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Après l’escalade de la guerre commerciale sans précédent lancée par Trump lors du _Liberation Day_, avec des tarifs douaniers allant de 10 % à 145 % selon les pays, Trump cherche des issues
bilatérales, sous pression des marchés financiers et des secousses économiques. Annoncé depuis plusieurs jours, l’accord commercial entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis est le premier
conclu depuis le début de l’offensive douanière américaine. Dans sa stratégie de désescalade partielle, tout en continuant à viser très lourdement le rival chinois, ce « mini-deal » est un
premier jalon symbolique pour Trump, qui revendique une victoire « historique ». Pourtant, cet accord reste très partiel, au point d’être qualifié par la BBC de « mini-deal » « MINI » DEAL
POUR GROSSE OPÉRATION DE COMMUNICATION Le premier accord bilatéral signé depuis l’offensive tarifaire de Trump, début avril, n’a rien d’un traité commercial en bonne et due forme. Derrière
les superlatifs utilisés par les deux dirigeants — un « jour historique » selon Starmer, un « excellent accord » pour l’Amérique selon Trump —, le contenu du deal conclu avec le Royaume-Uni
est à la fois très ciblé, mais aura aussi un impact relativement faible sur l’ensemble de l’économie mondiale : le Royaume-Uni était le partenaire commercial le moins impacté par les tarifs
douaniers annoncés par Trump en avril. Concrètement, il s’agit d’un arrangement sectoriel sur l’automobile, l’acier, l’aluminium et l’agroalimentaire. Les droits de douane américains sur les
exportations britanniques de voitures sont réduits de 27,5 % à 10 %, mais uniquement dans la limite d’un contingent annuel de 100 000 véhicules, ce qui correspond quasiment au volume
exporté l’an dernier, puisque l’industrie automobile britannique avait exporté aux Etats-Unis… 101 000 véhicules. Une information que la Maison Blanche évite judicieusement de mentionner au
moment de revendiquer cette « étape importante pour l’Amérique d’abord ». Dans le cadre de l’accord, les droits de douane de 25 % imposés par les États-Unis sur les importations britanniques
d’acier et d’aluminium — en vertu de la section 232 du Trade Expansion Act, qui autorise ces mesures pour raisons de sécurité nationale — sont levés. Plutôt qu’une suppression générale des
tarifs, Washington revendique un arrangement spécifique avec Londres, comparable à celui déjà en place avec d’autres alliés comme le Japon ou l’UE : des quotas tarifaires sont mis en place
pour permettre les importations britanniques sans droits de douane, tout en conservant un cadre légal unilatéralement contrôlé par les États-Unis. En échange, le Royaume-Uni ouvre un quota
tarifaire de 13 000 tonnes métriques pour le bœuf américain — avec promesse de ne pas abaisser ses normes sanitaires — et de nouvelles facilités d’accès au marché britannique pour des
produits agricoles comme l’éthanol. Pour autant, aucun texte officiel n’a été annoncé à ce jour, et ces informations proviennent juste de la conférence de presse déroulée en duplex entre les
deux dirigeants, Trump depuis la Maison Blanche, et Starmer depuis une usine jaguar. Malgré l’annonce en grande pompe, et l’instrumentalisation de la date du 8 mai pour mettre en avant cet
accord entre deux alliés historiques, le Financial Times parle d’un « accord sans statut juridique formel », l’économiste Alan Beattie allant jusqu’à le comparer à un « paiement de
protection à un parrain de la mafia » plutôt qu’à un accord de libre-échange entre souverains. Un des grands absents de ce deal reste la taxe sur les services numériques (_Digital Services
Tax_), pourtant annoncée comme un des probables volets du deal par la presse. Instaurée en 2020, cette taxe impose un prélèvement de 2 % sur les revenus des grandes plateformes numériques
réalisant plus de 25 millions de livres de chiffre d’affaires au Royaume-Uni, et elle cible ainsi très directement les géants américains du numérique. Alors que l’absence de texte signé et
de garanties formelles laisse planer une incertitude sur la pérennité des termes annoncés, et donc sur la victoire politique revendiquée des deux côtés de l’Atlantique, la non-remise en
cause de la _Digital Services Tax_ dans le cadre de l’accord est un point de tension persistant qui pourrait ouvrir la porte à de nouvelles secousses et à un énième revirement de Trump.
