Inclusion bancaire : bilan et perspectives | terra nova

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INTRODUCTION Depuis les années 1950, la société française n’a cessé de se « financiariser ». Les produits et services bancaires y sont devenus incontournables pour accomplir des actes


essentiels de la vie quotidienne. Parmi les mutations qui ont accompagné ce mouvement, certaines ont été provoquées par l’évolution du cadre normatif : notamment avec l’obligation, dès 1973,


de fait sinon de droit, de disposer d’un compte bancaire ou postal pour percevoir son salaire et, dès 1978, pour percevoir les prestations sociales. D’autres sont davantage issues de


l’évolution des usages sociaux et économiques : développement de l’usage de la monnaie scripturale (chèques, virements, cartes de paiement…) dans de très nombreux échanges, essor de la


société de consommation basée sur une logique marchande, multiplication des « intermédiaires » privés fournissant biens et services… Au total, le taux de bancarisation, c’est-à-dire la part


de la population adulte disposant d’au moins un compte bancaire, n’a cessé d’augmenter pour arriver à quasi-saturation : de 87 % en 1976 selon la Banque de France et l’Insee, à plus de 90 %


au début des années 1980 et près de 99 % depuis les années 2000 . Du même coup, nous sommes devenus très dépendants des produits et services bancaires pour mener une vie sociale normale et


participer à la vie économique ordinaire. C’est pourquoi toute situation d’exclusion bancaire, qui prive durablement ou ponctuellement de l’usage des produits et services offerts par le


système bancaire, est aujourd’hui dramatique. Or, du fait de conditions financières parfois très difficiles, de telles situations demeurent un problème social important. Fin 2017, 3,6 


millions de personnes étaient ainsi identifiées par les banques comme des clients en situation de « fragilité financière », et l’on pouvait estimer à 500 000 le nombre de celles qui


n’avaient tout simplement pas accès au système financier . Beaucoup a été fait ces dernières années pour endiguer ce phénomène et des progrès ont été enregistrés. Cependant, ces efforts


restent encore insuffisants. La présente note a pour but de faire le point sur l’existant et de proposer quelques pistes pour aller plus loin. 1. IDENTIFIER LES « CLIENTÈLES FRAGILES » 1.1.


L’INCLUSION BANCAIRE NE RÉSOUT PAS LES PROBLÈMES DE LA GRANDE PAUVRETÉ L’inclusion bancaire est, dans nos sociétés, un aspect essentiel de l’inclusion sociale. L’Observatoire de l’inclusion


bancaire (OIB) la définit d’ailleurs explicitement comme telle : « L’inclusion bancaire participe au processus d’inclusion dans la vie économique et sociale. Elle permet à une personne


physique d’accéder durablement à des produits et services bancaires adaptés à ses besoins non professionnels et de disposer des moyens de les utiliser dans des conditions de coûts


compatibles avec ses ressources . » Toutefois, l’inclusion bancaire laisse entière la question de la fragilité financière permanente que connaissent les personnes en « grande précarité »,


celles dont les ressources pour une personne seule sont inférieures ou égales à 40 % du revenu médian, c’est-à-dire très inférieures encore au seuil de pauvreté situé habituellement à 50 %


ou 60 % du revenu médian. Elles sont en définitive très peu et très mal « bancarisées ». Tous les rapports disponibles le confirment – en particulier celui du Secours catholique publié


depuis plus de quinze ans –, ces situations de « grande pauvreté » sont malheureusement souvent durables : les personnes qui connaissent de telles conditions d’existence peinent à en sortir.


Pour elles, l’inclusion bancaire n’est qu’un horizon éloigné, et il serait illusoire de prétendre résoudre leurs difficultés par ce moyen. Car les causes du manque de ressources sont


souvent multiples et ne dépendent pas de l’accès à un bouquet minimum de services bancaires : perte d’emploi, séparation, non-recours aux aides sociales, situation juridique illégale


empêchant l’accès aux aides publiques… Ce sont ces personnes qui peuvent être tentées par les systèmes alternatifs qui se développent. Ces personnes – environ 500 000 selon les estimations


publiées par l’OIB en 2017 – sont dans une situation d’autant plus délicate qu’elles ont, de fait, échappé jusqu’à présent à tous les dispositifs de repérage des « clientèles fragiles »


prévus par la législation. Il faut, en effet, pour être repéré comme telles, avoir une relation bancaire. Autrement dit, la détection des clientèles fragiles ne permet pas de répondre à la


question essentielle de l’exclusion sociale, celle des « invisibles ». Très différente est la situation des personnes qui sont plus proches du seuil de pauvreté, voire qui le dépassent


légèrement. Elles ont un compte en banque, mais connaissent régulièrement des difficultés financières. Ce sont ces personnes que l’on qualifie de « clientèle fragile ». 1.2. CONNAÎTRE LES


CLIENTÈLES FRAGILES Imposée aux banques et aux établissements financiers depuis 2013 (obligation renouvelée en 2017 mais selon des modalités décidées par la profession), cette détection


repose sur une pluralité de critères. En effet, selon le Code monétaire et financier (art. 312–3–4), la situation de fragilité financière « est appréciée par l’établissement teneur de compte


à partir : 1° de l’existence d’irrégularités de fonctionnement du compte ou d’incidents de paiement ainsi que de leur caractères répété constaté pendant trois mois consécutifs, 2° et du


montant des ressources portées au compte  ». Mais il est aussi précisé que « l’établissement peut également prendre en compte les éléments dont il aurait connaissance et qu’il estime de


nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte ». Selon le rapport 2017 de l’OIB, « près de 60 % des personnes détectées le sont […] selon


les critères laissés à l’appréciation des établissements, contre un tiers en 2016 ». Selon les déclarations des banques à l’OIB, ce travail de détection, assez disparate selon les réseaux,


aurait permis d’identifier 3,6 millions de clients en situation de fragilité financière fin 2017. Ces personnes auraient chacune en moyenne 3,4 crédits à la consommation dont 2,5 crédits


renouvelables . Ce chiffre demeure très important même si, depuis la loi Lagarde de 2010, la place des crédits renouvelables a diminué. Ce travail permet aussi de constater que, en dehors


des « invisibles » mentionnés plus haut, les incidents de paiement sont pour la plupart liés à des situations financières lourdement et durablement dégradées, situations que la facturation


de frais bancaires élevés et le contournement des plafonds légaux ne peuvent qu’aggraver. Nombre de ces situations sont malheureusement identifiées trop tard ou sont liées à des situations


de pauvreté structurelle. Cela rend difficile leur résolution par des outils d’inclusion bancaire. C’est ici qu’intervient la procédure de surendettement, qui peut, dans certains cas,


