Retenue à la source : le choc de simplification à l’épreuve du conservatisme administratif | terra nova


Play all audios:

Loading...

Introduction Le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu est une attente ancienne du contribuable français. Le débat, engagé dès les années 1930, rebondit d’alternance en


alternance. L’idée est assez évidente : substituer à un régime de recouvrement totalement dépendant de ce qu’on appelle la « déclaration d’impôt » un dispositif de prélèvement direct sur la


feuille de paie (ou équivalent) des ménages qui réduise la « déclaration » à un simple rôle de régularisation ex post et d’ajustement à la marge. Il s’agit de réduire le poids des procédures


et des contrôles administratifs, ainsi que le décalage existant entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant. En effet, l’organisation actuelle du prélèvement


fait que le contribuable s’acquitte de l’impôt dû pour les revenus de l’année précédente, même si ses revenus ont significativement baissé entre-temps. Compte tenu des aléas professionnels –


un tiers des contribuables subissent des pertes de revenu d’une année sur l’autre, dont 10% d’au moins 30% -, une telle organisation génère de l’incertitude, et accentue la constitution


d’une épargne de précaution. Elle se traduit également par une moindre efficience de la politique fiscale, du fait des délais importants qu’elle induit entre le vote d’une disposition


fiscale, dans le cadre du PLF en particulier, et sa répercussion financière lors de l’acquittement de l’impôt. Ainsi le passage au prélèvement à la source, qui est appliqué par la très


grande majorité des pays de l’OCDE , a été envisagé par nombre de gouvernements de gauche comme de droite. Évoquée par le gouvernement Raffarin en 2006, puis reprise par le gouvernement


Fillon en 2011, cette réforme constitue également un engagement du candidat Hollande en 2012 . Elle répond surtout à une attente collective, 66 % des français s’y déclarant favorables .


Toutefois, sa mise en œuvre suscite des oppositions particulièrement vives, en particulier au sein des administrations de contrôle et des services fiscaux. Certains arguent que la valeur


ajoutée du PAS serait en réalité limitée du fait des mesures déjà adoptées pour simplifier le paiement de l’impôt sur le revenu. On relève que 73 % des contribuables français sont désormais


mensualisés. Que le paiement soit effectué sur une base mensuelle ou par tiers provisionnel, il se fait par voie dématérialisée (prélèvement automatique, virements) dans 90 % des cas. Par


ailleurs, la déclaration de revenus a été simplifiée, de nombreuses cases étant maintenant pré-remplies. On objecte également que le PAS serait coûteux pour les entreprises qui dans le cas


des salariés auront à effectuer le prélèvement pour le compte de l’État, ce qui pourrait également nuire à la confidentialité de données sensibles, en particulier pour la relation entre


employeurs et salariés. De plus, le PAS n’éliminerait pas toutes les formalités administratives, le contribuable devant toujours transmettre diverses informations complémentaires pour


finaliser le calcul de l’impôt. Enfin la transition du système actuel vers le PAS présenterait des difficultés techniques, nécessitant un lissage fiscal long et complexe. Ainsi, prenant le


contrepied des rapports officiels précédents sur la question, le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) a estimé dans un rapport de 2012 que le PAS était une réforme présentant plus


d’inconvénients que d’avantages. Il y aurait des alternatives préférables, en améliorant par exemple les options offertes par le fisc pour moduler ses acomptes mensuels ou obtenir des délais


de paiement, en cas de baisse des revenus. Dans l’ensemble, « certains des arguments historiquement avancés en faveur du prélèvement à la source » auraient « perdu de leur poids », selon le


président de la Cour des Comptes, Didier Migaud. Comment comprendre une telle divergence de points de vue ? D’un côté, on trouve les arguments de la simplification et de la rationalisation


administratives, avec à la clé un impact macroéconomique sur la confiance des ménages. De l’autre les arguments du réalisme et les vertus du statut quo. Il s’agit de pouvoir trancher en


confrontant ces logiques et arguments – ce que nous nous efforcerons de faire ici. Mais il s’agit aussi de remettre en perspective ce débat sur le PAS dans le cadre plus large des réformes


structurelles. Le PAS est-il une adaptation anodine de notre système fiscal, de nature essentiellement technique ? Ou ouvre-t-il des horizons plus larges, point de passage obligé de la


