Hollande an ii : 22 pistes d’action pour l’emploi, le travail, l’industrie et la compétitivité | terra nova


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La réussite d’un quinquennat se juge sur cinq ans. Qui se hasarderait à se prononcer sur la performance d’un marathonien au bout de huit kilomètres ? C’est pourtant l’exercice auquel se sont


livrés bien des commentateurs à propos de la première année du quinquennat de François Hollande. A rebours de cette démarche, nous proposons dans ce document une analyse critique des


grandes options mises en place, confrontées aux engagements pris lors de la campagne électorale, mais surtout aux nécessités du contexte économique et social. Nous proposons également des


pistes d’action pour l’An II et pour la suite du quinquennat. Dans cet esprit, Terra Nova formule dans cette note les propositions suivantes : - PROPOSITION N°1 : S’appuyer sur les


structures régionales, particulièrement OSEO et les Direccte , pour faire connaître toutes les mesures du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi auprès des acteurs


économiques et sociaux, chefs d’entreprise des PME notamment. - PROPOSITION N°2 : Evaluer le fonctionnement et l’impact du CICE et poursuivre la réflexion dans le sens d’un report d’une


partie du coût de la protection sociale sur des facteurs autres que le travail. Envisager un plafonnement du CICE pour les entreprises de plus de 5 000 salariés (effectifs consolidés). -


PROPOSITION N°3 : Redéployer la moitié des allègements de charge sur les bas salaires vers des actions d’incitation à la montée en gamme (innovation, formation) et d’insertion


professionnelle des jeunes. - PROPOSITION N°4 : Finaliser la doctrine du gouvernement sur la prévention et les modalités des restructurations, afin de donner de la visibilité aux acteurs


économiques et sociaux. Favoriser l’anticipation, le dialogue social, les actions coordonnées et pragmatiques. - PROPOSITION N°5 : Formaliser avec le Conseil national de l’industrie et le


Commissariat à la stratégie et à la prospective l’ambition industrielle de la France, les plans d’actions et les engagements réciproques des différents acteurs pour y concourir (grands


groupes industriels, PME, Etat, CGI , Bpifrance, territoires, organismes sociaux concernés…). Donner au Commissariat le rôle d’évaluer les résultats de ces plans d’action en favorisant le


dialogue avec l’ensemble des parties prenantes. - PROPOSITION N°6 : Simplifier l’organisation administrative française et lancer, avec tous les acteurs économiques, une dynamique de


décentralisation des décisions au niveau régional, afin de favoriser l’émergence de réels écosystèmes propices au développement économique. - PROPOSITION N°7 : Encourager les stratégies


d’insertion de l’appareil productif français dans la mondialisation construites sur une logique de segmentation de la chaîne de valeur, qui offre des opportunités de relocalisation de


certains fragments. Favoriser des accords avec les pays du Maghreb pour y développer des partenariats industriels. - PROPOSITION N°8 : Poursuivre la simplification et le « reengineering »


des dispositifs d’accompagnement des PME et des ETI à l’international (financement/assurance et garantie/compétences). - PROPOSITION N°9 : Créer les conditions d’un succès du PEA-PME en


mobilisant les réseaux bancaires, en développant l’information des actionnaires, en communiquant auprès des épargnants et en développant une pédagogie de la prise de risque. Au-delà, lancer


une réflexion pour faire en sorte que le PEA-PME devienne un vrai instrument d’épargne populaire, et favoriser le développement de nouvelles formes d’épargne longue : finance participative (


_ crowdfunding_ ), _ business angels_ , bourse des PME et bourses régionales. - PROPOSITION N°10 : Créer un site internet permettant aux PME de consulter et renseigner (anonymement) les


délais de paiement des grandes entreprises clientes. - PROPOSITION N°11 : dans le cadre de la politique RSE et du reporting associé, inciter les grandes entreprises à publier la part de


leurs achats réalisés auprès de PME françaises. Faire établir par les administrations d’Etat, les opérateurs publics et les hôpitaux des objectifs mesurables et des plans d’action du


développement de l’achat public innovant auprès des PME et ETI françaises (Small Business Act à la française). - PROPOSITION N°12 : Remettre l’amélioration des conditions de travail au


centre des politiques de qualité et de compétitivité et accompagner les suites de la négociation entre les partenaires sociaux sur la « qualité de vie au travail » en favorisant l’expression


directe des salariés, la reconnaissance, la négociation intégrative sur les différents volets de la qualité du travail, le renforcement des CHSCT , la professionnalisation du management et


la prise en compte du facteur humain dans la conduite du changement et la gouvernance des entreprises. - PROPOSITION N°13 : donner aux Direccte et aux préfets de régions davantage de moyens


pour pouvoir adapter les critères d’éligibilité (entreprises et bénéficiaires) des contrats de génération et des emplois d’avenir dans les territoires où la lenteur du décollage reflète une


inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Etendre les emplois d’avenir aux PME du secteur privé. - PROPOSITION N°14 : ouvrir une négociation interprofessionnelle sur l’aménagement


du temps de travail, le travail à temps partiel choisi et le temps de travail tout au long de la vie, en articulant les différents moments (éducation, formation, congés parentaux,


repositionnement professionnel, accompagnement d’un ascendant en fin de vie…). - PROPOSITION N°15 : débuter sans attendre une démarche de concertation avec les partenaires sociaux visant à


préparer la réforme de la formation professionnelle par la co-construction d’un diagnostic aussi partagé que possible. Mettre Pôle emploi et l’AFPA en capacité de proposer à au moins un


chômeur sur deux une formation moins de deux mois après avoir perdu leur emploi. Les entreprises et les administrations publiques doivent être beaucoup plus impliquées dans l’accompagnement


et la construction des parcours professionnels de leurs collaborateurs. - PROPOSITION N°16 : Intégrer la politique du logement et l’accompagnement de la mobilité géographique à la démarche


d’amélioration de la compétitivité, de sécurisation de l’emploi et de réduction du chômage. - PROPOSITION N°17 : Amplifier le dispositif de « garantie jeunes » associé à un parcours


contractualisé et lui donner une priorité dans la communication et les actions gouvernementales dès le second semestre 2013. Accroître les ressources mises à sa disposition afin de viser


l’accompagnement d’au moins 300 000 jeunes. - PROPOSITION N°18 : Accroître les capacités des dispositifs d’insertion professionnelle. - PROPOSITION N°19 : différencier les taux d’imposition


sur les sociétés en fonction du réinvestissement et les droits attachés aux actions en fonction de la durée de détention ; concrétiser la notation sociale des entreprises. - PROPOSITION N°20


 : Poursuivre le dialogue avec les chefs d’Etat européens pour convaincre de l’intérêt bien compris de l’Union européenne de desserrer la contrainte budgétaire lorsque celle-ci conduit à


l’étouffement, pour favoriser les mesures de croissance concertée. - PROPOSITION N°21 : définir et exécuter une politique sélective d’investissements d’avenir à l’échelle européenne dans le


cadre de programmes transversaux structurants pour la compétitivité (énergie, transition écologique, réseaux numériques…) favorisant les retombées industrielles. - PROPOSITION N°22 : mettre


en place une fiscalité écologique à l’échelle européenne. Poursuivre sous forme d’une coopération renforcée la mise en place de la taxation sur les transactions financières. TENIR COMPTE DE


LA SITUATION DÉFAVORABLE DE LA FRANCE On ne rappellera pas ici les éléments bien connus de « l’héritage ». Celui-ci est lourd et justifie la position prise par les Français en faveur d’une


alternance, exprimée avec cohérence lors des élections présidentielles d’avril et mai 2012, puis des législatives de juin. Le contexte économique n’est pas celui qui était prévu par les


différents candidats en 2011. Aucun d’entre eux ne mettait en avant une croissance zéro à l’échelle européenne (et même une légère récession de la France), avec une très forte hétérogénéité


entre les pays européens (coexistence de politiques d’austérité d’une part, et de politiques de compétitivité d’autre part). On ne peut accuser François Hollande, comme l’on fait certains,


d’avoir nié l’existence de la crise. On peut en revanche rappeler que la crise a été plus profonde que ne le prévoyaient les différents candidats. Comme l’a déclaré Stéphane Le Foll  : « 


Nous avions anticipé la crise, mais nous n’avions pas anticipé l’aggravation de la crise ». Le poids de la situation de départ est donc particulièrement lourd ; d’autant plus lourd que la


période évaluée (douze mois) est courte. Les deux principaux ouvrages publiés par Terra Nova avant la campagne électorale sur le bilan du « sarkozysme » montraient clairement l’impact


délétère des politiques menées sur le plan de la compétitivité, de l’emploi et des conditions de travail. Une telle situation ne se redresse pas en quelques mois. François Hollande en était


conscient. Durant toute la campagne, il a constamment rappelé l’étroitesse des marges de manœuvre et le poids de la contrainte de la dette. « Ce qui est en cause, c’est la souveraineté de la


République face aux marchés. Voilà pourquoi je veux redresser la France, redresser ses finances et son économie, » écrivait-il dans l’introduction de son « programme » . Prolongeant


l’approche de Lionel Jospin en 2002, il a fait preuve d’une parcimonie raisonnée dans la formulation de ses propositions, avec la préoccupation constante d’éviter désespérance et résignation


mais aussi celle du sérieux et de la volonté d’être en capacité de tenir ses engagements. Ce souci du respect de la parole publique est à porter à son crédit. Elle rompt avec les usages


antérieurs et fonde la responsabilité du politique. INSCRIRE LE REDRESSEMENT DANS LA PRÉSERVATION DE LA CRÉDIBILITÉ DE LA FRANCE Dans le contexte de l’arrivée au pouvoir d’un président


socialiste, il faut souligner la différence essentielle avec le seul précédent de la V e République : en 1981, quelques mois après l’arrivée de la gauche au pouvoir, le rendement des


emprunts d’Etat s’était envolé alors que début décembre 2012, il est descendu sous la barre des 2 %. Le rétrécissement du « spread » avec l’Allemagne (120 points de base à l’été 2011) est le


signe tangible du rétablissement de la crédibilité extérieure de la France. Certes, l’environnement macro-économique est très différent, de même que les anticipations des marchés


financiers. Mais cette différence s’explique aussi par la politique rigoureuse (ou « sérieuse » dans la terminologie de Matignon) menée par le gouvernement Ayrault, qui a fait du respect des


engagements internationaux pris par la France une priorité explicite. La crédibilité de cette politique vis-à-vis des marchés est le signe que l’effort de redressement des finances


publiques commence à donner des résultats. Alors que la France a perdu son label AAA chez Standard & Poors (avril 2012) puis chez Moody’s (décembre 2012), jamais elle n’a obtenu de


meilleures conditions de financement. Le 9 juillet 2012, pour la première fois de son histoire, l’AFT (Agence France Trésor) a emprunté à des taux négatifs. Depuis début 2013, le coût moyen


d’emprunt français à moyen et long terme (émissions à plus d’un an) est de 1,45 %, contre 1,86 % en 2012, 2,80 % en 2011, 2,95 % en 2009 et 4,15 % en moyenne sur la période 1998–2007.


L’impact positif de la crédibilité de l’effort de redressement des finances publiques est considérable. D’après _ Le Monde_ citant Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis, une


économie de 1 % sur les taux des emprunts à 7 ans – la durée moyenne des emprunts français – représente 1,7 milliard gagné chaque année pour le budget de l’Etat. De même, une étude de la


Commission Européenne montre que l’impact d’une hausse des taux de 1 % sur la charge de la dette est de 1,8 milliard en année 1 puis de 8,2 milliards en année 5 et de 12,8 milliards en année


10. AMÉLIORER LA COMPÉTITIVITÉ DANS TOUTES SES DIMENSIONS La compétitivité de la France est aujourd’hui clairement menacée. Nous reprenons la définition du Conseil économique, social et


environnemental : la compétitivité est « la capacité d’une Nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale


dans un environnement de qualité. Elle peut s’apprécier par l’aptitude d’un territoire à maintenir et à attirer les activités et par celle des entreprises à faire face à leurs concurrentes 


». Le gouvernement a fait preuve de lucidité en prenant la pleine mesure de la désindustrialisation, qui frappe notre pays depuis le milieu des années 1990. Nul besoin de revirement (ou de «


 révolution copernicienne » pour les uns, de « perméabilité aux sirènes du Medef » pour les autres) : dès le début de sa campagne, François Hollande a fait du redressement des comptes


publics et du redressement productif le cœur de son projet. Il a présenté dès janvier 2010 un « pacte productif » reposant sur le diagnostic d’un « défaut de compétitivité structurelle » des


entreprises françaises, conduisant au « déclin dont la désindustrialisation est le premier symptôme ». Ce diagnostic était juste. Car la désindustrialisation a atteint un niveau


particulièrement inquiétant. Eurostat vient de publier les chiffres définitifs pour 2011 : la part de l’industrie dans la valeur ajoutée en France est passée de 18 % en 2000 à 12,5 % en


2011, contre 22 % en Allemagne, 19 % en Suède, deux pays qui disposent comme la France d’une structure de coût de la main d’œuvre industrielle élevée et d’un haut niveau de protection


sociale. Dans la zone euro, seuls le Luxembourg et Chypre sont derrière la France. Désormais, l’industrie pèse plus lourd dans l’économie grecque que dans l’économie française… sans parler


de la Grande-Bretagne, dont Nicolas Sarkozy nous disait qu’elle était devenue un désert industriel… Cette désindustrialisation fait peser une lourde menace puisque l’industrie est à la


source de la très large majorité des gains de productivité, des exportations, des investissements et de l’innovation. L’industrie exerce un fort effet de levier sur l’emploi. Une étude sur


des données américaines montre que chaque emploi dans le secteur manufacturier contribue à soutenir 2,91 emplois ailleurs dans l’économie contre 1,54 dans les services aux entreprises et


0,88 dans le commerce de détail. La France dispose cependant de bonnes capacités de résistance et d’atouts indéniables : elle est le 5 e exportateur mondial (parmi les pays dont la taille


est comparable à la nôtre, la France est même le 2 e exportateur par habitant), et en 2012, la croissance des exportations en volume n’a pas été sensiblement différente de celle observée en


Allemagne. Elle reste très attractive vis-à-vis des investissements étrangers, ce qui montre qu’elle offre un bouquet d’atouts appréciables dans la compétition internationale. L’étude


annuelle d’Ernst and Young sur l’attractivité montre que la France est au premier rang des pays européens d’accueil des investissements étrangers industriels avec 127 projets en 2012. Le


succès de l’Allemagne en termes de compétitivité est souvent attribué au « Kurzarbeit » et à la flexibilité horaire du travail. Cette expérience doit-elle servir d’exemple en France ? Le


modèle de pression à la baisse sur les salaires pour améliorer la compétitivité-coût est souvent vu comme un repoussoir : il pourrait cacher la réelle compétitivité de l’Allemagne, qui ne


tient pas à ses coûts modérés mais à son positionnement dans la chaîne de production, à la qualité de ses produits, à la solidité de son tissu de PME industrielles et à la constance de son


dialogue social. Guillaume Duval rappelle, dans son ouvrage _ Made in Germany, le modèle allemand au-delà des mythes_ , la mauvaise interprétation en France dans le débat public du _