permettre de sortir de l’impasse. 1.3. L’INCLUSION BANCAIRE, OUTIL D’IDENTITÉ SOCIALE L’inclusion bancaire demeure l’objectif essentiel pour accorder à tous une identité sociale. Comme le


dit le « Manifeste pour l’inclusion bancaire en France des populations fragiles », publié en 2011, « il n’est pas surprenant de constater aujourd’hui que la très grande majorité de la


population française possède un compte bancaire et des moyens de paiement “modernes”  ». Mais une question demeure : sommes-nous tous égaux devant l’utilisation des produits et services


bancaires ? Cette question doit faire l’objet d’une grande attention de la part des pouvoirs publics et des institutions bancaires et financières. Or, malgré des efforts continus


d’amélioration des dispositifs législatifs, réglementaires ou volontaires, la situation actuelle ne peut être qualifiée de satisfaisante. Trois rapports récents le soulignent : le rapport de


l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB) de 2017 , celui du Comité consultatif du secteur financier sur les frais bancaires et enfin celui de l’OIB sur « l’offre spécifique clientèles


fragiles » (OSCF), rédigé par Alain Bernard, et qui n’a pas été rendu public. Leur lecture et les préconisations qu’ils contiennent montrent la voie à suivre. Mais, surtout, elles éclairent


la situation présente qui nécessite encore une forte amélioration des pratiques bancaires, même si celles-ci sont en constant progrès. Quelques chiffres, liés au surendettement et aux « 


interdits bancaires », permettent de s’en faire une idée. 1,3 million de personnes sont « interdits bancaires » inscrites au Fichier central des chèques (le FCC) à la fin de 2017. À la même


date, 2,5 millions de personnes sont inscrites au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (le FICP), ce qui leur interdit toute possibilité de crédits nouveaux, à


l’exception notable du Micro Crédit Personnel accompagné pour lequel ce rapport fera des propositions (cf. infra 3.8.). 762 000 ménages sont en cours de désendettement dans le cadre d’une


procédure de surendettement en décembre 2018. Ils étaient 842 000 en décembre 2015. 163 000 dossiers ont été déposés en 2018 auprès des Commissions de surendettement pour un encours total de


dettes de 6,6 milliards d’euros (dont 2,3 Mds de dettes immobilières, 2,5 Mds de dettes à la consommation, 0,8 Md de dettes de charges et courantes, et 0,8 Md de dettes autres ). Sur


l’ensemble de ces dossiers, 148 000 ont été considérés recevables et 92 000 sont des primo-déposants. On notera cependant que le nombre de primo-déposants est en baisse de 35 % sur quatre


ans, résultat en partie des réformes du crédit à la consommation, mais peut-être aussi d’une définanciarisation ou de dettes plus locales et non financières. 2. DE NOMBREUSES AVANCÉES AU


COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 2.1. LE « MANIFESTE POUR UNE INCLUSION BANCAIRE  » Dès le début de 2010, trois associations (le Secours catholique, la Croix-Rouge française et l’Union nationale


des centres communaux d’action sociale), alertées depuis plusieurs années par des travaux universitaires, en particulier ceux de J.-M. Servet et G. Gloukoviezoff, ont constaté les dégâts


provoqués par l’explosion des frais bancaires auprès des populations qu’elles reçoivent quotidiennement. Ces associations se sont attachées à formuler des propositions visant à lutter contre


cette forme d’exclusion sociale. La même année, Mme Christine Lagarde, alors ministre des Finances, a donné son nom à une réforme du crédit à la consommation en rendant plus difficile le


recours aux crédits renouvelables. Cette « loi Lagarde » est particulièrement importante car elle contient des éléments de transformation de la procédure de surendettement : la durée du


fichage au FICP est réduite à huit ans ; elle crée une obligation d’amortir un crédit renouvelable, de proposer dans le même temps un crédit classique et de consulter le FICP ; le délai de


rétractation est doublé et les cartes de fidélité et cartes de crédit doivent être découplées ; enfin, le paiement comptant devient la priorité lors des règlements par carte. 2.2. LE CADRE


INSTITUTIONNEL PRÉEXISTANT EN 2013 En 2013, au-delà même de cette loi, le cadre institutionnel et règlementaire apparaît déjà assez étoffé : droit aux comptes bancaires depuis 1984 ; service


bancaire de base depuis 1998 ; procédure juridictionnelle de rétablissement personnel depuis 2003 ; Fonds de cohésion sociale pour développer le Micro Crédit Personnel depuis 2003 ;


généralisation de l’ouverture du Livret A et de son utilisation depuis 2008 ; mission « d’accessibilité bancaire » (mission de service public) confiée à la Banque postale à travers les


usages possibles du Livret A ; charte d’accessibilité bancaire de 2009… Pour autant, et c’était le point de départ des réflexions menée par les auteurs du « Manifeste » cité plus haut puis


au sein du groupe de travail du Plan Pauvreté, l’exclusion bancaire demeure un enjeu important. Il fallait donc trouver des solutions nouvelles pour accélérer le mouvement d’inclusion. 2.3.


L’INCLUSION BANCAIRE AU CŒUR DU PLAN NATIONAL DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ (2013) On retrouvera l’essentiel des propositions du « Manifeste » dans la partie « inclusion bancaire » du Plan


national de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, mis en place par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en janvier 2013. Un groupe de travail spécifique portait, en effet,


sur l’inclusion bancaire et la lutte contre le surendettement. Il était présidé par François Soulage, cosignataire du « Manifeste », au nom du Secours catholique, et signataire de la


présente note. Comme tous les autres groupes de travail préparatoires au plan, celui-ci regroupait toutes les parties prenantes : outre des personnes en précarité, des ministres (MM.


