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Pendant le confinement, les DRH de plusieurs groupes du CAC 40 se sont retrouvés tous les jeudis soir en « call » pour partager problèmes et remèdes. « _Seules quelques rares lignes ont
bougé_, confie l’un des membres du cercle, _mais le télétravail en fait partie._ » Ce que les plus sceptiques d’entre eux appelaient encore ironiquement, avant le 17 mars, _« télétarte »_ ou
_« télétondeuse », _ pour les échappées que la formule est supposée offrir aux salariés, a finalement fait ses preuves, dans un climat d’impréparation quasi générale . Et, fin avril, les
trois quarts des DRH réunis au sein de l’ANDRH indiquaient en prévoir un développement pérenne dans leur entreprise. RESPONSABILISER LES COLLABORATEURS Au même moment, les managers
interrogés par Terra Nova se félicitaient des bienfaits de la formule sur le climat de confiance dans les relations de travail, sur la productivité des salariés et sur leur capacité
d’initiative. Une unanimité qui marque un changement de pied : en France, pays de la supervision et du « manager contrôleur », la mise en place du télétravail avait, jusqu’aux dernières
grèves de décembre, plus souvent résulté d’une logique de gestion immobilière que d’une impulsion managériale prônant l’autonomisation et la responsabilisation des collaborateurs. L’option
avait « _couramment été envisagée par les entreprises comme la modalité d’un déménagement vers un lieu excentré ; c’était une contrepartie pour les salariés _ », précise Frédéric Guzy le
directeur général du réseau Entreprise et Personnel. Depuis le 17 mars dernier, elle a concerné entre 5 et 8 millions de personnes. De quoi ouvrir des discussions entre patronat et syndicats
. D’autant qu’elle pourrait s’avérer être un réservoir d’économies pour les entreprises, dès la rentrée, sachant qu’aucune organisation n’exclut plus d’étudier avec soin les taux
d’occupation de ses locaux. Quelques voix ont commencé à s’élever pour signaler les risques et précautions associées à cette organisation du travail. Caroline Arquié, DRH de SGS France,
signataire d’un accord d’entreprise sur le télétravail dès 2010, pointe notamment le nécessaire équilibre à maintenir avec les collaborateurs restants sur site, « _sans sentiment d’injustice
et d’inégalité_ ». Ce point ne peut être négligé alors même que plane la menace d’une crise sociale. UTILITÉ RÉELLE ET RECONNAISSANCE SOCIALE Concentré dans les catégories supérieures, les
grandes aires urbaines et les grandes entreprises – même s’il n’est plus exclusivement réservé aux cadres -, le télétravail demeure, pour l’économiste Yann Algan, « _la marque des catégories
favorisées_ ». Par nature, « _ il est réservé à ceux que l’on appelle les 'knowledge workers’, ces travailleurs de l’immatériel, de l’information et de la connaissance_, explique la
chercheuse en management Aurélie Leclercq-Vandelannoitte. _Une frange de la population n’y est donc pas éligible et sa généralisation pourrait créer une logique de travail à double vitesse_
». A fortiori lorsque le télétravail s’impose pour des raisons sanitaires. « _ Une différence de traitement entre ceux qui ont dû, doivent, se rendre sur site et ceux qui travaillent à
domicile, apparaît intolérable lorsqu’il s’agit d’une question de vie ou de mort_ », note Aurélie Leclercq-Vandelannoitte. Comment les entreprises ont-elles maîtrisé la situation ? Plutôt
bien, à les entendre : « _Nous avons veillé à ne pas opposer les uns aux autres. Chacun a un rôle différent, celui des opérateurs est primordial […]_ », déclarait Thierry Le Hénaff, le PDG
d’Arkema dans ces colonnes. « _Nous ne voulons pas faire deux classes de citoyens dans l’entreprise_ », affirment des responsables RH de la grande distribution, tout en concédant en privé
que « _les__premières lignes, et leurs managers, étaient épuisés nerveusement_ ». Pour autant, dans le secteur industriel où les opérateurs n’étaient pas en contact avec le public, les
entreprises qui avaient fait le choix de la continuité ont fréquemment essuyé des débrayages en début de confinement. Elles ont dû s’asseoir autour de la table avec les organisations
syndicales, faire appel au volontariat et s’organiser avec un taux d’absentéisme de l’ordre de 30 à 35 %. Au fond, la crise sanitaire a exposé au grand jour ce que le consultant en relations
sociales Denis Maillard appelle « le back-office de la société » et mis en évidence l’écart entre l’utilité réelle et la reconnaissance sociale. La hiérarchie des métiers va-t-elle être
revue au sein des organisations ? C’est peu probable. Cependant, les entreprises ne pourront échapper à la question de la reconnaissance. Ce sera l’un des enjeux des prochaines semaines,
au-delà des souhaits de revalorisations de salaires. La marge de manoeuvre des entreprises est étroite. En attendant, elles envisagent en ordre dispersé la question des primes prévues par le
gouvernement. Le leader mondial du contrôle et de la certification SGS a annoncé en prévoir le versement, en France, pour « _reconnaître les efforts de ses salariés sédentaires_ ».
Schneider Electric y a renoncé et fait le choix de l’augmentation générale, dans le cadre de sa politique salariale 2020, décalée de six mois. En interne, certains avaient déjà qualifié la
prime exceptionnelle de « prime Tchernobyl ». Valérie Landrieu