refonte et de la rationalisation de notre fiscalité ? A en juger par l’intérêt collectif que suscite cette question, et les craintes qu’elle éveille notamment au sein de l’administration


fiscale, il apparaît clairement que les enjeux de cette réforme comportent des dimensions variées, qu’il convient d’appréhender globalement pour juger de l’intérêt du PAS. Il s’agit de


déterminer en particulier à quelles conditions cette réforme pourrait générer des gains de bien-être collectif. Quel effort de rationalisation de l’administration fiscale pourrait-elle


rendre possible ? Quelles étapes pourraient suivre dans la modernisation de notre système fiscal ? L’objet de cette étude est aussi d’identifier les différents scenarii possibles concernant


la mise en œuvre du PAS, et d’en mesurer les avantages et les inconvénients, y compris dans le cadre élargi de la refonte de la fiscalité des revenus et de la modernisation du travail de


l’administration fiscale. 1 – Simplicité et efficience économique : les vertus du PAS 1.1 – UN SYSTÈME FISCAL SIMPLIFIÉ ET PLUS LISIBLE L’obligation de déclarer ses revenus relève du


consentement à l’impôt. Sous l’Ancien Régime, les sujets ne pouvaient que subir l’impôt, si bien que ce principe du consentement à l’impôt a correspondu à une avancée démocratique,


garantissant à chacun de ne subir aucun prélèvement discrétionnaire. En France, ce principe a été acquis avec la Révolution française et la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de


1789. Les citoyens consentent librement à la contribution publique par leurs représentants, et l’approche déclarative est venue conforter cette philosophie avec l’émergence de l’impôt sur


le revenu des personnes physiques au début du XXème siècle. Le système actuel se traduit ainsi par un double consentement, par la voix du Parlement, qui vote les lois de finances et exprime


le consentement du peuple à l’impôt, et par le biais des déclarations individuelles. Cette vision de l’impôt participe des garanties démocratiques proclamées par la Constitution. Mais sa


traduction dans notre organisation fiscale présente de gros inconvénients de complexité. Elle oblige le citoyen à attendre que l’administration ait liquidé son impôt, une fois l’année


terminée. Ainsi non seulement lui faut-il épargner par anticipation lorsqu’il perçoit ses revenus, mais encore lui faut-il estimer le montant futur de cet impôt. Tout en prenant en compte


l’évolution probable de sa propre situation ainsi que d’autres paramètres exogènes tels que la fiscalité locale. Une telle organisation crée donc, par sa logique bureaucratique, une


incertitude et des contraintes importantes pour les ménages français. L’objet du prélèvement à la source est de remédier à ces difficultés, sans revenir sur le principe du consentement. Pour


l’essentiel de leur impôt sur le revenu (IR), la réforme évitera aux ménages – et, au premier chef, aux salariés – de payer eux-mêmes et avec un an de décalage, en demandant aux personnes


qui leur versent ces revenus de s’en acquitter pour leur compte lors et en proportion de ce versement. Elle offrirait donc un progrès considérable en termes de d’efficacité et de lisibilité


de l’impôt en rapprochant les calendriers de disponibilité des revenus et du prélèvement fiscal, facilitant sa compréhension, et donc son acceptation. Certes, dans cette conception française


de la citoyenneté fiscale, le prélèvement à la source ne dispensera jamais le contribuable de certaines responsabilités administratives : signalement des changements dans sa situation


personnelle et familiale, complètement et validation de sa déclaration de revenus, suivi de son compte fiscal en ligne et de l’avis d’imposition… Par construction, le PAS ne réduira pas la


complexité intrinsèque de l’impôt, car comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires « les démarches pour le calcul de l’impôt dépendent d’abord de la complexité de l’impôt


lui-même, et non pas de son mode de paiement ». Toutefois, ces opérations déclaratives seront rendues entièrement automatiques, et donc singulièrement allégées, pour la grande masse des


contribuables. Cette modernisation représenterait donc un progrès majeur sur la voie d’un impôt citoyen. Sa personnalisation serait renforcée puisque le prélèvement sera ajusté en temps réel


aux revenus effectivement perçus tandis que le foyer fiscal et le revenu global resteront pris en compte dans la déclaration annuelle, toujours nécessaire pour régulariser en tant que de


