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Donald Trump s'est exprimé dans un communiqué le 5 mai, estimant que la décision de Facebook, justifiée par le Conseil de surveillance, était une « honte totale ». © Crédits photo :
Olivier Douliery / AFP. ENTRETIEN AVEC FLORENCE G'SELL Facebook et Instagram ont eu raison de suspendre le compte de Donald Trump, estime l’organe de surveillance des plateformes, qui
les enjoint de respecter à la lettre leurs CGU. La juriste Florence G’Sell nous explique cette décision, dans sa portée et ses limites. propos recueillis par Quentin Meunier Publié le 06 mai
2021 Le Conseil de surveillance (_Oversight Board_) de Facebook et d’Instagram vient de conforter la plateforme dans sa décision de suspendre les comptes de Donald Trump, prise le 7 janvier
après l’attaque du Congrès américain par certains de ses partisans extrémistes. Seule réserve : le Conseil demande à Facebook de statuer sur la sanction définitive à appliquer à l’ancien
président américain dans les six prochains mois. Florence G’Sell, professeure à l’université de Lorraine et co-directrice de la Chaire digital, gouvernance et souveraineté de Sciences Po,
analyse la portée de cette décision. _LE CONSEIL DE SURVEILLANCE DE FACEBOOK A DÉCIDÉ DE MAINTENIR LA SUSPENSION DE DONALD TRUMP. POURQUOI CETTE DÉCISION ?_ FLORENCE G'SELL : Le Conseil
devait déterminer si Facebook avait raison de suspendre le compte le 7 janvier, après les évènements du Capitole. Il avance que les propos tenus par Donald Trump étaient dangereux et que,
compte tenu de son audience sur Facebook et Instagram, cela créerait un risque très important. L’analyse est finalement très pragmatique. Le Conseil rappelle qu’il y a trois types de
sanctions prévues par les conditions générales de Facebook : la suppression d’un contenu, une suspension temporaire pour une durée déterminée, ou une désactivation définitive. Or, en
décidant de suspendre le compte de Donald Trump de manière indéterminée, la plateforme ne suivait pas ce qui était prévu. C’est pour cela que le Conseil estime que Facebook doit se prononcer
à nouveau sur la sanction de manière plus conforme à ses conditions générales. _QUE PENSEZ-VOUS DE CETTE DÉCISION ?_ Sur le fond, on peut considérer qu’il fallait suspendre le compte de
Donald Trump à ce moment-là. Sur le reste de la décision, je suis un peu plus circonspecte. J’ai l’impression que le Conseil a joué sur les mots avec les conditions générales : la question
posée par Facebook revient quand même à demander s’il faut laisser Trump revenir ou pas. Le Conseil de surveillance n’y répond pas vraiment et renvoie la balle à Facebook, la suspension «
indéterminée » ressemblant quand même fortement à une suspension définitive. On aimerait bien avoir leur avis là-dessus ! Deux points me mettent assez mal à l’aise. Officiellement, ce
Conseil de surveillance statue au regard de la politique de Facebook et de ses conditions générales. Et puis il y a toute une référence au droit international, aux droits de l’Homme. Le
Conseil s’y réfère et souligne que ces textes sont appliqués parce que Facebook a fait le choix de les intégrer dans ses valeurs et sa politique de contenu. On a le sentiment que ces
références sont là pour faire bonne figure, mais que ce qui compte d’abord, ce sont les conditions générales de Facebook. Le Conseil de surveillance de Facebook doit encore s'affirmer
pour jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir vis-à-vis de la plateforme, qui décide seule de ce qui peut être vu. Il donne l’impression de valider ce qu’a fait Facebook. La légitimité
qu’a Trump à s’exprimer est un peu mise au second plan. Pourtant, en janvier, des gens comme Edward Snowden, Alexei Navalny, Angela Merkel se sont dit très troublés. Je ne vois pas dans la
