Un plan de bataille pour le climat qui soit socialement désirable : le temps du consensus et de l’action | terra nova

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SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS PROPOSITION 1 : Conformément à la demande du tribunal administratif de Paris, publier une stratégie de rattrapage de baisse des émissions de CO2 de la période


2015–2018. PROPOSITION 2 : Adopter rapidement une nouvelle loi intégrant les conséquences pour la France de l’objectif européen de diminution de 55 % des émissions de CO2 d’ici 2030, contre


40 % aujourd’hui, et voter chaque année au Parlement un « budget carbone » cohérent avec cet objectif[1]. PROPOSITION 3 : Évaluer pour chaque projet de loi, quel que soit son domaine, sa


compatibilité avec les objectifs de baisse des émissions de CO2, des trajectoires de baisse de consommation d’énergie et d’empreinte carbone (« point de contrôle climat » pour astreindre


chaque loi à cette analyse). PROPOSITION 4 : Lors des prochaines révisions des objectifs de la transition écologique, définir explicitement une politique publique de sobriété déterminant les


évolutions consenties et souhaitables des modes de vie (et celles qui ne le sont pas) ; ne pas se limiter à des propositions de pédagogie qui feraient reposer cette sobriété sur les seules


épaules des citoyens. PROPOSITION 5 : Lancer un plan national de mobilité afin de revoir l’offre de déplacement bas carbone sur l’ensemble du territoire (trains du quotidien, offre sociale


de location de véhicules électriques, renforcement du plan vélo, soutien plus actif au covoiturage…). PROPOSITION 6 : Accélérer l’interdiction à la location des passoires thermiques et des


logements peu performants (étiquette E) avant 2034 ; publier un plan précis de fin du chauffage au fioul d’ici 2028. PROPOSITION 7 : Indexer une partie de la taxe foncière sur la performance


énergétique du bâtiment et/ou moduler les dispositifs de plafonnement des loyers (là où ils existent, notamment en zone urbaine dense) en fonction de la performance énergétique des


bâtiments. PROPOSITION 8 : Prévoir de nouvelles dispositions pour embarquer les maisons individuelles dans le plan global de performance énergétique (dispositifs d’isolation des combles,


etc.). PROPOSITION 9 : Faire évaluer toute politique de relance industrielle en termes de besoin de consommation énergétique et de gain escompté en empreinte carbone. PROPOSITION 10 :


Rehausser les objectifs de production de biogaz et y intégrer un soutien financier adéquat, tout en procédant par appel d’offres pour limiter les effets d’aubaine ; lancer un chantier de


simplification administrative des raccordements de biogaz (y compris hors appel d’offres). PROPOSITION 11 : Proposer un plan d’action pour le rattrapage des objectifs de réseaux de chaleur,


en faisant en sorte que les réseaux de chaleur soient plus compétitifs que le gaz fossile et le fioul ; mobiliser si besoin le Fonds chaleur renouvelable en renforçant ses prérogatives pour


aligner les moyens sur les objectifs de décarbonation de la chaleur. PROPOSITION 12 : Renforcer la politique de déploiement de l’éolien en privilégiant les participations aux projets des


citoyens et des collectivités locales – encouragées par une avance remboursable de l’État pour initier les projets – et les technologies minimisant les nuisances (éoliennes à peignes ou


serrations) ainsi que le nombre de mâts (éoliennes toilées…).   PROPOSITION 13 : Relever l’objectif d’installations solaires au minimum à 3 GW d’installation par an ; prévoir des appels


d’offres d’État sur friches industrielles et sols artificialisés pour tenir l’objectif sans pression supplémentaire sur le foncier disponible. PROPOSITION 14 : Préparer en concertation avec


la filière industrielle de nouveaux appels d’offres d’éolien offshore afin de donner une visibilité sur le carnet de commandes au-delà de 2030 et permettre l’essor de l’éolien flottant. 


PROPOSITION 15 : Revoir la trajectoire de fermeture des réacteurs nucléaires, en cohérence avec la sécurité d’approvisionnement ; s’astreindre à la clarté dans la politique énergétique en


pilotant la décroissance du parc nucléaire existant par une trajectoire exprimée en GW installés.  UNE AFFAIRE DE GOUVERNANCE AVEC QUATRE LEVIERS À MOBILISER   – Créer un rendez-vous annuel


devant le Parlement lors duquel le gouvernement ferait un état des lieux de la transition énergétique – Veiller à ce qu’aucune loi nouvelle ni aucun règlement ne contrecarrent les efforts de


sortie des énergies fossiles – Renforcer le rôle d’une entité centralisée d’évaluation des politiques publiques sur le climat – Évoluer vers une gouvernance participative des citoyens dans


la transition énergétique articulée autour de quatre étapes (contrat, participation, délibération, décisions) INTRODUCTION Le réchauffement climatique s’accélère. COP après COP, des voix


toujours plus nombreuses s’élèvent pour soutenir et surtout accélérer la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. À cet égard, la COP26 de Glasgow aura suivi le même chemin de


déception que les autres COP sur la nature des engagements climatiques pris par les différents États. Pourtant, des grandes entreprises aux ONG en passant par les simples citoyens, le