Moscovici et Hamon), des responsables de banques et de sociétés financières, des représentants des consommateurs, des responsables syndicaux et associatifs, etc. Ce groupe de travail a


abouti à un quasi-consensus sur un ensemble de mesures qui, reprises dans le plan de lutte contre la pauvreté, trouveront rapidement leur place dans la loi Moscovici de séparation des


activités bancaires et, plus tard, dans la loi Hamon sur la consommation . Enfin, des expérimentations – telles que les Points conseil budget (PCB) – ont été mises en route. Parmi toutes les


propositions de ce groupe de travail, la création d’un « répertoire des crédits aux particuliers », appelé aussi « fichier positif », qui n’avait pas fait consensus mais avait été retenu


par le gouvernement, n’a pas pu se concrétiser du fait de la censure du Conseil constitutionnel (cf. infra 3.2.). Au total, le Plan Pauvreté a posé le cadre général de la lutte pour


l’inclusion bancaire. C’est lui qui, encore aujourd’hui, est en vigueur et fait l’objet d’évaluation, d’amélioration ou de renforcement de la part des gouvernements successifs. Parmi les


propositions retenues dans ce plan, certaines ne faisaient d’ailleurs que confirmer, amender ou renforcer des règles déjà en vigueur. 2.4. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS ISSUES DES TRAVAUX


MENÉS DANS LE CADRE DE L’EXÉCUTION DU « PLAN PAUVRETÉ » ET LEUR DEVENIR ACTUEL On notera toutefois que ce Plan a pris fin en mai 2017 avec la mise en place du gouvernement d’Édouard Philippe


et que, depuis cette date et jusqu’en septembre 2018, aucune décision nouvelle n’a été prise pour lutter contre l’exclusion bancaire. La « Stratégie de lutte contre la pauvreté » présentée


par le président Macron, en septembre 2018, reprend simplement la généralisation des Points conseil budget (PCB) qui avaient été expérimentés au cours de la période précédente. La raison de


cette absence de décisions nouvelles est assez simple : le système institutionnel aujourd’hui en place permet, si les autorités politiques le souhaitent, les évolutions nécessaires dans un


dialogue avec les diverses parties prenantes. Il laisse une grande place à l’interprétation par chaque réseau. Par ailleurs, avec le Plan Pauvreté du gouvernement de J.-M. Ayrault, l’action


est limitée aux plus pauvres, ce qui en limite l’impact sur les comptes d’exploitation. Cela convient au système bancaire. Dans ce dialogue, la Banque de France tient une place très


importante grâce à son pilotage de la mise en place des principales dispositions prévues dans le Plan Pauvreté de 2013 et aux données qu’elle collecte à cette fin. Trois axes de travail


principaux sont désormais retenus. 2.4.1. Un dispositif de collecte, d’évaluation et de certification des données sur les pratiques des établissements de crédit Le dispositif proposé a pris


le nom d’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB) dont les rapports annuels remplissent la fonction ainsi définie. L’OIB a été créé en 2014. Son organisation et son fonctionnement figurent


aux articles R 312.9 et suivant du Code monétaire et financier suite à la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dite « loi Moscovici » du 23 juillet 2013. C’est dans


le cadre de l’OIB que sont évalués les effets et les difficultés rencontrées par l’exécution des mesures d’inclusion bancaire du Plan. Au fil des années, l’OIB, sous l’impulsion du


gouverneur de la Banque de France qui le préside, a pu remplir de mieux en mieux son rôle, en particulier pour inciter les banques à mieux organiser leurs actions en direction des clientèles


fragiles. Mais cette surveillance de l’action réelle des banques en la matière souffre encore d’une insuffisance : le maintien de l’anonymat sur le comportement de chacune d’entre elles ne


permet pas aux consommateurs et aux organisations sociales d’exercer la pression nécessaire pour que soient effectivement respectées les dispositions légales. Car les pratiques et les


résultats sont très divers. C’est pourquoi il nous semble essentiel d’introduire davantage de transparence afin que les usagers des banques soient clairement informés. Les déclarations du


gouverneur de la Banque de France, lors des dernières réunions de l’OIB, qui ont été reprises, en partie, dans la presse , vont clairement dans ce sens lorsqu’il indique que, si des progrès


sensibles ne sont pas accomplis pour mieux servir les clientèles fragiles, les fautifs seront connus. 2.4.2. Mettre en place des « Points conseil budget » (PCB) sur l’ensemble du territoire


Il s’agit, selon le rapport issu du groupe de travail de la conférence, de mettre en place un point de contact unique et un chef de file sur un territoire. Ses missions devraient être de


conseiller toute personne ayant des difficultés financières. Le PCB procédera à un diagnostic budgétaire, pour ouvrir des droits si besoin est, pour mobiliser d’autres partenaires (CAF ou


CCAS, par exemple) ou pour accompagner la gestion budgétaire ou une procédure de désendettement. Le PCB pourra également informer les personnes concernées sur le Micro Crédit Personnel et


avoir un rôle de médiation avec les créanciers locaux comme les impôts, la CAF ou les bailleurs sociaux. 2.4.2.1. Une grande expérimentation La mise en place des PCB a fait l’objet d’une


expérimentation dans quatre régions (Ile-de-France, Hauts-de-France, Occitanie et Grand-Est). Cinquante-deux structures ont été labellisées pour cela. Les PCB ont toujours été accueillis


dans des structures existantes qui avaient déjà une fonction d’accueil social. L’expérimentation, qui a fait l’objet d’une évaluation externe et d’un rapport de la Cour des comptes, a montré


l’utilité de PCB locaux ou départementaux (appelés PCB1) pour les personnes accueillies, en particulier dans leurs fonctions de diagnostic et de gestion budgétaire. Dans l’expérimentation,


les relations avec les créanciers avaient, dans un premier temps, été confiées à des PCB spécialisés dans cette matière, peu nombreux et à compétence nationale (appelés PCB2 même si certains


d’entre eux avaient, de fait, une compétence régionale). En réalité, l’expérimentation a démontré la capacité d’un PCB local ou départemental d’entrer en relation avec des créanciers de


même niveau (local ou départemental), mais plus difficilement avec des créanciers nationaux qui ne les connaissaient pas. Cette fonction de relations avec les créanciers est très spécifique


et nécessite des compétences particulières, ainsi que des relations de confiance entre les partenaires. L’évaluation de l’expérimentation menée tout au long de celle-ci a révélé des points


nouveaux et mis l’accent sur certaines caractéristiques que devront posséder les futurs PCB. Elle a conduit à ne retenir, pour la suite et notamment dans la perspective d’une généralisation,


que la fonction de PCB1 bénéficiant d’une aide financière ponctuelle dans le cadre de la « stratégie pauvreté ». Alors que le PCB avait initialement vocation à accueillir, comme le


souhaitait le Plan Pauvreté, les personnes confrontées à des difficultés financières à la fois importantes et durables, la réalité est assez différente. La plupart des PCB ont accueilli des


personnes confrontées à des difficultés financières ponctuelles, survenues suite à des accidents de la vie, des ruptures familiales, une perte d’emploi, un passage à la retraite… Bref, des


événements biographiques aux conséquences financières mal maîtrisées. Les personnes en grande pauvreté, comme cela est vite apparu, n’ont pas trouvé dans les PCB des solutions à leurs


problèmes structurels (sauf pour l’accès aux droits, ce qui n’est pas négligeable). Le PCB ne peut pallier un manque de ressources financières durables. Les procédures de surendettement


peuvent quelquefois permettre de répondre à ce type de questions en effaçant les dettes. Mais ces procédures ne figurent pas au nombre des compétences des PCB, même s’ils ont pu aider


certaines personnes à monter des dossiers de surendettement lorsque cette solution paraissait la plus opportune. Dans les faits, la plupart des PCB locaux ou départementaux ont pu s’adresser