décision du Conseil de réponse très approfondie à ces objections. Il demande à Facebook d’appliquer ses conditions générales, on reste dans l’univers de la plateforme. La justification est
un peu décevante pour moi de ce point de vue-là. Je ne suis pas à l’aise avec la réflexion concernant le statut des chefs d’État, des grands dirigeants, des gens qui représentent un
gouvernement. Le Conseil de surveillance a l’air de considérer que les questions de modération se posent de la même façon que l’on soit un président élu par des millions de personnes ou un
influenceur suivi par des millions d’abonnés. Je m’attendais à quelque chose de plus étayé sur ce point-là. > Facebook officially silences the President of the United States. For >
better or worse, this will be remembered as a turning point in the > battle for control over digital speech. https://t.co/RBfoIn4ENE > — Edward Snowden (@Snowden) January 7, 2021
_QUELS ÉLÉMENTS SUPPLÉMENTAIRES AURIEZ-VOUS AIMÉ VOIR MIS EN AVANT PAR LE CONSEIL ?_ Le Conseil n’a pas une posture facile. Il doit appliquer les valeurs de Facebook. Le site lui se réfère
au droit international — terme assez vague. Il me semble qu’il y avait quand même une possibilité d’aller plus loin sur la question du droit d’accéder à l’information, de connaître ce qu’a à
dire le président des États-Unis en exercice, la possibilité de connaître certaines informations, fussent-elles choquantes. Des millions de gens ont voté Donald Trump, une portion
significative du monde le connait : c’est quelque chose qu’on peut mettre en balance avec l’impératif de sécurité qui est avancé. _QUELLE SERA LA PORTÉE DE CETTE DÉCISION DANS LES FUTURS
CHOIX DE MODÉRATION DE FACEBOOK ?_ Cette décision dit surtout à Facebook : _« Appliquez vos conditions à la lettre._ _Vous avez le droit de considérer qu’un dirigeant comme Donald Trump
porte atteinte à l’ordre public, mais dans ce cas-là, résolvez le problème en conformité stricte avec vos conditions générales. »_ Le Conseil conforte Facebook dans son choix d’intervenir
contre des élus, des grands dirigeants, et ce n’est pas négligeable. D’autres chefs d’État sont concernés : Facebook a restreint pendant trente jours le compte du président vénézuélien
Nicolas Maduro, pour sa promotion de remèdes alternatifs au Covid-19. > Cette décision dit surtout à Facebook : _« Appliquez vos > conditions à la lettre._ _CETTE DÉCISION
CONFORTE-T-ELLE LE CHOIX D’AUTRES PLATEFORMES QUI ONT BANNI DONALD TRUMP ?_ Twitter, qui a supprimé le compte de Donald Trump, a aussi appliqué _stricto sensu_ ses conditions générales. Là,
on était encore une fois dans les clous. Et la décision du Conseil de surveillance de Facebook n’exprime aucune opposition de principe à cette application par les plateformes. _DE QUELS
RECOURS DONALD TRUMP POURRAIT-IL ENCORE BÉNÉFICIER ?_ Donald Trump a fait un communiqué extrêmement violent. C’est difficile de savoir ce qu’il peut faire de plus ; il a déjà fait des
recours peu fondés par le passé. Sur le plan strictement juridique, il semble difficile qu’il puisse tenter une action supplémentaire. Notons quand même que la Floride a voté le 29 avril
2021 un texte interdisant la déplateformisation de personnalités politiques. On peut douter de la constitutionalité de cette loi, mais il y a toujours une possibilité pour Donald Trump de
l’utiliser. Il est plus probable qu’il aille s’épanouir sur d’autres plateformes : Parler, le réseau social de _l’alt-right_ américaine, sera bientôt de retour sur l’App Store. FACEBOOK, UN
MÉDIA COMME UN AUTRE ? - ÉPISODE 1/5 En 15 ans, Facebook est devenu l’arène centrale de l’espace public numérique, et Mark Zuckerberg, son patron, l’un des hommes les plus influents de la
planète. Influent, mais controversé. Le média de masse le plus populaire accumule les scandales. Plongée dans les coulisses de cette mutation.