJOURS ADAPTÉE QUALITATIVEMENT L’offre de résidences sociales,


suffisante ou non quantitativement, n’est pas non plus exempte de tout reproche. Si beaucoup a été fait pour moderniser et réhabiliter le parc, l’effort est loin d’être achevé. Si les trois


quarts des étudiants se déclarent satisfaits de leur logement, c’est le cas de seulement un quart de ceux qui vivent en résidence universitaire . Plus généralement, le positionnement du


logement étudiant par rapport à la communauté universitaire est problématique. Pour des raisons historiques, la gestion des résidences sociales pour étudiants est largement déléguée aux


CROUS, sous le contrôle du CNOUS au niveau national. Les universités n’interviennent que très peu dans les décisions, que ce soit au niveau régional ou national. L’Université en France s’est


désintéressée du logement étudiant, considérant sans doute qu’il s’agit d’un aspect pratique qui ne la concerne pas. Cela a des conséquences à deux niveaux. D’une part, il existe un risque


que les décisions prises par l’organisme de gestion du logement collectif (nouvelles constructions, type de logements, réhabilitations) ne correspondent pas aux besoins de la communauté


universitaire locale. D’autre part, la non-implication de l’Université dans un aspect aussi crucial de la vie étudiante affaiblit la communauté universitaire à plusieurs niveaux, empêchant


par exemple le logement étudiant de jouer le rôle socialisateur qu’il devrait avoir. Privée de ce catalyseur, la communauté estudiantine se construit, certes, mais elle n’est sans doute pas


aussi inclusive qu’elle pourrait l’être. De plus, ce désintérêt limite le rapport que construit l’étudiant avec son université et en détache la communauté estudiantine. Si cette dernière


était garante, dans une certaine mesure, des conditions de vie de l’étudiant, les liens avec l’étudiant en seraient plus intenses. Ce point est crucial car cela touche à un des problèmes de


l’université en France : la faiblesse de sa relation avec les étudiants. Il reste donc encore à faire des logements étudiants un cadre satisfaisant de vie et d’étude. L’Université gagnerait


donc à s’intéresser au logement de ses étudiants. Mais c’est aussi le cas des collectivités territoriales. Les universités ne sont pour le moment pas associées à l’élaboration du plan local


de l’habitat, par lequel les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale définissent leur action en matière de politique du logement, alors que les campus ont un


rôle structurant dans le développement urbain. Ils représentent souvent une fraction substantielle de la population (étudiants et personnels associés), ce qui induit de l’activité


économique. Ils sont même souvent à l’origine d’entreprises créées par les anciens étudiants ou par transfert technologique (voir l’exemple de Louvain-la-Neuve, ville nouvelle créée en 1970 


autour de l’université catholique de Louvain, scission francophone de l’université de Leuven). PROBLÈMES DANS LE PARC LOCATIF PRIVÉ Un facteur de tension sur le marché du logement étudiant,


tous segments confondus, réside dans l’inadaptation de certains aspects de la législation des baux aux particularités de la demande de logements étudiants. Le premier paramètre est que


l’année universitaire est plus courte que l’année civile. L’étudiant décohabitant, surtout les premières années, n’a bien souvent besoin d’un logement indépendant qu’au maximum 8 à 10 mois


par an. Dans le parc public, cela veut dire que les logements sont vides presque un tiers de l’année. Dans le parc privé diffus, cette contrainte est désincitative à la location étudiante.


De plus, la demande est de plus en plus volatile. Par exemple, le CROUS de Paris estime que chaque chambre est en moyenne occupée successivement par plus de deux étudiants par an.


Aménagement des cursus, séjours à l’étranger de courte ou moyenne durée, stages en région : l’étudiant change souvent de logement. Cette instabilité pèse sur les bailleurs et peut se


retourner contre le locataire si la législation ne l’accompagne pas : c’est d’ailleurs la principale justification des avantages fiscaux accordés aux propriétaires acquéreurs de résidences


privées 1.5 – ÉLÉMENTS DE COMPARAISON INTERNATIONALE Sans procéder ici à une analyse exhaustive des conditions de logement des étudiants en Europe, on peut donner quelques éléments de


référence. L’étude _ Social and Economic Conditions of Student Life in Europe 2012–2015_ permet de comparer, pour un nombre important de pays européens, dont la France, l’Allemagne, les


Pays-Bas et l’Italie, les conditions de logement. Les deux tableaux ci-dessous donnent, pour le premier, les pourcentages d’étudiants vivant avec leurs parents, seuls, en couple ou en


colocation, que ce mode de logement soit dans le cadre du parc général de logements ou de résidences étudiantes. Le second donne la proportion d’étudiants vivant en résidences étudiantes.


SITUATION DU LOGEMENT ÉTUDIANT SELON LES PAYS