besoin le solde d’impôt l’année suivante. 1.2 – UNE RÉFORME UTILE POUR L’ÉCONOMIE Cette réforme serait utile à l’économie et contribuerait par plusieurs canaux à améliorer les performances


macroéconomiques du pays : RÉDUIRE L’ÉPARGNE DE PRÉCAUTION AU PROFIT DE LA CONSOMMATION La dette fiscale liée au paiement différé de l’impôt représente une source d’inquiétude, compte tenu


des risques qui pèsent aujourd’hui sur l’emploi pour de nombreux contribuables et également de l’instabilité du système fiscal français. Elle constitue un motif d’épargne dite de « 


précaution ». Cette épargne qui vise à « constituer une réserve contre les circonstances imprévues » (Keynes) a d’autres motifs (couverture des aléas professionnels, de santé…), mais joue un


rôle essentiel dans l’accumulation du patrimoine, à côté de la préparation de la retraite et de la transmission intergénérationnelle. Ainsi les modalités de paiement de l’impôt influent


indirectement sur la répartition des revenus entre consommation et épargne. Le PAS permettrait de réduire une partie de l’aléa financier qui pèse sur les ménages, et par suite de l’épargne


de précaution qui en résulte. Cette réforme pourrait ainsi favoriser la consommation et l’investissement, dans des proportions qui restent cependant difficiles à évaluer. En effet les


économistes ne s’accordent pas sur la mesure de l’épargne de précaution, les évaluations allant de 1 % à 50 % du total de l’épargne constituée . Quant à connaître exactement la part de


l’épargne de précaution motivée par l’aléa de la fiscalité des revenus, le pas reste sans doute infranchissable. Dans ce cadre, il semble nécessaire d’émettre des réserves importantes quant


aux conclusions du Conseil des prélèvements obligatoires sur les effets macroéconomiques du PAS. Celui-ci juge en effet que le PAS se traduirait par une baisse marginale de l’épargne de


précaution, à hauteur de 0,2 % du PIB, en formulant des hypothèses sans rapport avec la littérature existante . Selon les auteurs du rapport, l’épargne de précaution représenterait 2 % du


patrimoine des ménages, si bien que, sur la base d’une hypothèse d’un taux d’épargne de 10 % du PIB et « d’une corrélation entre le taux d’épargne de précaution observé sur le stock


d’épargne des ménages et la part des flux d’épargne annuels alloués à l’épargne de précaution », la baisse du taux d’épargne représenterait seulement 0,2 % du PIB (10 % de 2 %). Or la


littérature sur laquelle repose ce calcul conclut que l’épargne de précaution représente 10 % du patrimoine des ménages (et non pas 2 % ). Par ailleurs, le taux d’épargne des ménages se


situe aux alentours de 16 % (et non pas 10 %). Enfin, rien ne permet d’affirmer que le niveau de l’épargne de précaution s’ajustera aux évolutions du revenu : en cas de « choc de confiance »


lié au PAS, il est envisageable que les ménages désépargnent de façon significative, au moins dans un premier temps. Rappelons que, selon l’INSEE, le patrimoine des ménages dépassait les


dix trilliards d’euros en 2013 (environ cinq fois le PIB). Si bien que la valeur totale de l’épargne de précaution représente environ un trilliard d’euros, soit près de 50 % de la valeur du


PIB. On imagine donc aisément que le PAS puisse impacter significativement la consommation, et contribue à ramener le niveau de l’épargne des ménages français plus près des moyennes


observées en Europe. Il reste que l’évaluation de ces effets doit être menée avec plus de précision, les estimations proposées à ce jour par le CPO ne constituant pas une approximation


satisfaisante. RENFORCER LES EFFETS STABILISATEURS DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE Le budget des administrations publiques joue un rôle de stabilisateur économique : il compense la baisse des


dépenses et revenus des ménages en période de récession, et inversement en période faste. Cet effet est le produit des mécanismes d’amortissement dont la fiscalité des ménages fait partie.


