Dette grecque : l’europe ou le chaos | terra nova


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L’Europe ne peut plus attendre : la Grèce s’enfonce chaque jour un peu plus dans ses difficultés économiques, financières et sociales. L’Europe est également prise en étau face à des


contradictions insurmontables : doit-elle continuer encore davantage à aider la Grèce qui a déjà bénéficié de l’ouverture de plusieurs milliards de lignes de refinancement de la part du


Fonds européen de stabilisation ? Ou courir le risque d’un défaut de la Grèce, lequel plongerait sans nul doute le reste des marchés européens et de la dette européenne dans le chaos ? En


réalité, l’heure des choix douloureux arrive. La proposition d’une restructuration de la dette grecque doit être écartée. Elle déstabiliserait l’ensemble de la zone euro. Seule une « 


européanisation » de la dette constitue une solution crédible à la crise. L’ERREUR DE LA RESTRUCTURATION L’idée que la restructuration serait inéluctable à terme et la seule solution à même


d’empêcher un défaut de la Grèce est une erreur. Certes, l’Europe doit éviter à tout prix de courir le risque d’un défaut de la Grèce, lequel plongerait sans nul doute le reste des marchés


européens et de la dette européenne dans le chaos. Mais restructurer la dette grecque ne permettra pas d’éviter un tel chaos. L’ARGUMENT DES TENANTS DE LA RESTRUCTURATION La dette souveraine


grecque s’élève aujourd’hui à 327 milliards d’euros. Elle est détenue principalement par les banques et investisseurs grecs (pour 24 %), les banques centrales (20 %) et les autres banques


notamment européennes (pour environ 15 % à 20 %), les prêts de l’Union européenne et du FMI ne représentant que 11 % et 4 % de ce total respectivement (voir annexe en page 11). En dehors du


« masque à oxygène » fourni par les lignes de refinancements du FMI et du Fonds européen de stabilité financière (FESF), la Grèce n’a virtuellement plus accès aux marchés financiers. Ses


dernières émissions à 6 mois se sont faites à un taux totalement prohibitif de près de 5 %. Selon les tenants de la restructuration, sans celle-là, la Grèce ne pourra affronter le « mur de


remboursements » qu’elle connaîtra en 2012 et 2013. Dès 2012, la Grèce devra en théorie émettre 40 milliards d’euros sur les marchés financiers, et plus de 80 milliards d’euros en 2014, pour


rembourser à la fois ses échéances obligataires et les prêts bilatéraux reçus du FMI et de l’Union européenne. Un échéancier a priori intenable. Le gouvernement grec vient d’ailleurs


d’annoncer qu’il ne serait pas en capacité de revenir sur les marchés financiers l’an prochain. La Grèce connaîtra cette année sa troisième année consécutive de récession, et une contraction


du PIB de près de 3,5 % (après une chute de – 4.5 % en 2010) d’après les dernières projections de la Commission européenne. En conséquence, les déficits publics pourraient rester de l’ordre


de 9,5 % du PIB et la dette publique grecque continuer à progresser en 2011 de près de 15 points, pour atteindre 158 % du PIB avec un taux de chômage de près de 15 % ! EN % DU PIB 2010 2011


2012 Croissance du PIB – 4,5 – 3,5 1,1 Déficit public – 10,5 – 9,5 – 9,3 Poids des intérêts de la dette 5,6 6,7 7,4 Déficit primaire – 4,9 – 2,8 – 1,8 Dette publique (en % du PIB) 143 % 158


 % 166 % Taux de chômage 12,6 15,2 15,3 Source : Commission européenne, mai 2011 Or, selon un rapport publié récemment par le _ Financial Times_ , la seule stabilisation des déficits grecs


imposerait à la fois un retour des taux d’intérêts appliqués à sa dette de long-terme de 16 % aujourd’hui à 6 %, une croissance nominale du PIB relevée à 4 % par an et de dégager un excédent


primaire avant intérêts de 3,2 % du PIB ! Une équation impossible. L’ampleur de ses déficits et de sa dette, et le niveau – très élevé – des taux d’intérêts réels qui lui sont appliqué sur


les marchés rendent tout ajustement illusoire, alors que le prix social des engagements pris par Athènes auprès de Bruxelles et du FMI est déjà très élevé. La Grèce ne pourra compter