Mittelstand_ allemand. Les entreprises allemandes exportent car beaucoup d’entre elles fabriquent des machines : ainsi, même une PME dans ce secteur peut être numéro 1 mondial et exporter


une forte part de sa production, ce qui ne sera pas le cas d’une entreprise bretonne de purée biologique, même si elle passe de 50 à 200 employés… Il faut donc s’interroger sur la


possibilité pour la France de reconquérir une position dans le secteur des biens d’équipement. De même, il nous invite à ne pas croire que le succès de l’Allemagne repose sur les réformes


initiées par Gerhard Schröder : l’une des thèses du livre est « qu’il est probable que l’action de Gerhard Schröder a plutôt fragilisé à terme l’économie et la société allemande en


permettant que s’y répandent la pauvreté et les inégalités » et que les performances de son industrie ne sont pas dues à la flexibilité du marché du travail. Les « mini-jobs » à faible


salaire (et protection sociale réduite) sont concentrés dans les services et la population féminine. La production industrielle allemande qui concurrence nos exportations sur les marchés


internationaux est au contraire fabriquée par des salariés fortement syndiqués, qui bénéficient de conventions collectives de qualité (même si le taux de couverture conventionnelle est en


érosion sur la période récente). Dans leur ouvrage _ L’industrie française décroche-t-elle ?_ , Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil avancent que « des comparaisons d’entreprises allemandes et


françaises de taille similaire montrent que le taux d’encadrement est très supérieur en France : on y emploie environ deux fois plus de main d’œuvre indirecte ». Sur un plan plus


qualitatif, ils ajoutent : « Une partie importante des personnels encadrants allemands, du contremaître au PDG, ont commencé par exercer les métiers de ceux qu’ils supervisent, avant de


saisir les occasions de qualification et de promotion qui leur étaient offertes. Dans le système de ‘castes’ français, la position occupée dépend beaucoup du diplôme obtenu, lui-même étant


très corrélé à l’origine sociale. » Cette comparaison avec le « modèle allemand », dont beaucoup ne veulent retenir qu’un élément pris isolément, montre que la notion de compétitivité est


globale. Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi adopté par le gouvernement en novembre 2012 à la suite des recommandations du rapport de Louis Gallois , constitue


probablement l’ensemble le plus systémique jamais mis en œuvre pour traiter de la problématique de la compétitivité dans toutes ses dimensions en dépassant l’opposition entre « 


compétitivité – coûts » et « hors coûts ». La plupart des experts s’accordent désormais sur le fait que cette opposition n’est pas très opérationnelle, comme l’a encore rappelé le rapport


parlementaire présenté par Daniel Goldberg . Ce Pacte établit de façon très pragmatique la feuille de route de l’action du gouvernement envers les entreprises, en donnant de la visibilité et


de la lisibilité à la cohérence de son plan d’actions. C’est à la fois un document pédagogique d’explication de la politique gouvernementale, et un contrat engageant le gouvernement envers


le monde économique, permettant à celui-ci d’anticiper et de conforter sa vision pour les mois à venir. Le document est synthétique, très opérationnel. Il faut en souligner la clarté. Pour


autant, il ne semble pas qu’il ait reçu l’écho qu’on pouvait attendre. Il reste insuffisamment connu des chefs d’entreprise auxquels il s’adressait en premier lieu. La communication a-t-elle


été insuffisante ? N’est-elle pas passée par les bons relais ? La méthode est-elle trop nouvelle ? L’attente de résultats, en termes de croissance et d’inversion de la courbe du chômage


notamment, prévaut-elle à un point tel qu’elle chasse toute attention vis-à-vis des moyens mis en œuvre ? PROPOSITION N°1 : S’appuyer sur les structures régionales, particulièrement OSEO et


les Direccte, pour faire connaître le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi auprès des acteurs économiques et sociaux, chefs d’entreprise des PME notamment. Ce


Pacte dresse la liste des 35 mesures mises en place à court terme (deux tiers d’entre elles ont déjà été lancées dans un délai de six mois, à mi-avril 2013) pour agir sur huit leviers


majeurs de la croissance: la compétitivité, le financement des PME et ETI, la montée en gamme et l’innovation, la solidarité de l’appareil productif français, le développement à


l’international et l’attractivité de notre territoire, l’adaptation de la formation aux besoins, la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal et l’accompagnement par une


action publique au service de la compétitivité. Il comporte notamment des mesures en faveur de : la réduction du coût du travail avec le crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE), mais


aussi celle du coût du capital pour les entreprises (réorientation de l’épargne des ménages, notamment vers le financement des PME, création de la banque publique d’investissement, réforme


bancaire), et surtout des politiques en faveur de la performance hors coût, visant la coopération (filières industrielles, promotion du « fabriqué en France »), l’innovation (pôles de


compétitivité, crédit impôt recherche), la simplification administrative, l’encouragement des pratiques responsables sur le plan environnemental (fiscalité écologique). C’est la première


fois qu’un gouvernement de gauche admet clairement que la France est handicapée par un problème sérieux de compétitivité et que, même s’ils n’en constituent pas l’essentiel, les coûts


salariaux en font partie intégrante. Dans son dernier rapport écrit avec Louis Schweitzer, Olivier Ferrand l’avait pointé avec force  : « Les coûts de production en France sont très élevés,


notamment par rapport à l’Allemagne. (…) Alors que le coût du travail dans l’industrie allemande était de 10 % supérieur à la France, il est aujourd’hui identique avec un coût horaire


industriel de 33 euros. Mais à coût égal, l’Allemagne bénéficie d’une image de marque plus avantageuse, celle du « made in Germany ». Or l’Allemagne est le premier concurrent de la France


sur les marchés européens et mondiaux. Sept produits et services français à l’export sur dix trouvent en face d’eux un produit ou service allemand concurrent. La dégradation de la balance


commerciale française est fortement corrélée au redressement de la balance commerciale allemande. » Cette perte de compétitivité n’est pas une vue de l’esprit. Terra Nova a estimé son impact


sur la période 1998 – 2008 : « Une perte de plus de 100 milliards d’euros d’exportations, soit 5 points de PIB. (…) Nous avons perdu 0,5 % de pouvoir d’achat par an du fait du recul de


notre compétitivité. Sans ce facteur, nous aurions au bas mot un demi-million de chômeurs en moins, ce qui nous ramènerait au niveau allemand, l’un des plus bas d’Europe, et notre déficit


budgétaire serait moindre de 2,5 % avec une dette publique de 60 % » . A l’autre extrémité du spectre des opinions, il serait fallacieux de masquer le fait que dans de nombreux cas, la


dégradation depuis dix ans de notre commerce extérieur de produits industriels résulte aussi d’échecs stratégiques d’entreprises. De même, on ne peut réduire la problématique de


compétitivité de la France au seul « poids » des coûts salariaux. Même COE-Rexecode, qui a beaucoup insisté sur la problématique salariale, constate dans sa propre étude que les produits


français sont positionnés au-dessus de la moyenne du marché international en termes de coûts mais aussi en termes de qualité, de contenu en innovation, d’ergonomie-design, de notoriété, de


services associés aux produits. Ils sont cependant moins bien classés en termes de délais de livraison, de variété des fournisseurs, de prix et de rapport qualité-prix. Deuxièmement, les


produits allemands sont eux presque toujours en tête sur tous les critères et dans tous les secteurs, à la notable exception des prix des produits agroalimentaires. Philippe Askenazy a


montré « les incohérences de l’hypothèse d’un coût du travail excessif qui obérerait la compétitivité de la France ». Il observe que « de 2005 à 2012, les prix de production de l’industrie


manufacturière ont bien moins progressé en France qu’en zone euro et singulièrement en Allemagne, sans que l’on observe de progrès de notre balance commerciale » et rappelle que « les


estimations de la Commission européenne (Bilan approfondi pour la France du 30 mai 2012) montrent que l’essentiel des pertes françaises en matière d’exportations de biens manufacturés porte


sur la compétitivité hors coût. » Le point de vue des principaux intéressés, les responsables de sites industriels, va également dans le sens de relativiser le poids des coûts salariaux.


Dans une étude menée fin 2012 par les consultants de Roland Berger en partenariat avec _ L’Usine Nouvelle_ , les directeurs de sites industriels ont été interrogés sur leur perception de la


compétitivité et de ses critères. Il en ressort que 63 % d’entre eux considèrent que leur site est compétitif, et 12 % le jugent même « très compétitif ». Ils ont dressé leur liste des


critères les plus déterminants pour être compétitif et le coût du travail ne ressort pas comme étant le critère le plus important. Cité par 79 % des répondants, il arrive en quatrième


position derrière les achats de matières premières (87 %), l’efficacité du système de production (80 %) et la maîtrise des processus industriels (79 %). Il est clair que la problématique des


coûts ne peut être évacuée pour autant. Le crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE) vise à améliorer dans un délai court le niveau des marges des entreprises françaises, dont toutes


les études montrent qu’elles ont significativement baissé depuis 2008, pour leur permettre de préparer l’avenir. En 2011, le taux de marge des sociétés non financières est tombé à 28,4 %,


son plus bas niveau depuis 1985 (26,4 %). Cette baisse est d’autant plus préoccupante que le taux de marge s’élève, la même année, à 41,2 % en Allemagne et à 38,6 % pour la moyenne de la


zone euro. L’allégement procuré par le CICE représentera 4 % du coût de la masse salariale brute de l’entreprise hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC en 2013, pour un montant de 13 


Md€ ; le taux sera porté à 6 % en 2014 et 2015, générant des réductions de coût de 20 Md€ pour chacune des deux années. La mise en place dès mars 2013 d’un pré-financement du CICE par la


Banque publique d’investissement (Bpifrance), qui sera bientôt suivie par les autres établissements bancaires, permet aux TPE et aux PME qui le souhaitent de bénéficier immédiatement d’une


avance de trésorerie équivalente, sous forme d’une mobilisation de la créance publique en germe. Le CICE a ainsi le mérite de pouvoir être mis à profit dès 2013 par les entreprises pour


investir, innover et créer des emplois, alors que son impact sur les comptes publics n’interviendra qu’à partir de 2014. C’est bien un effet contracyclique qui est attendu : l’objectif est


de générer de la croissance par des effets d’entrainement micro-économiques, en incitant les entreprises à réinjecter dès maintenant dans leur propre développement le bol d’air financier qui


leur est alloué par cet allègement d’impôts. OSEO (Bpifrance) a déjà mobilisé près de 500 millions d’euros pour les PME et TPE au titre du pré-financement du CICE, et 2 milliards d’euros


sont prévus pour l’ensemble de l’année 2013. Même si les réductions de coûts associées ne correspondent en moyenne qu’à 0,8 % du chiffre d’affaires des entreprises, il faut rappeler que la


marge nette moyenne des entreprises non financières est de 1 % du chiffre d’affaires ; ainsi, le CICE peut faire toute la différence entre situation bénéficiaires ou déficitaire. La loi sur


la sécurisation de l’emploi prévoit un contrôle de l’utilisation du CICE par le Comité d’entreprise (CE), de façon à éviter que les fonds issus du crédit d’impôt ne soient prioritairement


dévolus à une hausse de la part des bénéfices distribués ou à une augmentation de la rémunération des dirigeants. Si le CE estime que l’utilisation du CICE n’est pas conforme aux objectifs


de la loi (recherche, innovation, formation…), il peut saisir un comité régional prévu à cet effet dans lequel siègeront en particulier l’administration fiscale et l’administration du


travail. De même, la base de données unique définie par cette loi permettra au CE d’exercer une vigilance sur le partage de la valeur ajoutée. Celle-ci est nécessaire car le problème de


compétitivité de notre pays, ainsi que la fragilité de la structure financière de nos entreprises, sont aussi dus au coût du capital (alors que certains ne veulent voir que celui du


travail). Ainsi, l’économiste Philippe Askenazy observe que le taux de redistribution des dividendes nets des entreprises non financières a atteint en 2011 le chiffre record de 9 %, alors


qu’il était historiquement de l’ordre de 4 %, et d’à peine 5 % voilà 10 ans. Gilbert Cette note également que les dividendes versés ont triplé depuis le premier choc pétrolier, passant de 3 


à 9 points de valeur ajoutée en 2011, cette évolution résistant même à la crise actuelle. La mise en place du CICE était originellement censée durer deux ans, dans l’attente de la réflexion


sur le financement de la protection sociale (dont il est envisagé de reporter le coût ailleurs que sur le facteur travail). Elle doit faire l’objet d’un premier bilan d’étape : quelle aura


été son utilisation réelle par les entreprises et quel impact peut-elle avoir pour le reste du quinquennat ? Faut-il prolonger le CICE, en réformer l’assiette (constituée actuellement par


les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales, versées par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le Smic) ? Quel équilibre trouver entre la volonté de favoriser un large


spectre d’emplois non délocalisables mais, compte tenu de la structure d’emplois en France, faible qualification, notamment dans les services, tout en dynamisant la création d’emplois


industriels, à plus haute qualification ? Comment faire en sorte que le CICE bénéficie prioritairement aux PME et ETI, plus fortement créatrices d’emplois, qu’aux grandes entreprises ? Quel


lien établir avec les dispositifs d’allègement des cotisations sociales de plus en plus contestés ? Peu de données aujourd’hui permettent de prévoir l’impact du CICE. D’après Mathieu Plane,


après un effet légèrement récessif entre 2014 et 2016, le CICE « devrait permettre de créer, cinq ans après sa mise en place, environ 150 000 emplois, faisant baisser le taux de chômage de


0,6 point et il générerait 0,1 point de PIB en 2018 » . PROPOSITION N°2 : Evaluer le fonctionnement et l’impact du CICE et poursuivre la réflexion dans le sens d’un report d’une partie du


coût de la protection sociale sur des facteurs autres que le travail. Envisager un plafonnement du CICE pour les entreprises de plus de 5 000 salariés (effectifs consolidés). AIDER NOS


ENTREPRISES À INNOVER ET À EFFECTUER UNE MONTÉE EN GAMME DE LEURS PRODUITS ET PRESTATIONS Sans passer en revue l’ensemble des 35 mesures du Pacte, il y a lieu de souligner l’ampleur des


nouvelles actions prises en faveur de l’innovation. Pourquoi les entreprises françaises ont-elles du mal à imposer leurs prix (sur le marché domestique et à l’export), à préserver leurs


marges et à investir ? Parce qu’elles ne sont pas assez innovantes. Le retard de la France en matière de R&D est bien connu. La phrase du Plan intérimaire de 1982, que Jean-Pierre


Chevènement avait fait sienne : « Il n’y a pas de secteurs condamnés, il y a des technologies dépassées », demeure porteuse de sens… à condition toutefois d’y inclure usages et produits.