à des clientèles dont les problèmes financiers n’étaient pas structurels, et régler ainsi des problèmes liés à des créances locales ou départementales telles que des retards de paiement du


loyer, des dettes énergétiques, voire des arriérés d’impôts ou des indus de prestations sociales. Les liens entre PCB1 et PCB2 ont été peu importants. En effet, les créanciers nationaux


avaient passé des accords avec des structures spécialisées telles que Crésus ou le Crédit municipal de Paris, pour gérer les dossiers les plus importants. L’obtention par ces structures du


label PCB2 aurait dû leur apporter des dossiers venant des PCB1, mais ce ne fut pas le cas. Les PCB ont connu un succès de fréquentation lorsqu’ils ont noué de relations avec des partenaires


(associations ou services publics) afin de se faire connaître. C’est le cas aussi lorsqu’ils ont pu se libérer de l’étiquette de la structure porteuse, le plus souvent destinée aux plus


pauvres, et lorsqu’ils ont déconcentré leur activité pour la rendre plus accessible à toute population. Ainsi en est-il des CCAS qui, en installant des permanences PCB hors de leurs locaux,


ont pu accueillir des populations nouvelles moins en difficulté que leurs « clients » habituels. Les Points information médiation multi services (PIMMS) ont connu la même évolution, ce qui


leur a permis de conforter leurs activités plus généralistes. 2.4.2.2. La généralisation décidée en 2018 En 2018, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et au vu du


rapport d’évaluation approuvé par toutes les parties, le gouvernement a décidé de généraliser les PCB1 et de ne pas réglementer au-delà des contraintes de la loi bancaire, l’activité de ce


qui était jusqu’à présent des PCB2. À cette fin, un processus de labellisation sur la base d’un cahier des charges issu des résultats de l’expérimentation, se met en place au niveau régional


avec instruction départementale afin que tout PCB puisse disposer d’un outillage voisin et d’un minimum requis de compétences. L’enjeu est de faire du PCB un outil central de la lutte


contre le « malendettement » et de mieux orienter les personnes surendettées vers la procédure de la Banque de France qui a fait la preuve de son efficacité. Le PCB pourra jouer un rôle


important pour éviter les « redépôts », en assurant un accompagnement des personnes, si celles-ci l’acceptent. 2.4.3. Mettre en place des mécanismes de détection et de traitement précoce des


difficultés financières Cette proposition a été traduite dans la loi de séparation et de régulation des activités financières du 23 juillet 2013. Un décret du 30 juin 2014 définit plus


précisément les critères obligatoires de détection et d’identification des clientèles fragiles. Chaque établissement demeure cependant libre des méthodes à mettre en place pour


l’identification elle-même. La loi prévoit également l’obligation de proposer à sa clientèle identifiée comme fragile une « offre spécifique clientèles fragiles » (OSCF) . Mais si le cadre


juridique est en place, la pratique laisse encore à désirer. Le rapport de M. Alain Bernard, membre de l’OIB, présenté en 2018 à l’Observatoire, concernant l’OSCF, souligne l’hétérogénéité


des critères de repérage de cette clientèle à laquelle doit être proposée l’offre en question. Le rapport de l’Autorité de contrôle prudentiel sur les pratiques des banques en la matière


montre que, en donnant le choix aux banques sur la plupart des critères définis par la loi, une large place est laissée à l’interprétation par chaque réseau. La loi du 23 juillet 2013 


prévoyait que cette question devrait être réglée par une charte signée par les établissements. Cela fut fait par la charte AFECEI (Association française des établissements de crédit et des


entreprises d’investissement) d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement, homologuée le 13 novembre 2013, qui laisse aussi une trop large marge d’interprétation. Cette charte


insiste également sur la nécessité d’une détection précoce en essayant de faire une distinction entre précarité avérée et identification des premières difficultés. Les récents débats au sein


de l’OIB concernant l’offre spécifique ont porté largement sur ces questions de détection, dont l’efficacité actuelle est considérée par les pouvoirs publics comme très insuffisante. 2.4.4.


Agir sur les frais bancaires 2.4.4.1. Une prise de conscience Les mesures les plus récentes en matière d’inclusion bancaire portent sur les frais bancaires qui pèsent lourdement sur le


budget des ménages en situation de précarité financière. À la faveur d’un rapport publié en novembre 2017 et intitulé « Enquête sur les frais d’incidents bancaires », l’Union nationale des


associations familiales (Unaf) et l’Institut national de la consommation (INC) ont établi un panorama assez complet de la situation dans ce domaine . Cette enquête a été le point de départ


d’une réflexion assez approfondie de la part des pouvoirs publics. Elle révèle en particulier la multiplication et l’enchevêtrement de l’ensemble des commissions qui peuvent être imputées


aux clients. Cela touche tout particulièrement les clients les plus fragiles. Au moment de l’enquête, l’Unaf notait que la limitation des commissions à 20 € par mois et à 200 € par an,


résultant de la loi Moscovici, n’avait pas empêché une certaine inventivité en matière de frais de rejet ou d’incidents. Comme l’avait fait avant elle le rapport Pauget-Constans , l’enquête


a révélé de véritables cascades de frais conduisant à des montants insupportables pour une clientèle fragile. En juillet 2018, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié de


son côté un rapport sur les frais d’incidents bancaires dans lequel apparaît clairement la différence entre le plafond mensuel des commissions à 20 € par mois pour la clientèle ayant


souscrit l’offre spécifique clientèles fragiles (ou pour celle qui en bénéficie par le droit au compte) et les frais d’incidents et de rejet pour lesquels le plafond est librement défini par


chaque banque dans le cadre du plafond légal par opération . Cette différence peut être extrêmement importante et conduire à de situations financières périlleuses. À la suite du rapport de


l’Unaf et de l’INC, relayé par de nombreuses associations de solidarité et évoqué à l’OIB, le gouvernement a obtenu, en septembre 2018, un engagement des banques à élargir le plafond mensuel


pour les personnes fragiles, à l’ensemble des frais liés à des incidents. Mais ce nouveau plafond ne s’appliquera qu’aux personnes ayant souscrit l’offre spécifique pour clientèles


fragiles, ce qui en limite fortement la portée. Quand on sait que, fin 2016, cette offre n’avait été souscrite que par environ 250 000 personnes alors qu’elle concerne potentiellement 2,4 


millions de personnes selon les données de l’OIB , on est obligé de constater que cet engagement demeure insuffisant, même s’il s’accompagne d’un effort important dans quelques réseaux pour


proposer l’offre à un plus grand nombre de personnes. Le ministre espérait à cette époque augmenter de 20 % à 25 % le nombre de bénéficiaires de l’offre spécifique, ce qui demeure un


objectif modeste face aux difficultés répertoriées. 2.4.4.2. Le risque de la cacophonie Avec le mouvement des Gilets jaunes et la multiplication des revendications de pouvoir d’achat, le


président de la République a obtenu des banques, en décembre 2018, une limitation à 25 € par mois du montant de l’ensemble des frais liés à des incidents de paiement facturés aux personnes


