« on a la force de battre l'extrême droite » : une étudiante argentine revient sur la lutte contre milei

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Avant le meeting internationaliste de Révolution Permanente le 24 mai à Paris, Le Poing Levé a interrogé des militants de la jeunesse de la Fraction Trotskyste, regroupement international de


RP, pour revenir sur les luttes en cours dans leurs pays et sur le rôle du mouvement étudiant pour faire face à l’extrême-droite et la course à la militarisation. Aujourd’hui, nous avons


parlé avec Keila Zequeiros, étudiante et conseillère municipale du Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) à San Salvador de Jujuy, province du nord de l’Argentine dans laquelle la gauche


révolutionnaire vient d’obtenir 8,5% des suffrages aux récentes élections. Elle nous raconte la lutte menée contre le président d’extrême droite Javier Milei depuis la jeunesse. RP : EN


FRANCE, ON ENTEND PARLER DE MILEI COMME L’UN DES MEILLEURS ALLIÉS DE TRUMP, QUI PRÉTEND ATTAQUER LES ACQUIS DE LA JEUNESSE ET DE LA CLASSE OUVRIÈRE À COUPS DE « TRONÇONNEUSE ». QU’EN EST-IL 


? L’objectif du gouvernement Milei est d’encore plus soumettre le pays aux USA et au FMI, et le restructurer selon les intérêts des grandes entreprises. Beaucoup de patrons se sentent donc


encouragés dans leur volonté d’augmenter les licenciements et les attaques contre les droits des travailleurs. Mais l’Argentine est aussi un pays qui a une grande tradition de lutte des


travailleurs, des étudiants et des secteurs populaires, qui mettent en déroute Milei à chacune de ses attaques. Il y a notamment une grande résistance des retraités qui manifestent tous les


mercredis devant le Parlement. En même temps, il y a des luttes locales, des résistances dans les lieux de travail comme les hôpitaux. Par exemple, il y a eu une grève des transports la


semaine dernière qui a été massivement suivie. Il y a aussi eu de grandes marches du mouvement féministe le 8 mars, une énorme marche le 24 mars pour les droits humains, et le 1er février


une mobilisation de la communauté LGBTI+ suite aux propos de Milei à Davos, et de très fortes mobilisations étudiantes en octobre dernier. Cela montre qu’il y a une grande colère dans le


pays. Mais le gouvernement compte sur le soutien des forces politiques péronistes et radicaux [Ndt- le centre-gauche et la droite traditionnelle qui ont historiquement gouverné le pays],


comme les gouverneurs de provinces, les députés, les directions syndicales et les bureaucraties étudiantes pour continuer à mener sa politique. RP : LA JEUNESSE A ÉTÉ AU CŒUR DES


MOBILISATIONS CONTRE MILEI. CEPENDANT, DEPUIS LA FRANCE, ON ENTEND QUE LE VOTE MILEI A ENTHOUSIASMÉ UNE PARTIE DE LA JEUNESSE, AUTOUR DU SOUTIEN À UNE FIGURE EXCENTRIQUE QUI PROMEUT


L’INDIVIDUALISME, QUI EST MISOGYNE ET RÉACTIONNAIRE. QUELS SONT LES SECTEURS DE LA JEUNESSE QUI ONT SOUTENU MILEI ET POURQUOI ? Le pouvoir cherche à faire croire que la jeunesse bascule à


droite, mais il y a une explication plus profonde. Il y a une frange de la jeunesse frustrée par le péronisme et le radicalisme soit les partis traditionnels de la bourgeoisie argentine, et


qui a cherché des débouchés dans le vote Milei. Mais il y a eu une division : un secteur se trouve déçu de ce gouvernement qui prétend s’attaquer à la « caste » mais s’en prend en réalité à


l’université et aux étudiants, et un autre, plus à droite, qui continue de le soutenir, ce qui illustre une polarisation politique la jeunesse. Ce phénomène représente une réaction à des


évènements progressistes comme le mouvement des femmes, la _Marea Verde_ grâce à laquelle on a conquis le droit à l’avortement, dans lequel la jeunesse était très présente. Il me semble donc


qu’il y ait deux secteurs : un secteur qui a voté Milei par frustration et qui voyait en lui des solutions économiques mais n’appuyait pas ses politiques réactionnaires, et un autre secteur


plus à droite, formé en réaction à la jeunesse à gauche, majoritairement composée de femmes qui ont d’autres valeurs de solidarité, de défense de l’université publique et de


l’environnement. On ne parle pas de cette frange de la jeunesse à gauche dans les médias, car ils ne veulent pas montrer qu’il existe une autre alternative pour les personnes frustrées par


les gouvernements précédents. RP QUELLE A ÉTÉ LA RÉPONSE DE LA JEUNESSE DEPUIS LES ÉLECTIONS, ET SA RÉACTION AUX POLITIQUES DE MILEI, NOTAMMENT CELLES TOUCHANT À L’UNIVERSITÉ ? Le


mécontentement de la jeunesse s’est le plus fortement exprimé dans le mouvement de l’an dernier. Il y a eu deux grandes marches universitaires, en avril et en octobre 2024, avec plus d’un


million de personnes dans tout le pays. Suite à ça, il y a eu une grande vague d’occupations d’universités. Mais dans certains endroits, comme à Jujuy, où j’habite et milite, il y a eu des