Plus largement, ce retard concerne l’innovation dans son ensemble, qui va bien au-delà des technologies et de l’innovation produit, et concerne aussi la conception, le marketing, la


collaboration avec les fournisseurs, les procédés de fabrication, la façon d’associer produits et services, etc. D’après Eurostat, la part du chiffre d’affaires des entreprises industrielles


lié à l´innovation est de 18 % en moyenne pour les 27 pays de l’UE, mais il n’est que de 16 % en France. Il est de 23 % en Allemagne, 21 % en Finlande ; 13 % en Grande-Bretagne, 12 % en


Italie, 20 % en Espagne . Un récent rapport de l’OCDE a montré que dans le contexte de chaînes de valeur fragmentées au niveau mondial, ce sont les pays qui investissent le plus dans leur


capital humain qui réussissent le mieux à tirer parti de cette conception élargie de l’innovation. En complément des actions de soutien à la phase R&D, et notamment de la sanctuarisation


du crédit d’impôt recherche pour les petites et grandes entreprises, le gouvernement a pour la première fois introduit des mesures portant sur l’aval : mise sur le marché des innovations et


accompagnement des PME innovantes dans le lancement industriel et commercial de leurs innovations. Un crédit d’impôt innovation est instauré, afin d’étendre pour les PME l’assiette des


allégements fiscaux aux dépenses de prototypes et d’installations pilotes. Pour combler les manques de financement auxquelles elles se confrontent souvent dans cette phase cruciale, la


fameuse « vallée de la mort », OSEO, bientôt Bpifrance, a créé le PPI, Prêt pour l’innovation, qui pourra atteindre 1,5 M€ sur une durée de 7 ans. Bpifrance pourra également amplifier ses


apports en fonds propres aux PME innovantes, en direct ou via des fonds de capital-risque, grâce à des dotations complémentaires par réallocation du Plan d’investissement d’avenir (PIA). Les


pôles de compétitivité sont confortés pour une phase 3.0. Il leur est demandé de devenir des « usines à produits d’avenir », et non plus des « usines à projets », en sélectionnant les


projets en fonction de leurs retombées économiques et en accompagnant les PME dans cette phase de passage au marché, au-delà de la réussite du projet collaboratif pendant la phase de


R&D. 110 M€ du PIA sont réalloués vers cet objectif, en étant mobilisables pour industrialiser les meilleurs projets soutenus par les pôles de compétitivité. L’innovation de rupture est


le deuxième axe central de la politique d’innovation, avec le souci de sélectionner : une commission Innovation 2030 est créée sous la direction d’Anne Lauvergeon, pour identifier les cinq à


dix défis industriels auxquels la France doit prioritairement se préparer et sur lesquels sera concentré le financement public de l’innovation de rupture, avec une ferme volonté de se


centrer sur quelques priorités. Un budget de 150 M€ sera alloué, avec une procédure d’appels à projets dans les domaines retenus. La nécessité d’une politique volontariste de montée en gamme


pose la question de la cohérence avec le dispositif actuel d’allègement de charges sur les bas salaires. Ils représentent un coût budgétaire considérable : 20,7 milliards d’euros pour 2011,


selon le rapport du COE publié fin avril 2013, contre seulement 4,1 milliards pour les emplois aidés, l’aide à l’insertion, à l’activité partielle et à l’apprentissage. Ils aboutissent à


subventionner des emplois de service non délocalisables, et des emplois de fin de cycle, qui ne peuvent être sauvés à terme. Les politiques d’abaissement de charges sur les bas salaires ont


par ailleurs des effets pervers considérables : Elles créent des « trappes à bas salaires et à pauvreté » en enchérissant l’augmentation des bas salaires. Elles se transforment


progressivement en « trappes à déqualification » en décourageant les chefs d’entreprises de former leurs salariés, de façon à éviter d’avoir à les augmenter. Elles sont donc contradictoires


avec les stratégies de compétitivité fondées sur l’enrichissement du travail et le positionnement sur des créneaux à forte valeur ajoutée. Pour financer l’abaissement de charges sur les bas


salaires, elles nécessitent en effet un alourdissement du coût du travail qualifié. Terra Nova a clairement pris position sur cette question : « Entre une stratégie de compétition salariale


par les prix et une stratégie de compétition par l’innovation, Nicolas Sarkozy a continué à privilégier la première, comme son prédécesseur, sans corriger ses problèmes structurels de


compétitivité et la fragilité de sa spécialisation industrielle. La stratégie de sortie de crise par l’allègement massif des charges sur les entreprises aboutit aujourd’hui à une impasse, et


les aides aux entreprises n’ont pas été suffisamment rééquilibrées en faveur des PME, pourtant les plus touchées par la crise. » Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a lancé une réflexion


qui n’a pas (encore ?) abouti à la remise en cause d’un choix qui apparaît de plus en plus comme une contradiction. « Le soutien à l’emploi peu qualifié conduit progressivement à déqualifier


nos entreprises et à proposer dans les entreprises de services des services de faible qualité. C’est cette baisse de la qualité de nos productions qui explique la perte de part de marché


des biens et services français, qui elle-même contribue à l’anémie de notre croissance économique, qui elle-même justifie les politiques d’austérité et de pression sur les salariés. (…) Le


redéploiement d’au moins la moitié des sommes en jeu, soit environ 15 milliards d’euros, dont les effets sur l’emploi sont négligeables mais délétères sur la mobilité ascendante, donne des


marges de manœuvre majeures » . PROPOSITION N°3 : Redéployer la moitié des allègements de charge sur les bas salaires vers des actions d’incitation à la montée en gamme (innovation,


formation) et d’insertion professionnelle des jeunes. S’OCCUPER DES RESTRUCTURATIONS SILENCIEUSES Ce sont « les entreprises industrielles qui ferment » qui sont, pour les Français, le


premier problème à résoudre pour sortir de la crise, comme l’indique le sondage sur la crise vue par les européens effectué par Ipsos/CGI/Publicis en avril/mai 2013 et publié par le journal


_ Le Monde_ . La France est le seul pays qui place ce problème en tête de liste. Les restructurations médiatisées (Arcelor Mittal, PSA Aulnay, Petroplus…) ont saturé le débat public et


laissé un goût amer d’inaboutissement. Pourtant, l’essentiel des restructurations sont celles dont on ne parle pas. C’est pourquoi l’action du ministère du Redressement productif qui a


permis un réel impact dans le soutien à la croissance et à l’emploi est la mise en place des 22 commissaires en régions. D’après le bilan publié récemment , « 368 dossiers ont déjà été


traités avec succès, [ce qui] représente près de 48 116 emplois préservés sur un total de 59 308 emplois concernés pour l’ensemble du dispositif de défense et de promotion de l’activité


industrielle sur notre territoire ». Le rapport donne pour chacune des 22 régions métropolitaines des exemples concrets d’entreprises qui ont bénéficié de l’intervention des commissaires. On


a certes souligné qu’il s’agissait là d’une stratégie défensive, qu’il faut impérativement compléter de l’élaboration d’une stratégie offensive, avec l’appui du Conseil national de


l’industrie et des 13 comités stratégiques de filières, pour repositionner l’Etat dans son rôle de coordinateur et d’architecte d’une ambition industrielle nationale. Mais les risques de


fermeture d’entreprises sont la réalité de tous les jours que l’Etat ne peut ignorer, et qu’il peut parfois contribuer à conjurer. Avant la mise en œuvre d’une restructuration et d’un plan


social, des acteurs qui ne se parlaient traditionnellement pas travaillent dorénavant davantage ensemble et de manière plus efficace (le préfet, Pôle Emploi, les DRH des entreprises locales,


les syndicalistes, les Direccte, etc.). Ce dialogue permanent entre les acteurs permet de mieux identifier, prévenir et parfois traiter les difficultés des entreprises de chacune des


régions. Sur les restructurations et la gestion des plans sociaux, la loi de sécurisation de l’emploi apporte de nombreuses modifications au cadre légal, qu’il faudra évaluer avec précision.


De même, une proposition de loi a été élaborée par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale sur la cession des sites rentables. Enfin une loi sur les licenciements boursiers a été


évoquée. PROPOSITION N°4 : Finaliser la doctrine du gouvernement sur la prévention et les modalités des restructurations, afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques et sociaux.


Favoriser l’anticipation, le dialogue social, les actions coordonnées et pragmatiques. ORGANISER LE RETOUR DE L’ETAT STRATÈGE… DANS UN PAYS QUI SE RÉGIONALISE Quelle est la stratégie


industrielle de la France ? Certaines priorités sont affichées, notamment à travers le Programme des investissements d’avenir (PIA) géré par le Commissariat général à l’investissement (CGI) 


: la transition énergétique et les éco-industries, la santé et l’économie du vivant, le numérique. Mais on note l’absence d’un projet et d’une vision d’ensemble de ce que pourrait être une


stratégie industrielle nationale à long terme. La composition de la Conférence nationale de l’industrie, rebaptisée Conseil national de l’industrie, a été élargie et son rôle renforcé. 13 


comités stratégiques de filières sont en ordre de marche, afin de préparer des « contrats de filière ». Ils ont pour mission de suivre l’évolution de l’activité et de l’emploi dans la


filière, d’évaluer l’adéquation des mesures de politiques publiques spécifiques à la filière et de son dispositif de formation, de proposer des actions visant à améliorer la compétitivité de


la filière. Des groupes de travail transversaux sur des sujets d’intérêt commun entre les différentes filières viennent compléter le dispositif. C’est un lieu de dialogue utile,


indispensable pour construire une vision partagée entre l’Etat, les industriels (grandes et petites entreprises) qui sont les premiers à être aux manettes quand il s’agit de stratégie


industrielle, les partenaires sociaux, les territoires. Mais de ces réflexions n’émergent actuellement pas suffisamment les orientations structurantes de l’ambition industrielle de la France


à 10 et à 20 ans, et l’identification de priorités d’actions et d’engagements réciproques, Etat / entreprises, grands groupes / PME. Qu’est-ce qu’une stratégie industrielle nationale si ce


n’est la combinaison d’une vision stratégique partagée des axes sur lesquels muscler le développement de l’appareil productif national et articuler une solidarité de filière, avec une


volonté politique de l’Etat, intervenant pour ce qui le concerne au service de cette ambition? Tout le monde s’accorde sur l’absolue nécessité d’une stratégie volontariste de montée en gamme


de produits, comme rappelé ci-dessus. Que fait-on au sein de chaque filière pour aider nos PME à la mettre en œuvre ? L’amélioration de notre balance commerciale passe par un développement


pérenne des exportations des PME. Comment mettre en œuvre des stratégies de filières à l’exportation, dans lesquelles grands groupes et PME françaises peuvent s’épauler pour conquérir des


marchés, à l’instar de pratiques courantes en Allemagne ou au Japon ? Quel rôle jouera la banque publique d’investissement dans la mise en œuvre de ces stratégies nationales de filières ? La


création de Bpifrance, premier des 60 engagements de François Hollande, a été menée à terme, essentiellement par rapprochement de structures existantes (FSI, CDC Entreprises, OSEO). Il


faudra juger de la mise en place d’une doctrine de financement et d’investissement qui reflète avec pertinence l’approche d’un financier « avisé mais patient ». L’apport en fonds propres par


CDC Entreprises et le FSI se fait nécessairement de façon sélective. Qu’en sera-t-il des financements de trésorerie et de prêts-mezzanine ? Bpifrance maintiendra-t-elle une intervention


large sur tous les secteurs, comme OSEO, ou servira-t-elle prioritairement les filières ou activités qui auront été identifiées comme stratégiques ? Il faudra également mesurer « l’empreinte


sociale » de Bpifrance, c’est-à-dire son impact en termes d’emploi, de qualifications, d’investissements, dans les entreprises et les territoires dans lesquels elle intervient, son effet


d’entraînement sur le financement des PME par le secteur bancaire. Il faudra enfin vérifier l’orientation de la politique d’intervention vers le principal objectif stratégique : aider les


PME à grandir pour en faire des ETI, qui manquent aujourd’hui à notre système productif, et à se développer à l’international. Elaborer des stratégies nationales de filières ne doit pas pour


autant conduire à s’enfermer dans une vision industrielle restrictive d’intégrations verticales, qui correspond davantage à l’industrie du 20 e siècle qu’à celle du 21 e . L’industrie


d’aujourd’hui et de demain, c’est celle qui fonctionne avec le numérique, les réseaux, la communication mondiale instantanée, c’est celle qui élargit et enrichit sa chaîne de valeur en


développant les services associés à ses produits, c’est la culture du transversal, du matriciel, du management de projet et de la transition écologique. Il est indispensable d’encourager la


diffusion, notamment dans les PME, des technologies transversales, numérique et outils collaboratifs bien sûr, mais aussi outils de conception, robotisation, prototypage, analyse et


exploitation de données (la France est en retard dans l’utilisation du _ big data_ ), autant d’enjeux qui doivent compléter l’élaboration de stratégies de filières industrielles . On peut


également se féliciter de voir les syndicats prendre une part active au débat. Le patronat et trois syndicats de salariés (CFDT, CFE CGC et CFTC) ont publié le 28 mai 2013 un rapport


élaborant une vision commune : « Réinventer la croissance ». Dans ce rapport, ils identifient les conditions de la croissance dans sept « filières » : nouvelles technologies, économie verte,


énergie, mobilité, patrimoine et savoir-faire français, besoins nouveaux liés à l’allongement de la vie, solutions de santé. Dans le prolongement de cette démarche, l’une des tables rondes


de la Conférence sociale de juin a été dédiée aux filières d’avenir. Ce faisant, ils dépassent une vision uniquement défensive et proposent une approche décloisonnée du dialogue social : les


partenaires sociaux deviennent aussi des partenaires économiques. De son côté, la CGT s’est fortement impliquée dans la négociation d’un accord européen entre la Confédération européenne


des syndicats et Business Europe sur l’emploi des jeunes, conclu en juin 2013. Cette définition d’une ambition industrielle pour la France n’a enfin de sens que si elle s’articule avec


toutes les politiques impactant le développement de l’activité des entreprises, notamment les politiques fiscales et sociales, d’allocation des investissements publics, de recherche,


d’enseignement supérieur, d’éducation, d’emploi et de formation. L’efficacité passe par un alignement des objectifs. C’est le rôle d’un Etat stratège. La création du Commissariat à la


stratégie et à la prospective, avec un rôle de coordination des travaux des huit conseils chargés d’éclairer le gouvernement sur les grandes politiques nationales, est incontestablement une


avancée dans cette voie. PROPOSITION N°5 : Formaliser avec le Conseil national de l’industrie et le Commissariat à la stratégie et à la prospective l’ambition industrielle de la France, les


plans d’actions et les engagements réciproques des différents acteurs pour y concourir (grands groupes industriels, PME, Etat, CGI, bpifrance, territoires, organismes sociaux concernés…).


Donner au Commissariat le rôle d’évaluer les résultats de ces plans d’action en favorisant le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes. Ne passons pas sous silence la question centrale


en France de l’articulation industrie-territoires. C‘est localement qu’on peut favoriser un écosystème propice au développement industriel, rassemblant tous les acteurs dans une même


dynamique : grands groupes et PME, banques, administrations locales, offre de formation, gestion de l’emploi, laboratoires de recherche. Un tel écosystème fait, pour des raisons historiques


et culturelles, la force du tissu économique allemand : c’est ainsi qu’est né le fameux _ Mittelstand_ _ ._ Ce n’est pas l’histoire de la France, qui s’est construite dans le jacobinisme.