éligibles à l’offre clientèles fragiles, financièrement identifiées par les banques au regard des critères définis par la loi. La mesure ainsi annoncée va beaucoup plus loin que celle du


mois de septembre puisqu’elle peut toucher les 3 à 3,6 millions de personnes repérées par l’OIB. Encore faut-il que les banques mettent réellement en place une détection massive des


clientèles fragiles pour les rendre éligibles à cette limitation. Le rapport déjà mentionné de M. Alain Bernard nous laisse dubitatif. Par ailleurs, cette décision du président de la


République appelle plusieurs remarques. Comment la limitation de la totalité des frais à 25 € par mois va-t-elle impacter l’offre spécifique clientèles fragiles (OSCF) et cohabiter avec elle


 ? Le risque est de voir disparaître l’intérêt pécuniaire pour les bénéficiaires de l’OSCF, le différentiel de 5 € n’étant plus suffisant pour rendre l’offre plus acceptable par eux. De


même, il y a un risque de voir la dynamique (encore trop lente mais effective) des banques, des associations et des services sociaux être freinée dans leurs efforts de développement de


l’OSCF mis en œuvre suite aux engagements pris par la profession en septembre 2018, alors que cette offre peut vraiment constituer un outil de repérage et de prévention des difficultés


financières et un bon levier d’accompagnement. 3. PROPOSITIONS 3.1. ACCENTUER DES EFFORTS DE REPÉRAGE ACTUELLEMENT INSUFFISANTS Toutes les mesures annoncées nécessitent un repérage effectif


des clientèles fragiles. Le nombre limité de personnes bénéficiant de l’OSCF conduit à s’interroger sur l’efficacité, voire sur la réalité de ce repérage. D’une part, comme le relevait le


rapport de M. Alain Bernard pour le compte de l’OIB, « Comprendre le non-recours à l’offre spécifique clientèles fragiles », cette détection a pris du retard, et l’inertie volontaire de


certaines banques n’y est pas étrangère. D’autre part, il faut constater les difficultés et les résistances rencontrées auprès d’éventuels bénéficiaires qui ont la crainte d’être ainsi « 


stigmatisés ». La décision du président de la République rend urgente une mobilisation des réseaux afin que les clientèles concernées puissent bénéficier de la limitation des frais. Par


ailleurs, quelles seront les procédures de contrôle par la Banque de France quant au bon respect de l’engagement des banques puisque celui-ci n’est pas issu d’un texte réglementaire ou


législatif ? Les acteurs de la société civile pourront-ils, à cet égard et comme cela est demandé depuis le Plan Pauvreté, être informés de l’application nominative de cet engagement par les


banques ? Des études universitaires pourraient-elles être commandées afin que les données ne soient pas seulement analysées par l’OIB ou la Banque de France ? Des données qualitatives


seront disponibles qui mériteront un tel examen. 3.2. POUR UN REGISTRE DES CRÉDITS Constatant l’importance que prennent les crédits à la consommation dans le « malendettement », le rapport


Soulage sur l’inclusion bancaire dans le Plan Pauvreté proposait la création d’un « registre des crédits à la consommation », dit « fichier positif ». Celui-ci aurait recensé les prêts


accordés aux personnes demandant un nouvel engagement. Il aurait permis d’alerter les banquiers ou les prêteurs sur les risques d’un nouveau prêt et de rappeler au créancier ses charges


existantes. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait introduit ce répertoire dans la loi Hamon sur la consommation de 2014, mais le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure, estimant


qu’il n’était pas raisonnable de « ficher » 20 millions d’emprunteurs pour éviter quelques milliers de dossiers de surendettement . Telle qu’elle était proposée dans le cadre de la lutte


contre le malendettement, la mesure intéressait en réalité toutes les clientèles fragiles détentrices d’un trop grand nombre de crédits dont les charges amputent dangereusement leur « reste


à vivre », comme l’ont montré la quasi-totalité des études. Il est utile ici de reprendre les conclusions du rapport du groupe de travail ainsi que celles du rapport Constant de 2012, qui,


avec des réserves, montraient la nécessité de limiter les risques courus par les clientèles fragiles en termes de crédits. L’enjeu du « fichier positif », tel qu’il a été indiqué lors des


travaux préparatoires au Plan Pauvreté et dans le rapport Soulage, est la prévention du « malendettement » comme cause de difficultés financières à venir, face à des ressources qui demeurent


insuffisantes. Ce risque touche un grand nombre de personnes, évalué alors à plus de 2 millions. Ce risque de « malendettement » n’aboutit pas nécessairement au « surendettement », lequel


est en baisse constante, mais à des restrictions drastiques du « reste à vivre ». Le « fichier positif », comme toute autre forme de prévention, est d’autant plus important que les


clientèles fragiles, du fait de leur structure de consommation et de leurs charges obligatoires qui ne cessent de s’accroître, voient leur « reste à vivre » diminuer d’année en année. Le


risque est grand de recourir au « crédit de trop » et en particulier aux crédits renouvelables pour « boucler les fins de mois ». La relance d’un projet de répertoire des crédits ou d’une


forme voisine apparaît comme une nécessité pour éviter que, par des charges d’emprunt trop lourdes, les personnes en fragilité ne voient leur situation se dégrader brutalement. La Cour des


comptes plaide, de son côté, pour une meilleure connaissance de la situation financière des emprunteurs potentiels : « Face au phénomène d’accumulation de crédits souscrits auprès de


prêteurs différents, rendu possible par l’ignorance de chacun d’eux sur le niveau réel d’endettement du demandeur, la création d’un fichier partagé continue d’être la meilleure solution pour


renforcer l’analyse de la solvabilité des emprunteurs. Le périmètre d’un tel fichier d’alerte doit être recentré afin de respecter les exigences exprimées par le Conseil constitutionnel . »


Ces remarques de la Cour des comptes invitent à remettre en débat la création d’un outil de connaissance en tenant compte des objections qui ont conduit précédemment le Conseil


constitutionnel à le rejeter et qui ne semble pas insurmontables. Il faudrait en particulier rappeler que les données ne seraient pas publiques et qu’elles ne pourraient être accessibles et


utilisées qu’avec l’autorisation explicite de la personne concernée, qui sera la seule à détenir le code d’accès à son compte. Pour envisager de nouvelles mesures allant dans le sens d’une


meilleure connaissance de l’endettement des particuliers, il faudra suivre les évolutions apparaissant dans le cadre de l’évaluation de la directive de la Commission européenne sur le crédit


aux consommateurs avec la mise en place potentielle de principes communs sur l’analyse de solvabilité et la définition d’un ensemble minimal de données échangeables par les registres de


crédit pour une analyse transfrontalière de solvabilité. 3.3. LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES PROGRÈS À CONSOLIDER Depuis la réforme du crédit à la consommation (loi Lagarde de 2010),


l’accès au crédit à la consommation, et en particulier au crédit renouvelable, a été rendu plus difficile, et l’on en mesure les effets dans les chiffres fournis par la Banque de France.