Ainsi les pertes de revenus se traduisent par une moindre pression fiscale du fait du caractère progressif du barème de l’impôt sur le revenu. Toutefois, cet effet se trouve décalé du fait


que le paiement de l’impôt est subordonné à la déclaration d’impôt : la première année (n) de la crise les ménages vont voir leur pression fiscale inchangée puisque celle-ci est calculée sur


la base des revenus de (n-1). Si la baisse des revenus s’installe, il y a chaque année un décalage entre les impôts payés et les revenus perçus, qui seront en comparaison moindres que ceux


ayant servi au calcul de l’impôt dû. Si bien que la pression fiscale peut rester inchangée -voire augmenter dans certains cas – malgré la baisse des revenus, et la politique fiscale perdre


ses vertus contra-cycliques. Ainsi, en anticipant d’une année l’essentiel du paiement de l’impôt, le PAS permettrait de rendre à la politique fiscale ses effets stabilisateurs. Il pourrait à


ce titre éviter bien des situations dramatiques dans lesquelles un foyer, dont l’un des membres se retrouve au chômage, doit continuer à acquitter le même niveau (élevé) d’imposition au


titre des revenus perçus les années antérieures. En sens inverse, il soulage d’une incertitude le contribuable qui retrouve une activité. AMÉLIORER L’EFFICIENCE DE LA POLITIQUE FISCALE


Lorsque Parlement adopte des dispositions relatives au calcul de l’impôt sur le revenu dans le cadre de la loi de finances, soit ces dispositions portent sur les revenus de l’année écoulée


avec un effet de rétroactivité (ou de pure aubaine) qui est contesté ; soit elles entrent en vigueur l’année suivante (s’agissant notamment des mesures d’incitation comportementale), et leur


effet ne sera donc perçu par le contribuable que deux ans plus tard, au moment de la liquidation de l’impôt. Ainsi, l’organisation actuelle de la décision publique se traduit par des délais


très significatifs entre le moment où une mesure est décidée et celui où elle se matérialise pour le citoyen. Ce décalage conduit à une déperdition d’efficience pour la politique fiscale,


affaiblissant : La crédibilité de la parole publique. Il renvoie, en effet, l’impression d’une inertie de l’action publique, voire même d’une rupture entre les engagements formulés et la


réalité quotidienne. Le citoyen ne peut voir concrètement se déployer l’action au moment où elle initiée publiquement par les représentants élus ; L’impact des mesures d’incitation sur les


comportements individuels. En effet la contrainte déclarative introduit un délai de deux années entre le vote d’une disposition et sa répercussion financière. Il crée une incertitude


d’ensemble, portant tant sur l’évolution de la situation individuelle que sur l’évolution globale de la fiscalité, qui réduit l’effet de ce type de mesure sur l’anticipation qui sera faite.


Puisque d’autres paramètres viennent interférer dans le calcul individuel, l’élasticité comportementale par rapport au stimulus fiscal se trouvera réduite. A l’inverse, le PAS permet si


besoin de rendre quasi instantanés les effets de la politique fiscale. Le citoyen peut, dans ce cas, mesurer directement la réalité des annonces formulées par la majorité en place. Surtout,


il peut tirer parti de ces annonces, sans avoir à intégrer des paramètres de moyen terme tels que ceux relatifs à l’évolution de ses revenus ou à l’évolution future de la fiscalité, qui


pourrait rogner son pouvoir d’achat. Les mesures annoncées s’inscrivent alors dans une démarche transparente et lisible, avec un effet d’incitation d’autant plus fort que ses bénéfices sont


immédiatement accessibles pour le contribuable. 2 – Une condition pour engager les réformes structurelles de la fiscalité des revenus ? 2.1– DES MOYENS ADMINISTRATIFS RATIONALISÉS Le passage


au PAS autoriserait une simplification significative de la vie des contribuables ; mais il serait également source de gains d’efficience pour l’administration fiscale. Il s’inscrirait ainsi


dans la logique des efforts engagés pour moderniser la gestion de l’impôt sur le revenu, avec des gains de productivité résultant : (A) DU BASCULEMENT DE LA GESTION DE L’IMPÔT « AU GUICHET 