Mais la France se soigne. Les régions se sont investies dans leur rôle d’accompagnement du développement économique. La plupart des pôles de compétitivité (probablement encore trop nombreux)


ont montré leur efficacité dans la création d’une dynamique nouvelle autour des régions, laboratoires de recherche, grands groupes et PME. Allons plus loin dans la clarification du rôle


respectif de l’Etat et des régions. Simplifions et allégeons l’organisation administrative car c’est aussi un facteur qui compte dans la compétitivité. C’est une réforme politique et


culturelle d’ampleur, souvent évoquée. La France peut-elle s’en passer ? Le besoin se fait de plus en plus pressant. Elle constituerait un volet majeur d’une politique courageuse de


réduction structurelle des dépenses publiques. C’est un changement culturel qui ne concerne pas que les administrations d’Etat ou les collectivités territoriales, mais également les acteurs


économiques. A l’image de l’annonce de Bpifrance de déléguer à ses directions régionales et aux équipes de FSI région les décisions de financement CT et MLT jusqu’à 3 M€ et d’investissement


en fonds propres jusqu’à 4 M€, l’activité économique en France se porterait mieux avec des réseaux de grandes banques qui délégueraient en région une plus grande partie de leurs décisions


d’octroi de financements. Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz _ _ notent dans leur conclusion sur le mode de fonctionnement du _ Mittelstand :_ « Une ligne de force a parcouru l’ensemble de


ce rapport : l’interaction entre les entreprises et leur éco-système. Cette interaction est incarnée avant tout par la relation entrepreneur – _ Hausbank_ , _ _ dont le ressort ne repose


pas seulement sur des questions de financement. Cette proximité, dont la contrepartie est l’ancrage local, permet un accompagnement des entreprises sur la durée. Ces interactions locales


supposent bien entendu une organisation « décentralisée » des acteurs de l’éco-système qui s’accompagne à la fois de structures de contrôle et d’un haut niveau de professionnalisation des


acteurs impliqués. L’exemple allemand peut certainement être une source d’inspiration pour plus déléguer en régions des dispositifs de financement et d’accompagnement » . Une telle


décentralisation éviterait la situation encore trop fréquente aujourd’hui de l’incapacité du système bancaire à soutenir les PME pour les aider à financer leurs besoins en fonds de


roulement. PROPOSITION N°6 : Simplifier l’organisation administrative française et lancer, avec tous les acteurs économiques, une dynamique de décentralisation des décisions au niveau


régional, afin de favoriser l’émergence de réels écosystèmes propices au développement économique. SOUTENIR UNE STRATÉGIE ACTIVE D’INTÉGRATION POSITIVE DANS LA MONDIALISATION ET REPENSER


L’ACCOMPAGNEMENT DES PME À L’INTERNATIONAL Le volet international est au cœur des stratégies industrielles et des solidarités de filières et ne saurait être dissocié de l’ambition


industrielle pour la France évoquée ci-dessus. Là aussi l’appareil productif français souffre d’une trop forte dualité. D’un côté les grands groupes, tous mondiaux, qui ne pensent leur


stratégie que de façon « globale » (« notre marché commun, ce n’est plus l’Europe, c’est le monde » déclare Benoit Potier, PDG d’Air Liquide ). Pour certains, le marché français est devenu


un marché secondaire, même s’ils y conservent des lieux de production, des centres de R&D et des activités tertiaires. De l’autre, des PME insuffisamment présentes à l’international, que


ce soit en termes d’exportations ou d’implantations. Et quand elles sont exportatrices, elles ne le sont pas suffisamment dans la durée . Un quart d’entre elles ne le sont plus au bout d’un


an. S’il ne faut pas nécessairement adopter une vision pessimiste sur notre position dans le commerce international, force est de constater que concernant notamment les BRICS, l’Allemagne a


su, contrairement à nous, conquérir ces marchés. La stratégie des Allemands a consisté à nouer des partenariats et à déployer des investissements de capacité et de sous-traitance dans toute


l’Europe de l’Est. Les satellites politiques de l’URSS ont été transformés en satellites économiques de l’Allemagne. Les implantations internationales des entreprises allemandes tirent les


exportations depuis l’Allemagne, dont une forte part provient du commerce intra-firme, notamment dans l’automobile et les biens d’équipement. Une étude des Douanes sur la différence des


stratégies des industries automobiles allemande et française a bien montré que la première a privilégié l’assemblage sur place, le parti pris du haut de gamme, ainsi que le redéploiement des


ventes vers les zones émergentes à croissance rapide, alors que la seconde privilégie plutôt les implantations à l’étranger, quitte à réimporter des véhicules bas et moyen de gamme pour


lesquels la demande est forte. La France pourrait s’inspirer de l’exemple allemand pour développer une stratégie au Maghreb. Il s’agit d’adopter vis-à-vis de la mondialisation une démarche


offensive : comment en tirer parti efficacement compte tenu des forces et faiblesses de notre outil productif ? Il convient de nouer des alliances, et pas nécessairement de dominer,


conquérir… (cf. alliance Renault / Nissan, GDF Suez / China Investment Corporation). Il faut distinguer d’un côté la croissance organique créée par de tels partenariats, et de l’autre la


croissance externe créée par les fusions-acquisitions. La fragmentation internationale des chaînes de valeur a brouillé les cartes du commerce mondial et pose la question des


restructurations, délocalisations et externalisations sous un jour nouveau. On peut se féliciter du chantier lancé par l’OMC et l’OCDE, visant à donner une image fidèle du commerce dans un


monde globalisé, en raisonnant en valeur ajoutée et non en chiffre d’affaires. En effet, pratiquement les deux tiers du commerce mondial de biens manufacturés sont constitués de composants.


Le contenu en importation des exportations des pays occidentaux et émergents s’est fortement accru. Par exemple, l’étude menée par Andrew Rassweiler sur les coûts de fabrication et


d’assemblage d’un iPhone 3G fabriqué en Chine en 2009 et vendu aux Etats-Unis montrait que sur un total de 179,1 dollars, la Chine ne représente que moins de 4 % de ces coûts, contre 34 %


pour le Japon, 17 % pour l’Allemagne, 13 % pour la Corée du Sud, et 6 % pour les Etats-Unis. « La France, championne d’Europe du pessimisme » (titre du journal _ Le Monde_ présentant le


sondage sur la crise vue par les Européens cité ci-dessus) ne sait plus comment se situer dans la mondialisation. Le dualisme de l’industrie française rappelé plus haut brouille l’image. On


oublie facilement les succès des grands groupes français à l’international pour ne retenir qu’un manque de dynamisme, le sentiment d’une industrie qui n’est plus dans la course du commerce


mondial face aux économies émergentes et la perte, du fait de la politique européenne, de la maîtrise de notre marché intérieur. Sans parler de l’Allemagne, l’Italie a une vision plus


positive de son industrie, même traditionnelle, qui exporte bien et se glorifie de son secteur agro-alimentaire. Redonner confiance à la France passe par une vision positive de la façon dont


l’industrie française peut s’insérer dans la compétition mondiale. Mettons en avant les « success stories » des PME innovantes dont la France ne manque pas. « Les objets de la nouvelle


France industrielle », initiative qui rassemble chaque mois 800 personnes à Bercy est à souligner : quatre entrepreneurs sont à l’honneur de ces soirées et présentent leurs innovations en


racontant comment ils ont trouvé en France compétences et ressources – souvent avec l’aide et la confiance de l’Etat et des organismes publics – pour concevoir, développer, produire et


exporter. PROPOSITION N°7 : Encourager les stratégies d’insertion de l’appareil productif français dans la mondialisation construites sur une logique de segmentation de la chaîne de valeur,


qui offre des opportunités de relocalisation de certains fragments. Favoriser des accords avec les pays du Maghreb pour y développer des partenariats industriels. L’Allemagne a une culture


commerciale et entrepreneuriale plus développée que la nôtre (constat établi dès la fin du 19 e siècle ). Il ne suffit pas d’innover, il faut également vendre. La faiblesse des PME


françaises réside aussi dans le développement commercial à l’international et les métiers qui lui sont liés : marketing, connaissance des attentes clients dans les marchés étrangers,


stratégie commerciale et de distribution… Même la pratique courante de l’anglais ou de l’espagnol fait souvent défaut chez nos chefs d’entreprise, sauf dans les jeunes générations. La crise


n’a fait que renforcer cet axiome : croissance et internationalisation vont de pair. L’enquête semestrielle de conjoncture sur les PME indique que « seules les PME très exportatrices (plus


du quart de leur activité à l’international) conservent en 2012 une croissance du chiffre d’affaires significative : +3,9 % contre +0,9 % pour les « moyennement » exportatrices, et une


baisse de CA de –1 % pour les non exportatrices ». Ces PME ont maintenu en 2012 leur niveau investissement par rapport à 2011. De même, « seules les PME exportatrices ont créé des emplois en


2012 et les intentions d’embauche en 2013 ne sont positives que chez les entreprises exportatrices, et chez celles qui font de l’innovation au sens large », le couple innovation et


international étant fortement lié. L’indicateur (solde d’opinions positives et négatives) de rentabilité courante des entreprises exportatrices est enfin, bien que négatif en fin 2012,


largement supérieur pour les entreprises fortement exportatrices (-5 contre +11 fin 2011) que pour les non exportatrices (–17 contre – 4 fin 2011).On retrouve les mêmes écarts de tendance


entre exportatrices et non exportatrices chez les PMI. Bonne nouvelle : le nombre de PME exportatrices repart à la hausse en 2012 indique Ubifrance, mais elles ne sont que 119 000 (contre


117 000 en 2011)… sur 1 300 000, 4 fois moins qu’en Allemagne. Au-delà du manque de pérennité de l’effort à l’international souligné plus haut, elles souffrent d’une orientation géographique


peu favorable. Deux tiers de leurs ventes restent focalisées sur l’Union européenne, elles ont insuffisamment pris le tournant des pays tiers, alors qu’un tel mouvement est sensible pour


les entreprises de plus de 250 salariés. L’augmentation des parts de marché en Europe doit certes être le premier objectif pour les PME, pour des raisons de proximité et de facilité grâce à


l’intégration du marché européen, mais aussi parce qu’il continuera, compte tenu de sa taille et malgré une croissance économique modérée, à constituer 20 % des potentiels d’importations à


l’horizon 2022 selon une étude de la Direction générale du Trésor et d’Ubifrance publiée en décembre 2012 . La France doit renverser la tendance et reconquérir des parts de marché au


Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne et en Italie, doper ses ventes dans les pays du Nord de l’Europe, où la performance est bien en dessous du potentiel, et en Pologne. L’étude poursuit en


identifiant comme marchés les plus dynamiques dans les dix prochaines années en termes d’importations les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Japon, la Pologne, le Canada et l’Espagne parmi les


dix premiers, aux côtés de la Chine (largement en tête), de la Corée du sud, de la Russie, de l’Inde habituellement cités. Le gouvernement a ainsi fixé comme deuxième objectif la


diversification des exportations des PME vers les pays émergents, dans lesquels seules nos grandes entreprises sont aujourd’hui performantes, en mettant l’accent sur la construction de


réelles stratégies à l’international afin de travailler dans la durée. Sur la base des atouts des entreprises françaises et des perspectives de croissance de la demande dans les pays cibles


à marchés porteurs, quatre besoins et secteurs d’activité ont été sélectionnés : mieux se nourrir (IAA, équipements agricoles, diététique, sécurité et traçabilité alimentaire), mieux se


soigner (dispositifs et équipements médicaux, pharmacie, cosmétique, services de santé), mieux vivre en ville (construction et efficacité énergétique, transports urbains, ingénierie et


construction urbaine, matériels et services environnementaux), mieux communiquer (numérique embarqué, logiciels, composants et produits électroniques à haute valeur ajoutée, sécurité,


e-services). Ces priorités viendront compléter les activités dans lesquelles la France a de forts atouts traditionnels à l’international : l’aéronautique, l’énergie, le luxe, l’automobile…


La stratégie à l’export et les objectifs ont été clarifiés. Inverser la tendance et franchir ce pas ambitieux pour nos PME afin qu’elles concourent à l’objectif d’équilibre commercial hors


énergie en fin de quinquennat exige de renforcer (en intensité, pas en nombre) et de simplifier les outils d’accompagnement des PME et des ETI à l’international. Selon une étude publiée en


février 2013 par Ernst and Young, 70 % des entreprises jugent qu’en dehors de celles qui portent sur l’innovation, les aides octroyées aux entreprises sont souvent inefficaces, notamment sur


l’export. Les acteurs sont trop nombreux et mal coordonnés : Ubifrance, Coface, OSEO, CCI, régions, pôles de compétitivité, CNCCEF … Des mesures ont été récemment annoncées pour améliorer


le dispositif et lui donner plus de lisibilité : création d’un catalogue unique de produits financiers complémentaires Coface / Bpifrance, mise en place progressive de conseillers Ubifrance


dans le réseau régional de Bpifrance pour apporter aux PME avec le plus gros potentiel à l’exportation un accompagnement personnalisé à la définition d’une stratégie à l’export. Les fonds


d’investissement ciblés sur les PME fortement exportatrices seront encouragés par Bpifrance qui s’est vu allouer 150 M€ pour les accompagner. Là aussi la réussite du dispositif dépendra de


l’articulation entre les échelons nationaux et régionaux, de la simplicité de l’offre pour les entreprises, de son adéquation aux besoins (financement dans les pays cibles/compétences), et


de la capacité à les accompagner dans la durée. PROPOSITION N°8 : Poursuivre la simplification et le « reengineering » des dispositifs d’accompagnement des PME et des ETI à l’international


(financement/assurance et garantie/compétences) RÉTABLIR LA CONFIANCE ENTRE LES ENTREPRISES ET L’ETAT La réussite du redressement productif nécessite de fédérer toutes les énergies. A ce


titre, on peut regretter certaines maladresses à l’égard des entrepreneurs et de l’esprit d’entreprise. Le mouvement des « pigeons », une taxation des plus-values qui devra être revue, les


propos prononcés à l’occasion des grandes négociations (conférence sociale de juillet 2012 ou accord interprofessionnel de janvier 2013) ou des restructurations d’entreprises (PSA, Arcelor


Mittal) ont cristallisé ces incompréhensions. Réconcilier les valeurs de la gauche avec celles de l’entreprenariat devrait aller de soi : les entrepreneurs font partie de ceux qui


n’acceptent pas le _ statu quo_ , qui veulent aller de l’avant, qui croient au progrès. Ils ne sont pas des ennemis du changement mais des partenaires du redressement. Il est significatif de


voir, dans le sondage effectué sur la crise vue par les européens, que 53 % des français voient prioritairement dans les PME des acteurs proposant des solutions constructives à la crise,


largement devant les grandes entreprises (26 %), les institutions européennes (20 %), le gouvernement, les syndicats et l’opposition. C’est aussi une nécessité à l’heure où menacent


l’extension du chômage et la désindustrialisation. Bien sûr, la France qui s’engage pour l’avenir, qui innove, qui investit, n’est pas seulement celle des entrepreneurs. C’est aussi celle


des chercheurs, des enseignants, des commerçants, des salariés sur lesquels pèse aujourd’hui une grande partie du risque d’entreprendre. Mais la politique économique se doit d’être beaucoup


plus en appui de la France qui crée des emplois. Les enquêtes internationales montrent également, à rebours des idées reçues, que les Français aiment les entrepreneurs et soutiennent leur


action. Le gouvernement a créé des occasions qui permettront d’améliorer cette relation à l’entreprise : la mise en œuvre des 35 mesures du pacte pour la croissance, la compétitivité et


l’emploi ; le « choc de simplification » annoncé en mars 2013, qui correspond à une attente forte des entrepreneurs ; la suite des Assises de l’entrepreneuriat, qui ont donné leurs premiers


résultats fin avril 2013. Les Assises de l’entrepreneuriat ont fait réfléchir ensemble plus de 300 acteurs de la vie économique, dont de nombreux chefs d’entreprise, des universitaires, des


experts, des administrations et des cabinets ministériels, au sein de neuf groupes de travail : l’esprit d’entreprendre, la fiscalité, le financement, l’innovation, l’accompagnement, la


responsabilité sociale… Là aussi la méthode vaut autant que les résultats : réformer par le dialogue, s’appuyer sur l’analyse des acteurs eux-mêmes pour identifier les verrous et élaborer


les mesures les plus à même d’accompagner les entreprises dans une dynamique de croissance et de création d‘emplois. Souhaitant marquer la considération apportée à cette démarche et


réaffirmer une position d’écoute envers les chefs d’entreprise au plus haut niveau de l’Etat, François Hollande a conclu ces assises en annonçant les mesures retenues à court terme à la


suite des 44 propositions émanant des groupes de travail : amélioration du statut de JEI , simplification et allégement du régime des plus-values mobilières, pour clore la controverse


ouverte à l’automne, encouragement à l’investissement dans les PME innovantes des grandes entreprises ou des particuliers (PEA-PME), reconnaissance – enfin – de l’innovation non


