Comment deux familles ont réduit leurs déchets en trois mois

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L’Agence parisienne du climat a lancé un défi à 30 familles : réduire leurs déchets d’au moins 10 %. Reporterre a rencontré deux d’entre elles pour savoir comment elles s’y prennent pour


réduire leur empreinte écologique au quotidien.


Chaque année, un citoyen français produit 354 kg d’ordures ménagères. Gaspillage alimentaire, prolifération du plastique dans les océans, pollution engendrée par leur traitement… les déchets


pèsent lourd sur l’environnement. Pourtant, il n’est pas si compliqué de réduire sa production d’ordures, et ce, même en ville. C’est ce qu’ont découvert les deux familles qui ont ouvert


leurs portes à Reporterre.


Ces dernières ont accepté de relever le défi de l’Agence parisienne du climat (APC) et de la Ville de Paris, lancé le 24 septembre dernier. En trois mois, elles devaient réduire leurs


déchets de 10 %, à l’image des objectifs nationaux établis par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). D’ici 2020, le programme local de prévention des déchets


ménagers et assimilés veut atteindre 10 % de déchets en moins par habitant. Voici comment ces foyers ont réussi à alléger leurs poubelles.


Léa travaille au ministère de l’Écologie, Florian est éducateur en activité physique adaptée à l’hôpital. Ils habitent un deux-pièces dans le 15e arrondissement parisien. Le couple


s’intéresse au zéro déchet depuis sa grossesse, avec l’inquiétude de la planète qu’ils vont laisser à leur fille, Élise, 21 mois. « Nous avons commencé par la cuisine, nous achetons du bio,


local, en vrac, au marché », expliquent-ils. Le défi de l’APC était l’occasion d’étendre ses réflexes au reste de leur maison.


Même volonté du côté de la famille Chaumont, qui habite dans un immeuble du 13e arrondissement où les parents et leurs trois enfants offrent depuis longtemps une seconde vie aux emballages,


les transformant en guirlandes, meubles et cartes postales. Marina, chargée de mission au ministère des Sports est la reine de la récup’ : « Je vois les déchets comme un potentiel »,


dit-elle. Chacune de ses grossesses a également suscité une réflexion supplémentaire sur l’empreinte écologique de leur foyer. Pour son mari et elle, s’engager dans ce défi permettait


d’ouvrir le dialogue avec leur entourage autour de la réduction des déchets.


Pour Léa et Florian, « le plus gros défi, c’était Élise [leur fille] et Simone », leur chatte. Avec sa litière, l’animal fait peser huit kilos de déchets par mois sur les poubelles de la


famille. Difficile de se passer de litière, alors le couple l’achète désormais en vrac, au moins pour réduire les emballages. Quant aux couches d’Élise, elles produisent environ deux kilos


de déchets par semaine. Les parents sont donc passés aux couches lavables, à la maison seulement : après un mois de discussion avec la crèche, Léa n’a pas réussi à faire changer la politique


des couches jetables de l’établissement.


L’un des plus gros chantiers pour la réduction des déchets consistait à faire évoluer les habitudes alimentaires du foyer. Finis le supermarché et ses produits hyperemballés, bienvenue au


vrac. La famille Chaumont a donc abandonné les plats surgelés et les paquets de gâteaux et de bonbons. Aucun problème pour les enfants, ils préfèrent de toute façon le goût des bonbons en


vrac du magasin bio ! Léa et Florian, eux, fragmentent leurs courses entre moyennes surfaces, magasins en vrac et petits commerçants. Les outils indispensables pour les deux foyers : les


précieux bocaux, boîtes et sacs réutilisables à stocker dans la cuisine et à apporter au magasin en vrac pour les remplir.


Les courses demandent ainsi une organisation et un temps de rodage, mais personne ne souhaite revenir en arrière. « Le premier mois, il fallait s’habituer à une nouvelle manière d’acheter,


c’était fatigant », explique Léa. Même si les courses prennent un peu plus de temps, les deux foyers réalisent que les achats alimentaires sont aujourd’hui devenus un moment de plaisir.