Depuis 2012, première année de mise en œuvre des réformes analysées plus haut, le nombre de nouveaux dossiers de surendettement déposés n’a cessé de diminuer, avec un net recul de la part


des crédits à la consommation et en particulier des crédits renouvelables. En 2017, un cinquième des dossiers déposés ne comportait aucun crédit à la consommation. Cependant, le nombre de


crédits à la consommation par dossier demeure élevé : trois, en moyenne. En outre, 40 % des dossiers recevables ont quatre crédits à la consommation ou plus et, dans ce cas-là, ils


représentent 70 % du total des dettes. Dans son rapport de juin 2017, la Cour des comptes regrette que les réformes n’empêchent pas les comportements imprudents qui conduisent au « crédit de


trop  ». Mais la Cour des comptes ne dit rien sur les crédits immobiliers, qui constituent 35 % de l’endettement global. Or le crédit immobilier, favorisé par des taux très bas, a beaucoup


augmenté au cours des dernières années. C’est pour lutter contre ces comportements que la Banque de France réalise un très gros effort dans le domaine de l’éducation financière et


budgétaire, ce qui devrait permettre à chacun de mieux comprendre, non seulement les composantes de son budget, mais aussi les pratiques bancaires et financières, ce qui n’est pas le cas


actuellement. Il s’agit nécessairement d’une entreprise de longue haleine, qui doit être couplée avec des actions au niveau de l’éducation de base en matière économique. Si elle permet,


comme nous l’avons dit, la détection précoce des clients en situation de précarité, l’application de la charte AFECEI d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement n’a pas conduit


à des modalités de suivi harmonisées. Selon le rapport de l’OIB, ces pratiques sont même encore quelquefois balbutiantes. 3.4. AMÉLIORER LA PROCÉDURE DU « DROIT AU COMPTE » Créé en 1984, ce


dispositif a connu une croissance régulière . En effet, le taux de bancarisation en France est très élevé, et les refus d’ouverture de compte par les banques, finalement peu nombreux. Par


contre, l’obtention de la lettre de refus est un obstacle qu’il faut lever. Peut-on le supprimer ? La procédure est longue et complexe et débouche sur un service bancaire de base peu


attractif même s’il offre des garanties, en particulier en matière de frais. En outre, le contenu de ce service trop limité ne semble pas pouvoir faire l’objet d’une forte préconisation. La


charte d’accessibilité signée par les banques en 2009 dans le cadre du droit au compte aurait dû améliorer la situation puisque les banques s’étaient engagées à promouvoir ce droit. En


réalité, la charte a eu peu d’effet sur les demandeurs, sans doute parce que les banques, et en particulier les conseillers, hésitaient à proposer le service bancaire de base, ou en


ignoraient les modalités. La concurrence de systèmes alternatifs depuis cinq ans explique en partie au moins cette situation car ils peuvent offrir des services plus attractifs à des


conditions financières plus intéressantes. On notera cependant que ces systèmes alternatifs ont été peu à peu contrôlés par le système bancaire classique. 3.5. ÉTENDRE L’OFFRE SPÉCIFIQUE


POUR LES CLIENTÈLES FRAGILES À UN PLUS GRAND NOMBRE DE PERSONNES Cela a été l’objet des engagements pris par les banques auprès du ministre de l’Économie et des Finances en septembre 2018.


Mais, pour atteindre l’objectif visé, il faut améliorer l’offre, en particulier quant au nombre de chèques autorisés par mois ou l’assouplissement de l’utilisation de la carte bancaire. Ces


améliorations sont nécessaires car la limitation générale de la facturation des frais d’incidents à 25 € par mois peut conduire, comme nous l’avons souligné, à conserver l’offre classique


quitte à admettre régulièrement des incidents lorsque l’on est reconnu « client fragile ». Les banques qui, pour développer l’OSCF, doivent engager d’importants efforts de formation et de


communication, peuvent être tentées de ne pas faire autant qu’il serait nécessaire dès lors qu’elles estimeraient que, avec leur limitation, serait atteint l’objectif de lutte contre les


frais trop élevés, revendication première des associations de solidarité. Par ailleurs, on peut s’interroger sur le non-développement d’offres bancaires existantes prévoyant le « zéro frais 


». 3.6. LA MISSION D’ACCESSIBILITÉ BANCAIRE DE LA BANQUE POSTALE Cette mission crée des contraintes lourdes à la Banque postale mais elle est essentielle pour les populations concernées.


Elle est relativement concentrée dans des zones géographiques où elle s’avère encore aujourd’hui indispensable malgré la numérisation croissante des procédures bancaires. Elle repose sur une


réglementation qui crée une forte ambiguïté autour de l’utilisation du Livret A. Celui-ci a été conçu à l’origine comme un outil d’épargne. C’est comme tel qu’il est aujourd’hui présent


dans l’ensemble du système bancaire. Mais il est aussi un outil de pré-bancarisation et sert de « quasi-compte bancaire ». C’est cette fonction qui apparaît fondamentale dans la pratique


imposée à la Banque postale. Celle-ci est obligée d’ouvrir ce Livret A à toute personne qui le lui demande et doit lui attribuer obligatoirement et gratuitement toutes les fonctions prévues


par la loi. Les autres banques n’ont pas cette obligation et, d’ailleurs, ne proposent pas systématiquement ces autres fonctions, qui sont coûteuses pour elles même si elles font l’objet


d’une facturation. Compte tenu du mode d’utilisation du Livret A dans le réseau de la Banque postale, les coûts de gestion en sont très élevés et justifient la compensation que l’État verse