consensus grandit sur l’urgence de l’action face au péril climatique qui nous menace. Par ailleurs, la nécessité sociale de ne plus dépendre des énergies fossiles s’est rappelée à notre bon


souvenir avec la flambée des prix de l’énergie, en ravivant le souvenir des premières crises pétrolières. L’inaction contre les énergies fossiles n’est ainsi pas seulement climatiquement


explosive : elle l’est également socialement pour les ménages qui souffrent de la précarité énergétique, et industriellement pour les entreprises qui doivent réduire leurs activités pour


limiter leurs factures énergétiques. Nulle opposition ici entre « fin du mois » et « fin du monde » : ce sont bien les énergies fossiles qui sont à l’origine des deux maux, et il faudra s’en


affranchir pour espérer soigner les deux. À cet effet, le consensus grandit sur les moyens d’action à employer. Des ONG aux entreprises en passant par les institutions, le champ du débat se


précise : les économies d’énergie seront indispensables et le report de consommation d’énergies fossiles vers l’électricité est inévitable. Seules les proportions font encore débat sur le


l’ampleur des économies d’énergies possible, le rôle que jouera la sobriété ou encore le niveau de hausse de la consommation d’électricité nécessaire en substitution aux énergies fossiles et


  l’étendue du recours aux bioressources (biomasse, biométhane, biocarburants…). En ce qui concerne la production d’électricité, la nécessité de développer les énergies renouvelables et même


la planification de la fin de vie du parc nucléaire existant font désormais peu ou prou consensus dans les trajectoires énergétiques : ce sont des horizons de temps, particulièrement


vis-à-vis des rythmes de déploiement des renouvelables dont il est dorénavant question. D’autres sujets énergétiques, tout aussi structurants, font en revanche toujours débat : notamment la


nécessité (ou l’opportunité) de construire de nouveaux réacteurs nucléaires, ainsi que l’amplitude du développement d’un vecteur hydrogène décarboné. Dans ce contexte, il est plus que jamais


temps de se mettre au travail et d’accélérer la mise en œuvre des actions sans regret. Pour le seul système électrique, les travaux de RTE chiffrent les investissements nécessaires de 60 à


80 Mds€/an, auxquels il faudrait ajouter ceux pour l’efficacité énergétique, la possible sobriété et les autres vecteurs énergétiques, comme la biomasse et le biogaz. Ces investissements,


pour partie publics et nécessitant un cadre réglementaire adapté, représentent certes un coût initial mais généreront de nombreux bénéfices pour notre balance commerciale et le portefeuille


des citoyens, à commencer par celui de ne plus dépendre de la géopolitique mondiale pour le paiement de leurs factures. En 2019, le déficit commercial français en énergie s’élevait à 44 Md€


(dont 35,3 Md€ pour le pétrole), soit les trois quarts de notre déficit commercial global (58,9 Md€ en 2019)[2] ! Sans planification et sans nouveaux investissements, nous sommes condamnés à


continuer de subir les soubresauts de l’économie comme de la politique mondiale et à dépendre d’un système énergétique hérité des années 1970 qui, pour grande partie, n’existera plus d’ici


trente ans compte tenu de la durée de vie des infrastructures existantes. Les outils de la transition énergétique existent et sont, pour beaucoup d’entre eux, déjà déployés : appels d’offres


d’énergies renouvelables, schémas décennaux de planification des réseaux, aides à la rénovation thermique… Mais face à la non-tenue de nos objectifs climatiques, qu’il faudrait d’ailleurs


rehausser, de nouvelles actions sont nécessaires. Nous formulons ainsi quinze propositions à mettre en œuvre à court terme pour permettre la construction d’un futur énergétique neutre en


carbone et socialement désirable. Il en va de notre avenir climatique comme de notre cohésion sociale. 1. LA NEUTRALITÉ CARBONE EST UN IMPÉRATIF AUSSI BIEN ÉCONOMIQUE QUE CLIMATIQUE


L’envolée des prix des énergies fossiles et sa répercussion sur l’ensemble des Français – particuliers, entreprises, industriels – viennent nous rappeler à quel point ces énergies sont


indispensables au quotidien. En France, plus des deux tiers de l’énergie consommée proviennent d’énergies fossiles – pétrole et gaz en tête – tant elles sont toujours largement dominantes


pour se déplacer, se chauffer ou tout simplement répondre aux besoins énergétiques de nos industries. Pourtant, cette dépendance mortifère mène à une double impasse sociale et climatique,


d’où une urgence à agir pour préserver le pouvoir d’achat des ménages, la compétitivité des entreprises, la stabilité sociale et le climat. Contrainte légalement d’accroître sa lutte contre


le changement climatique par sa récente condamnation[3] et le nouvel objectif européen du paquet « Fit For 55[4] », la France doit accélérer sa trajectoire de réduction d’émissions de gaz à


effet de serre et aller plus vite dans les prochaines décennies que lors des précédentes, tout en assurant l’adhésion de la société au projet de neutralité carbone à horizon 2050. En dehors


de l’année 2020, sous l’effet de la crise du Covid-19, la France n’a jamais atteint les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre[5] nécessaires pour espérer être un jour


neutre en carbone, en se passant des énergies fossiles.