Ottawa et l’industrie laitière s’engagent à protéger le système de gestion de l’offre

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Mais certains observateurs, et même certains qui travaillent dans l’industrie, affirment que le Canada devrait envisager de modifier le système vieux de plusieurs décennies, qui contrôle


l’approvisionnement en produits laitiers, pour apaiser l’administration Trump. Plus tôt cette semaine, le président américain a exprimé son mécontentement à propos de l’accès aux marchés


laitiers canadiens, qui était un point de friction majeur dans les négociations de libre-échange nord-américain pendant son premier mandat. «Le Canada est très dur. Il est très difficile de


faire des affaires avec eux, et nous ne pouvons pas les laisser profiter des États-Unis. Ils ne prennent pas la plupart de nos produits agricoles, de notre lait et de nos produits laitiers.


Ils le font un peu, mais pas beaucoup, alors que nous prenons les leurs», a-t-il déclaré aux journalistes lundi. Quelques heures plus tard, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé qu’il


avait conclu un accord avec Donald Trump pour suspendre les tarifs douaniers de 25 % sur les exportations canadiennes pendant au moins 30 jours, en échange d’un engagement à renforcer la


sécurité à la frontière et à lutter contre le commerce du fentanyl. On ne sait cependant pas ce qui se passera une fois ce mois écoulé. De plus, l’accord Canada-États-Unis-Mexique, signé en


2018, sera révisé l’année prochaine. Dans le cadre de cet accord de libre-échange, le Canada a accepté de permettre aux producteurs laitiers américains d’accéder à environ 3,5 % du marché


intérieur, mais les États-Unis ont depuis accusé le Canada d’avoir violé le pacte. > «Nous verrons certainement un combat. Ce sera une bataille > titanesque. Les Américains sont 


obligés de remettre en question la > gestion de l’offre», a déclaré Lawrence Herman, avocat > international et chercheur principal à l’Institut C.D. Howe. Howard Lutnick, le choix de


Donald Trump pour diriger le département du Commerce, a également montré du doigt l’industrie laitière lors de son audience de confirmation au Sénat la semaine dernière. «Le Canada traite


horriblement nos producteurs laitiers. Cela doit cesser. C’est un objectif clé de cette administration.» Mardi, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a affirmé que le


gouvernement défendrait les producteurs laitiers canadiens. «Nous avons toujours dit que nous protégerions la gestion de l’offre. Le Parti libéral est le parti qui a mis en place la gestion


de l’offre, nous sommes ceux qui l’ont protégée lors de la dernière renégociation (de l’accord de libre-échange) et nous serons là pour la protéger.» Le système canadien de gestion de


l’offre pour les produits laitiers, la volaille et les œufs a été établi à partir des années 1970 après une période de volatilité des prix. Il fonctionne en fixant des quotas de production


pour les agriculteurs, en garantissant des prix minimums et en maintenant des contrôles à l’importation. Luc Boivin, directeur général de la Fromagerie Boivin, à Saguenay, a déclaré que les


Américains avaient de bonnes raisons d’être mécontents de certains éléments du système, notamment du manque de transparence sur la façon dont les prix minimums sont fixés. > «La gestion 


de l’offre va être protégée au Canada. Mais est-ce > que ça va passer par une façon différente d’opérer la gestion > de l’offre? Je pense qu’il va falloir qu’elle soit > 


modernisée.» > —  Luc Boivin, directeur général de la Fromagerie Boivin Il a souligné le fait que le Canada avait accepté, lors des négociations commerciales de 2018, de supprimer les


classes distinctes pour certains ingrédients laitiers qui permettaient aux producteurs de les vendre à des prix inférieurs et rendaient les équivalents américains non compétitifs. Depuis,


des responsables américains ont affirmé que le Canada avait remplacé ces classes par une nouvelle qui continue de violer le principe du pacte commercial. «Je pense que les Américains, cette


fois-ci, vont arriver beaucoup plus préparés. Ils vont arriver beaucoup plus armés à la table des négociations», a soutenu M. Boivin. M. Herman est allé plus loin, affirmant que les


États-Unis pourraient exiger des concessions majeures sur le marché laitier. «Je pense que les Américains exerceront de très fortes pressions sur le Canada pour qu’il accorde aux


exportateurs américains de produits laitiers un accès plus large, mais aussi pour qu’il abandonne complètement la gestion de l’offre», a-t-il déclaré. UN PROJET DE LOI «CONSTERNANT» Charles


Langlois, président d’un groupe industriel québécois représentant les producteurs laitiers, a dit qu’à sa connaissance, la gestion de l’offre ne fait actuellement pas partie des négociations


tarifaires avec les États-Unis. Les concessions faites lors des récents accords commerciaux avec les États-Unis, l’Union européenne et les pays riverains du Pacifique ont déjà ouvert


environ 10 à 12 % du marché laitier canadien à d’autres pays, a-t-il rappelé. > «On tient à ce que notre système de gestion de l’offre ne soit > pas touché, parce qu’il assure un 


environnement stable à > l’industrie et assure un bon produit aux consommateurs et de bons > prix.» > —  Charles Langlois, Conseil des Industriels laitiers du Québec > inc. De


son côté, M. Boivin a fait savoir que son entreprise familiale de quatre générations a déjà ressenti l’impact de ces concessions en raison de la concurrence accrue pour les fromages


importés. «On n’est pas en croissance présentement», a-t-il déclaré. En 2023, la Chambre des communes a adopté un projet de loi déposé par le Bloc québécois qui aurait protégé les marchés


des produits laitiers, des œufs et de la volaille soumis à la gestion de l’offre contre de futures concessions commerciales. Le projet de loi a reçu un large soutien de tous les partis, mais


a fait face à une opposition au Sénat et est mort au feuilleton lorsque Justin Trudeau a prorogé le Parlement le mois dernier. M. Herman a qualifié le projet de loi de «consternant»,


puisque le Canada fait face à une «crise d’une grande ampleur» avec les États-Unis. «Cela reflète l’emprise flagrante que les producteurs laitiers du Canada ont sur les politiciens à Ottawa.


En fin de compte, c’est une question de votes.» Selon lui, l’élimination de la gestion de l’offre enlèverait un irritant commercial majeur et permettrait aux producteurs canadiens de


rivaliser à l’échelle internationale. Jodey Nurse, chargée de cours à l’Institut d’études canadiennes de McGill, croit cependant que les agriculteurs canadiens auraient du mal à survivre si


la gestion de l’offre était supprimée. «Nous serions inondés de produits laitiers, d’œufs et de volaille en provenance des États-Unis et d’ailleurs. Je pense que les producteurs canadiens ne


pourraient pas être compétitifs.» Elle estime que les menaces tarifaires de Donald Trump renforcent la détermination des Canadiens à défendre leur industrie laitière. «Je pense que la


plupart des Canadiens reconnaissent que la nourriture n’est pas un simple gadget. La nourriture est quelque chose qui doit être protégé», a-t-elle indiqué.