Les familles entassent moins d’emballages dans leur poubelle. Pour ce qui est des épluchures, trognons ou feuilles de thé, elles ont adopté le lombricomposteur offert par la Ville de Paris à


l’occasion du défi. Ce petit bac en plastique rangé dans la cuisine permet de réduire considérablement les ordures organiques et carbonées (carton). Après quelques hésitations sur son


utilisation ou quelques réticences face aux vers de terre, les deux foyers sont ravis du lombricomposteur.


Bien sûr, les concessions font partie du voyage vers moins de déchets : la feuille plastifiée du boucher ou les bouteilles de vins et de bières pour les apéros sont toujours là. Les


questionnements, aussi, comme celui autour du verre, dont le volume a pu augmenter quand il a été choisi pour éviter les emballages en plastique ou cartonnés. Il y aussi les jouets en


plastique des enfants qui ne manquent pas de s’accumuler au sol et les vêtements qui deviennent vite trop petits. Les parents de la petite Élise privilégient les habits d’occasion et la


récup’ pour les jouets. Ils ont également demandé à leur entourage de ne pas offrir des jouets en plastique à la petite fille de 21 mois. Mais il s’agit surtout de penser à l’impact global


du foyer, et de penser chaque détail pour alléger ses poubelles. Les deux familles avouent ne pas chercher la perfection du zéro déchet, mais la réduction et le changement de mode de


consommation.


Chaque partie de la maison a ses solutions moins gourmandes en ordures. Tous fabriquent leur lessive et liquide vaisselle dans des contenants réutilisés avec des produits naturels achetés en


vrac, comme le savon noir, le bicarbonate, le savon de Marseille et les cristaux de soude. Dans la salle de bain, on réduit les cosmétiques au minimum, le dentifrice, le savon, les


shampoings sont en version solide, les mouchoirs sont lavables, les femmes utilisent des coupes menstruelles. Marina , la reine de la récup’, fabrique même des protège-slips en tissus usés,


bavoirs et toile de parachute !


Les membres des deux familles s’accordent à dire qu’après une période d’adaptation, on ne note pas de difficulté particulière et on ne regrette pas de s’être lancé. Même pour les enfants


Chaumont, qui à 12, 9 et 5 ans, se sont très vite acclimatés aux nouvelles règles de la maison. Camille, l’aînée, avoue s’être posée des questions au début mais « finalement, les habitudes


viennent facilement, ça devient un réflexe, on ne s’en rend plus vraiment compte ».


Au niveau du porte-monnaie, rien à signaler de très douloureux non plus. Marina et sa famille sont même persuadées que cette nouvelle manière de consommer ne leur coûte pas plus cher, car


l’achat en bio, parfois plus onéreux, est compensé par les moindres dépenses en cosmétiques et produits ménagers. « On fait différemment les courses, dans des magasins plus petits, avec


moins de choix, donc on est moins tenté par des produits superflus, ça limite l’achat », résume Marina.


Après un investissement de départ pour les couches lavables d’Élise, par exemple, ou pour les matières premières des produits ménagers, Léa et Florian expliquent avoir réalisé de grosses


économies. « On dépense beaucoup moins car on se pose la question des déchets à chaque achat », ce qui vaut pour l’alimentaire, mais aussi pour les vêtements et les meubles qu’ils


choisissent de seconde main. Chez les deux familles, on n’allège pas seulement les poubelles, on repense toute sa consommation.


Sur la balance, la transition est flagrante. Selon l’Agence parisienne du climat, les 30 familles qui ont relevé le défi ont dépassé les objectifs de 10 % puisqu’elles ont réduit leurs


déchets de 25 %, l’équivalent d’une tonne sauvée des poubelles. Pour nos deux familles aussi, le bilan des trois mois révèle une réduction considérable de leurs ordures. Marina : « Nous


produisions 1,7 kg de déchet par jour pour l’ensemble de la famille. Nous avons réussi à passer à une production de 0,8 kg par jour, c’est-à-dire une réduction de 52 % de nos déchets. » Pour


Léa, Florian et Élise, le poids des déchets a été réduit de 26 % en trois mois. Et les deux familles n’ont pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin.


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