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Époustouflé par son architecture néo-classique du XVIIIe siècle. Amoureux de son parc exotique. Luc Lanlo rêvait de voir la résidence l’"Impérial" classée aux Monuments
historiques. Mais l’ancien adjoint à la Culture de Menton - qui s’y était installé dans les années 2000 - est parti trop vite. Il a été emporté par le Covid-19, en mars, à l’âge de 72 ans.
_"On a reçu la confirmation par courrier le jour de sa mort_, confie son compagnon, Michel Imbert, dans l’entrée de l’ancien palace situé 9, avenue de la Madone. _Ça a été très
difficile de reprendre le flambeau."_ UN COMBAT DE 16 ANS _"Il avait déposé le dossier de classement en 2005_, retrace-t-il. _Mais ça a pris du retard parce que le parc était
complètement abandonné. On est entré tous les deux au conseil syndical et, petit à petit, on a redonné vie au jardin botanique."_ Selon lui, ça a joué dans la balance. "_On a
obtenu l’unanimité du jury et de la mairie pour obtenir le classement. C’est d’ailleurs le seul ancien hôtel en France qui l’est sur la totalité de sa surface. À savoir: le parc, les
façades, la toiture, les annexes et les parties communes. On pourra peut-être même ajouter les appartements particuliers dans un second temps."_ Au-delà du prestige, qu’est-ce que le
classement apporte? "_Du travail supplémentaire"_, sourit Anissa Meddahi, gestionnaire à Easy syndic Menton. _"Pour faire des travaux, on est obligé d’avoir une autorisation
préalable. On envoie une demande aux Monuments historiques. Un architecte des Bâtiments de France se déplace et valide ou non le devis. Son rapport est voté par les 170 copropriétaires en
assemblée générale et donne droit à des subventions de l’État."_ SUBVENTIONS POUR TRAVAUX Combien? "_Ça dépend de la nature et du montant des travaux, mais on peut aller jusqu’à
30%." _Une aide financière non négligeable. "_C’est compliqué d’entretenir un immeuble comme ça_, confie la gestionnaire. _Il est ancien, situé face à la mer, possède de vieilles
canalisations…" _ _"C’est une vieille dame qu’il faut protéger_, enchaîne Nathalie Canonnier, membre du conseil syndical. _C’est notre petit paradis."_ Un "paradis"
doré? "_On a tous types de résidents ici_, réfute Michel Imbert. _Des gens qui habitent à l’année, d’autres qui ont des résidences secondaires." _ _"Les appartements vont de
la chambre de bonne aux 3 pièces de 300 m2_, enchaîne Anissa Meddahi._ Le prix de vente commence à 150.000 euros et peut aller jusqu’aux millions."_ LE DERNIER GRAND PALACE CONSTRUIT
PAR TERSLING À la Belle Epoque, l’industrie hôtelière tourne à plein régime. La perle de la France est une destination privilégiée par les aristocrates du monde entier pour passer l’hiver.
Et elle en garde des traces. Menton dispose aujourd’hui de vingt et un palaces. La plupart ont été divisés en copropriétés. C’est le cas de l’ "Impérial". L’hôtel de luxe a été
construit en 1913 par l’architecte danois Hans-Georg Tersling, à qui l’on doit notamment le palais de l’Europe. Affilié au Ritz Carlton de Londres, il disposait de 300 chambres dont des
suites grandioses. Il y avait aussi un terrain de tennis, un golf, un parc d’un hectare doté d’essences exotiques, une salle de musique où l’aristocratie venait écouter des concerts
classiques. Il était également équipé d’ascenseurs, d’une chaudière en sous-sol, des salles de bains avec baignoire et de téléphones. Un gage de modernité pour l’époque. TRANSFORMÉ EN
HÔPITAL PENDANT LA GUERRE La vie de palace s’arrête pendant la Première Guerre mondiale. L’hôtel se transforme en hôpital militaire en 1915 et accueille les premiers cabinets de radiologie
de Marie Curie. À la Libération, les commandes se font rares. L’ "Impérial" sera le dernier hôtel de Hans-Georg Tersling, qui décède le 13 novembre 1920. Le second conflit mondial
finira d’achever l’industrie hôtelière. En 1948, comme beaucoup d’autres palaces, l’hôtel de luxe est converti en appartements. Bernard Buchholzer s’en souvient. Il est le plus ancien des
170 copropriétaires que compte aujourd’hui la résidence. _"Mes grands-parents avaient acheté un appartement ici en 1948-1949_, confie-t-il au détour d’un couloir. _Je venais souvent
quand j’étais enfant. Je me souviens de la salle de billard, du coiffeur, du cinéma au sous-sol. Ce lieu renferme beaucoup de souvenirs. Toute ma vie, j’ai essayé de garder cet appartement.