éternellement sur des émissions à très court terme prohibitives et sur les 110 milliards d’euros de prêts accordés par le FMI et l’Union européenne l’an dernier. Ainsi, selon les tenants de


la restructuration, une restructuration de la dette souveraine grecque pourrait prendre deux modalités très différentes dans ses implications. La première consisterait à annoncer et à mettre


en œuvre la restructuration de la dette grecque dès aujourd’hui, ce qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices, alors même que les principales banques créancières européennes n’ont


pas encore reconstitué leur matelas de fonds propres, dans le cadre des nouvelles règles de solvabilité imposées par Bâle III. Dans un scénario « maximal », la décote sur les titres pourrait


atteindre, dans les conditions de marché actuelles, jusqu’à 50 % ! Ceci équivaudrait aujourd’hui à imposer dès 2011 des pertes immédiates de près de 19,2 milliards aux pays de l’Union


européenne, dont 5 milliards à la charge de l’Allemagne, selon les calculs de Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank et cité par l’AGEFI . Avec 30 % de _ « haircut »_ , la perte


s’élèverait encore à plus de 11 milliards d’euros. Les banques grecques tout particulièrement, qui financent aujourd’hui 18 % de leur bilan grâce aux fonds de la BCE, seraient menacées de


crise de liquidité, puisqu’il deviendrait brutalement difficile, sinon impossible, à la BCE de continuer à leur prêter contre du collatéral grec. Une telle restructuration poserait en outre


la question de la contagion à d’autres pays : après la Grèce, serait-ce alors le tour de la dette de l’Irlande, puis du Portugal ? A ce titre, elle déstabiliserait très probablement les


marchés, accélérerait la fuite des investisseurs des dettes souveraines en Europe, et ferait exploser les conditions de refinancement des économies les plus fragiles de la zone euro à court


terme, rendant encore plus difficile leur ajustement financier. La seconde modalité de la restructuration selon ses défenseurs, serait une restructuration dite « ordonnée » de la dette


souveraine grecque en 2013, après que les banques européennes, et notamment les banques allemandes, très largement exposées, ont pu reconstituer un niveau de fonds propres satisfaisant. Dans


cette hypothèse, la décote pourrait certes encore atteindre jusqu’à 30 % ou 40 % de la valeur nominale des titres, laquelle pourrait être complétée, en outre, par un nouveau rééchelonnement


des remboursements. Les pertes pour le système bancaire européen continueraient à se compter en dizaines de milliards d’euros, mais deviendraient toutefois acceptables. Car entre temps, une


portion importante de la dette détenue par les banques européenne aura été remboursée et rééchelonnée par les financements, à taux plus avantageux en outre pour la Grèce, du FMI et de


l’Union européenne : de 15 % aujourd’hui, cette proportion pourrait atteindre plus du tiers dans 2 ans. En 2013, en outre, plusieurs recapitalisations seront intervenues dans le secteur


bancaire européen notamment au bénéfice des banques européennes les plus exposées, et deux années supplémentaires de profits auront été dégagées par ces établissements, venant conforter


leurs résultats. La perte de la BCE, qui affiche aujourd’hui plus de 76 milliards de dettes souveraines périphériques, serait a priori davantage « supportable » par l’institution, dans la


mesure où la BCE a acheté les obligations grecques à leur prix de marché et non à leur valeur faciale. Attendre jusqu’en 2013 permettrait aussi au stock de dette grecque détenu par la BCE,


de maturité plutôt courte, de diminuer progressivement. Enfin, selon les tenants de cette option, pour atteindre 2013, une renégociation des maturités avec les créanciers, portant notamment


