Présidentielle en pologne : avec nawrocki, varsovie tourne à nouveau le dos à bruxelles

Son rôle sera loin d’être honorifique, surtout en ces temps de guerre, où il accuse l’Ukraine, pays limitrophe sur plus de 600 kilomètres, de _« manquer de gratitude »_. Chef de l’Etat,

commandant suprême des forces armées, le président dispose en outre d’une arme redoutable : un droit de veto, par lequel il peut bloquer toute loi qui lui déplaît. C’est ainsi que le

Président sortant, Andrzej Duda, autre proche du PiS, qui après deux mandats ne peut plus se présenter, a freiné au cours des mois passés les réformes du Premier ministre conservateur Donald

Tusk. Ainsi, la réorganisation de fond en comble de la justice a été retardée et un texte libéralisant l’accès à la pilule du lendemain rejeté. NAWROCKI INTRAITABLE _« Deux visions

diamétralement opposées de la Pologne s’affrontent »_, pointe Aleksandra Rybinska, experte au think tank de droite L’institut de Varsovie, tandis que la politologue à l’Académie des sciences

de Varsovie Monika Sus met en garde contre «_ une situation inquiétante dans un pays toujours plus polarisé »_. Depuis plus d’une décennie, en effet, populistes et progressistes s’opposent.

De 2014 à fin 2023, les premiers ont transformé la Pologne en démocratie illibérale, rejetant les valeurs de l’Union européenne, limitant les droits fondamentaux, comme l’avortement, la

liberté de la presse et l’indépendance de la justice. Il y a un an et demi, Donald Tusk, chef de la coalition pro-européenne, est revenu au pouvoir, et a tenté de faire marche arrière. S’il

a récupéré la télévision publique par la force, il peine toujours à réformer la magistrature et à libéraliser la société, d’autant que, dans son gouvernement, certains partenaires

minoritaires sont farouchement contre l’interruption de grossesse et le mariage gay. Il aura désormais face à lui un Nawrocki qui a promis à l’extrême droite d’être plus intraitable encore

que son prédécesseur, Duda. « UNE SORTE DE DUDA, EN PLUS JEUNE » Qui est le nouveau locataire du palais Koniecpolski, l’immense bâtiment néoclassique au cœur de Varsovie, dont les parterres

sont déjà fleuris de tulipes rouges et blanches, les couleurs nationales ? Un père de trois enfants, fervent catholique, viscéralement anti-avortement et anti _« idéologie LGBT »_. Ancien

directeur du musée de la seconde guerre mondiale, puis du prestigieux Institut de la mémoire nationale, il assure s’être senti investi du devoir _« de raconter au monde l’histoire polonaise,

à la fois douloureuse et glorieuse. »_ Sur le plan international, il prône un nationalisme sans faille, a assuré que son pays fermera ses frontières aux migrants, y compris ukrainiens,

qu’il n’enverra aucun soldat se battre pour Kiev, qu’il conservera la monnaie nationale, le zloty, qu’il n’appliquera pas le Green deal et ne signera jamais de nouveau traité avec Bruxelles.

Souverainiste convaincu, il a été reçu en grande pompe par Donald Trump dans le bureau ovale, le 2 mai. Inconnu du grand public à l’automne dernier, il a été choisi par le PiS pour incarner

un renouveau, _« une sorte de Duda, en plus jeune »_, explique un des conseillers du parti. Au début, il a eu du mal à décoller dans les sondages, d’autant que ses ennemis ont multiplié les

peaux de banane. Par exemple, en révélant que cet ex-boxeur de haut niveau, hooligan à ses heures et videur de supermarché avait traîné dans sa jeunesse avec la pègre des bas-fonds de

Gdansk, sa ville natale. _« Peut-on vraiment lui faire grief d’avoir été élevé dans un milieu modeste et d’avoir côtoyé des camarades de sport qui ont mal viré ? »_, s’indigne Aleksandra

Rybinska, qui le trouve au contraire _« très méritant »_. UNE COHABITATION MUSCLÉE Même le scandale immobilier rendu public en fin de campagne, selon lequel Nawrocki aurait racheté à prix

cassé l’appartement d’un vieillard dépendant ne l’a pas empêché de triompher de son concurrent, Rafal Trzaskowski. Longtemps favori, le maire de Varsovie, a fini par être sanctionné dans les

campagnes pour ses penchants progressistes, urbains et cosmopolites. Lire aussi Forcé à une cohabitation musclée avec Nawrocki, Tusk se prépare à un avenir difficile. Une période de

turbulence politique s’ouvre donc en Pologne, avec, au mieux, la poursuite de l’immobilisme institutionnel, au pire des législatives anticipées, et davantage de polarisation encore. En

théorie, les prochaines élections générales ont lieu en 2027.