Je rêvais de finir ma vie ici."_ La totalité du monument a été classée aux Monuments historiques. Selon Michel Imbert, ce serait le seul palace de France à avoir réussi cet exploit. Au
détour d’une visite guidée, le membre du conseil syndical nous a détaillé ce mastodonte. LE PARC BOTANIQUE Depuis l’avenue de la Madone, deux chemins privés mènent à l’ "Impérial".
Un pour les voitures; un autre pour les piétons. On prend la deuxième option pour déambuler dans le parc d’un hectare. Quelques essences datent du siècle dernier. "_Il y a le ficus
macrophylla, les palmiers_, cite Michel Imbert. _On a des plantes tropicales fragiles aussi. Des arbres avec des floraisons différentes, comme le Senecio à fleurs jaunes…"_ Le maestro
des végétaux, c’est OIivier Pelon. "_Il travaillait comme jardinier à Menton. On l’a incité à reprendre ses études. Il est aujourd’hui diplômé de l’École nationale supérieure de paysage
de Versailles. C’est lui qui s’occupe du parc."_ LE BÂTIMENT NÉO-CLASSIQUE DU XVIIIE SIÈCLE En montant, le bâtiment jaune se dévoile. Sa façade possède de nombreux balcons, des
colonnes, des moulures et des rectangles inspirés de l’hôtel Crillon à Paris. _"C’est un style néo-classique du XVIIIe siècle_, commente le membre du conseil syndical._ Tout est en
pierre de la Turbie. Les murs extérieurs comme les murs de maître."_ Il dispose aussi d’une marquise en fer forgé qui protège la double porte en bois de l’entrée. LE HALL DE MARBRE Un
homme est assis sur le banc Marly face à la conciergerie. Il semble tout petit dans ce hall gigantesque. _"Il y a six mètres de hauteur sous plafond environ"_, poursuit l’historien
d’art. Et du marbre partout. Sur les murs, les colonnes, les marches d’escaliers. "_Et dans certains appartements"_. Michel Imbert s’arrête devant les escaliers qui s’enroulent
autour de l’ascenseur vitré. Des appliques en or viennent les éclairer. _"Tersling s’est inspiré de l’architecte Ange-Jacques Gabriel pour concevoir les escaliers. Ce sont les mêmes que
le Trianon de Versailles et l’école militaire du Champs de Mars."_ LES ANCIENS SALONS On part dans l’aile est du rez-de-chaussée. Sur la gauche se trouve l’ancienne salle de musique.
Le parquet au sol a été conservé. On aperçoit des moulures sur les murs, les plafonds et les colonnes. Il y a même un vitrail bleu et doré portant le blason du palace. "_À droite, il y
avait les salons et la salle à manger avec son plafond ovale. Ils ont été transformés en appartements duplex privés. On ne peut pas les visiter."_ LES CUISINES OUBLIÉES Au bout du
couloir, on tombe sur un autre ascenseur. À droite, il y a des boîtes aux lettres et une porte qui s’ouvre sur les garages. "_C’était les cuisines"_, avance Michel Imbert. On a du
mal à y croire. "_Elles avaient été construites à l’extérieur pour éviter les odeurs de nourriture et étaient reliées par un pont. On voit encore les bouches d’aération des
fourneaux."_ Elles contrastent avec le luxe du bâtiment. Et pourtant, elles aussi ont été classées aux Monuments historiques. Fin de la visite. UN ARBRE EN HOMMAGE À LUC LANLO À la
demande des copropriétaires, un paulownia à fleurs bleues va être planté en mémoire de Luc Lanlo sur l’ancien terrain de tennis du palace. _"On a pour projet d’aménager cette partie du
parc en jardin perse avec un bassin et des agrumes"_, dévoile Michel Imbert, historien de l’art, qui a voulu rendre hommage aux origines indo-perse de son défunt compagnon. La plaque
des Monuments historiques apposée sur le portail d’entrée de la résidence sera inaugurée le 29 décembre.