» VERS UNE GESTION « EN LIGNE ». Grâce à l’automatisation des prélèvements dans le recouvrement de la plus grande part de l’impôt, la présence locale des services fiscaux à l’attention des


particuliers perdrait l’essentiel de sa raison d’être. La relation entre l’administration fiscale et le contribuable se trouvant réduite aux ajustements qui pourront intervenir ex-post sur


le calcul final de l’impôt, il deviendrait alors envisageable de centraliser complètement les fonctions d’accompagnement du contribuable et de réduire les ressources utilisées par les


services des impôts des particuliers (SIP). Même si, compte-tenu des délais nécessaires d’adaptation des structures, cette réingénierie du modèle de gestion ne trouvera sa complète portée


qu’à moyen terme, elle permettra enfin de mener à son terme le processus d’intégration automatisée du traitement de l’IR qu’ont engagé la déclaration pré-remplie et le compte fiscal en ligne


 ; (B) DE L’INTERMÉDIATION DES TIERS PAYEURS , qui permettra à l’administration fiscale de réduire considérablement la charge de travail relative à la recherche d’assiette, et dans une


moindre mesure ses activité de recouvrement, contrôle et contentieux . Plus de 90 % des revenus – qu’il s’agisse des salaires, revenus de remplacement ou revenus du capital mobilier – font


déjà l’objet d’un suivi en temps réel par le réseau de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ou celui de la DGFiP, si bien qu’avec le PAS l’administration bénéficiera


directement de cette collecte automatisée sans plus dépendre du préalable de la déclaration des revenus. Le nombre d’interactions nécessaires entre l’administration et les administrés en


sera drastiquement réduit : on passera d’une logique centrée sur le contribuable (où la source ne sert qu’au recoupement) à une logique portée par le revenu (où la personnalisation du foyer


fiscal ne sert plus qu’à l’ajustement final). Il faudra toujours gérer plus de 35 millions de foyers fiscaux, mais l’essentiel des données et des fonds aura été acquis auprès des trois


millions d’entreprises ou organismes payeurs divers qui deviendront de fait les vrais percepteurs de l’impôt. Ainsi le PAS permettrait de rationaliser progressivement les ressources


publiques allouées au recouvrement d’une part de la CSG et d’autre part de l’impôt sur le revenu. La généralisation dès 2016 de la Déclaration sociale nominative (DSN) devrait encore


faciliter cette convergence administrative entre des organisations concourant à la même mission. Il demeure difficile d’évaluer très précisément l’ampleur des gains de productivité


envisageables. Une partie de la difficulté tient à l’opacité statistique concernant les ressources publiques aujourd’hui mobilisées pour liquider et recouvrer l’impôt sur le revenu. Tout au


plus sait-on par l’entremise d’un rapport de l’Inspection Générale des Finances que le « taux d’intervention » de l’administration sur cet impôt (c’est-à-dire le ratio des ressources


publiques utilisées pour lever l’impôt rapporté au total des recettes générées) est particulièrement élevé, encore supérieur aujourd’hui à 2 %. Si on le compare à celui de la CSG


(sensiblement inférieur à 0,5%), ce taux met en évidence les gains d’efficience qui peuvent encore être réalisés dans le domaine de la fiscalité des particuliers, la performance de


l’administration ayant nettement plus progressé dans les autres champs de la fiscalité (TVA et fiscalité des entreprises notamment). En recoupant cette estimation avec les autres sources


connues sur les moyens des services, il est possible d’évaluer le coût d’administration de l’impôt sur le revenu à quelques 1.7 milliards d’euros pour la seule année 2013, soit environ 20 %


des ressources de la DGFIP et près de 25 000 Equivalents Temps Plein Travaillés (ETPT). Ainsi il est possible de situer les économies potentielles du renversement de modèle associé au PAS


autour de 10 000 emplois et une baisse du taux d’intervention de un point. Évidemment, les gains de productivité ainsi obtenus seront progressifs et dépendront fondamentalement des modalités


de mise en œuvre du PAS, et en particulier i. du niveau d’intégration des circuits financiers ACOSS/DGFiP et ii. du choix qui sera fait de maintenir ou pas des guichets dédiés aux


contribuables. Et il faudrait ajouter que la simplification des règles fiscales ne pourra qu’accélérer ce mouvement de rationalisation. Quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que les gains


de productivité liés au PAS sont potentiellement décisifs. Même si de grands progrès ont déjà été réalisés à travers la dématérialisation des paiements et le développement des services en


ligne, il n’en demeure pas moins que l’économie actuelle du système engendre par nature des coûts de transaction considérables qui expliquent ce taux d’intervention beaucoup plus important


