« Karaté Kid » : comment Ralph Macchio a chipé le premier rôle à Robert Downey Jr.

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Le 22 juin 1984, un jeune héros en kimono étourdit l'Amérique d'un coup de pied sauté bien ajusté. Ce jour-là, lors des premières séances de Karaté Kid – Le Moment de vérité, les foules


exultent lorsqu'à l'écran, l'ado persécuté Daniel LaRusso met KO son ennemi harceleur Johnny Lawrence via une singulière botte secrète, au terme d'un tournoi d'arts martiaux aussi tendu que


l'affrontement final entre Rocky Balboa et Apollo Creed. Certes, dans Rocky, signé du même réalisateur huit ans plus tôt, le boxeur challenger campé par Sylvester Stallone perdait le match


face au favori Creed… mais il gagnait sa dignité, l'amour de la belle Adrian et finissait l'histoire en vainqueur du destin.


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Dans Karaté Kid, même combat : un loser des bas quartiers refuse de plier face à l'adversité et, avec l'aide d'un vieux mentor, il transcende sa condition sociale face à un adversaire plus


puissant sur tous les plans. « Tu as complètement plagié mon idée ! Et en plus ton héros a des racines italiennes comme Balboa ! » plaisantera Sylvester Stallone après avoir vu le film, en


charriant son ami le scénariste Robert Mark Kamen, lequel plaidera l'influence du subconscient.


Mais hormis le fait qu'ils partagent John G. Avildsen à la mise en scène, Rocky et Karaté Kid (dont le premier opus et ses suites débarquent dès aujourd'hui sur Netflix) ont bel et bien en


commun ce substrat au cœur même de l'ADN américain : chez l'oncle Sam, la conquête des rêves est à la portée de tous, même des plus mal lotis par la vie. Il suffit d'y mettre le prix.


Comme Rocky, Karaté Kid est à l'origine un tout petit film sorti de nulle part, produit pour 8 millions de dollars sans la moindre star. Dégainé par son distributeur Columbia Pictures en


queue de saison estivale (derrière les mastodontes SOS Fantômes, Indiana Jones et le temple maudit, Gremlins et juste avant la suite de Conan le barbare), ce récit de passage à l'âge adulte


va finir en 10e position du box-office de l'année, avec un total de 90 millions de dollars de recettes nationales – 130 millions en incluant le reste du monde.


Révélé un an plus tôt dans le bouleversant Outsiders de Francis Ford Coppola, Ralph Macchio voit sa cote s'envoler pour de bon. Le film va faire aussi exploser la fréquentation des clubs


d'arts martiaux dans tout le pays, tout en propulsant à la 9e place des charts américains le tube de Bananarama « Cruel Summer », alors que la chanson est sortie un an plus tôt en


Grande-Bretagne. Pas si cruel, l'été 1984 pour Karaté Kid  !


C'est le producteur Jerry Weintraub (Nashville, Cruising et, bien plus tard, Ocean's eleven et ses suites) qui, le premier, va lancer l'idée d'un film qui marcherait sur les traces de Rocky


avec une trame similaire, mais visant davantage les kids de l'Amérique post-Reagan. Jerry Weintraub vient d'optionner les droits d'un article qui l'a captivé, sur un adolescent élevé par une


mère célibataire, harcelé dans son voisinage et qui se tourne vers le karaté pour se défendre contre ses agresseurs, jusqu'à devenir ceinture noire.


Contacté pour tirer un scénario de cette idée, Robert Mark Kamen ne se fait pas prier : cette histoire ressemble comme deux tatamis à la sienne ! En 1964, à 17 ans, il s'est initié aux arts


martiaux pour rendre les coups après que des voyous l'ont agressé pendant la Foire internationale de New York. Après un premier prof qu'il jugeait trop brutal, il s'est alors tourné vers un


style plus pacifiste, enseigné par un sensei japonais ne parlant pas un mot d'anglais, ancien élève de l'honorable maître Chōjun Miyagi (1888-1953), fondateur de l'école Gōjū-ryū à Okinawa.


Le script de 109 pages, intitulé The Karate Kid (titre jugé « ringard » à l'époque par Ralph Macchio), est pour Robert Mark Kamen l'occasion de rendre hommage au karaté autant qu'à ce mentor


qui a changé sa vie. La prose est rapidement approuvée par Jerry Weintraub et Columbia. Canevas simplissime : le jeune Daniel LaRusso débarque d'un quartier pourri de Détroit dans un autre


quartier pourri à Los Angeles, où sa mère recommence sa vie professionnelle.


Dans son nouveau lycée, un groupe de petites frappes issues de la bourgeoisie locale le prend en grippe. Leur leader, le beau gosse blond Johnny Lawrence (William Zabka), harcèle d'autant


plus LaRusso que ce jeune plouc fauché a le toupet de flirter sur la plage avec la jolie Ali (Elisabeth Shue), sa petite amie en cours de rupture. Lorsqu'il découvre que son vieux concierge,


monsieur Miyagi, est un maître de kung-fu accompli, Daniel le supplie de lui apprendre à mieux se défendre face à Lawrence et ses amis, tous membres du redoutable club Cobra Kai.


L'entraînement commence, en vue d'un tournoi où Daniel va livrer le combat de sa vie…


John G. Avildsen est embauché comme réalisateur par le studio, dans l'espoir qu'il reproduise la magie Rocky. Malin, il appelle à la rescousse Bill Conti, compositeur de Rocky, pour une B.


