Philippe d’iribarne : «les rapports entre l’islam et la république posaient déjà question avant les frères musulmans»

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PHILIPPE D’IRIBARNE : «LES RAPPORTS ENTRE L’ISLAM ET LA RÉPUBLIQUE POSAIENT DÉJÀ QUESTION AVANT LES FRÈRES MUSULMANS» FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour le sociologue, le rapport sur l’entrisme


frériste doit nous inviter à repenser l’intégration de l’islam dans la République, à l’heure où les Frères musulmans font pression sur les musulmans vivant en Occident pour qu’ils refusent


tout compromis avec leur société d’accueil. Publicité _Directeur de recherche au CNRS, Philippe d’Iribarne a notamment publié _Islamophobie. Intoxication idéologique _(Albin Michel, 2019) et


 _L’Islam devant la démocratie_ (Gallimard, 2013_). ------------------------- Le rapport «Frères musulmans et islamisme politique en France» sème le trouble. Il est accusé de «stigmatiser»


l’ensemble des musulmans et de fracturer la société. Il importe de saisir précisément comment les musulmans sont concernés, dans leur diversité. Les Frères musulmans n’ont pas créé le fait


que les rapports entre l’islam et la République font question, ceci étant vrai pour les musulmans vivant en France comme dans les autres pays occidentaux. C’est que les trois grands piliers


de la République - Liberté, Égalité, Fraternité - ne sont pas recevables pour l’islam, en entendant par là l’islam du Coran et des hadiths - et pas seulement pour une déviation politique


contemporaine. Cet islam n’accepte pas la liberté de conscience : un musulman qui l’abandonne pour une autre religion mérite la peine de mort et, même là où en fait il ne court pas ce


risque, il se trouve fortement persécuté. Cet islam n’accepte pas l’égalité entre hommes et femmes : l’infériorité de la femme dans la vie sociale est affirmée par maints passages du Coran,


et pas seulement à propos des questions de témoignage et d’héritage. Cet islam n’admet pas une fraternité civique s’étendant à des non-musulmans : alors qu’il autorise un musulman à épouser


une non-musulmane, il entend garder «ses» femmes et interdit à une musulmane d’épouser un non-musulman. On n’a pas vu émerger un «islam des Lumières» dont les préceptes permettraient aux


musulmans qui vivent dans les pays occidentaux d’accepter les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité tout en se sentant en règle avec les préceptes de l’islam. De fait, ils


réagissent de façons extrêmement variées. À un bord, certains adoptent pleinement les repères de leur société d’accueil, et nombre d’entre eux abandonnent l’islam. Au bord opposé, d’autres


s’engagent dans le djihad. Entre les deux la plupart cherchent des compromis, en général tacites. L’acceptation d’une certaine égalité sociale des femmes ne paraît pas trop difficile. Il


l’est déjà nettement plus d’accepter qu’une fille épouse un non-musulman refusant de se soumettre à l’injonction de se convertir à l’islam. Le rejet, souvent violent, d’un membre d’une


famille ou d’une communauté locale qui devient chrétien est un point de résistance qui paraît très dominant. Il convient de bien montrer à ceux qui parlent de liberté, d’égalité et de


fraternité quand c’est à leur bénéfice, qu’il leur faudrait témoigner par leur manière d’agir de leur attachement à ces valeurs, s’ils veulent être pris au sérieux. Un islamo-réalisme serait


le bienvenu Les Frères musulmans tirent habilement parti de cette situation. Il s’agit pour eux d’obtenir que les musulmans vivant en Occident refusent tout compromis avec la société qui


les accueille. Ils travaillent à construire des écosystèmes au sein desquels non seulement les musulmans sont aidés à résister à la pression de la société ambiante, mais subissent une


pression sociale qui les oblige à coopérer à une telle résistance. Le développement d’un ensemble d’écosystèmes locaux débouche sur l’émergence d’une contre-société islamique avec une


perspective de libanisation de l’Occident. La place des femmes est au cœur de ce conflit de civilisations et l’adoption d’une tenue islamique joue un rôle stratégique. Elle permet de


distinguer ceux qui ont rejoint le bon combat de ceux qui le trahissent. Dans cette action, les Frères musulmans mobilisent au profit de leur cause les valeurs de liberté, d’égalité et de


fraternité qu’ils répudient quand il s’agit d’organiser les sociétés islamiques. Le monde occidental est sommé de respecter la liberté de conscience des croyants musulmans, alors même que


ceux-ci sont privés de cette liberté au sein de l’islam. Il est sommé de valoriser l’égalité entre religions, sans prêter attention au peu de cas que l’islam fait de l’égalité. Il est sommé


d’agir de manière fraternelle, en évitant toute «islamophobie», envers un islam qui se conduit de manière bien peu fraternelle à son égard. La première réaction qui s’impose, face à cette


entreprise, est de cesser, comme le fait déjà le rapport qui vient d’être communiqué, de se laisser duper par un discours instrumentalisant les valeurs de la République au service d’une


cause qui leur est hostile. Il convient de bien montrer à ceux qui parlent de liberté, d’égalité et de fraternité quand c’est à leur bénéfice, qu’il leur faudrait témoigner par leur manière


d’agir de leur attachement à ces valeurs, s’ils veulent être pris au sérieux. Un islamo-réalisme serait le bienvenu. Il ne suffit pas d’éviter tout amalgame entre musulmans, de confondre


ceux qui, même si c’est dans une démarche parfois hésitante, se laissent guider par les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, et ceux qui s’ancrent dans une pratique de l’islam


hostile à ces valeurs. Il s’agit d’intervenir dans les rapports entre ceux qui adoptent ces attitudes antagonistes. Ainsi, il est essentiel de protéger ceux qui résistent à la pression


sociale visant à les embrigader dans la construction d’une contre-société islamique. Rappelons l’expérience de la commission Stasi qui s’est prononcée, à une quasi-unanimité, en faveur de


l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école. Nombre de ses membres, au départ réticents, ont été convaincus par les témoignages de jeunes musulmanes affirmant que cette


interdiction était le seul moyen de leur permettre de résister à la pression sociale leur enjoignant d’agir en «bonnes musulmanes». Les Frères musulmans mobilisent à la perfection cette


pression sociale, en profitant d’un point aveugle de notre droit. Celui-ci ignore largement cette pression dès lors qu’elle ne met pas en œuvre la violence physique. Or, on constate une


évolution dans le sens d’une meilleure attention à ces pressions sans violence physique dans d’autres domaines de la vie sociale, telles les affaires de viols et de sévices sexuels ; il n’y


a aucune raison de la refuser pour les pressions islamiques. Est essentielle aussi la reconquête des «territoires perdus de la République» à commencer par l’école. Les professeurs qui ont la


lourde tâche de transmettre un enseignement qui ne censure pas la vérité historique lorsqu’elle est de nature à froisser la susceptibilité de ceux qui voient le monde à travers les lunettes


de l’islam sont à la peine. Ils doivent être soutenus beaucoup plus qu’ils ne le sont actuellement. Le fait que ce rapport ait été écrit et soit largement diffusé est historique. Mais ce


n’est qu’une étape d’un long combat.