technologique par la prise en compte du design ou du marketing dans les dépenses éligibles, lancement à titre expérimental de « maisons de l’international » aux Etats-Unis ou en Asie pour


faciliter le développement des PME sur ces marchés, création d’un visa entrepreneur pour attirer les jeunes talents étrangers en France ou faciliter leur création d’entreprise à la suite de


leurs études en France… Avec l’assurance-vie, le PEA a été le seul véhicule d’épargne qui a échappé à la politique de « barémisation » des revenus du patrimoine mise en œuvre dans la cadre


de la loi de Finances pour 2013. Pourtant, dans son état actuel, il ne reflète pas les priorités économiques. En effet, sur les 118 milliards d’euros d’encours drainés par les 7 millions de


comptes PEA, 3 % seulement des fonds alimentent des PME ou des ETI. Comme l’a annoncé François Hollande le 29 avril 2013, en clôture des Assises de l’Entrepreneuriat, le plafond des


versements sur un PEA sera augmenté de 132 000 € à 150 000 €. Par ailleurs, le gouvernement va créer dans le PEA un compartiment dédié aux titres des PME (cotées ou non) afin de favoriser le


placement en actions. Le plafond de ce PEA sera fixé à 75 000 € et ce compartiment bénéficiera des mêmes règles fiscales que le PEA (les prélèvements sociaux seront appliqués mais


l’imposition sera dégressive avec une exonération au bout de 5 ans). Il faut utiliser le PEA-PME pour continuer à rapprocher les Français du monde de l’entreprise, à rééquilibrer leur


patrimoine, aujourd’hui concentré pour les deux tiers sur l’immobilier, tout en dynamisant leur patrimoine financier trop exposé aux actifs à court terme à faible rendement (livrets


bancaires, fonds en euros…). PROPOSITION N°9 : créer les conditions d’un succès du PEA-PME en mobilisant les réseaux bancaires, en développant l’information des actionnaires, en communiquant


auprès des épargnants et en développant une pédagogie de la prise de risque. Au-delà, lancer une réflexion pour faire en sorte que le PEA-PME devienne un vrai instrument d’épargne populaire


et favoriser le développement de nouvelles formes d’épargne longue : finance participative ( _ crowdfunding_ ), _ business angels_ , bourse des PME et bourses régionales. Le « choc de


simplification » annoncé en avril 2013 reflète également une vision réaliste et pragmatique des obstacles à la croissance. Comme le soulignait la Commission pour la libération de la


croissance française dans son rapport rendu en janvier 2008, « les coûts engendrés par la complexité normative ont été évalués par la Commission européenne à 3 % du PIB européen, tandis que


l’OCDE les chiffrait à 3–4 % du PIB selon les pays. Pour la France, ce coût est estimé à 60 milliards d’euros. » Dans leur rapport de la Mission de lutte contre l’inflation normative remis


en mars 2013, Jean-Claude Boulard et Alain Lambert notent : « Il y a urgence à traiter l’inflation normative, car le risque est grand de la voir s’aggraver. En effet, lorsque la puissance


publique n’a plus beaucoup de moyens financiers, elle est, par compensation, tentée d’agir par prescriptions d’autant plus facilement que le prescripteur n’est pas le payeur. (…) Le stock


est évalué à 400 000 normes. Il s’est constitué au fil du temps par addition, sédimentation, superposition, comme les couches d’une géologie juridique ». RENFORCER LA CONFIANCE ET L’ESPRIT


DE PARTENARIAT ENTRE LES GRANDS GROUPES FRANÇAIS ET LES PME La mise en place de la médiation inter-entreprises en 2010 était une mesure positive du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle a


permis de pacifier en partie la relation entre les grands donneurs d’ordres et les PME sous-traitantes. Il faut poursuivre cette approche de partenariat, notamment grâce aux chartes de


bonnes pratiques d’achats. Il faut également élargir la problématique aux retards de paiement : 13 milliards d’euros qui manquent à la trésorerie des entreprises . L’impact est donc


équivalent à plus de la moitié du CICE. Ces retards étaient descendus à 9 jours en 2011 mais sont remontés à 12 en 2012 et continuent à progresser. Ils n’existent pas en Allemagne : les


donneurs d’ordre allemands payent leurs fournisseurs en avance pour toucher l’escompte (pratique très répandue) ou à temps car on respecte les contrats ! Le rapport de la mission conduite


par le sénateur Martial Bourquin (mai 2013), qui a travaillé sur les contours d’une politique responsable d’achat, propose des pistes intéressantes en impliquant les commissaires aux comptes


dans la publication et la certification des délais de paiement des entreprises et la mobilisation de la DGCCRF sur le contrôle des abus. Un site Internet où les PME pourraient renseigner et


avoir accès aux délais de paiement des entreprises clientes leur permettrait de savoir quel est le délai moyen de paiement pratiqué par leurs clients et pourrait les aider dans leurs


négociations avec ceux-ci. Ce site pourrait être placé sous la responsabilité des services de la médiation inter-entreprises. Sur cette base, l’Etat paierait plus vite les entreprises qui


paient rapidement leurs propres fournisseurs. PROPOSITION N°10 : Créer un site Internet permettant aux PME de consulter et renseigner (anonymement) les délais de paiement des grandes


entreprises clientes D’un point de vue microéconomique, il y a entre la France et l’Allemagne une différence notable dans le traitement réservé aux PME par les grandes entreprises. En


France, les PME et ETI ont du mal à se développer, car les grandes entreprises les considèrent insuffisamment comme des partenaires stratégiques. Quand elles s’intéressent à leurs


innovations, c’est souvent avec l’objectif de les racheter pour éviter toute concurrence, et non de les accompagner dans leur propre développement. Contrairement à l’idée reçue selon


laquelle la nécessité prioritaire est de mettre en œuvre des conditions favorables à la création d’entreprise, le problème est bien plus la mortalité trop rapide des PME, et donc la mise en


place d’un accompagnement efficace dans la durée. De façon plus générale, la solidarité entre les grandes entreprises et les PME et ETI françaises est l’un des axes majeurs à consolider,


notamment à travers les comités stratégiques de filière. Les PME le soulignent, les témoignages sont nombreux : les grandes entreprises françaises sont moins réceptives aux propositions des


PME, notamment innovantes, que leurs homologues étrangères. Trouver le bon contact est laborieux et quasiment impossible sans introduction : cadres dirigeants de grands groupes et chefs


d’entreprise de PME n’évoluent pas en France, à la différence de l’Allemagne, dans les mêmes réseaux. Quand le contact s’établit, la prise de décision des grands groupes est lente et


nécessite de nombreux allers et retours : PME et grand groupes n’ont pas le même rapport au temps. La France est forte de grandes entreprises figurant en nombre parmi les leaders mondiaux de


leurs secteurs. Mais ces champions mondiaux raisonnent à l’échelle mondiale, et la nationalité de leurs fournisseurs n’est plus un critère de sélection. Sauf pour des prestations effectuées


sur le territoire national, qui requièrent la proximité, le coût complet y compris logistique, les délais et la fiabilité de l’approvisionnement, la capacité à délivrer le même produit ou


la même prestation dans les différents centres de production établis dans le monde ( _ global sourcing_ ) priment sur toute considération de nationalité. Les grands groupes se plaignent à


juste titre d‘une insuffisance en France d’entreprises de taille intermédiaire qui auraient la capacité de les accompagner dans leur stratégie d’implantation à l’international. Mais une ETI


est une PME qui a grandi, ou des PME qui se sont regroupées. C’est le processus de croissance des PME qui est en panne en France, pas la création d’entreprises, qui continue à faire preuve


d’un fort dynamisme, notamment depuis 2009 à la suite de la création du statut d’auto-entrepreneur, unique en Europe : 550 000 nouvelles entreprises par an, dont 308 000 auto-entrepreneurs


(56 %), mais dont seulement la moitié survivra au bout de cinq ans ; 27 500 se créent avec au moins un salarié (2,9 salariés en moyenne), 7000 créeront au fil du temps jusqu’à 10 emplois, et


1000 sont statistiquement appelées à en créer plus. Renforcer la solidarité entre les grands groupes et les PME, notamment innovantes, c’est faire de nos champions mondiaux un atout pour


faire grandir les PME françaises et les développer à l’international, et demain leur permettre de devenir des ETI. Et c’est pour les grands groupes tirer parti dans la compétition mondiale


d’un tissu précieux de PME françaises qui peuvent leur apporter agilité et créativité en termes d’innovation. Les administrations d’Etat, les opérateurs publics, les hôpitaux et les


collectivités territoriales ne doivent pas être en reste. Si les dernières peuvent afficher aujourd’hui une part d’achat substantielle auprès des PME (38 % en valeur, 61 % en nombre de


marchés) , car elles cultivent des relations de proximité, c’est beaucoup moins le cas des premiers, et notamment de l’Etat (17 % en valeur, 46 % en nombre de marchés). En complément de la


proximité, c’est souvent le facteur innovation qui peut jouer pour inciter les acheteurs des grands groupes et de l’Etat à se tourner vers les PME. La première conférence de l’achat public


innovant a été organisée à Bercy en avril 2013, pour inciter les acheteurs publics à prendre le risque – souvent gagnant – de solutions innovantes portées par les PME, et leur démontrer que


la démarche est possible dans le respect des procédures d’achat public. PROPOSITION N°11 : dans le cadre de la politique RSE et du reporting associé, inciter les grandes entreprises à


publier la part de leurs achats réalisés auprès de PME françaises. Faire établir par les administrations d’Etat, les opérateurs publics et les hôpitaux des objectifs mesurables et des plans


d’action du développement de l’achat public innovant auprès des PME et ETI françaises ( _ Small Business Act_ à la française). REPLACER LE TRAVAIL AU CŒUR DES POLITIQUES DE COMPÉTITIVITÉ La


thématique du travail reste absente des priorités gouvernementales. Comme l’indiquait Philippe Askenazy , « le travail s’est éclipsé du débat social à mesure que l’emploi l’envahissait ». De


ce point de vue, le gouvernement Ayrault n’a pas marqué de rupture par rapport au précédent. Comme l’avait justement noté Olivier Ferrand , la méritocratie appelée de ses vœux par Nicolas


Sarkozy « prétendait valoriser l’entrepreneur et le travail (…) mais dans les faits, la plupart des mesures fiscales prises par la droite depuis 2002 favorisent la rente : dévitalisation de


l’ISF, bouclier fiscal, allégement des droits de succession et de la fiscalité sur les dividendes… ». Or une politique résolument offensive vis-à-vis de la qualité du travail constituerait


un levier de compétitivité et un facteur de sortie de crise. Le manque d’appétence de nos entreprises pour l’innovation et pour l’investissement dans le capital humain a des conséquences sur


le travail. Celui-ci est dans notre pays trop standardisé et ne fait pas assez appel à l’initiative et aux capacités d’autonomie des opérateurs. Une comparaison européenne permet de le


constater concrètement  : la proportion des salariés qui indiquent que leur travail implique des tâches complexes met en évidence une nette opposition entre l’Europe du Sud (Italie : 44 %,


Espagne : 43 %) et l’Europe du Nord (Allemagne : 68 %, Grande-Bretagne : 62 %, pays nordiques : tous au-dessus de 65 %). La France, avec 53 %, occupe une position intermédiaire, mais qui


reste inférieure à la moyenne des 27 pays de l’UE (58 %). Une autre façon, plus prospective, d’apprécier la qualité du travail est de s’intéresser à ce qui l’enrichit, à savoir l’acquisition


de qualifications et la formation, ainsi qu’à son caractère protecteur en termes d’emploi. On constate alors que la proportion de salariés qui affirment que leurs perspectives d’emploi


futur sont meilleures grâce à leur formation n’est que de 62 % en France, contre 71 % pour la moyenne des 27 pays de l’UE et en particulier 68 % en Allemagne, 75 % en Grande-Bretagne, 75 %


en Italie et même 82 % en Espagne. Les systèmes productifs reposent sur la combinaison de quatre critères que l’on peut regrouper sous l’acronyme CQFD : Coûts, Qualité,


Fonctionnalité-flexibilité, Délais. Choisir de se battre uniquement ou essentiellement sur le premier revient à enclencher une spirale d’érosion de la position concurrentielle, qui conduit à


la chute, à plus ou moins long terme. Pour s’attaquer aux trois autres, on ne peut faire l’économie de l’appel à la motivation et l’engagement des salariés, c’est-à-dire à la relation


qu’ils entretiennent avec leur travail. C’est dans l’enrichissement du travail que l’on peut trouver les ressources qui permettent de reconstruire une offre différente, intéressante pour les


clients et utile socialement. Les enquêtes comparatives de la Fondation de Dublin montrent que la France est mal positionnée en termes de qualité du travail comme de conditions de travail.


La proportion de travail avec un niveau d’autonomie faible et procédurier (avec un rythme de travail élevé et standardisé), est importante en France. Par ailleurs, la France connaît un degré


d’autonomie dans le travail qui s’affaiblit, ce qui traduit une organisation en voie d’appauvrissement. A contrario, l’Allemagne présente l’exemple d’un cercle vertueux entre la qualité des


conditions de travail, la fidélité des salariés et la qualité de la production. Face à la concurrence des pays à coûts sociaux et environnementaux plus bas que les nôtres, il faut chercher


à sortir de la nasse de la compétitivité par la différenciation. Dans un pays comme le nôtre, la différenciation est liée aux compétences, à la créativité, à la réactivité des salariés, et


non au coût de la main d’œuvre. Il s’agit aujourd’hui de remettre le travail au centre des problématiques de compétitivité et de redressement productif. La France doit continuer à rechercher


de nouveaux modes d’insertion dans la mondialisation, plus respectueux de ses hommes et plus en cohérence avec ses avantages compétitifs. La créativité, les compétences relationnelles et


émotionnelles, le rapport au travail, l’autonomie et les échanges de savoirs sont désormais les facteurs clés de l’efficience individuelle et collective . La mauvaise qualité des conditions


de travail en France a des conséquences connues : stress et plus largement, montée des maladies professionnelles, fréquence du harcèlement, risque suicidaire, etc. Elle a aussi des


conséquences moins visibles. Si notre pays affiche une des espérances de vie les plus élevées du monde (84,8 ans pour les femmes et 78,4 ans pour les hommes en 2012), l’espérance de vie en


bonne santé, elle, reste à la traîne par rapport à d’autres pays européens. Ainsi, à 65 ans, une Française peut espérer vivre en bonne santé 9,9 ans, contre près de seize ans pour une


Norvégienne du même âge ! Pour les hommes, ce nombre s’établit à 9,7 années pour la France contre 10,4 pour les Pays-Bas, 12,4 pour le Danemark, 14,7 pour la Norvège… En France, les


différences d’espérance de vie en bonne santé constituent un marqueur d’inégalité sociale très affirmé. PROPOSITION N°12 : Remettre l’amélioration des conditions de travail au centre des


politiques de qualité et de compétitivité et accompagner les suites de la négociation entre les partenaires sociaux sur la « qualité de vie au travail » en favorisant l’expression directe


des salariés, la reconnaissance, la négociation intégrative sur les différents volets de la qualité du travail, le renforcement des CHSCT, la professionnalisation du management et la prise


en compte du facteur humain dans la conduite du changement et la gouvernance des entreprises. AMÉLIORER LA SÉCURISATION DE L’EMPLOI La loi sur la sécurisation de l’emploi (adoptée le 14 mai


2013 et issue de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2013) est aussi importante par la dynamique de dialogue social constructif qu’elle crée que par son contenu et ses conséquences


immédiates. Elle permet de sortir de l’immobilisme social qui a caractérisé la seconde moitié du quinquennat précédent, après un accord sur le marché du travail dangereux pour les salariés