O. chargée de renouer avec un souffle et une émotion identiques. Les auditions pour le rôle de Daniel LaRusso commencent. Après le défilé habituel de jeunes loups potentiels – Robert Downey


Jr, Charlie Sheen, Nicolas Cage, Anthony Edwards… – Ralph Macchio est convoqué pour une audition à New York, devant Avildsen et Kamen. Bonnie Timmerman, célèbre directrice de casting, l'a


repéré dans Outsiders. Ralph Macchio a déjà 21 ans, soit sept ans de plus que son personnage, mais il est si chétif qu'il fera physiquement l'affaire. Et surtout, il irradie la même


fragilité rageuse que LaRusso.


Du haut de ses vingt ans d'expérience du combat, Robert Mark Kamen est cependant consterné autant que satisfait : Ralph Macchio est à peine plus épais qu'une corde à sauter et il est


totalement ignare en karaté. Pas vraiment l'as du kata, c'est même plutôt la cata ! Mais c'est au moins raccord avec le rôle. Le pire, c'est qu'il n'est pas le seul. Après avoir envisagé


Toshiro Mifune dans le rôle de maître Miyagi, la production doit abandonner ses rêves de grandeur en comprenant que la star des Sept Samouraïs ne parle pas anglais.


Le choix se portera finalement sur Noriyuki « Pat » Morita, 51 ans, humoriste de seconde zone, à peine remarqué en patron de drive-in dans Happy Days. Et lui non plus n'a pas la moindre


compétence martiale. Vous en voulez encore ? William Zabka, engagé dans le rôle de Johnny Lawrence, n'a jamais enfilé un kimono de sa vie.


« Aucun de ces gars n'y connaissait rien en karaté. Regardez bien le film, vous ne verrez jamais Daniel sauter en l'air pour faire un coup de pied circulaire », confiera en 2018 à Sports


Illustrated Robert Mark Kamen. « Vous le voyez toujours sur la défensive et dévier les coups, c'est tout ce qu'on a réussi à lui faire faire ! » Il y a quand même bien cette spectaculaire « 


posture de la grue », en référence à l'oiseau, quand LaRusso, prenant appui sur sa jambe droite (l'autre a été abîmée durant le combat), assomme, d'un coup de pied droit au visage, Johnny 


Lawrence à la fin de leur confrontation.


Une technique entièrement imaginée par Robert Mark Kamen et surtout… littéralement impossible à réaliser en situation de handicap sans tricher un peu – repassez-vous l'extrait ! Le tournage


de cette seule scène va d'ailleurs nécessiter une trentaine de prises sous divers angles. Efforts payants : la fameuse pose « les deux bras en l'air, genou levé, en équilibre sur un pied »


deviendra aussi culte que « Wax on, wax off » (« passer la cire, enlever la cire »), le mot d'ordre de Miyagi pour faire polir la carrosserie de sa vieille Ford 1949 décapotable par Daniel.


Lequel, sans le savoir, par ces gestes circulaires répétés, apprend la base du karaté.


Bingo : Avildsen va tirer le meilleur du vétéran dans la scène où LaRusso surprend Miyagi ivre mort, rongé par le chagrin du souvenir de son épouse décédée dans un bombardement durant la


Seconde Guerre mondiale. L'ex-second couteau de Happy Days nous découpe le cœur en tranches dans ces quelques minutes aussi déchirantes que subtilement mises en scène. Elles lui vaudront une


nomination aux Oscars. Pas mal pour un rôle payé à peine 30 000 dollars.


Tourné dans de nombreux décors réels et naturels à Los Angeles durant l'automne 1983 (et notamment au stade de basketball de la California State University de North Ridge, en présence de 500


 figurants, pour le tournoi final), Karaté Kid est tout sauf un match gagné d'avance au box-office. Le jour de la projection test, au Baronet Theatre de New York, John G. Avildsen Avildsen


et Robert Mark Kamen s'éclipsent à l'extérieur pour fumer un joint et manquent de se faire coincer par une patrouille de police. Réfugiés dans un bar et sirotant des tequilas pour éponger


leur stress, ils sont rappelés en urgence pour revenir devant le cinéma où, après la séance, des spectateurs surexcités tentent de reproduire le coup de la grue. « On a su tout de suite


qu'on tenait un truc… », résumera Robert Mark Kamen.


Lors de la première officielle à Los Angeles, en juin, le public crie poings en l'air au moment de la victoire finale de LaRusso… La méthode Rocky a payé, l'ode aux losers a encore frappé.


Le reste appartient à l'histoire. Karaté Kid va mettre KO la concurrence en salle, marquer de sa griffe les années 1980 et susciter trois suites ainsi qu'un reboot, tous à l'intérêt


décroissant, mais aussi la formidable série Cobra Kai, qui réinventera brillamment le concept entre 2018 et 2025.


Décédé en 2005, Pat Morita déclarait un an plus tôt dans le documentaire The Way of the Karate Kid, les yeux rougis par l'émotion, à quel point le film de John G. Avildsen l'avait sauvé et


gratifié d'une nouvelle famille. Après une longue période de vaches maigres dans les années 1990 et 2000, Macchio, lui, est revenu en pleine lumière grâce à Cobra Kai.


Karaté Kid – Le Moment de vérité, de John G. Avildsen (États-Unis, 1984). 2 h 07. Avec Ralph Macchio, Pat Morita, Elisabeth Shue, Martin Kove, William Zabka, Chad McQueen.​​​​​​ Diffusion le


dimanche 1er juin, sur Netflix.


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