sur le remboursement des emprunts émis et venant à échéance en 2012–2013, mais sans appliquer à ce stade de décote au principal ou au taux d’intérêt, pourrait être envisagée, et ce dans


l’immédiat. L’incidence sur les banques européennes serait d’autant plus limitée que celles-ci devraient pouvoir bénéficier d’un traitement comptable et réglementaire favorable à cette


opération, qui en outre ne déclencherait pas d’obligation de paiement d’indemnités de la part d’institutions détenant des CDS (« credit-default swaps »), ces instruments de couverture contre


le risque souverain. Une solution d’attente, et un premier pas vers le traitement plus global prévu en 2013, en quelque sorte. POURQUOI LA RESTRUCTURATION SERAIT UNE ERREUR En réalité, même


en considérant cette deuxième option, la restructuration serait une grave erreur. Une telle restructuration – immédiate ou à venir – serait un facteur clé susceptible de déclencher une


crise systémique sur la dette. En effet, en termes de conséquences, une restructuration est équivalente à un défaut. Après une restructuration – comme après un défaut – la Grèce aura du mal,


voire ne pourra pas pendant plusieurs années, revenir sur les marchés financiers. De manière plus importante encore, l’ensemble de la zone euro sera déstabilisée par une telle décision qui


verra l’explosion de la prime de risque sur les marchés financiers et mettra en péril la solvabilité du Portugal, de l’Espagne, de l’Irlande, et peut-être d’autres pays encore. De plus, et


pour la même raison, une restructuration ne pourra être interprétée que comme un défaut sur une partie de la dette : cela risque d’entraîner une opposition encore plus forte contre de


futures interventions de sauvetage de la part de l’Europe, et d’augmenter, notamment en Allemagne, la volonté de sortir de la zone euro, en renforçant chez les Allemands le sentiment d’avoir


une fois encore « fait confiance » à un pays qui non seulement a vécu à grands frais ces dernières années quand l’Allemagne se serrait la ceinture à coups de restrictions salariales, mais


une fois encore fait appel à la solidarité européenne plutôt que de supporter seul les conséquences de ses erreurs passées. Enfin, en restructurant une partie de la dette grecque


aujourd’hui, on ne ferait que repousser le problème à plus tard. De fait, il est plus que probable que la Grèce – à supposer qu’elle tienne jusqu’en 2013 – se retrouve à nouveau, et ce


malgré la restructuration qui aura eu lieu, en situation de non solvabilité en 2014, 2015 ou 2016. La situation de la Grèce aujourd’hui est en grande partie le fruit des errements de l’année


passée : si l’Union européenne – et en particulier l’Allemagne – avait eu le courage (ou l’intelligence) de venir au secours de la Grèce bien plus rapidement qu’elle ne l’a fait, plutôt que


de tergiverser pendant des mois avant de finalement mettre en place le FESF en faveur de la Grèce, mise en place qui s’est accompagnée d’une intervention jointe du FMI, sa situation serait


bien meilleure aujourd’hui car elle n’aurait pas à rembourser les nombreuses émissions de très court terme à taux prohibitifs qu’elle a dû multiplier. Il faut aujourd’hui mettre fin à cette


multiplication de solutions insatisfaisantes de court terme qui ne laissent envisager que des lendemains encore plus sombres, et prendre enfin la seule décision qui fasse sens sur le long


terme et donnera un peu de consistance à ce projet de gouvernance économique européenne dont tout le monde parle beaucoup sans que rien de concret ne soit fait : une européanisation de la


dette grecque. LES AUTRES SOLUTIONS ENVISAGÉES Au-delà de la volonté de restructurer la dette grecque, d’autres solutions sont envisagées. UNE AIDE SUPPLÉMENTAIRE Les pays de la zone euro


envisagent aujourd’hui une nouvelle aide financière, estimée par Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, à 60 ou 70 milliards d’euros, qui passerait par de nouveaux financements


du FESF. La condition probable en serait un nouveau durcissement du programme d’ajustement budgétaire, comme il en ressort des conclusions qui viennent d’être remises cette semaine par les