(janvier 2008) et un accord interprofessionnel sur la formation vide de contenu (janvier 2009). Ce faisant, elle pose les bases d’une nouvelle démocratie sociale et marque l’inversion de la


logique de mépris exprimé à l’égard des partenaires sociaux, et plus généralement de tous les corps intermédiaires et contre-pouvoirs. Cette loi constitue une avancée dans sa dimension de


protection : en instaurant une flexibilité « négociée », elle protège les emplois et l’avenir. Elle permet la création de nouveaux droits individuels et collectifs (complémentaire santé,


droits rechargeables, droits collectifs quant au plan de formation, accords de maintien dans l’emploi). Même si ses impacts se jugeront sur la durée, elle concrétise d’ores et déjà de


nombreuses innovations positives pour lesquelles Terra Nova a activement milité : Les accords de maintien dans l’emploi, qui constituent « des outils de modération salariale et de contrôle


des coûts (…) utiles en cas de ralentissement conjoncturel de l’activité, » qui doivent être « accompagnés de contreparties et de garanties (…), d’engagements réciproques de la part du


management en termes de maintien de l’emploi, d’investissement et de revalorisations salariales lors de l’amélioration de la conjoncture . » La priorité donnée à la négociation car « il faut


encourager le dialogue et la négociation entre les partenaires sociaux » et « privilégier la recherche d’une solution négociée.  » L’entrée de représentants des salariés dans les Conseils


d’administration, pour « affirmer une logique : l’entreprise n’appartient pas à ses seuls actionnaires . Le partage des informations sur la stratégie de l’entreprise, qui constitue un


progrès, de même que la possibilité pour les représentants du personnel de proposer des orientations alternatives . Le couplage du plan de formation à la GPEC car « le plan de formation doit


constituer un levier pour préserver et améliorer le capital humain et faire l’objet d’une véritable négociation avec les syndicats représentatifs de l’entreprise » . La création de droits à


la formation transférables car « les évolutions vers un monde d’emplois moins stables amènent à ne plus envisager les droits des salariés uniquement dans le cadre du contrat de travail et


d’un emploi donné, mais à leur donner des droits les accompagnant tout au long de leur vie professionnelle » . La nouvelle approche de dialogue social sera mise à l’épreuve au second


semestre 2013 par trois négociations difficiles à venir : celle sur les retraites, celle sur la formation professionnelle et celle sur la renégociation de la convention UNEDIC (indemnisation


du chômage). DÉPLOYER LES OUTILS DE LA POLITIQUE DE L’EMPLOI La crédibilité du discours d’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année, malgré la « boîte à outils » (emplois


aidés, contrats jeunes, accord du 11 janvier, CICE, etc.) manque de consistance. Les propres données du gouvernement (scénario de Bercy publié le 16 avril 2013) misent sur un recul de


l’emploi salarié marchand de 0,6 % en 2013. Pour de nombreux observateurs, ce recul apparaît d’ailleurs optimiste puisque l’on considère, compte tenu des gains de productivité et des effets


démographiques, qu’il faut une croissance de 1 à 1,5 % pour stopper la destruction d’emplois, et de 1,5 % à 2 % pour commencer à faire diminuer le chômage… avec 6 mois de délais pour que la


hausse de la croissance commence à se répercuter sur le taux de chômage. La prévision gouvernementale concernant la croissance pour 2013 est actuellement de… 0,1 %. A plus long terme, on


peut espérer au mieux 1,5 % en 2015… et encore, le Haut Conseil des finances publiques juge ces prévisions de croissance trop optimistes ! Selon la dernière révision des prévisions de la


Commission européenne, rendue publique le 3 mai 2013, le taux de chômage en France atteindra en moyenne sur l’année 2013, 10,6 % de la population active et passera à 10,9 % en 2014.


L’Unedic, qui a publié ses propres prévisions pour 2014 en mai 2013, table sur 128 700 chômeurs supplémentaires en 2014 et ne voit pas le chômage diminuer avant – au mieux – la fin 2014.


Cette quasi-impossibilité d’atteindre un objectif maintes fois réaffirmé pose la question de la crédibilité de la parole publique. Elle est d’autant plus problématique que l’acteur que les


Français attendent en priorité pour résoudre le problème du chômage est l’Etat, même si – et c’est une évolution positive – les Français attendent désormais beaucoup plus qu’auparavant des


entreprises : Face à une situation de chômage, qui devrait apporter des solutions à votre avis ? L’Etat 41 % Les entreprises 38 % On devrait surtout compter sur soi-même 29 % Les


collectivités locales 18 % L’Europe 17 % La famille 8 % Les amis 6 % Les associations 5 % _ Source : « France 2013 : crise économique, psychologies collectives », Étude Viavoice, avril 2013 


; interviews effectuées en février 2013_ Cela étant, François Hollande a rappelé l’importance de la « trajectoire » : on peut être moins pessimiste sur la courbe du chômage dans la mesure où


la baisse des effectifs se ralentit, ce qui peut préfigurer une évolution plus favorable du chômage. Le rythme des destructions d’emplois, 20 300 au premier trimestre 2013, est inférieur à


celui des deux trimestres précédents durant lesquels plus de 40 000 emplois ont disparu. A leur crédit, les contrats de génération et emplois d’avenir concernent les deux extrémités les plus


touchées : les « plus de 55 ans » et les « jeunes ». Ils valorisent la transmission de l’expérience aux jeunes générations. A cet égard, l’exemple de Boeing qui a supprimé l’équivalent de


ses contrats de génération, et a rencontré de graves problèmes de carence en compétences, souligne les bénéfices futurs de cette mesure. Les emplois d’avenir diffèrent sensiblement des


emplois jeunes, avec une évolution positive : le dispositif est plus exigeant en matière d’accompagnement professionnel et a plus de consistance concernant la formation. En contrepartie, il


est plus lent à se mettre en place (20 000 seulement étaient signés fin avril) et sa limitation au secteur public et associatif ne constitue pas forcément un atout pour l’insertion durable


des jeunes dans le monde de l’entreprise. La raison de cette limitation tient à la crainte de favoriser des effets d’aubaine dans le secteur privé. Terra Nova a proposé d’étendre les emplois


d’avenir au secteur marchand, mais en focalisant cette mesure sur les PME. Le gouvernement s’est engagé dans ce sens (notamment en faveur des emplois d’enseignants et de services). Mais les


décisions tardent à s’appliquer sur le plan local. Pourquoi les PME ? Parce que beaucoup d’entre elles ont l’opportunité de créer des emplois, mais cette ambition est freinée par un manque


de moyens ; parce qu’elles constituent un segment du tissu productif qu’il faut aider en priorité pour retrouver la croissance. PROPOSITION N°13 : donner aux DIRECCTE et aux préfets de


régions davantage de moyens pour pouvoir adapter les critères d’éligibilité (entreprises et bénéficiaires) des contrats de génération et des emplois d’avenir dans les territoires où la


lenteur de la montée en charge reflète une inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Etendre plus résolument les emplois d’avenir aux PME du secteur privé. CONCEVOIR LE TEMPS DE


TRAVAIL TOUT AU LONG DE LA VIE Si, comme nous l’anticipons, la « boîte à outils » actuelle se révèle insuffisante pour parvenir à l’inversion de la courbe du chômage, il faudra bien rouvrir


le chantier tabou de l’aménagement du temps de travail, et éviter à cet égard les oppositions frontales que notre pays a connues lors de la période d’application des 35 heures, en cherchant


des modes de réduction du temps de travail cohérents avec le besoin de montée en gamme des entreprises et de sécurisation des parcours des salariés. Nous suggérons d’aborder la question sur


une échelle de temps plus vaste. C’est ce que propose Guillaume Duval , qui plaide pour une réduction de 10 % du temps de travail  « tout au long de la vie » : un congé sabbatique de


formation de six mois tous les cinq ans ou d’un an tous les dix ans, par exemple. Il faudra aussi dépasser la vision caricaturale du temps de travail qui fait des « 35 heures » la cause de


tous nos maux. Guillaume Duval rappelle justement que selon les données d’Eurostat, les salariés en France travaillent aujourd’hui chaque semaine plus longtemps que la moyenne de la zone


euro (chiffres 2012 : 35,1 heures en France contre 35,0 pour la zone euro) et notamment plus longtemps qu’en Allemagne (34,6 heures), mais aussi qu’en Suède, Belgique, Danemark, Irlande,


Pays-Bas. Dans une analyse comparative, la DG Trésor souligne que « le recours important au chômage partiel et la réduction sensible de la durée du travail en Allemagne expliquent


certainement pour beaucoup la bonne tenue de l’emploi à travers la crise ». En allant plus loin, il est temps d’adopter une approche plus créative de l’aménagement du temps de travail « tout


au long de la vie », en brisant la séquentialité linéaire héritée du taylorisme : Entrée tardive et précarisée sur le marché du travail Travail excessivement intensif et pénalisant les


équilibres (personnels, familiaux, sociaux) entre 30 et 45 ans Formation initiale Activation des droits à la retraite Sortie prématurée et douloureuse du marché du travail A l’heure de la


société de la connaissance, des nouveaux équilibres sociétaux et familiaux, il faut davantage accompagner les alternances et les chevauchements de ces temps d’apprentissage, de travail, de


repositionnement professionnel, de soin donné aux autres, de réalisation de projets personnels. Il faut également relever que l’obsession française en faveur de la substitution


capital/travail, notamment dans les services, n’existe dans aucun autre pays. A moyen et long terme, la recherche exacerbée de productivité n’est pas conciliable avec le plein emploi, sauf à


retrouver des marges de croissance considérables qui n’existent plus aujourd’hui que dans les pays émergents. L’adaptation entre temps de travail et gains de productivité s’est toujours


opérée au cours du 20 e siècle, jusqu’à une période récente au cours de laquelle une sorte de crispation de la société vis-à-vis de la concurrence exacerbée due à la mondialisation semble


avoir bloqué toute adaptation économique : la productivité française (la plus élevée au monde avec celle des Norvégiens et des Américains), symbole de l’efficacité et produit de


l’intelligence collective française, devient en l’absence de réduction du temps de travail contre-productive et créatrice d’un chômage de masse. Plutôt que des temps partiels subis, pourquoi


ne pas envisager une souplesse du temps de travail généralisée, afin par exemple que le choix d’un temps de travail moindre ne soit pas considéré comme un manque de motivation et d’ambition


professionnelles ? Pourquoi aussi ne pas ouvrir une concertation avec les partenaires sociaux sur le temps partiel de façon à ce que celui-ci puisse être véritablement choisi et


n’hypothèque pas les perspectives professionnelles ? PROPOSITION N°14 : ouvrir une négociation interprofessionnelle sur l’aménagement du temps de travail, le travail à temps partiel choisi


et le temps de travail tout au long de la vie, en articulant les différents moments (éducation, formation, congés parentaux, repositionnement professionnel, accompagnement d’un ascendant en


fin de vie…). RÉORIENTER LA POLITIQUE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE Ceci nous amène à un autre facteur qui handicape la compétitivité de notre pays : l’insuffisant investissement dans le «


 capital humain » et notamment dans la formation professionnelle. Dans le cadre du suivi de la Stratégie européenne pour l’emploi puis du programme Éducation et formation 2020, la Commission


européenne a défini un indicateur qui permet de comparer l’effort des différents pays. Cet indicateur, la part des adultes de 25 à 64 ans ayant participé à des actions de formation au cours


des quatre semaines précédant l’enquête, a permis de confirmer certaines intuitions. Un objectif de 12,5 % pour l’Union européenne avait été fixé pour 2010 ; il a été porté à 15 % pour


2020. En 2011, ce taux était de 8,9 % pour l’Union européenne et de 5,5 % seulement pour la France. En 2010, il était de 9,1 % pour l’Union européenne et de 5,0 % pour la France. Par


comparaison, il était de 7,7 % en Allemagne, 6,2 % en Italie, 10,8 % en Espagne (donnée non disponible pour la Grande-Bretagne). Le Danemark, la Suède et la Finlande se distinguaient par des


proportions considérablement plus élevées de population participant à l’apprentissage tout au long de la vie (entre un cinquième et un tiers), le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Slovénie


étaient les seuls autres États membres où le taux de participation dépassait déjà l’objectif de 15 % en 2010. Déjà peu élevé en France, cet indicateur diminue, puisqu’il était de 7,1 % en


2005. La formation professionnelle, en lien avec la décentralisation, est un des domaines où existe un gisement important d’efficacité. Il est assez désespérant que des industriels


délocalisent parce qu’ils ne trouvent pas les salariés formés en France. Il est aussi extrêmement problématique de constater que malgré une force de frappe financière très importante (plus


de 31,5 milliards d’euros annuels), l’effort de formation est mal réparti à double titre : Dans les entreprises, il finance la formation de ceux qui en ont le moins besoin (cadres et


techniciens). Les ouvriers y accèdent 2,5 fois moins souvent que les cadres et ce ratio est stable sur longue période (2006 : 2,6). Les moins employables, ceux qui ont le plus de mal à ne


pas « rester sur le carreau » à la suite d’une restructuration, sont aussi ceux qui bénéficient le moins du principal outil d’amélioration des qualifications. A l’échelle de la société, il


ne bénéficie pas assez aux demandeurs d’emplois (seuls 4 milliards sur le total de 31,5 leurs sont destinés). Plus largement, une étude conjointe DARES-CEREQ-INSEE nous apprenait en 2010 que


seulement 10,5 % des entreprises en France avaient une réelle politique de développement des compétences et de l’employabilité. La formation des demandeurs d’emploi est un chantier


important : un tiers des demandeurs d’emplois le sont depuis plus d’un an ; plus de 10 % de personnes entrent et sortent des listes de Pôle emploi chaque mois. On assiste au double phénomène


d’un chômage de longue durée et du développement de la précarité. Ce constat est connu depuis fort longtemps. Un récent rapport de la DARES vient de le rappeler: en 2011, 566 000 demandeurs


d’emploi sont entrés en formation, ce qui représente une baisse de 4,5 % par rapport à 2010. Sur l’ensemble de l’année 2011, les demandeurs d’emploi ayant débuté une formation ne


représentent que 20,3 % du nombre moyen de chômeurs au sens du BIT sur l’année, soit 0,7 point de moins qu’en 2010. Sur ce point, François Hollande a fixé un objectif – ambitieux – lors d’un


déplacement à Blois le 4 mars 2013 : « Au moins un chômeur sur deux doit se voir proposer une formation moins de deux mois après avoir perdu son emploi ». D’ores et déjà, la loi de


sécurisation de l’emploi (qui transpose l’accord du 11 janvier 2013) prévoit l’obligation de négocier la programmation pluriannuelle prévisionnelle des plans de formation (jusqu’ici


prérogative exclusive de l’employeur), qui devront être davantage tournés vers les moins qualifiés et les salariés qui occupent des emplois menacés. Mais il convient d’aller beaucoup plus


loin. Il est indispensable d’engager un audit du système de formation, qui se trouve à la fois éclaté (quelque 55 000 organismes de formation) et mal évalué. Il est aussi mal utilisé du fait


de l’éviction de certaines populations et, au contraire, d’une logique de « remplissage » des formations du côté de Pôle Emploi. Il manque aussi de vision partagée, du fait des relations


complexes entre l’État, les partenaires sociaux, Pôle emploi et les régions, ces dernières voyant leurs responsabilités s’étoffer sans forcément disposer des leviers d’action. Enfin, il faut


