
- Select a language for the TTS:
- French Female
- French Male
- French Canadian Female
- French Canadian Male
- Language selected: (auto detect) - FR
Play all audios:
Dans la nuit de mardi à mercredi, le gouvernement suprémaciste de Modi a initié une série de frappes meurtrières contre le Pakistan, frappant neuf sites et faisant au moins 25 morts.
Répondant à l’attaque indienne, les forces pakistanaises ont abattu plusieurs chasseurs aériens et répondu par des tirs d’artillerie dans le Jammu-et-Cachemire, qui ont fait 12 morts. L’Inde
présente son attaque comme une riposte à l’attentat de Pahalgam, qui a entraîné la mort de 26 touristes indiens le 22 avril dernier. Accusant les autorités pakistanaises d’être derrière le
groupe responsable de l’attaque, le Premier ministre indien avait alors multiplié les menaces contre le Pakistan. À côté des menaces militaires, l’Inde a surtout décidé, hier, de suspendre
le traité de l’Hindus et de couper les fleuves qui prennent leurs sources en territoire indien avant d’irriguer le Pakistan, une décision qu’Islamabad considère comme « un acte de guerre ».
L’échange de tirs, dans la nuit du 6 au 7 mai, témoigne d’un embrasement soudain du front du Cachemire, partagé en trois zones d’occupation, chinoise, pakistanaise et indienne. Un incident
qui, comme le note Sushant Singh, dans les colonnes de _Foreign Affairs_, rappelle le précédent de 2019 lorsque l’aviation indienne avait bombardé le Pakistan après une attaque à la voiture
suicide ayant tué quarante paramilitaires indiens, membres des forces d’occupation du Cachemire. Du fait de la médiation active des États-Unis et de l’absence de victimes, l’incident s’était
clos rapidement, sans pour autant mettre un terme à la montée des tensions entre les deux pays pour lesquels l’occupation militaire de la région montagneuse du Cachemire revêt une
importance géostratégique centrale. « _Aujourd’hui, cependant, les circonstances ne conduisent pas à une désescalade. La situation au Cachemire est plus volatile qu’auparavant. La politique
extrémiste de Modi et l’imposition de la domination indienne sur le Cachemire ont alimenté l’aliénation de la majorité musulmane de la région. […] New Delhi pourrait opter pour une riposte
limitée, mais elle aurait peu de chances de satisfaire l’opinion publique indienne qui désire une riposte plus importante_. » En effet, le renforcement du suprémacisme hindou et
l’intensification de la colonisation du Cachemire ont radicalisé les sphères dirigeantes hindoues qui, comme le note Tariq Ali, regardent désormais en direction d’Israël et de ses méthodes
de guerre : « _Les politiciens indiens, presque tous bords confondus, appellent à la guerre. Shashi Tharoor, membre du Congrès et ancien haut fonctionnaire de l’ONU, a déclaré : “Oui, du
sang sera versé, mais davantage du leur que du nôtre.” L’opinion publique penche pour une guerre brève, brutale et vengeresse. Le génocide mené par Israël à Gaza a été cité avec approbation,
mais un autre modèle est plus probable […]. Il pourrait s’agir d’une opération à l’iranienne. Des généraux à la retraite se vantent des réserves de drones de l’Inde. La mesure la plus
extrême envisagée serait d’occuper le Cachemire contrôlé par le Pakistan et de le réunifier avec son jumeau sous occupation indienne_. » Les grandes forces politiques indiennes semblent se
rallier à l’opération « Sindoor » [1] menée par Modi, du _Parti communiste indien_ au _Bahujan Samaj Party_ en passant par le _Congrès national indien_. Sous la direction du Premier
ministre, l’Inde tente de s’imposer, avec le soutien de l’impérialisme étasunien, comme une puissance régionale, notamment face à la Chine, qui contrôle la partie nord du Cachemire. Depuis
2019, la révocation des statuts constitutionnels qui accordaient au Cachemire dit « indien » une autonomie juridique particulière et la mise en place d’un ensemble de règles d’exception
censées garantir la protection de la majorité musulmane, la colonisation totale du territoire est l’un des principaux objectifs de Modi. Il y voit un moyen de faire de l’Inde une puissance
régionale et d’affaiblir le Pakistan, son rival historique. Alors que le colonialisme de peuplement s’accélère via l’installation de populations hindoues et la possibilité pour ces dernières
d’acheter des terres et de devenir fonctionnaires, le gouvernement a mené de grandes offensives antiterroristes pour accélérer la militarisation et l’oppression permanente de la population
cachemirie, le conflit revêtant une importance toute particulière pour la stratégie ultra-réactionnaire indienne. Le Pakistan contrôle pour sa part une partie de la région, dite « Aksai Chin