experts de la « Troika » au Président de l’euro-groupe jean-Claude Juncker : accélération des privatisations, nouvelles réductions des dépenses publiques et hausses des recettes…. Mais cette


option soulève de nombreuses oppositions. Selon certains, alors que la Grèce a déjà perçu des sommes considérables (plus de 110 milliards d’euros l’an dernier), elle relève de la fuite en


avant pour l’Europe : toujours plus d’aides financières, pour toujours plus d’incertitudes sur la résolution de la crise. En outre, l’Allemagne d’Angela Merkel a déjà exclu tout nouveau


paquet en faveur de la Grèce, tant que celui négocié au tournant de l’année 2011 n’aura pas été dûment mis en œuvre et expertisé… Finalement, en se présentant elle-aussi comme une solution


de court terme (on augmente aujourd’hui l’aide à la Grèce, sans aucune garantie que cette augmentation soit suffisante et que le même problème ne se représente pas demain), cette option ne


peut être considérée comme un moyen pour l’Europe de sortir définitivement de la crise de sa dette souveraine. A tout le moins, elle permet de gagner encore un peu de temps pour apporter les


vraies réponses. UN DÉFAUT UNILATÉRAL DE LA GRÈCE La seconde option serait dramatique : l’annonce unilatérale par la Grèce de son incapacité à rembourser ses créanciers. Cette mise en


défaut de la Grèce, non concertée ni ordonnée sur le plan européen signifierait la sortie de facto de la Grèce des mécanismes de solidarité de la zone euro. Le paiement des intérêts et du


capital de sa dette, aujourd’hui principalement contractée auprès des banques européennes et de la BCE, serait brutalement interrompu. Les implications d’une telle annonce seraient


incalculables sur la stabilité de la monnaie unique et sur la zone euro. Elle le serait aussi sur le plan économique et social pour la Grèce. Elle s’apparenterait à une véritable « suicide


politique » selon le représentant italien au Conseil d’administration de la BCE, Lorenzo Bini Smaghi. UNE PARTICIPATION DU SECTEUR PRIVÉ Il semblerait que la solution vers laquelle on


s’oriente principalement aujourd’hui soit une participation du secteur privé. Une telle participation s’effectuerait soit via un roulement « volontaire » des positions des investisseurs


quand les titres qu’ils détiennent arrivent à maturité, soit via un reprofilage de la dette qui consisterait à allonger les maturités des obligations en circulation. Le tout, dans le cadre


d’une nouvelle aide à la Grèce pour couvrir les échéances obligataires attendues en 2012, ainsi que d’un engagement renforcé d’Athènes en matière de privatisations et de hausse des recettes


fiscales. L’une et l’autre de ces options s’exposent à des difficultés techniques importantes et présentent des risques pour la suite de la zone euro. La raison en est due notamment au


mécanisme des « CDS » (« credit default swaps »), ces instruments de couverture contre le risque de défaut aujourd’hui détenus par milliards d’euros par les créanciers de la Grèce (les


grandes banques européennes, les hedge funds, et la BCE). Pour la Grèce, il est probable qu’un échange volontaire de titres aurait besoin d’être suffisamment coercitif pour assurer un taux


élevé de participation. En effet, faute de clauses d’action collective dans 90 % des obligations grecques, il faudrait obtenir l’accord de tous les détenteurs de titres pour une


restructuration volontaire, ce qui est difficilement réalisable. Or, un degré de coercition trop fort pourrait pousser le comité ISDA, l’association basée à Londres qui réunit les acteurs du


marché des CDS et composée notamment de 15 des principales grandes banques d’investissement mondiales, à interpréter cette décision comme « un défaut », même partiel, de la Grèce,


déclenchant le paiement par les banques créancières de ces instruments . Le risque serait monumental pour la zone euro, compte tenu des sommes importantes en jeu (5,2 milliards de dollars).