souligner l’absence d’un véritable service public de l’orientation unifié, déployé sur tout le territoire, avec la Région comme chef de file. François Hollande et le gouvernement ont


indiqué leur intention de lancer prochainement une réforme de la formation professionnelle. Le calendrier social, qui inclut une nouvelle réforme des retraites et celle de l’indemnisation


chômage, va donc être fortement chargé de réformes non consensuelles. PROPOSITION N°15 : débuter sans attendre une démarche de concertation avec les partenaires sociaux visant à préparer la


réforme de la formation professionnelle par la co-construction d’un diagnostic aussi partagé que possible. Mettre Pôle emploi et l’AFPA en capacité de proposer à au moins un chômeur sur deux


une formation moins de deux mois après avoir perdu leur emploi. Les entreprises et les administrations publiques doivent être beaucoup plus impliquées dans l’accompagnement et la


construction des parcours professionnels de leurs collaborateurs. AGIR SUR LE COÛT DU LOGEMENT ET LA MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE Louis Gallois exprimait récemment son regret d’avoir oublié, dans


son rapport sur la compétitivité, de mentionner la question du logement. Il indiquait que ce poste représente aujourd’hui de 25 à 28 % du budget des ménages français, contre 12 à 15 % pour


les ménages allemands . La modération salariale pratiquée en Allemagne a été rendue possible par la stabilité de ce poste, alors qu’il augmentait de façon importante dans les dépenses des


ménages en France. L’étude d’Alain Trannoy et Etienne Wasmer pour le CAE note pour 2012, un prix au mètre carré à l’achat en moyenne supérieur de 60 % en France par rapport à l’Allemagne et


supérieur de 10 à 20 % à la location. On notera a contrario que le coût de l’énergie est plus élevé en Allemagne. La structure fédérale de l’Etat allemand favorise une meilleure répartition


de la population et des opportunités d’emploi sur le territoire. A l’inverse, en France, l’immobilier est un frein à la mobilité. Une étude du Credoc de 2011 montrait que 70 % des Français


qui travaillent refuseraient un meilleur emploi si cela nécessitait de déménager avec un surcoût financier. Les Français sont réputés casaniers. En fait ils aiment leur région, tout comme


les autres Européens. Interrogés sur les efforts qu’ils seraient prêts à consentir pour lutter contre les effets de la crise, seulement un actif européen sur quatre se dit prêt à déménager


plus souvent pour changer de poste ou d’emploi (24 % dont 28 % en France). Un plan d’urgence en faveur du logement a été annoncé par François Hollande (21 mars 2013), qui prévoit une baisse


de TVA sur le logement social, un moratoire sur les normes et un plan de rénovation des logements. La politique du logement a identifié quatre défis à relever : la production de l’offre, à


des conditions abordables pour tous ; l’accès au logement des personnes mal logées, sans abri ou vulnérables ; l’effectivité du Droit au logement opposable (DALO) ; la rénovation du parc


existant, notamment sur le plan énergétique. Par ailleurs, c’est la première fois qu’un accord (celui du 11 janvier 2013 transposé par la loi de sécurisation de l’emploi) prévoit un


accompagnement financier pour favoriser le logement provisoire et réduire le frein à la mobilité lors de la recherche d’emploi . PROPOSITION N°16 : Intégrer la politique du logement et


l’accompagnement de la mobilité géographique à la démarche d’amélioration de la compétitivité, de sécurisation de l’emploi et de réduction du chômage. RÉINTÉGRER LA GÉNÉRATION PERDUE Le


candidat François Hollande avait voulu faire de la jeunesse l’enjeu prioritaire de sa campagne. Il avait vu juste. « Une élection présidentielle, c’est le moment démocratique qui permet de


rassembler la nation autour d’un thème fédérateur, » déclarait-il à l’été 2010 . « Chaque grand rendez-vous a correspondu à une grande ambition ; on pouvait la contester, elle exprimait


néanmoins une aspiration largement majoritaire : la volonté de changement en 1981, la France unie en 1988, la fracture sociale en 1995, la sécurité en 2002, le « travailler plus » en 2007. À


chaque fois, un sujet prend le pas sur les autres ou plutôt les résume tous. On dit souvent qu’un pays qui sacrifie sa jeunesse n’a pas d’avenir ; à l’inverse, une nation qui consacre sa


jeunesse se construit un futur. » Au soir du 6 mai, dans son allocution prononcée place de la Bastille à Paris, il demandait à être jugé sur deux objectifs, la justice et la jeunesse. Or, au


fil des difficultés économiques et sociales, cette orientation prioritaire s’est estompée, au point de ne plus apparaître clairement. Certes, des actions ont été entreprises vis-à-vis de la


jeunesse. On peut citer notamment : La création de 4 000 postes dans l’Education nationale pour la lutte contre le décrochage scolaire dans les collèges en difficulté et les lycées


professionnels. A la suite de l’accord du 11 janvier 2013, la sur-taxation des abus de CDD, qui permet de financer une exonération des cotisations chômage pour les CDI signés avec des jeunes


de moins de 26 ans . Le dispositif d’« emplois francs », expérimenté sur dix sites pilotes et concernant 2 000 emplois dès 2013, pour aider les entreprises qui emploieront un jeune issu des


quartiers sensibles. La réunion sous l’égide du Premier ministre du Comité interministériel de la jeunesse qui a adopté 47 mesures concrètes (21 février 2013)… mais dont on est bien en


peine d’en citer une seule… Et bien sûr les contrats de génération et emplois d’avenir (destinés aux jeunes peu ou pas qualifiés). Tous ces dispositifs manquent d’ampleur et d’appropriation


par les jeunes. Alors que le taux de chômage des jeunes dans notre pays atteint le niveau de 26 % (contre 23 % pour la moyenne de l’UE et 24 % pour la zone euro ) et que les jeunes se sont


massivement détournés de tout espoir vis-à-vis de l’action politique, il est indispensable de remettre cette priorité au centre de l’action gouvernementale de façon forte et visible. Là


encore, il n’y a pas de fatalité : le taux d’emploi des 15–24 ans en France (30 %) est deux fois plus faible qu’au Danemark et 1,5 fois plus faible qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux


Etats-Unis. Pour cela, il faut reconnaître les difficultés spécifiques à la jeunesse, que l’on peut résumer en trois points : accès à l’emploi, au logement et à un revenu décent. Plus que


pour d’autres catégories d’âge, ces trois difficultés se cumulent pour les jeunes. Il est donc temps de lancer un grand plan d’action pour l’accès à ces trois ressources clés. On peut pour


cela miser sur des dispositifs existants qu’il convient d’accélérer, d’amplifier et de mieux coordonner. Le diagnostic est sévère. La Commission européenne, jamais avare d’acronymes, a créé


celui de « NEET  » pour désigner les jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en éducation ni en formation. La France compte aujourd’hui près de 1,9 million de ces jeunes « NEET »,


soit 17 % de la tranche d’âge. Cette proportion très élevée montre bien que la France ne parvient pas à surmonter ce problème, particulièrement aigu dans notre pays : parmi l’ensemble des


pays de l’OCDE, la France se classe en fin de peloton sur ce critère, qui n’est dépassé que par l’Italie, l’Espagne et la Grèce. Plus préoccupant encore, environ la moitié de ces jeunes,


soit 900 000, sont abandonnés et ne cherchent pas (ou plus) d’emploi. Ils proviennent en forte proportion des couches sociales les plus défavorisées. Le taux de NEET parmi les jeunes issus


de l’immigration est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Il en va de même pour les jeunes vivant en ZUS , dont le taux de chômage atteint 45 %, soit environ deux fois plus que la


moyenne nationale des jeunes. Un nombre important de jeunes se trouvent en situation de précarité croissante. En 2008, plus de 20 % des 18–25 ans disposaient de revenus inférieurs au seuil


de pauvreté, contre 13 % pour l’ensemble de la population. Bien sûr, la dégradation des performances de notre système scolaire a sa part de responsabilité. Avec 12 % de « sorties précoces »


du système scolaire en 2011, la France ne dispose plus que d’une mince avance sur ses voisins : sa performance n’a que très peu évolué depuis 2005 (alors que celle de la moyenne des 27 pays


de l’UE a progressé) et nous ne faisons désormais qu’à peine mieux que la moyenne de l’UE (13,5 %). Mais le fonctionnement du marché du travail doit aussi être interrogé. On peut se


féliciter de l’emphase placée récemment par François Hollande sur l’enjeu de l’emploi des jeunes en Europe. Le 28 mai, il a annoncé une initiative franco-allemande sur ce thème, et les deux


pays ont fait aboutir cette initiative lors du sommet européen des 27 et 28 juin (déblocage de 6 milliards d’euros) et de la réunion des ministres de l’emploi des 28 Etats membres le 3 


juillet. On peut cependant regretter le caractère tardif de cette prise de conscience sur un problème dont les effets délétères sont connus de longue date. Sur un plan strictement financier,


on peut rappeler qu’Eurofound attirait l’attention depuis un rapport de juillet 2011 sur le coût représenté par le gâchis humain de l’exclusion des NEET du marché du travail, évalué à plus


de 100 milliards d’euros, soit un coût social de 14 000 euros par jeune. Accepter la situation en l’état n’est pas une option. Cela reviendrait à entériner, pour reprendre les mots du


sociologue Louis Chauvel et de l’économiste Pierre-André Imbert, la formation d’une nouvelle génération sacrifiée  : « Une génération a donc été sacrifiée au front de la guerre économique,


sans grands scrupules. Devenus des adultes trentenaires et quadragénaires aujourd’hui, ils ont alterné des périodes de chômage, des conditions d’emplois dégradés, et profitent moins de la


reprise actuelle que les nouveaux entrants. Le fonctionnement du marché du travail est ainsi fait que, lorsqu’on a raté son entrée, on ne rattrape jamais véritablement ce handicap ». On peut


donc se féliciter également des mesures annoncées par le gouvernement dans le cadre du « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » de janvier 2013. La création d’une


« garantie jeunes » a pour objectif d’inscrire 100 000 jeunes NEET en situation de pauvreté dans un parcours contractualisé d’accès à l’emploi ou à la formation. Celui-ci repose sur une


évolution de l’actuel CIVIS (contrat d’insertion dans la vie sociale). Le SPE (service public de l’emploi) sera tenu de faire des propositions adaptées d’emploi ou de formation aux jeunes


concernés. Ceux-ci devront s’y engager pour bénéficier d’une garantie de ressources différentielle d’un montant équivalent au RSA, intégrant un mécanisme d’incitation vers la formation,


l’apprentissage ou l’emploi. Cette mesure repose sur un engagement réciproque entre État et jeunes, à travers un contrat signé avec le SPE, notamment au travers des Missions locales. Cette


notion d’engagement réciproque nous semble prometteuse. Selon Martin Hirsch , « il faut un lien plus fort que le lien habituel du contrat d’insertion des allocataires du RSA de plus de 25 


ans. Le Danemark est le pays le plus intéressant, à mon avis, sur l’emploi des jeunes. C’est un pays qui a renversé la situation en trois ans. Il l’a fait avec un soutien financier aux


jeunes assorti d’obligations strictes. On peut aller plus loin dans la contractualisation. » On peut également s’inspirer de l’exemple de la Finlande, qui a lancé en 1996 un programme


garantissant aux jeunes une formation ou une expérience professionnelle, avec des résultats probants : le taux de chômage des jeunes dans ce pays a été divisé par deux entre 1993 et 2007.


PROPOSITION N°17 : Amplifier le dispositif de « garantie jeunes » associé à un parcours contractualisé et lui donner une priorité dans la communication et les actions gouvernementales dès le


second semestre 2013. Accroître les ressources mises à sa disposition afin de viser l’accompagnement d’au moins 300 000 jeunes. Le succès du dispositif de « garantie jeunes » repose sur


trois facteurs clés de succès : La mise en place d’un accompagnement resserré, avec des conseillers spécialisés. Pour garantir la qualité de cet accompagnement, il faut créer des équipes


spécialisées intégrant des agents de Pôle emploi, de l’AFIJ et des collaborateurs des missions locales. Ces équipes spécialisées pourraient ainsi élaborer et déployer des méthodes


d’accompagnement spécifiques pour aller au-devant des jeunes et prendre en charge un accompagnement renforcé. A titre d’exemple, l’Agence fédérale allemande pour l’emploi possède une


structure dédiée aux jeunes chômeurs de 18 à 25 ans. Ces derniers doivent se déclarer pour ouvrir leurs droits à des allocations et signer un contrat d’intégration dans lequel est fixé


l’inventaire des droits et devoirs qui leurs incombent. L’Agence fédérale prévoit qu’un conseiller gère un portefeuille de 75 jeunes, c’est-à-dire beaucoup moins que pour un conseiller


d’adultes. La possibilité d’orientation vers des formations en alternance longues et coûteuses. Or la formation des jeunes est aujourd’hui un angle mort des dispositifs de formation


professionnelle, dont il faut en conséquence réorienter une partie des fonds. Les besoins au sein de la population des NEET sont criants : 85 % d’entre eux n’ont pas dépassé le niveau du


lycée, et 42 % n’ont pas dépassé celui du collège. Le renforcement des moyens dévolus aux dispositifs permettant d’accélérer l’insertion professionnelle des jeunes : apprentissage (qui


concerne 45 % des jeunes allemands et 50 % des jeunes autrichiens contre 12 % des jeunes français), écoles de la 2 e chance. PROPOSITION N°18 : Accroître les capacités des dispositifs


d’insertion professionnelle des jeunes L’ensemble de ces mesures seront financées par le redéploiement d’une partie des allègements de charges sur les bas salaires, dont nous proposons la


suppression (voir ci-avant). En période de ressources budgétaires rares, on pourrait douter de la pertinence d’une focalisation des ressources nouvelles sur la jeunesse. Mais il ne s’agit en


fait que d’un rééquilibrage. Dans leur ouvrage, Jean-Hervé Lorenzi, Jacques Pelletan et Alain Villemeur ont analysé les transferts financiers entre les générations, opérés par


l’intermédiaire des pouvoirs publics et de la politique de redistribution. Leur conclusion est nette : « On se rend compte que la France se trouve être une exception parmi les pays


développés, tant par l’ampleur de ces transferts en faveur des seniors que par la faiblesse de ces transferts en faveur des jeunes. (…) Les jeunes français sont ceux qui bénéficient le moins


des transferts financiers en leur faveur, exception faite des jeunes italiens. En part du PIB, ils sont à égalité avec les jeunes allemands qui sont cependant moins nombreux, mais sont loin


derrière tous les autres pays, que ce soit le Royaume-Uni, la Suède ou encore les États-Unis. Par rapport à la Suède, ils bénéficient d’un transfert financier moindre de 2,1 % du PIB, soit


l’équivalent en France de 42 milliards d’euros annuellement. Cette différence provient de moindres dépenses sociales et d’éducation mais aussi de prélèvements obligatoires plus lourds ». Il


ne s’agit surtout pas d’entrer dans une logique d’opposition des générations entre elles – le contrat de génération mise justement sur l’effet inverse – mais de constater que la jeunesse ne


peut rester une oubliée du quinquennat. RECRÉER DES SOLIDARITÉS DANS L’ENTREPRISE Le gouvernement Ayrault a commencé à traiter la question de la gouvernance de l’entreprise mais beaucoup


reste à faire. Lorsque François Hollande, à l’occasion de son discours du Bourget (22 janvier 2012) a pointé son « ennemi » comme étant « la finance », certains ont voulu y voir un anathème


vis-à-vis d’une profession. Il s’agissait bien plus de la volonté de s’affranchir des excès d’un système : celui d’une vision caricaturale de l’entreprise soumise à la volonté des seuls