que celui des pays qui fonctionnent en retenue à la source. En automatisant la quasi-totalité des opérations et en rendant inutiles les contacts de proximité entre administration et


contribuables, le PAS libère des ressources considérables, en particulier pour l’assiette (12 610 agents publics mobilisés en 2015), et dans une moindre mesure pour le recouvrement et le


contrôle de premier niveau de l’impôt (13 491 agents mobilisés) . Les progrès des technologies numériques ont permis une amélioration spectaculaire du suivi « en direct » des flux de


revenus, notamment par les administrations de sécurité sociale, et cette évolution rend obsolescente la primauté opérationnelle du processus déclaratif, quand bien même il conserve toute sa


fonction civique. La refonte des circuits financiers sous-tendant l’impôt sur le revenu au bénéfice d’une intégration des systèmes de recouvrement IR/CSG fait du PAS un levier déterminant


nécessaire à l’effort de simplification et de rationalisation de la fiscalité des revenus, qu’une majorité des contribuables appellent de leurs vœux. Il permettra le basculement définitif de


l’administration en charge de la fiscalité des particuliers dans l’ère de l’intégration financière – transformant à la fois sa relation avec les contribuables et son travail quotidien. On


comprend qu’après les coupes renforcées qu’a subies l’administration fiscale depuis les débuts de la disette budgétaire au tournant de 2010–2011 – une diminution de près de 10 % de ses


effectifs sur la période -, le PAS suscite des appréhensions au sein de la DGFIP, appréhensions qui ne sont pas étrangères aux difficultés à imaginer la réforme. Alors que les conditions de


travail se sont tendues du fait de la recherche comptable de gains de productivité, une telle transformation est perçue comme un moyen d’accroitre la pression « productiviste » pesant sur


les agents. Cette appréhension, qui s’ajoute aux rivalités que le PAS est susceptible d’engendrer entre administration de l’État et administration de la sécurité sociale, explique la


difficulté qu’éprouve le pouvoir politique à franchir le Rubicon. Cependant l’analyse de l’incidence potentielle du PAS sur le travail de l’administration fiscale souligne le caractère


ambigu de cette appréhension. Si le PAS doit se traduire par des gains de productivité, c’est en raison des progrès technologiques qu’il induit, et non du fait d’une charge de travail accrue


pour l’administration fiscale. Le PAS doit faciliter le travail de recherche d’assiette, de recouvrement et de contrôle, l’automatisation réduisant significativement les procédures


attachées au système actuel. Avec le PAS, une bonne part de l’activité liée aux « campagnes déclaratives » qui visent à informer le contribuable chaque année sur leurs obligations


déclaratives, aux millions de relance annuelles (10 millions pour la seule année 2013) et au recouvrement forcé (5,1 millions d’actions en 2013) ne sera plus nécessaire . Ainsi le PAS


apparaît davantage comme un outil utile à l’administration fiscale pour atteindre ses objectifs de gains de productivité et moderniser son activité, que comme un moyen d’accroître la


pression sur des agents publics déjà mis à rude épreuve du fait des restrictions budgétaires . Par ailleurs, cette réforme n’impacterait pas les recettes de l’État puisque la retenue à la


source viendrait prendre le relais progressivement de l’ancien système à due concurrence, sans baisses de recettes. Mieux, elle permettrait au contraire de dégager des gains d’efficacité et


d’emplois dans les services de l’administration fiscale, où l’allègement massif des tâches est une condition indispensable pour rendre supportable la diminution prévue des effectifs, tout en


dégageant des moyens supplémentaires en faveur d’autres chantiers d’utilité publique. 2.2 – UN PRÉREQUIS POUR LA MODERNISATION DE LA FISCALITÉ DES REVENUS Le PAS constitue donc une rupture


forte aussi bien pour les contribuables, qui se voient débarrassés des lourdeurs et de l’incertitude propres au système traditionnel, que pour l’administration fiscale, qui pourra


rationaliser son action et ses moyens autour de circuits financiers déjà largement intégrés, en réduisant ses coûts d’interface avec les particuliers. Une telle réforme ouvre donc plusieurs


perspectives nouvelles qui ne sont pas véritablement envisageables dans l’économie du système actuel. (1) LA DÉMATÉRIALISATION DE L’ADMINISTRATION FISCALE. L’expérience de nos voisins


