Avignon : le chemin intime des transgenres recueilli par didier ruiz

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"Trans (més enllà)", proposé par Didier Ruiz au Festival d’Avignon, donne la parole à des personnes transgenres. Elles racontent leur long chemin pour réconcilier leur tête avec


leur corps. Un moment de partage, de respect et de douceur. France Télévisions - Rédaction Culture Publié le 12/07/2018 10:25 Mis à jour le 20/07/2018 10:00 Temps de lecture : 4min Ce sont


ces oubliés que l’on marginalise, que "Trans (més enllà)" met en lumière. Sandra, Clara et Leyre étaient des hommes, Danny, Raul, Neus et Ian le sont devenus aujourd’hui. Raul


entre en scène et, surprise, il nous raconte l’histoire du vilain petit canard qui a subi bien des vicissitudes avant de devenir un beau cygne. Ruiz évince d’emblée tout sensationnalisme,


ancre son spectacle choral dans une culture commune. Comme le petit canard, les sept personnes qui vont témoigner tour à tour ont connu un long et douloureux chemin avant de se trouver. Car


le malaise de se sentir étranger à son corps, remonte pour tous à l’enfance : "Je rêvais d’une femme qui me transmettait beaucoup de paix ; j’ai compris que cette femme c’était


moi" (...) "Je n’entrais dans aucune case, on m’insultait on me crachait dessus" (...) "J’essayais de dissimuler ma féminité, mais elle ressortait encore plus". En


mots simples, avec humour souvent, ils disent les doutes, les souffrances, la solitude, les ruptures familiales, la tentation parfois d’en finir. Didier Ruiz a rencontré trente-deux


personnes pour n’en retenir que sept. Sur le modèle d’"Une longue peine", son précédent spectacle qui racontait l’enfermement de ceux qui ont connu la prison, Il a recueilli leurs


témoignages à Barcelone. "Une parole accompagnée" comme il l’appelle, où chacun est invité à reformuler son témoignage pour le public, sans passer par l’écrit.  Âgés de 22 à 60


ans, issus de milieux socio-professionnels très divers, Clara, Sandra, Leyre, Neus, Danny, Raúl et Ian nous livrent des morceaux d’existence. Quand Laure, devenue Raoul, annonce sa décision


à ses parents, son père a pour seule réponse : "mais qui va te donner du travail ?". A côté, sa mère pleure silencieusement. Certains ont connu le chômage, l’exclusion. D’autres


ont eu de bonnes surprises comme Sandra, maintenu dans son emploi de vendeur, et dont le patron a imposé une charte éthique aux employés, pour couper court aux moqueries. Puis vient la


période de la transition : "Je me suis senti comme dans un shaker" dit l’un. "Je suis un homme mais je n’ai pas de pénis, on n’a pas besoin d’un pénis pour être un homme"


dit Danny à la carrure de déménageur, et qui pourtant n’a pas voulu aller au bout de la transformation.  "On me demande : c’est quoi être un homme ? Je n’en sais rien, je ne savais pas


non plus définir la femme que j’étais alors. Je voulais juste être moi-même". Ou ce constat goguenard : "Désormais c’est à moi qu’on donne l’addition, alors que je n’ai pas un


rond !". Il se dégage de ce groupe une grande dignité, une grande détermination, une grande écoute mutuelle. Ils se reconnaissent. Clara est devenue femme à 60 ans, pendant la création


du spectacle, un discret sourire ne quitte pas ses lèvres. Tous semblent avoir toujours habité ce nouveau corps. Le choix d’un nouveau nom est une étape importante dans leur histoire. Maria


de la Rosa s’appelle désormais Ian de la Rosa pour garder une petite partie de cet autre soi-même. Laure a juste changé l’ordre des lettres de son prénom et s’appelle désormais Raoul. Quand,


aux saluts, ils déclinent l’un après l’autre leur identité et leur profession, on a la gorge nouée. Une heure trente pour faire évoluer notre regard…  [embedded content]