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1952 jours. Cinq ans, quatre mois et deux jours (1) après les terribles inondations du 3 octobre 2015 sur la Côte d’Azur, le groupe Orpea, leader mondial de la prise en charge globale de la
dépendance, a été mis en examen, a appris Nice-Matin. La juge d’instruction grassoise, Saveria Ducommun-Ricoux, lui a signifié le 5 février dernier les chefs "d’homicides involontaires
et de blessures involontaires". Trois résidentes étaient mortes noyées cette nuit-là au rez-de-chaussée du Clos Saint-Grégoire à Biot, maison de retraite gérée par Orpéa. QUATRE
PLAINTES Denis Delaup avait, le premier, porté plainte contre X pour homicide involontaire après la mort de Jacqueline Colombiet, 91 ans, grand-mère de son épouse. La pensionnaire, qui
occupait une chambre au fond d’un couloir de l’établissement du vallon des Combes, n’avait eu aucune chance. Une vague avait submergé le rez-de-chaussée. Quatre plaintes - dont trois pour
homicide involontaire et une pour mise en danger de la vie d’autrui - ont été déposées. _"Tout ce temps pour en arriver là, c’est inhumain et incompréhensible, mais c’est un
soulagement, on désespérait"_, confie Denis Delaup. Trois juges d’instruction se sont relayés sur ce dossier. Le 27 mars 2017, Guilaine Debras, ex-maire de Biot, avait été mise en
examen pour homicide involontaire. Tout comme le sera Yann Pastierik, responsable municipal du service des risques majeurs. Il aura fallu l’arrivée de la juge Ducommun-Ricoux, en août 2020,
pour que le dossier, depuis quasi endormi, ne connaisse un véritable coup d’accélérateur. "_Nous sommes très satisfaits,_ confient Me Philippe Soussi et Me Mathurin Lauze, avocats de
Denis Delaup. _Ce délai de plus de cinq ans est parfaitement anormal, mais la justice suit son cours. Notre objectif est d’obtenir le plus vite possible un renvoi devant une juridiction de
jugement."_ Les inondations d’octobre 2015 avaient coûté la vie à 20 personnes au total. (1) À la date de mise en examen du 5 février 2021 "UNE MISE EN EXAMEN DIPLOMATIQUE" Me
Michel Valiergue, ancien bâtonnier de Grasse, est l’avocat du groupe Orpea. Selon lui, cette mise en examen est_ "diplomatique",_ _"de commodité"_. Elle serait là pour
satisfaire les parties civiles uniquement. Il se dit dubitatif face cet acte de procédure. _"Mettre en examen aussi longtemps après, cela montre la sûreté du magistrat
instructeur"_, ironise-t-il. _"Il y a des parties civiles, dont nous comprenons la peine, mais qui sont particulièrement revanchardes."_ L’avocat du groupe se dit serein, et
satisfait, lui aussi, de cette mise en examen. _"Nous sommes à la disposition de la justice, nous avons donné dès le début les éléments qu’il fallait. Nous sommes ravis de pouvoir,
enfin, mettre le nez dans le dossier d’instruction, ce qui nous est refusé depuis le début."_ Selon lui, au vu de la nature des faits, _"si des reproches immédiats avaient dû être
faits, nous aurions été mis en examen courant 2016"._ L’avocat affirme avoir entendu "_tout et n’importe quoi dans ce dossier". _Alors qu’il a six mois pour le faire, il
n’entend pas contester la mise en examen, _"pour ne pas alourdir une procédure déjà très longue"._ UNE MAIRESSE "APATHIQUE", UN CADRE AU MATCH DE FOOT Pour sa mise en
examen, la juge d’instruction s’est notamment appuyée sur le "document zéro", dévoilé en mai 2017 par Nice-Matin. Il sera saisi par la justice par la suite. Ce contrat signé par la
municipalité, la police municipale, et la maison de retraite, et daté du 21 octobre 2005, stipulait qu'en cas d'alerte orange, la mairie devait envoyer un fax et un policier
municipal sur place. L'ensemble du personnel devait en outre rester jusqu'à sécurisation des résidents. Rien n’a été fait ce jour-là avant qu’il ne soit trop tard. Ce samedi 3
octobre, en dépit de l'alerte orange, l'effectif de jour rentrera chez lui après son service. Ne resteront que deux salariés de l'équipe de nuit. Toutes les communes de la
Côte d’Azur étaient pourtant en alerte depuis la mi-journée, via le système Viappel. Le maire de Biot a validé sa réception à 12 h 46 alors que l’équipe municipale était en réunion. Un
gendarme évoquera _"des difficultés opérationnelles_ ", un _"manque d'organisation tant sur le plan humain que matériel"_ et, plus grave, une _"négligence dans
la phase de pré alerte"_ et _"une méconnaissance des rôles de chacun_". Les enquêteurs de la brigade de recherches de Cannes, qui ont livré un rapport de synthèse édifiant dès
le 3 mars 2016, n’ont trouvé aucune mesure tangible prise par la municipalité jusqu’à 21h30. Le responsable des services des risques majeurs, Yann Pastierik, était ce soir-là au match de
foot Nice-Nantes, à l’Allianz Riviera. La juge avait relevé une "faute caractérisée". Il aurait délégué le suivi de la météo à une personne néophyte, non habilitée, et ne détenant
pas les codes de la plate-forme "Rainpol", qui permet de suivre les événements météo graves. Guilaine Debras était ce soir-là, malgré l’alerte, partie au Festival du livre de
Mouans Sartoux. Un "déni de la menace" selon une source proche de l'enquête. REPÈRES CHRONOLOGIQUES - 22 octobre 1991: Dans un article de Nice-Matin, consacré à l’inauguration
de la maison de retraite, ses promoteurs en vantaient les mérites : _"Nous sommes très loin des hospices d’antan à la sinistre réputation ." _ - Octobre 1993: Première grosse
inondation depuis son inauguration. Les pensionnaires sont évacués au premier étage. - Octobre 1999: Le rez-de-chaussée est de nouveau inondé, 51 résidents sont évacués. - Septembre 2005: Le
rez-de-chaussée est évacué in extremis grâce à l’intervention du boulanger, d’un policier municipal et d’une autre personne. _"Six résidents avaient de l’eau jusqu’au buste, je les ai
mis à l’abri dans ma voiture"_, a témoigné le boulanger, Philippe Brion. Cinq pensionnaires sont hospitalisés, une vingtaine d’autres relogés dans d’autres établissements. - 5 novembre
2011: Très grosses inondations, mais sans victimes - 3 octobre 2015: Trois pensionnaires se noient faute d’avoir été placées à l’étage