souligne en effet que la simplification du recouvrement par l’intermédiaire de tiers payeurs rend possible une intégration numérique de la quasi-totalité du travail fiscal. Parce qu’elle


dépend moins du processus déclaratif (qui ne constitue plus qu’une boucle subsidiaire du système, indispensable à sa dimension démocratique mais accessoire dans la collecte de la recette),


l’administration fiscale n’est plus soumise à la diversité des humeurs, des appétences technologiques et des habitudes qui exigent aujourd’hui de mobiliser un grand nombre d’agents publics


aux seules fins pédagogiques d’information et de suivi de contribuables rendus anxieux par la complexité des règles à appliquer. Le PAS permettrait ainsi d’établir d’autres rapports entre


cette administration et les contribuables, fondés sur davantage de simplicité, d’efficience et de confiance. C’est l’évolution qu’ont connue tous les services de réseaux. (2) L’ÉTABLISSEMENT


D’UN IMPÔT SUR LES REVENUS MODERNISÉ. Le PAS apparaît comme un point de passage obligé de la remise à plat de notre fiscalité. D’abord parce que pour être encore plus efficace, la nouvelle


organisation encouragera probablement à réduire le nombre de niches fiscales qui mitent aujourd’hui l’assiette de l’IR. Ensuite, parce que le PAS suppose un rapprochement entre les


administrations en charge du prélèvement de la CSG, qui, à travers le réseau ACOSS, a déjà mis en place les outils nécessaires au prélèvement à la source, et l’administration fiscale. Dès


lors que ces circuits financiers auront été intégrés, et que les inquiétudes auront été levées au sein des administrations concernées, la voie vers une autre articulation IR-CSG sera


facilitée . Comme le soulignait Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, peu après l’annonce d’une grande « remise à plat » fiscale par le précédent gouvernement : « S’il


y a fusion, il vaut mieux prélever à la source le nouvel impôt, comme l’est la CSG aujourd’hui » . Le PAS est donc une étape intermédiaire en vue d’une simplification plus structurelle de la


fiscalité des revenus en France. Dans son esprit comme dans sa mise en œuvre, il préfigure un peu de ce que pourrait être une imposition modernisée des revenus en France. Articulée autour


d’une administration resserrée et entièrement numérisée d’une part, et des tiers payeurs d’autre part, cette imposition intégrée offrirait aux contribuables une vision cohérente de la


contribution des revenus du travail, du capital et des inactifs au financement de l’action publique. Il resterait assurément aux pouvoirs publics à s’engager sur l’équilibre et les règles


garantissant que cette vision soit conforme à l’idéal de justice et aux aspirations exprimées par la voie démocratique. 3 – Les obstacles liés à la mise en œuvre du PAS sont surmontables Les


arguments qui militent en faveur du PAS expliquent l’intérêt que suscite cette proposition de réforme depuis au moins une décennie. D’autant que le prélèvement à la source existe déjà en


France pour une part très significative des prélèvements obligatoires, ayant fait la preuve de ses vertus : la contribution sociale généralisée (CSG), l’imposition des indemnités des élus


locaux, certaines cotisations sociales ou le prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus du capital. Les grands pays ont basculé vers ce système depuis longtemps : le Canada en 1917,


l’Allemagne en 1925, les Pays-Bas en 1941, les États-Unis en 1943, le Danemark en 1970, l’Espagne en 1979… Si bien que le recouvrement par voie déclarative apparaît de plus en plus comme


une curiosité attestant de l’ancienneté de notre système fiscal, subsistant à sa marge comme il subsiste à la marge au sein de la zone OCDE. La France est ainsi le seul pays avec la Suisse


et Singapour à recourir aux déclarations de revenu pour collecter l’intégralité de l’impôt correspondant. Il reste cependant des obstacles pratiques à la mise en œuvre du PAS, lesquels ont


pu justifier certaines réticences de l’administration fiscale. Deux arguments ont ainsi semé le doute dans les esprits, et méritent d’être interrogés. Le premier porte sur la confidentialité


des données, qui se verraient compromises dès lors que des tiers payeurs pourraient avoir accès aux informations personnelles de l’administration fiscale. Le second concerne le coût


d’administration du PAS pour les tiers payeurs eux-mêmes, la crainte étant de les voir supporter une partie de la charge déclarative qui aura été enlevée aux contribuables. 3.1 – PRÉSERVER