à la Banque postale. Néanmoins, cette compensations pour mission de service public constitue, aux yeux de la réglementation européenne, une « aide d’État » qui doit être, en raison de son


montant, autorisée et non simplement déclarée à la Commission européenne. Ceci explique que le gouvernement français, comme la Commission européenne, regarde avec attention ce qui est


accompli en échange de cette compensation. Le durcissement des règles européennes en la matière et l’apparition de formules novatrices en matière bancaire, ainsi que les questions que se


posent les autres banques de la place, nécessitent d’examiner de plus près la pertinence de la mission affectée à la Banque postale et ses conséquences en termes de compensation. La


possibilité donnée à toutes les banques d’ouvrir un Livret A a sans aucun doute créé de la confusion dans le rôle que joue ce livret dans l’inclusion bancaire. 3.7. LIVRET A ET INCLUSION


BANCAIRE Pour juger de la situation, le point de départ ne peut être que la question de l’inclusion bancaire et de l’accès de tous à l’ensemble des fonctions financières pour vivre


dignement. Il s’agit de la mise à disposition d’un compte permettant de domicilier des ressources, de payer des charges essentielles, d’effectuer des retraits ou des dépôts d’espèces,


d’épargner tout en bénéficiant d’un accompagnement. D’autres offres peuvent également être proposées pour répondre aux besoins du quotidien, qu’il s’agisse de produits d’assurance ou de


microcrédits. Si la quasi-totalité de la population dispose d’un compte bancaire, l’utilisation du Livret A par plus de 2 millions de personnes montre que le besoin d’un autre outil existe,


en particulier parce qu’il donne accès facilement à un guichet présent dans la plupart des territoires. Le recours à un guichet permet par ailleurs l’accès à une fonction d’accompagnement


que peuvent accomplir les conseillers de la Banque postale. Du fait de la présence des bureaux de poste dans les zones péri-urbaines et rurales, ainsi que dans les quartiers prioritaires de


la politique de la ville, la Banque postale est donc, avec le Livret A, l’outil privilégié pour donner accès à un minimum de fonctions financières. Le Livret A, avec sa facilité d’ouverture


liée à l’obligation d’ouverture et à la gratuité d’utilisation, doit demeurer un instrument clé pour la prébancarisation des personnes qui ne peuvent pas ouvrir un compte. Néanmoins, il


faudrait se demander si le Livret A demeure dans tous les cas un outil de prébancarisation alors même que certains titulaires possèdent un CCP et que les néo-banques offrent un service


alternatif attractif du fait de l’obtention d’une carte bancaire, certes à usage limité au débit immédiat, mais nécessaire pour un nombre croissant de démarches de la vie quotidienne. C’est


sans doute pour cela que les réseaux bancaires classiques en ont pris le contrôle. Dans le souci, exprimé par la Cour des comptes, d’assurer la cohérence entre les différents dispositifs


légaux, ne faudrait-il pas, pour éviter toute confusion, limiter l’usage du Livret A par toutes les banques à sa fonction d’épargne et réserver à la seule Banque postale, en vertu de ses


missions d’intérêt général, la possibilité de l’utiliser comme un outil de pré-bancarisation ou « quasi-compte bancaire » ? Il faut cependant rappeler qu’il existe une différence essentielle


entre le Livret A et le compte bancaire : celui-ci donne accès à d’autres services tels que le crédit et l’usage dématérialisé de l’argent. Afin de maintenir sa fonction spécifique au


Livret A au sein de la Banque postale, un effort important devrait être fait pour diriger une partie des bénéficiaires actuels qui n’ont pas de difficultés de bancarisation vers l’offre


spécifique clientèles fragiles, en particulier si celle-ci est améliorée, comme il est indiqué plus haut, en donnant un meilleur accès à l’utilisation de chèques. L’obligation d’ouverture du


Livret A serait conservée au sein de la Banque postale. Dans le débat autour de l’utilisation du Livret A, deux dimensions doivent être prises en compte : la facilité d’utilisation et la


gratuité, d’une part, et la nature des utilisateurs, de l’autre. Un grand nombre de retraits porte sur de toutes petites sommes puisque le montant minimum des opérations est de 1,50 €,


engendrant des coûts de transaction élevés. Les tentatives pour diriger les personnes vers un DAB effectuées par la Banque postale n’ont pas encore donné de résultats probants. Le recours au


guichet reste simple et sécurisant. Les utilisateurs de la fonction « retrait » qui font beaucoup d’opérations ont un profil très spécifique. Ils sont localisés dans un certain nombre de


bureaux situés en zone rurale ou dans les communes populaires. Dans ces conditions, faire changer les habitudes et les pratiques sera, de toute façon, très lent, même dans le cas où


existerait un lien entre livret d’épargne et carte à débit immédiat. Les coûts générés par l’utilisation du Livret A qui font l’objet d’une compensation proviennent de l’utilisation de


celui-ci par des personnes mal bancarisées qui, pour l’essentiel, sont fortement utilisatrices d’un guichet et de la mise à disposition gratuite d’espèces pour des montants souvent très


réduits. Le solde des livrets est, pour ces personnes, le plus souvent d’un montant très faible, qui ne fournit pas une trésorerie très abondante. 3.8. LE MICRO CRÉDIT PERSONNEL, UN MOYEN DE


LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ Le Micro Crédit Personnel (MCP), qui existe depuis le début des années 2000, peut être un moyen important de sortir de la précarité sociale. C’est, en effet, un


crédit dit « accompagné, ce qui signifie qu’il est destiné à des personnes ayant des difficultés d’accès aux crédits bancaires classiques et vise à financer des projets d’insertion. Son


montant ne peut excéder 5000 euros, l’opération étant garantie à hauteur de 50 % des encours par l’État via le Fonds de cohésion sociale (FCS). L’impact positif de ce dispositif a fait


l’objet d’études très encourageantes et sa croissance ne se dément pas (les encours ont augmenté de 63 % entre 2014 et 2017, et le nombre de bénéficiaires se situe aujourd’hui autour de 18 


