Technologies et éducation parentale, guerre ou paix des ménages ?

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Lisa Jeanson a reçu des financements de ANRT et Groupe PSA (thèse en cifre)


Ce n’est un secret pour personne, nous sommes envahis par la technologie. Elle entretient nos foyers, nous aide à résoudre les problèmes les plus complexes et nous avons aujourd’hui dépassé


les scénarios futuristes les plus fous imaginés par nos prédécesseurs. La technologie nous façonne, nous aide, nous habite. Ceci est d’autant plus vrai pour les digital natives, ces enfants


nés dans l’ère du numérique dont on a l’impression qu’ils ont des processeurs en guise de cerveaux.


Mais alors comment les parents, derniers remparts entre leurs bambins et les écrans, réagissent-ils face à cet envahisseur ?


Pas de temps mort… les 13-24 ans consomment des écrans toute la journée avec une préférence pour la télévision en soirée….


D’après une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel, en 2013 les familles françaises possèdent en moyenne 9,6 appareils connectés. Aussi, 97 % des 13-24 ans vivent dans un foyer avec


télévision, 95 % avec ordinateur et 75 % possédent un Smartphone.


En consommation effective, les 15-24 ans passent en moyenne 37 heures par semaine devant les écrans au début des années 2000. Les plus jeunes ne sont pas en reste car 86,1 % des 6-9 ans et


92,3 % des 10-14 ans interrogés en 2014 jouent aux jeux vidéo (Centre national du cinéma et de l’image animée, 2014).


Notons également que la télévision, objet central de nos salons, est boudée par nos enfants au profit des jeux vidéo, téléphones portables, ordinateurs et autres tablettes plus propices aux


loisirs solitaires. Ce phénomène intrigue les sociologues qui n’hésitent pas à parler de la « culture de la chambre » remplaçant la « culture de la rue » de la fin du XXᵉ siècle. Il est vrai


qu’un enfant aujourd’hui explorera plus volontiers les mondes infinis de Minecraft depuis son nid douillet que les rues désertées de notre enfance.


Or il ne faut pas oublier que ces chérubins, bioniques ou non, ne jouissent pas d’une liberté sans limites dans leurs comportements car ils agissent encore sous l’autorité de leurs parents.


Mais alors, comment ça se passe à la maison avec les technologies ? Pour le savoir, nous sommes allés poser la question à 19 parents (4 hommes et 15 femmes) de 34 enfants au total, dont 30


âgés entre 1 et 18 ans en 2015. Leurs propos ont été recueillis lors d’entretiens et ont subi une analyse lexicale (à l’aide du logiciel Iramuteq). Grâce à ce procédé, nous avons obtenu cinq


« classes » de mots rassemblant les termes les plus fréquemment utilisés et leur proximité et nous avons attribué un thème à chacune.


Ces classes nous permettent d’approcher les pratiques éducatives des parents interrogés et leurs opinions vis-à-vis des différentes technologies citées lors des entretiens.


« Une fois j’ai carrément revendu sa console tellement c’était insupportable. »Témoignage d’une mère, aide-soignante, 51 ans, 2 garçons de 15 et 18 ans


Enfin il est une technologie tellement intégrée dans nos vies qu’on en oublie presque qu’elle en est une : le téléphone portable. Cet objet symbiotique est considéré comme utile et pratique,


voire indispensable. Preuve de ce sentiment, plutôt que d’être nommé, ce dernier est évoqué par des verbes d’action et des activités tels que « chercher », « envoyer » et « sms », « appel 


», « recherche » ou encore « recherche Internet ».


Comme si la question de l’interdiction ne se posait même pas pour cette technologie, sur le plan factoriel on retrouve la classe « téléphone portable » totalement à part. De même, aucun


terme faisant référence à une quelconque régulation de la part des parents ne compose cette classe. Peut-être est-ce parce qu’eux-mêmes accros à leur téléphone, ils ne souhaitent pas faire


subir une crise de manque à leurs enfants ?


En conclusion, n’oublions pas de relativiser notre étude en rappelant qu’elle ne concerne « que » 19 parents. Elle a cependant le mérite d’édulcorer les discours moralisateurs sur la


consommation d’écrans et de rappeler à nos lecteurs que certaines technologies fédèrent davantage qu’elles ne divisent.