Les banques européennes dans leur ensemble seraient à nouveau en première ligne, ce qui ferait courir un risque systémique à la zone euro. Et cela créerait un précédent dans l’histoire


(aucun défaut souverain n’a en effet jamais impliqué le marché des CDS à grande échelle), que l’Europe mettrait des années à payer via des primes de risque appliquées à leurs taux d’intérêts


plus élevés…. Un tel scénario fait frémir les dirigeants européens, qui réfléchissent actuellement à un moyen de l’éviter sans trouver encore la clé. En toute hypothèse, même si une de ces


options était retenue, une fois encore, tout ceci ne ferait que reporter vraisemblablement le problème à plus tard, et quand le problème se représentera (très rapidement), le risque


systémique pour l’ensemble de la zone euro sera encore plus élevé. UNE SEULE SOLUTION VIABLE À LONG TERME : L’EUROPÉANISATION DE LA DETTE La seule solution vraiment audacieuse politiquement


et qui donnera du sens à une Europe économique, et à une gouvernance économique de l’Europe, mais surtout, la seule solution qui permettra à l’Europe de sortir définitivement de la crise de


sa dette souveraine, est une européanisation de la dette, c’est-à-dire une reprise de l’ensemble des titres de dettes obligataires souveraines grecques détenus par l’ensemble des autres


acteurs par l’Europe, et plus précisément la BCE et le Mécanisme européen de stabilité, en contrepartie d’une intégration politique et budgétaire encore plus poussée. En effet, ce qu’il


faut, c’est que la Grèce paie, mais qu’elle paie à des taux beaucoup plus raisonnables que ceux auxquels elle se trouve confrontée aujourd’hui. Concrètement, nous proposons que l’Europe


examine sans tarder le rachat par la Banque centrale européenne (dans la limite de ses capacités bilantielles) et par le Mécanisme européen de stabilité de l’intégralité des titres


obligataires souverains grecs détenus par les créanciers privés, au cours actuel du « marché », soit un taux inférieur entre 30 % et 40 % au nominal des titres. En contrepartie, nous


proposons que l’Union européenne s’engage résolument dans la voie d’une plus grande intégration européenne, par deux chemins parallèles. En premier lieu, sur le cas grec, en exigeant de


durcir encore son droit de regard sur les dépenses budgétaires grecques et sur ses choix essentiels à sa compétitivité. Parallèlement au niveau communautaire, en actant dans les statuts un


saut fédéral majeur : celui de doter le Conseil des ministres des Finances d’un véritable droit de véto général en Europe sur certaines décisions de politique économique nationale, lorsqu’un


pays à sollicité l’aide de la zone euro, en attendant la création, dans un second temps, d’un véritable « Ministre des Finances de la zone euro », comme l’a proposé Jean-Claude Trichet.


Lequel aurait des responsabilités directes dans (1) la surveillance des politiques budgétaires et de compétitivité ; (2) la supervision et la réglementation du secteur financier intégré de


l’Union et (3) la représentation de la confédération européenne auprès des institutions financières internationales. Dans l’immédiat, une telle « européanisation » de la dette grecque


permettrait d’abaisser significativement le taux d’intérêt appliqué au nom de la solidarité européenne et surtout empêcherait les risques de contagion aux pays fragiles de la zone euro. La


Grèce ne ferait pas défaut sur sa dette ce qui en outre rassurerait les marchés financiers. Nous avons évidement conscience des critiques qui pourraient être adressées à une telle solution.