000 chaque année, pour un montant total d’encours de 190 millions d’euros). Le MCP n’est pas un produit bancaire habituel puisqu’il a pour but de permettre le financement d’un projet qui ne


peut bénéficier, par ailleurs, d’un crédit traditionnel. Il ne doit pas être non plus un crédit à la consommation si ce n’est pour faire face à une dépense d’équipement essentielle à une vie


quotidienne digne. Il est, de ce fait, un outil d’inclusion sociale car il permet de réaliser un projet permettant de sortir de la précarité. Le bénéficiaire profite d’un accompagnement


pour la mise en œuvre de son projet. Les exemples les plus pertinents d’attribution d’un MCP concernent l’acquisition d’un véhicule pour des besoins d’emploi, le financement d’une formation,


la rénovation thermique du logement, la couverture du coût d’acquisition d’appareils auditifs, de soins dentaires, des coûts de déménagement pour avoir un loyer moins élevé ou être plus


proche de son travail… Dans certains cas, le MCP peut permettre de financer un dépôt de garantie pour la location d’un logement. Dans tous les cas, l’obtention du MCP a pour but une dépense,


un investissement, permettant d’améliorer durablement la situation financière de la personne concernée. C’est pour cela que l’attribution d’un MCP a été autorisée de manière exceptionnelle,


mais néanmoins constante, à des personnes en procédure de surendettement, dès lors qu’il permet d’investir dans un changement de situation (par exemple, la reprise d’un emploi) permettant


de respecter le plan d’apurement et d’éviter ainsi un redépôt. Il semble que cette autorisation exceptionnelle ait permis d’améliorer la situation financière d’un nombre assez élevé de


personnes. En aucun cas, et cela depuis les premiers jours, le MCP ne prend la place d’un découvert : il n’a pas la même fonction financière et n’est pas là pour couvrir une difficulté


passagère. Dans l’étude précédant l’obtention d’un MCP, une attention constante est portée à la capacité de remboursement, rendue possible en particulier grâce à l’investissement permis par


le prêt. Dans les premières années de son déploiement, le MCP a pris la place, dans les associations comme le Secours catholique, des aides pécuniaires directes à un projet, qui étaient


financées sur les ressources propres de l’association. Au regard des règles en vigueur concernant les prêts, cette situation ne pouvait durer, même pour des opérations sans but lucratif.


Pour assurer le développement de petits prêts personnels, la procédure mise en œuvre par les associations a été modifiée dès les années 2000. Les associations ne sont plus prêteuses mais,


dans un premier temps, ont été garantes de prêts mis en place par les banques, avant que le fonds de cohésion sociale (FCS) ne prenne en charge cette fonction. Des conventions ont été


passées avec des banques pour que celles-ci procèdent au versement du microcrédit dans le cadre d’une procédure spécifique, associant les structures d’examen et d’accompagnement. Depuis la


loi bancaire de 2013, certaines associations ont obtenu le droit de faire elles-mêmes le Micro Crédit Personnel sur leurs ressources propres ou à partir de ressources qui leur sont fournies


par le système bancaire. C’est le cas de l’Adie ou de Creasol, qui fonctionnent avec des professionnels et des bénévoles. Par ailleurs, certaines banques ont créé leur propre système de


microcrédits en distinguant l’organisme qui est en contact avec la personne ayant besoin d’un MCP et la banque qui verse le prêt. Ainsi sont nés Parcours confiance pour les Caisses


d’épargne, et Points passerelle pour le Crédit agricole. Dans le cas d’un prêt attribué par une banque, on distingue désormais l’instruction « sociale » des besoins de MCP, qui va de pair


avec l’accompagnement de l’emprunteur, et le financeur du prêt qui est une institution bancaire. Pour leurs frais de fonctionnement, ces associations sont obligées d’avoir recours à des


subventions ou à des fonds privés sans lesquels l’équilibre de leur exploitation nécessiterait des taux d’intérêt trop élevés. L’analyse des sinistres montre peu de différences entre des


prêts accordés après une longue et minutieuse procédure, et ceux accordés directement par l’Adie ou Creasol qui, en étant eux-mêmes prêteurs, ont beaucoup réduit la lourdeur et la lenteur de


la procédure. On peut regretter le trop faible développement (moins de 18 000 prêts en 2018 après 17 000 en 2017) du Micro Crédit Personnel par rapport au microcrédit professionnel (295 000


 en 2017). Cela tient essentiellement à deux raisons. D’une part, les banques n’ont aucun intérêt à proposer le MCP en lieu et place d’un crédit. Le montant limité du prêt, son taux


d’intérêt et l’examen de la demande rendent toujours l’opération déficitaire. Le MCP doit financer un projet ayant pour objectif de sortir de la situation de précarité. Or les conseillers


bancaires n’ont ni le temps ni les compétences pour accueillir de telles demandes. D’autre part, les associations de solidarité hésitent à proposer le MCP devant le risque d’accroître les


difficultés des personnes en cas d’échec du projet personnel financé. On ajoutera que les personnes elles-mêmes ont une attitude prudente devant les contraintes qu’engendre l’obtention d’un


MCP. Devant les difficultés rencontrées pour développer le MCP, mais aussi en regard des résultats obtenus par certains acteurs qui ont tenté d’alléger les procédures d’obtention, on peut


imaginer et même souhaiter qu’une digitalisation de la procédure puisse élargir le champ des bénéficiaires en multipliant les possibilités d’accès à ce dispositif. La digitalisation évite la


période des entretiens en face à face, lorsque ceux-ci, au vu du dossier, ne paraissent pas nécessaires. Elle fait gagner du temps pour l’examen des dossiers entre la demande et la décision


d’octroi. Elle ne nécessite pas de compétences particulières d’accueil et de dialogue. Mais cette digitalisation ne peut s’appliquer qu’à des dossiers simples pour lesquels la décision


semble facile, et à des personnes qui ne se trouvent pas en situation d’exclusion numérique. Par ailleurs, elle ne dispense pas de la nécessité d’un accompagnement des personnes concernées


et d’un suivi de l’exécution du projet. Avant d’aller plus loin dans la digitalisation, il faudra procéder à des tests pour prouver la validité de cette intuition. En définitive, le MCP est


bien adapté à des personnes en difficulté financière non récurrente, qui doivent faire face à des besoins immédiats, pour des montants faibles, mais avec des perspectives d’améliorations


futures, notamment grâce au MCP. 3.9. LES CONDITIONS DU DÉVELOPPEMENT DU MICRO CRÉDIT PERSONNEL Le MCP doit faire partie des outils à disposition des travailleurs sociaux. Ceux-ci doivent


mieux le connaître. Pour rendre ce MCP plus accessible, les structures qui le mettent en place et l’accompagnent ne doivent pas être en lien avec les institutions mises en place dans le


cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, à savoir la maison des services publics, les Points conseil budget, les premiers accueils sociaux inconditionnels de proximité,


mais aussi avec les maisons du droit et de la justice, les MDPH, dès lors que le Micro Crédit Personnel peut aider à résoudre des difficultés passagères d’adaptation à de nouvelles


conditions de vie. Les banques continueront sans doute à ne pas intégrer le MCP dans leurs produits destinés à la clientèle pour les raisons déjà indiquées, mais elles doivent faire un


effort important pour éviter le « crédit de trop » non accompagné qui pourrait être plus valablement remplacé par un Micro Crédit Personnel accompagné en lien avec un projet précis.