actionnaires et à la « dictature » du court-termisme. De ce point de vue, l’entrée des représentants des salariés dans les Conseils d’administration (ou de surveillance) des grandes


entreprises va contribuer à rééquilibrer les stratégies en y intégrant davantage les facteurs humains. De même, la volonté de poser des limites aux rémunérations excessives des dirigeants


est désormais concrétisée dans le secteur public (écart maximal de rémunérations de 1 à 20) et devrait aboutir par le biais de plusieurs mécanismes (taxe sur les salaires dépassant un


million d’euros payée par les entreprises, mise en œuvre du « say on pay », limitation des parachutes dorés, intégration de critères plus stricts dans la charte AFEP-Medef) dans le secteur


privé . La loi de sécurisation de l’emploi permet l’entrée de représentants des salariés dans les Conseils mais favorise aussi le débat stratégique au sein des entreprises, et en fait un


objet de dialogue social. Le Comité d’entreprise (CE) sera informé et consulté annuellement sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences sur l’activité, l’emploi,


l’évolution des métiers, des technologies et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Il aura


l’occasion de formuler des orientations alternatives qui seront transmises au Conseil d’administration ou de surveillance, lequel devra y répondre de façon argumentée. À son tour, le CE


pourra répondre au conseil. Il est de la responsabilité des partenaires sociaux de se saisir de ces nouvelles opportunités pour nourrir un vrai dialogue. La mise en œuvre de contrôles


renforcés et de sanctions vis-à-vis des entreprises qui ne respectaient pas les obligations légales en matière de négociation sur l’égalité professionnelle a produit des résultats. Depuis le


mois de janvier 2013, 300 entreprises ont été mises en demeure, et 1 200 plans sur l’égalité professionnelle ont été conclus et enregistrés. La gouvernance, c’est aussi s’assurer que les


lois sont appliquées… Cela n’empêche aucunement de poursuivre l’effort sur le plan de la pédagogie et des incitations. D’autres mesures proposées par Terra Nova permettraient d’aller plus


loin dans l’évolution de la gouvernance : adopter un taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis  ; mettre en œuvre des droits privilégiés pour les actions de long


terme : droits de vote double et majoration des dividendes en fonction de la durée de détention des titres (idem) ; alternativement, créer un statut de société par lequel seuls les


actionnaires détenant leurs titres depuis une certaine durée ont le droit de vote (les spéculateurs « de passage » peuvent donc espérer bénéficier des plus-values, mais ils ne définissent


pas la stratégie de l’entreprise) ou encore laisser la liberté aux statuts d’organiser une gouvernance (et éventuellement des droits à dividendes) dépendant de la « fidélité » des


actionnaires ; concrétiser la RSE (responsabilité sociale des entreprises) en développant la notation sociale des entreprises (cette proposition a été reprise par François Hollande alors


candidat ). PROPOSITION N°19 : différencier les taux d’imposition sur les sociétés en fonction du réinvestissement et les droits attachés aux actions en fonction de la durée de détention ;


concrétiser la notation sociale des entreprises. Une prochaine loi permettra d’apporter un soutien au développement de l’économie sociale et solidaire, secteur potentiellement créateur


d’emplois, notamment par le levier des emplois d’avenir, dans un délai court, si l’amélioration de l’apport en financement est concrétisé. REDONNER À L’EUROPE UN RÔLE MOBILISATEUR


D’ENTRAÎNEMENT Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, complété par les mesures récentes consécutives aux Assises de l’entrepreneuriat, améliore incontestablement


les conditions de développement et le contexte micro-économique des entreprises. Les entrepreneurs l’ont souligné. Pour autant, c’est la perspective de croissance des ventes qui tire les


décisions d’investir, d’innover, d’embaucher. Cette dynamique de croissance, c’est au niveau de l’Europe qu’elle fait défaut et qu’elle est à reconstruire. Or, le dernier ouvrage de Patrick


Artus révèle l’hétérogénéité croissante de la zone euro. Un travail sur la conjoncture doit être entrepris sérieusement : il faut se demander comment la politique budgétaire impacte le


niveau d’emploi (les prévisions de l’OCDE sont assez pessimistes à cet égard). C’est une réflexion essentielle qui peut orienter de manière plus efficace les dépenses publiques.


Traditionnellement, le moteur de la croissance en France est la consommation des ménages. Pour la première fois depuis l’après-guerre, celle-ci a reculé en 2012 (baisse de 0,4 % du fait d’un


recul du pouvoir d’achat individuel de 1,5 %, pour la première fois depuis 1984) puis en ce début 2013, sous l’effet des politiques budgétaires et fiscales. La crainte du chômage pousse les


Français, dont le taux d’épargne est parmi les plus élevés de l’UE, à accentuer leur épargne de précaution. Dans les enquêtes de conjoncture de l’INSEE auprès des ménages, l’écart entre la


proportion des Français qui estiment que c’est le bon moment d’épargner et ceux qui pensent l’inverse atteint 37 %, le plus haut niveau observé depuis près de deux décennies. PROPOSITION


N°20 : Poursuivre le dialogue avec les chefs d’Etat européens et la Commission pour convaincre de l’intérêt bien compris de l’UE de desserrer la contrainte budgétaire lorsque celle-ci


conduit à l’étouffement, pour favoriser les mesures de croissance concertée Cela ne signifie pas pour autant qu’une relance à la mode du début des années 1980 soit la solution : on connaît


les limites de cette politique. En revanche, le levier européen n’est pas assez mobilisé aujourd’hui, de même que le drainage de cette épargne abondante vers « des investissements


conséquents dans les domaines de l’innovation, de l’éducation, de la formation professionnelle, des infrastructures, ainsi que dans la restructuration du tissu industriel . » Le contexte


européen pèse lourdement sur le contexte national. La concurrence avec d’autres pays menant une politique de réduction des coûts agressive (pays du Sud de la zone euro) change la donne car


elle interdit à la politique industrielle française de persister à ne pas choisir. Elle l’oblige à opter résolument pour une politique de haut de gamme, de forte valeur ajoutée. L’économiste


Jean-Luc Gaffard analyse les indicateurs de prix de la valeur ajoutée et montre ainsi que la France est « prise en tenaille » entre l’Allemagne et l’Espagne. L’Allemagne impose ses prix


sans difficultés et l’emporte sur la France grâce à la qualité de ses produits ; l’Espagne améliore la qualité tout en bénéficiant d’une compétitivité-prix bien établie. Cela nécessite-t-il


une coordination des politiques industrielles en Europe ? Ou bien doit-on considérer que nos « concurrents » sont d’abord les Chinois et les Américains ? De nombreux pays permettent aux


entreprises de contracter des conventions de branche (exemple de Fiat). En France, on ne peut pas déroger aux minima en termes de branches. La guerre des prix intra-européenne est mortelle ;


il faut relancer l’activité mais en dépassant la logique du « chacun pour son pays ». Si la cohésion des 28 (ou des 17 pays de la zone euro) n’est pas suffisante, la mise en œuvre du modèle


des coopérations renforcées apporterait une réponse pertinente. PROPOSITION N°21 : définir et exécuter une politique sélective d’investissements d’avenir à l’échelle européenne dans le


cadre de programmes transversaux structurants pour la compétitivité (énergie, transition écologique, réseaux numériques…) favorisant les retombées industrielles. La question de la transition


écologique, pour aboutir à des mesures efficaces, doit être traitée à l’échelle européenne plutôt que nationale. Sur ces problématiques, la question est posée d’une forme de taxation des


produits dont la production est polluante indépendamment du lieu de leur production. Cette taxation serait réduite si le producteur prouve qu’il utilise des procédés moins polluants, moins


émetteurs de gaz à effet de serre ou moins consommateurs de ressources rares que les procédés de référence. Ainsi, tous les pays seraient incités à mettre en œuvre des modes de production


plus responsables, alors que taxer seulement les producteurs en France nuit à leur compétitivité et pousse à aller produire ailleurs les mêmes biens dans des conditions moins écologiques. Or


la France est très en retard par rapport à la plupart des pays européens sur la fiscalité écologique. On pourrait aussi évoquer la relance du marché des émissions de CO2 dont l’effondrement


n’a profité qu’aux gisements de lignite allemands, a conduit les installations françaises de génération au gaz à être arrêtées et a relancé la consommation de charbon au détriment de la


réduction des émissions. PROPOSITION N°22 : mettre en place une fiscalité écologique à l’échelle européenne. Poursuivre sous forme d’une coopération renforcée la mise en place de la taxation


sur les transactions financières. Parmi les pistes à avancer au niveau européen, il faut aussi poursuivre sur les sujets sociaux (un SMIC pour chaque pays européen) et fiscaux : une base


commune de calcul pour l’impôt sur les sociétés, même si des taux communs restent aujourd’hui du domaine de l’utopie ; une politique déterminée de lutte contre la fraude fiscale et


l’optimisation fiscale, forme légale de la fraude fiscale. En l’absence de ces politiques, qui permettent de montrer aux citoyens que l’UE est protectrice, ces derniers continueront à se


détourner de l’Europe et à chercher des solutions non coopératives. De ce point de vue, il est urgent d’inverser la tendance. Au début des années 2000, les Britanniques apparaissaient comme


les eurosceptiques. Parmi les six plus grands pays de l’UE, ils étaient les seuls à présenter un taux de défiance (proportion des citoyens qui déclarent ne pas faire confiance à l’UE) proche


de 50 % (47 % précisément). En 2012, leur taux de défiance a bondi à 75 %, mais celui des autres pays a dépassé ou s’approche du seuil de 50 % : 72 % en Espagne, 62 % en Italie, 61 % en


Allemagne, 56 % en France et 46 % en Pologne . La cohésion européenne résistera-t-elle à la crise ? Tout dépend de sa capacité à répondre aux attentes des citoyens. CONCLUSION : CONSOLIDER


L’OFFENSIVE DE L’AN I DANS UNE VISION DE LONG TERME Un paradoxe apparaît au terme de ce point d’étape. La mise en œuvre du changement par François Hollande président se déroule conformément


aux engagements pris par François Hollande candidat. Cette conformité concerne à la fois le contenu du changement (un nombre conséquent de réformes ont été lancées, qui concrétisent la


plupart des 60 engagements du candidat ) et sa forme : le gouvernement, comme François Hollande l’avait indiqué, réforme non pas par l’injonction et la précipitation, mais en donnant le


temps à la concertation en amont des décisions (grande conférence sociale, rôle dévolu au Haut conseil du financement de la protection sociale, missions d’étude confiées à des experts…) et


en associant les corps intermédiaires et le Parlement. Cette approche constitue une rupture. Souvenons-nous des attaques incessantes menées par Nicolas Sarkozy à l’encontre des syndicats,


des élus locaux, des diplomates, des magistrats, des policiers, des enseignants, des médias, des intellectuels, du parlement… et jusqu’à son propre gouvernement. Il faut donc bien se poser


la question : malgré la conformité de ses actes avec ses engagements, pourquoi ce gouvernement n’est-il soutenu que par une fraction réduite de l’opinion ? Nous voyons cinq raisons à ce


décalage. 1 – « Le changement, c’est maintenant » : le slogan de campagne a une seconde signification, celle qui colle le changement sur l’instant ; celle qui dévalorise « l’avant-changement


 » et « l’après-changement », alors que ces deux temporalités sont essentielles à la pédagogie du changement. 2 – François Hollande n’a pas changé la donne sur la question du travail


ministériel. Les échanges entre les ministères sont importants, mais les échanges entre ministres le sont moins. Le Conseil des ministres est demeuré un moment formel de l’action


gouvernementale. En d’autres termes : l’action gouvernementale est le résultat de celle des ministres qui lancent leurs initiatives sous l’arbitrage du Premier ministre ou du Président. D’où


l’apparence de désordre et de confusion : il y a autant d’initiatives lancées que de « tendances » au sein du principal parti de gouvernement. D’où également l’apparence d’un manque de


cohérence et le déficit d’autorité : les ministres se considèrent davantage comme porteurs des priorités de leur domaine ministériel que comme membres d’une équipe solidaire. On aurait pu,


avec un gouvernement plus resserré, concevoir une autre approche : une équipe ministérielle soudée qui choisit ensemble ses priorités et déploie les réformes par le biais d’un travail


collectif. 3 – L’équipe gouvernementale n’a pas pris le temps de définir le sens et les objectifs du changement dans des termes à la fois ambitieux et accessibles pour les Français. Quelle


société voulons-nous ? Quelle est la finalité des efforts demandés ? Faute de cette vision collective, les réformes apparaissent trop souvent comme une suite désordonnée d’initiatives


manquant de cohérence. Les quelques tentatives de mise en perspective (par exemple le « modèle français », essai de théorisation par Matignon) n’ont pas convaincu et l’équipe gouvernementale


n’a malheureusement pas insisté. Comme elle n’a pas réussi à articuler les objectifs du changement, il est difficile d’en assurer la « promotion » auprès des Français. Le gouvernement se


doit de synthétiser les résultats de son action et d’en rendre compte aux Français dans une communication plus continue et plus pédagogique. 4 – Le délai d’un an est ingrat : beaucoup de


mesures ont été prises, les efforts ont été consentis mais les résultats ne peuvent encore se traduire de façon visible. 5 – François Hollande a éprouvé des difficultés à tirer les leçons de


la réforme des institutions ramenant la durée du mandat présidentiel à cinq ans. Dans une première phase, il a cru à un partage des rôles entre lui-même et son Premier ministre plus


conforme à la lettre des institutions de la V e République. Il a du se rendre à l’évidence : les Français veulent voir le Président qu’ils ont élu en première ligne. Mais sa communication


n’a pas évolué en cohérence. Aucune de ces raisons n’est irréversible. Entre fatalité ou volontarisme, le gouvernement a choisi le second. Dans le flux nourri des enquêtes et études


d’opinion produites sur l’état de la France à l’occasion du bilan de l’an 1, l’une retient l’attention, réalisée par Viavoice . Au-delà de la déception et de l’insatisfaction exprimées par


les Français, déjà bien documentées, cette enquête montre tout d’abord qu’une très large majorité de Français (71 %) estiment que « la France a la possibilité d’enrayer son déclin ». Et pour


trouver une voie de sortie de la crise actuelle, les personnes interrogées proposent de miser sur l’attachement à de grandes valeurs. Pour les années qui viennent, elles distinguent trois


registres de valeurs prioritaires dont la France et les Français ont besoin. La première, nettement devant les autres, est la « valeur travail » : 44 % des Français la citent comme valeur


d’avenir. La deuxième valeur d’avenir est celle de « justice sociale » (34 %) suivie par celle, en nette progression, de « respect des gens » (30 %), à entendre non seulement comme une


exigence formelle, mais également et peut-être surtout comme un besoin d’attention à l’autre et enfin la « protection, la sécurité » (25 %). C’est entre ces valeurs fortes qu’il faut trouver


un chemin. L’an I constitue un socle solide pour le déploiement du changement. L’an II sera riche en chantiers : nouvelle réforme des retraites, financement du chômage, formation


professionnelle, allocations familiales et plus largement, financement de la protection sociale, réforme de la dépendance, lutte contre les licenciements boursiers, acte 3 de la


décentralisation, sans oublier des réformes de nature plus politique comme le droit de vote des étrangers, le non-cumul des mandats et la réforme constitutionnelle… Le changement, ce n’est


pas seulement maintenant. Ce n’est pas une discipline pour sprinter. C’est une course de fond, un effort de cinq ans. Le départ est plutôt réussi, même si les haies sont hautes et si


quelques coureurs ont trébuché. La course est à peine engagée.