Comme le souligne le Financial Times, cet accord sans statut légal ne protège en rien contre de nouveaux coups de pression de la part du président étasunien. L’imprévisibilité assumée de
Trump, sa stratégie de rapport de force permanent, et son usage du commerce comme levier de pression diplomatique rendent tout deal potentiellement réversible, même entre ces deux alliés
historiques. Cet accord est donc avant tout une opération pour Trump, à la recherche d’une première avancée significative plus d’un mois après le lancement de sa guerre commerciale tous
azimuts, et alors qu’il cherche à relâcher la pression sans donner le sentiment de reculer face aux contradictions intérieures. L’accord avec le Royaume-Uni est avant tout une vitrine d’une
désescalade maîtrisée, mais se fait aussi le miroir des dissensions internes aux pays occidentaux impérialistes. Trump a d’ailleurs annoncé qu’une quinzaine d’accords similaires seraient
signés dans les prochaines semaines, selon un agenda qui reste entièrement contrôlé par la Maison Blanche. UN ACCORD BILATÉRAL FRAGILE QUI RÉVÈLE LES DISSENSIONS ENTRE ÉTATS IMPÉRIALISTES
Derrière l’enthousiasme diplomatique affiché par Londres et Washington, l’accord met au jour des tensions profondes entre puissances impérialistes. En choisissant de conclure un arrangement
bilatéral avec les États-Unis, le Royaume-Uni agit délibérément hors du cadre européen, rayant de la carte toute possibilité de réponse économique coordonnée à la guerre commerciale
américaine. Et ce, alors même que Keir Starmer se positionne en première ligne, avec Emmanuel Macron, pour incarner une « réponse européenne forte » sur le terrain militaire en Ukraine :
envoi de troupes, garanties de sécurité bilatérales à Kiev, participation renforcée à l’OTAN… Il est de toutes les propositions de réponse unitaire européenne à la soi disant menace russe.
Cette désarticulation apparente entre discours stratégique et alignement économique illustre la réalité d’une cohésion du bloc européen fracturé, avec des intérêts immédiats contradictoires
pour les différentes bourgeoisies du Vieux Continent. Cet accord bilatéral, qui s’écarte des règles du système commercial multilatéral que Trump veut remplacer par un « Nouvel ordre mondial
», ne peut que raviver les tensions avec Bruxelles, où les négociations commerciales avec les États-Unis sont à l’arrêt depuis la réactivation des tarifs le 2 avril. Loin d’apaiser les
tensions commerciales, cette stratégie alimente un nouveau régime d’instabilité organisée : désescalade partielle, pression maintenue pour les concurrents, et menaces de revirements
permanents. Rien n’indique que le tarif plancher de 10 % imposé à toutes les importations sera levé, ni que d’autres produits stratégiques — pharmaceutiques, aéronautiques — seront épargnés
à l’avenir. L’accord avec le Royaume-Uni cristallise ainsi une tendance de fond : la division structurelle croissante au sein de l’Europe, accélérée par la conjonction entre guerre
commerciale et guerre militaire, dans une période marquée par la montée des tensions inter-impérialistes sur fond de crise structurelle du capitalisme. L’Union européenne, malgré le Brexit
en 2016, apparaît dans ce contexte pour ce qu’elle est : une construction dominée par les intérêts des principales puissances impérialistes, incapable de répondre collectivement aux
offensives de Washington. Face à l’escalade des conflits commerciaux et militaires entre puissances impérialistes, seule une force sociale massive, organisée et indépendante peut incarner
une alternative : celle de la classe ouvrière européenne. Ni Trump, ni Starmer, ni Macron, ni Bruxelles ne représentent les intérêts des travailleuses et travailleurs d’Europe, dont les
conditions de vie sont broyées aussi bien par l’austérité imposée par l’UE que par les politiques protectionnistes, racistes ou bellicistes de ces bourgeoisies impérialistes. Face à cette
guerre économique entre blocs, qui ne fait que préparer de nouvelles guerres militaires, il est urgent que les révolutionnaires avancent une perspective internationale claire : celle des
États-Unis socialistes d’Europe. Ce mot d’ordre ne signifie pas une utopie abstraite, mais une orientation concrète : unir les luttes contre les licenciements, contre la précarité et contre
la guerre ; arracher les leviers économiques des mains de la bourgeoisie européenne ; et jeter les bases d’une fédération démocratique, égalitaire, débarrassée de l’exploitation capitaliste
et des logiques impérialistes. C’est la seule issue réaliste face à la fausse alternative entre souverainisme national et soumission à l’Europe néolibérale. Contre la concurrence entre
travailleurs, contre les frontières et les murs, contre les alliances militaires et les guerres commerciales, construisons l’unité internationaliste du prolétariat !