Tout d’abord, certains souligneront qu’une fois encore cela reviendrait à favoriser le secteur financier privé qui se verrait rembourser l’intégralité de la dette grecque quand une


restructuration créerait bien évidemment des pertes pour ce secteur. Mais, d’une part, il n’y a aucune raison pour que le secteur financier privé (et par exemple les banques grecques) doive


supporter le coût d’une restructuration. La plupart des agents financiers privés qui détiennent de la dette grecque ne sont pas à l’origine de la crise actuelle et n’ont donc pas à en


supporter les conséquences. D’autre part, à supposer même que cela soit le cas, et qu’il faille punir le secteur financier pris dans son ensemble pour avoir provoqué la crise des _


subprimes_ dont nous subissons encore les conséquences, le coût en serait bien trop élevé, car cela entraînerait une crise systémique dont nul ne peut envisager l’ensemble des conséquences


négatives. Le fait qu’il n’y aura aucune perte pour le système bancaire européen peut en fait être vu comme l’une des conséquences positives de cette solution. Certains souligneront


également qu’une européanisation de la dette serait avantageuse pour la Grèce. Cet argument nous semble faux pour deux raisons. D’une part, parce que si l’alternative à l’européanisation est


le défaut unilatéral de la Grèce qui ne peut faire face à ses charges de remboursement, une européanisation de la dette qui suppose un remboursement complet de sa dette par la Grèce mais à


des taux beaucoup plus raisonnables, représente de fait une charge de remboursement plus importante pour la Grèce. D’autre part, par rapport à une restructuration, il est loin d’être sûr que


la charge de remboursement totale de la Grèce soit au final moins élevée en cas d’européanisation, mais l’européanisation, en évitant le recours à des taux prohibitifs, évitera


définitivement à terme le risque de défaut. De plus, le rachat par la BCE et par le Mécanisme européen de stabilité de la dette grecque ne se fera pas sans contrepartie. Ainsi, il y aura un


coût élevé pour la Grèce en termes de rigueur et de surveillance renforcées, avec la poursuite de l’ajustement budgétaire à Athènes et le retour à une trajectoire soutenable des finances


publiques. Il faudrait rajouter à cela une contrepartie politique forte : la soumission par la Grèce (et à termes par l’ensemble des pays européens) de leur budget au Parlement européen,


pour son approbation dans les grandes lignes, la répartition plus fine étant toujours décidée par les parlements nationaux. Finalement, certains diront qu’un tel rachat revient à créer un


précédent pour la suite. Certes. Mais cela fait longtemps – au moins un an, depuis le début de la crise de la dette souveraine – qu’un tel précédent aurait dû être mis en place. Il


représentera aujourd’hui la première marche essentielle sur le chemin de la gouvernance économique européenne, qui exige une meilleure intégration des politiques économiques et budgétaires


nationales, laquelle peut aller, dans les circonstances extrêmes auxquelles nous assistons – la dérive financière d’un pays menaçant la survie même de la zone euro – jusqu’à une forme de


mise sous tutelle, sur le plan budgétaire et de politique salariale, d’un pays ayant bénéficié d’une aide de la zone euro, mais ne parvenant pas à assurer l’austérité budgétaire exigée en


retour, à l’image de la Grèce actuellement. Une évolution indispensable pour éviter les risques systémiques et donner un peu de sens à l’idée de solidarité européenne. Somme toute, cette


solution de l’européanisation apparait ainsi justifiée au regard de la gravité de la crise actuelle et des risques de contagions à d’autres pays européens. A quel prix ? Le rachat de la


dette grecque demandera sans doute notamment à la BCE d’émettre de la monnaie, mais dans la conjoncture macroéconomique actuelle, où les tensions déflationnistes dominent, cela pourra se


faire sans inflation (c’est-à-dire sans coût pour le citoyen européen) en jouant sur l’effet de surprise. CONCLUSION Les décideurs européens ont tort aujourd’hui comme hier de chercher à


gagner du temps sur la crise grecque. Ils ne font que repousser le problème et surtout que l’aggraver, comme ils l’ont déjà fait il y a un an. Certes, il faut éviter un défaut désordonné et


subi de la Grèce faute d’anticipation. Contrairement à une idée de plus en plus répandue aujourd’hui, il faut également éviter une restructuration de la dette souveraine grecque. Le seul


scénario crédible pour sortir enfin l’Europe de la crise qui est aujourd’hui la sienne est l’européanisation de la dette grecque, première pierre de la gouvernance économique européenne et


reflet de la solidarité entre les pays membres de la zone. ANNEXE