», il revendique la partie du Cachemire sous occupation indienne. Le gouvernement réactionnaire pakistanais est particulièrement fragilisé par l’affrontement entre Shehbaz Sharif, au
pouvoir, et les partisans d’Imran Khan, destitué par l’armée en 2022, alors que le nouveau chef de l’armée pakistanaise adopte un ton plus agressif que ses prédécesseurs à l’égard de l’Inde
et pourrait être tenté de renforcer le pouvoir de l’armée, qui se présente comme un arbitre autoritaire entre les partis, sur la scène politique nationale. Enfin, cet incident survient dans
un contexte international beaucoup plus convulsif qu’en 2019. La rivalité entre l’impérialisme étasunien et la Chine a atteint un niveau d’intensité très élevé, tandis que l’Inde est perçue
comme une alliée stratégique des Etats-Unis pour contenir la puissance chinoise. Quant au Pakistan, ce dernier à beau conserver des relations avec les Etats-Unis, ces dernières années ont
été marquées par un rapprochement politique et économique important avec Pékin. Pour l’heure, la Maison-Blanche et les puissances occidentales ont appelé à une résolution rapide du conflit,
souhaitant éviter l’ouverture d’un nouveau potentiel conflit de haute intensité en Asie. Cependant, les Etats-Unis voient dans la consolidation et le soutien de l’Inde ainsi que son
intégration à des alliances militaires telle que l’alliance QUAD une question vitale pour soutenir une puissance qui se propose de jouer un rôle central dans la contention militaire et
maritime de la Chine. Le secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Marco Rubio, a ainsi déclaré : « _Je fais écho aux propos du président Donald Trump exprimés plus tôt dans la journée, en espérant
que cela se termine rapidement, et je continuerai à dialoguer avec les dirigeants indiens et pakistanais en faveur d’une résolution pacifique_ ». Du côté des démocrates, Lindsey Frod,
ancienne secrétaire adjointe à la Défense pour l’Asie sous Biden, a ainsi déclaré que les États-Unis pourraient ajouter le Pakistan à la « _liste grise_ » des pays qui financent « _le
terrorisme_ » et appelle à « _reconnaître le droit de l’Inde à se défendre_ », de la même manière que les États-Unis l’ont fait avec Israël. Une rhétorique également adoptée par
l’impérialisme français, dont le complexe militaro-industriel fournit massivement l’Inde en armes de mort. Jean-Noël Barrot a ainsi déclaré que « _nous comprenons l’aspiration de l’Inde à se
protéger contre le fléau du terrorisme_ », tout en appelant Modi à la retenue. Comme nous l’expliquions récemment sur _Révolution Permanente_ : « _Depuis la partition de l’Inde en 1947, le
Cachemire est au cœur d’un conflit territorial opposant les deux puissances nucléaires, qui se sont affrontées à plusieurs reprises pour le contrôle de cette région stratégique. Revendiqué
par le Pakistan du fait de sa population majoritairement musulmane, le Cachemire a été intégré à l’Inde après le ralliement contesté de son maharaja hindou, déclenchant la première guerre
indo-pakistanaise. Depuis, le territoire est divisé entre les deux pays, tandis qu’une insurrection armée soutenue par des groupes islamistes, souvent accusés d’être appuyés par Islamabad,
s’est développée dans la partie indienne (Jammu-et-Cachemire) à partir de la fin des années 1980_ ». Pris en étau entre les vues expansionnistes du suprémacisme hindou de Modi et la
politique réactionnaire du Pakistan, ce sont les travailleurs et les classes populaires du Cachemire qui feront les frais d’un nouveau conflit. Divisé en trois zones d’occupation après la
décolonisation violente menée par l’impérialisme britannique et la première guerre indo-pakistanaise de 1947, soutenue par Gandhi, le Cachemire est ainsi de nouveau un terrain d’affrontement
entre deux puissances réactionnaires, une situation d’autant plus inquiétante que le Pakistan et l’Inde sont des puissances nucléaires : si cet équilibre pourrait inhiber New Delhi et
Islamabad pour qu’ils maintiennent le conflit dans la région du Cachemire et qu’ils évitent que le conflit ne dégénère en guerre ouverte, la situation est à l’heure actuelle incertaine. La
question de l’autodétermination du Cachemire s’inscrit dans le sillage des conflits créés par le colonialisme européen qui réveillent l’appétit des forces réactionnaires au niveau
international et régional. Les intérêts de la classe ouvrière et des classes populaires de la région ne sont représentés par aucune des forces en présence. Pourtant, c’est la puissance de la
classe ouvrière indienne et pakistanaise, ensemble, aux côtés des couches exploitées et opprimées de la région qui pourraient garantir un véritable droit à l’auto-détermination aux
populations du Cachemire et en même temps constituer un point d’appui pour la lutte contre l’ingérence des puissances régionales et impérialistes.