AGs au nombre plus limité, suite à la politique des forces qui dirigent les centres étudiants [1], les péronistes et les radicaux, qui ont défendu les intérêts des autorités des universités


plutôt que de mettre à profit la force des étudiants pour affronter Milei, alors qu’elle se déployait largement dans le pays. Il y a donc une bataille politique importante pour décider quel


rôle doit avoir le mouvement étudiant. Avec la jeunesse du PTS, on pense qu’il ne faut pas se contenter de défendre l’université publique, mais aussi lutter pour mettre l’université au


service de la majorité et construire l’unité avec les travailleurs contre le plan austéritaire de Milei. RP QUELLE A ÉTÉ L’INTERVENTION DU PTS DANS LE MOUVEMENT ? Avec la jeunesse du PTS, on


s’est mobilisé dans 32 universités et 86 campus dans tout le pays. Dès le premier jour on s’est battu pour qu’il y ait des assemblées, par filières d’études et par facs, pour discuter par


en bas et décider par vote. On a lutté pour que les centres étudiants convoquent ces assemblées. À Jujuy, où il n’y pas d’institutions de ce type animées par les étudiants, il manquait des


cadres d’organisation, malgré le fait qu’il y ait eu des AGs et des occupations de facs. On a donc lutté pour la reconstruction de ces centres. On a aussi impulsé des coordinations entre les


différentes universités en impulsant des assemblées inter-facs pour discuter par en-bas d’un plan de bataille. La première revendication était la défense du budget universitaire, que Milei


voulait réduire considérablement, et que sa baisse n’ouvre pas la voie à des attaques contre les travailleurs et les retraités. Mais on pense que la lutte pour l’université publique doit se


faire en indépendance des directions d’universités qui appliquent les politiques des différents gouvernements. Il y a donc eu une seconde bataille pour repenser le rôle de l’université et la


transformer, questionner au service de qui vont être mis les savoirs que l’on apprend. Aussi, on pense que l’auto-organisation n’a pas été suffisamment développée. Il y a donc un travail


important à faire pour atteindre chaque étudiant dans tous les cours de toutes les universités. Aussi, on a voulu éviter que la lutte universitaire soit isolée, et on a toujours appelé à se


mobiliser avec les professeurs, travailleurs et autres secteurs attaqués, pour pouvoir arrêter l’ensemble du plan de Milei et du FMI. Aujourd’hui, on exige une troisième marche


universitaire, après celles d’avril et octobre 2024, et un plan de bataille décidé par en-bas. RP : LES ORGANISATIONS PÉRONISTES QUI ONT DIRIGÉ LE MOUVEMENT SE DISENT « OPPOSANTES » À MILEI.


MAIS REPRÉSENTENT-ELLES RÉELLEMENT UNE FORCE D’OPPOSITION ? Les organisations qui se disent « opposantes » comme le péronisme ont été totalement complices, d’abord parce que leurs députés


votent les lois de Milei. Moi je suis d’une province, Jujuy, où une sénatrice du péronisme a par exemple voté une loi qui octroie la possibilité aux entreprises étrangères d’extraire des


matériaux sur les terres argentines. Mais au-delà des votes, les centrales syndicales péronistes ont une responsabilité car elles laissent passer les attaques du gouvernement, le laissent


réprimer les retraités dans les manifestations. Elles sont aussi complices. La plupart des jeunes qui ont voté pour les péronistes et les radicaux lors des élections des centres étudiants


sont déçus et des secteurs se tournent de plus en plus vers la gauche, notamment dans les universités où la jeunesse du PTS a mené des luttes importantes. Il y a une nécessité à lutter


contre la résignation que la bureaucratie essaye d’installer, avec l’idée que face au pire qui risque d’advenir il faut se contenter du moindre mal. C’est pourtant cette logique qui a mené


Milei au pouvoir. Il ne faut donc pas se résigner, mais chercher à obtenir une sortie de la crise en faveur de la majorité de la population. Contrairement à ceux qui veulent nous convaincre


qu’il y’a un capitalisme humain alors que la barbarie capitaliste est plus visible que jamais, avec un génocide se déroule sous nos yeux en Palestine, on revendique une solution socialiste.


RP : EN FRANCE, LE MOUVEMENT ÉTUDIANT ARGENTIN NOUS A BEAUCOUP INSPIRÉ, EN PARTICULIER LE FAIT QUE ÇA SE SOIT PRODUIT EN PARALLÈLE DU MOUVEMENT INTERNATIONAL DE LA JEUNESSE EN SOUTIEN AU


PEUPLE PALESTINIEN. DANS LE CONTEXTE ACTUEL, LE MOUVEMENT ÉTUDIANT À UN RÔLE À JOUER À L’INTERNATIONAL, FACE À LA MONTÉE DU NATIONALISME ET DU MILITARISME. C’EST DANS CE SENS QU’ON ORGANISE


UN GRAND MEETING INTERNATIONALISTE À PARIS LE 24 MAI. FACE AUX CRISES ET AUX GUERRES QUEL RÔLE PEUT JOUER LA JEUNESSE À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE ? C’est très émouvant de voir que le


mouvement argentin à un impact à l’échelle internationale et enthousiasme des étudiants de France. En Argentine, on suit de près toutes les mobilisations à travers le monde, notamment les


étudiants contre le génocide en Palestine car c’est un exemple pour nous pour affronter la répression dans les universités. La jeunesse peut lutter à l’international contre l’impérialisme,


tant en Argentine contre le pillage par le FMI, qu’en France et aux USA contre le soutien au génocide en Palestine. En Argentine, on pense qu’il faut un Cordobazo [2] du 21ème siècle. De


manière générale, la jeunesse peut apporter de la force aux luttes ouvrières et aussi des idées, comme le fait qu’il pourrait exister une autre société, une société socialiste où se planifie


l’économie en fonction des besoins et non des intérêts d’une minorité. Si on unit les étudiants qui se mobilisent pour la Palestine, le droit des femmes, l’écologie, qui commencent à


questionner ce système avec les travailleurs, il y a un potentiel énorme pour en finir avec ce système.