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Figure du Parti socialiste, et proche de François Mitterrand – qui hésitera même à le nommer Premier ministre lors de son second quinquennat – il occupe le poste de ministre de la Justice
entre 1981 et 1986, avant d’être nommé à la tête du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995. Figure incontournable de la vie politique française, il occupe par la suite plusieurs postes au
sein des institutions européennes, et prend régulièrement position dans les débats nationaux, prenant, entre autres, la défense de la réforme du Code du Travail promue par le gouvernement
Valls en 2015. « HUMANISME », ABOLITION DE LA PEINE DE MORT ET SOUTIEN AU PATRONAT : BADINTER, UNE FIGURE DU PARTI SOCIALISTE En tant qu’avocat, puis ministre de la Justice, Robert Badinter
s’est illustré pour son combat contre la peine de mort, dont l’abolition est votée par l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981, suite à un discours aujourd’hui célébré dans les cours
d’histoire. Se définissant lui-même comme un « humaniste », il engage, en tant que ministre, une série de réformes de la justice et de la prison qui vont participer au mythe d’un
gouvernement Mitterrand « de gauche » : suppression des quartiers haute sécurité, fin de la Cour de sûreté de l’État et des tribunaux militaires, large loi d’amnistie, abrogation de la loi
anticasseurs (rétablie en 2019), développement des peines de non-privation de liberté, autorisation des parloirs libres et autorisation des télévisions dans les prisons... C’est aussi son
ministère qu’est prononcée la dépénalisation de l’homosexualité, le 27 juillet 1982, abrogeant la loi prise par le régime de Vichy. Prenant régulièrement position en faveur de la réinsertion
des détenus, il participe en 2000 à la rédaction d’un rapport du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France. Un rapport aussi accablant que peu
suivi d’effets. En grand défenseur de l’idéal républicain et de ses « valeurs » et « principes », Robert Badinter manifeste tout au long de sa carrière un grand attachement à la Constitution
et à son caractère de loi fondamentale. Ce qui ne l’empêche pas d’abandonner l’idée de réviser la Constitution de la Ve République, pour faire plaisir à François Mitterrand, qui tient à
conserver au Président de la République son statut de monarque élu. Nommé à la tête du Conseil constitutionnel, il renforce toutefois le rôle de l’institution pour consolider le régime, et
ouvre notamment la possibilité à chaque individu de saisir le Conseil, cherchant à lui donner une coloration plus « démocratique ». En 2012, il dénonce l’« insoutenable exception française »
que constitue la présence à vie des ex-présidents de la République dans cette juridiction. Une critique sur la forme qui ne l’empêche pas, sur le fond, de soutenir des projets de loi
réactionnaires et bien loin de l’humanisme de façade. En 2016, il estime ainsi « qu’une révision constitutionnelle n’est pas nécessaire » pour inscrire dans la loi la déchéance de
nationalité. Tout en prononçant son attachement à un humanisme à la française hérité des Lumières, Robert Badinter a constitué un fidèle serviteur de la bourgeoisie, s’opposant aux
nationalisations en 1981, soutenant et appliquant l’ensemble des politiques antisociales et anti-ouvrières du PS, allant jusqu’à intercéder en faveur du banquier Rothschild auprès de
Mitterrand. Dans un podcast diffusé par France Culture en 2021, Badinter se qualifie lui-même d’« _anti-communiste pas primaire, mais supérieur_ », et fait l’éloge de François Mitterrand,
notamment pour avoir, avec la politique d’union de la gauche, offert « _une sorte de baiser de la mort aux communistes_ ». MORT DE BADINTER OU L’ENTERREMENT D’UN FOSSOYEUR DU CODE DU TRAVAIL
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que l’artisan de l’abolition de la peine de mort soit aussi l’un des fossoyeurs du Code du Travail. En 2015, lors des débats autour de la loi El
Khomri, Robert Badinter co-écrit avec Antoine Lyon-Caen une tribune publiée dans Le Monde, dans laquelle il appelle à refonder les principes du droit du travail, dénonçant un Code du travail
« _obèse_ », qui « _ne protège ni l’entrepreneur ni le salarié_ » et « _crée de la crainte, donc du chômage_ ». Une initiative « _saluée_ » par le président du Medef d’alors, Pierre Gattaz.
En 2016, le premier ministre Manuel Valls commande ainsi à Badinter un rapport sur le droit du travail, qui, sous couvert de définir les « principes essentiels » du droit du travail, ouvre
en réalité une porte dans laquelle le gouvernement va s’engouffrer pour faire passer l’une des lois les plus antisociales du gouvernement Hollande. Tout en prétendant défendre les 35 heures
et le CDI, le rapport énonce, dès son premier article, que des limitations peuvent être apportées aux droits des salarié-e-s « _si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et
droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché_ ». Une formule martelée tout au long du texte, et qui
permettra de justifier, entre autres, toutes les dérogations concernant la durée du temps de travail, et l’inversion des normes, qui fait primer les accords d’entreprises sur la loi
générale, mesures introduites par la loi El Khomri. Après de longues années au service de la bourgeoisie, Badinter est devenu une figure consensuelle du régime et du maintien de la Vème
République. Une figure à laquelle est rendu un hommage unanime, de l’extrême-droite jusqu’à la France Insoumise. Tandis que Marine Le Pen évoque un « _homme de convictions_ », Emmanuel
Macron rend hommage, quant à lui, à « _une figure du siècle, une conscience républicaine_ ». De son côté, La France Insoumise rendait hommage, par la voie de Manuel Bompard, à un «
_combattant infatigable des droits humains_ ». Pourtant, par-delà les oripeaux « humanistes », Badinter qui, en 2006, confiait à La Croix rêver de « _prêcher à Notre-Dame, sur le thème
“justice de Dieu-justice des hommes”_ », était l’une des incarnations de la République bourgeoise, dans ce qu’elle peut avoir de plus légaliste, mais aussi de plus dur envers les
travailleuses et travailleurs.