LA CONFIDENTIALITÉ DES DONNÉES PERSONNELLES: DEUX APPROCHES Le PAS donne un rôle accru aux Tiers Payeurs dans le recouvrement de l’impôt. Ainsi dans l’hypothèse où ces derniers


effectueraient les prélèvements pour le compte de l’Administration fiscale, comme ils effectuent les prélèvements de la CSG pour les URSAFF, on peut craindre que certaines informations


relatives à la situation fiscale des contribuables leur soient automatiquement transmises et éventuellement utilisées contre les intéressés. Par exemple, un employeur informé des revenus


complémentaires perçus par un salarié (ou des revenus de son conjoint) pourrait être tenté d’arguer de cette information pour résister à une augmentation salariale. En ce sens, on a


longtemps cru que la conjugalisation de l’IR et la progressivité des barèmes rendraient particulièrement délicate l’intermédiation des Tiers Payeurs (TPs) dans son recouvrement. Toutefois,


le PAS ne menace pas nécessairement la confidentialité des données personnelles, différentes modalités étant envisageables dans sa mise en œuvre (voir section 4). Il n’est pas incontournable


que le contribuable ou l’administration fiscale soient contraints de transmettre des informations personnelles « sensibles » aux employeurs, et ces derniers n’ont pas forcément besoin de


connaître ces informations importantes sur la vie du salarié, notamment la tranche marginale dans laquelle il se situe (information qui risquerait d’être utilisée lors des négociations


salariales) pour appliquer un prélèvement même assez fidèlement représentatif de son imposition finale. Deux approches permettraient ainsi de lever les risques relatifs à la transmission


d’informations confidentielles vers les employeurs (la problématique étant moins contraignante s’agissant des revenus de remplacement ou des revenus de capitaux mobiliers – RCM). DANS LA


PREMIÈRE, LA PLUS SIMPLE, IL Y BIEN RETENUE À LA SOURCE APPLIQUÉE PAR LE TIERS PAYEUR REPOSANT SUR UN ÉCHANGE DE DONNÉES OÙ LE BARÈME PROGRESSIF DE L’IR EST EXPRIMÉ EN TAUX EFFECTIF (DIT


ENCORE « SYNTHÉTIQUE ») appliqué au montant brut de la rémunération versée. Un taux de ce type (de même nature que le taux moyen qui est désormais affiché sur les avis d’imposition) donne à


chaque contribuable une idée claire de la réalité de son impôt bien mieux que le taux marginal. Le taux moyen d’imposition est une donnée qui révèle assez peu d’informations sur la


composition du foyer fiscal du contribuable, le niveau de ses revenus annexes ou bien le recours à certaines mesures dérogatoires. À un même taux peuvent correspondre des situations


extrêmement variées du fait que ce taux combine des éléments très divers (quotient conjugal et familial, charges diverses, …). En outre, la concentration des taux moyens d’imposition étant


très forte (environ 50 % des contribuables imposables ont un taux moyen inférieur à 5,5 %), l’utilisation d’un tel taux synthétique est préférable en termes de confidentialité à celle d’un


barème qui oblige à prendre en compte la multitude des paramètres personnels qui entrent en jeu. Partant de là, il est aisé de concevoir un système d’échange entre entreprise et


administration où, par défaut, l’employeur appliquera le taux dérivé de la rémunération contractuelle qu’il connaît (le « taux instantané » : Ti) et, par exception un taux (qui ne saurait


être supérieur) tel que le lui aura transmis (par voie de téléchargement automatisé) un serveur de l’administration chaque fois que celle-ci est en mesure d’anticiper que l’imposition finale


de l’intéressé sera plus avantageuse (le « taux optimisé » : To). Ainsi le Tiers Payeur ne sera en aucun cas informé des revenus additionnels dont bénéficierait le salarié, et ne verra de


sa situation fiscale que le Ti – ou le To s’il est plus favorable (voir figure 1). FIGURE 1 : « TAUX INSTANTANÉ ET TAUX OPTIMISÉ » POUR PROTÉGER LA CONFIDENTIALITÉ DES DONNÉES TRANSMISES AUX


TPS