Ambarès-et-lagrave : bel air, une verrue vouée à disparaître

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Construite dans les années 1960, jamais vraiment rénovée, la résidence a été rachetée par Domofrance en vue d’une « démolition reconfiguration » qui ne sera finalisée que dans plusieurs


années. Sur place, les habitants vivent dans des conditions difficiles. À Ambarès-et-Lagrave, aux confins de cette commune de la rive droite bordelaise de 18 000 âmes, la cité Bel Air. À


mi-distance entre le centre-bourg et l’entrée de Bassens, la voisine. Trop proche, trop loin. La résidence, composée de neuf bâtiments au teint morose, sans balcon ni jeux pour enfants, doit


disparaître. Rachetée fin 2020 par Domofrance à In’li, filiale d’Action Logement, la résidence va être démolie en vue d’une reconfiguration complète. « On n’est au courant de rien, ça fait


neuf ans que je suis là et que j’entends ça », râle Sonia Boubaker, au pied d’un des immeubles. Comme elle, les riverains de la résidence Bel Air, construite dans les années 1960, ont


toujours vu les lieux tels quels. Mis à part un toilettage en 1985, les propriétaires successifs, refroidis par le coût des opérations, ne se sont jamais lancés dans des travaux d’envergure.


Les différents diagnostics de la Ville et des services de l’État notaient pourtant l’urgence : problèmes d’isolation phonique et thermique, détérioration des logements, absence de vie de


quartier… NI EAU CHAUDE NI GAZ Fatiguée, en colère en voyant l’état de délabrement de Bel Air et de ses 181 appartements, Sonia Boubaker veut partir. « On construit des logements partout à


Ambarès, et ici on ne fait rien ! C’est lamentable de laisser des logements comme ça », martèle la « maman célibataire ». Dans son T5 de 80 m², les cartons s’empilent. Elle montre le plafond


de l’entrée « qui commençait à nous tomber sur la tête », les robinets de la salle de bains brinquebalants et, surtout, sa chaudière. La précédente avait pris feu l’an dernier alors qu’elle


était « partie faire les courses ». Heureusement, il n’y a pas eu de victime. « Je suis restée trois semaines sans eau chaude, ni gaz, ni électricité, égrène cette secrétaire. Tout est


d’époque, rien n’est aux normes. Vous voulez entretenir un appartement comme ça, vous ? Moi, non. » Sonia a demandé une mutation grâce au 1 % patronal. Son souhait ? Se rapprocher de son


lieu de travail bouscatais mais, avant tout, quitter les lieux. Ce n’est pas la perspective de la transformation du quartier qui va la faire changer d’avis. « Je ne me vois pas ici dans cinq


ans. Ça fait plusieurs années que je veux partir. Je le vis mal », raconte Sonia, qui regrette aussi le manque « de passages de gendarmes » dans un secteur où elle n’est « pas rassurée ».


PROJET SUR « CINQ, SIX » ANS Contacté par « Sud Ouest », Domofrance confirme mener un projet de « démolition reconfiguration » sur Bel Air. « On est dans les balbutiements. La page n’est pas


blanche mais il y a beaucoup de points de suspension », prévient le bailleur, qui parle d’un « projet urbain et social » à « définir ». > « On n’est que deux avec ma femme mais j’ai deux


> petites-filles. Il me faut un F4, sinon je ne bouge pas » Avant de passer à la « coconstruction » du programme avec habitants, riverains, voisins et autres collectivités (Ville


d’Ambarès, Bordeaux Métropole), il va falloir mener l’enquête sociale, déterminer qui veut être relogé temporairement ou partir définitivement le temps du chantier. Pour l’heure, le bureau


d’études chargé de ce diagnostic n’a pas été désigné. C’est seulement une fois tout le monde relogé qu’il s’agira de dessiner la future résidence et… de réaliser les travaux. « Il n’est pas


question de mettre les habitants dans un chantier pendant six ans. Il n’y aura pas de démolition avant deux ans, minimum. On parle d’un projet qui mène sur cinq, six années », poursuit


Domofrance. « QUI VA NOUS RELOGER ? » Ce qui est sûr, c’est que tout doit changer. Finis ces immeubles à l’ancienne, la future Bel Air arborera une configuration mixte avec des ensembles


(qui ne dépasseront pas l’étage) collectifs mais aussi individuels, en faisant cohabiter des propriétaires avec des locataires, des niveaux de revenus hétéroclites, etc. « Et puis il y a


toute la question environnementale », complète Domofrance. Le décor est planté, comme « l’ambition de requalifier ce quartier, de refaire un morceau de ville » du bailleur. « Tous les


indicateurs du mal logement sont réunis. Il fallait prendre ce dossier à bras-le-corps. Ce sera une véritable amélioration pour les habitants, ça va changer la perception que les gens ont de


Bel Air », veut croire Nordine Guendez, le maire. Du côté des premiers concernés, les habitants - qui, pour beaucoup, n’ont pas souhaité s’exprimer - les questions fusent. « Qui va nous


reloger au même prix ? Est-ce qu’il y aura de la place ? » se demande Pierre, locataire d’un F4 depuis plus vingt-deux ans. « Je ne pourrai pas me payer un déménageur. On n’est que deux avec


ma femme mais j’ai deux petites-filles. Il me faut un F4, sinon je ne bouge pas. »