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Comme la plupart des maisons fondées au XIXe siècle, Tiffany a bâti son identité sur l'éclectisme. L'originalité de l'entreprise, fondée en 1837 dans le Financial District de
New York, repose dès les premières décennies de son existence sur l'étendue d'une offre qui vise à séduire une clientèle, nouvellement enrichie, ayant soif de nouveautés et de
légitimité. Pour combler ces deux aspirations, Charles Lewis Tiffany et ses associés actionnent deux leviers : l'éclat d'une production souvent acquise à Paris ou à Londres, et la
diversité des matériaux proposés. Pour les pierres d'origine prestigieuse et pour les savoir-faire d'exception, la France constitue pour l'entreprise américaine un vaste
vivier de ressources : l'exode de la noblesse parisienne, après la faillite de la monarchie de Louis Philippe en 1848, fournit en effet de nombreux diamants et autres bijoux qui
permettent à Tiffany, systématiquement acquéreur, de s'orienter définitivement vers la joaillerie. Ce lien avec la capitale française atteint son maximum d'intensité lors de la
vente, en mai 1887, dans la salle des États, au Palais du Louvre, des Diamants de la Couronne. Charles Lewis Tiffany, 75 ans, est présent. Il est l'un, sinon le plus grand acheteur de
la vente. Parmi ses achats figurent des bracelets en rubis et diamants portés par la reine Marie-Amélie puis par l'impératrice Eugénie, mais aussi la majeure partie des « Mazarins » :
légendaires diamants légués par le Cardinal à Louis XIV. Ces pierres déclenchent à New York l'addiction d'une richissime clientèle pour les joyaux inspirés par la royale cassette
française.
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Tiffany ne se contente pas d'imiter Paris. Il mise également sur l'ivresse de la nouveauté et fait feu de tout bois « au profit de la curiosité publique » : achats de perles de la
grosseur d'une noisette provenant d'huitres péchées à LHilK-Pond, création d'un atelier de fabrication de montres à Genève, orfèvrerie empruntant ses décors au gout japonais,
collier composé d'yeux de momie provenant d'Arica. Une anecdote éclaire cette approche éclectique: lors de la pose du premier câble télégraphique transatlantique en 1858 (ce câble
sous-marin promettait des échanges en quelques minutes à une époque où les communications entre l'Europe et les Etats-Unis, dépendant des navires, prenaient des semaines) le joaillier
se porte acquéreur de 80 milles de câbles inemployés. Restés sur le navire américain USS Niagara, ces câbles composés de fils de cuivre gainés de gutta-percha que protègent des couches de
fer et de chanvre sont découpés en tronçon de 4 pouces de longs, avec un anneau de cuivre à chaque extrémité pour être vendus au prix modique de 50 cents l'unité : un bijou de
caractère, symbolisant l'unité entre l'Ancien et le Nouveau Monde grâce au triomphe de la technologie.
L'âge d'or américain décrit par Mark Twain entraine Tiffany sur une nouvelle voie après la guerre de Sécession. En 1889, c'est un Tiffany inédit que découvrent en effet les
Parisiens lors de l'exposition Universelle célébrant le centenaire de la Révolution française. La maison, plutôt que de présenter comme autrefois des créations chargées
d'historicisme, frappe les esprits avec des dessins aux effets étranges conçus par Paulding Farnham, avec des gemmes aux couleurs inattendues. Les orchidées aux pétales emaillés et aux
tiges serties de grenats démantoïdes interpellent. Si Emile de Vogué raille des « végétations combinées pour bien remplir les larges paumes des manieurs de pépites », le reste de la critique
est subjuguée : « le contingent de 1889 est un motif légitime de stupéfaction ». L'Amérique, constate les chroniqueurs, se forge une place de premier plan sur la scène internationale.
Cette place implique une nouvelle image de marque. Après avoir importé durant trois décennies le meilleur de l'Europe, Tiffany présente désormais des dessins, des ouvrages et des
pierres d'inspiration américaine, réalisés par des artistes américains.
À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Le docteur George Frederick Kunz joue un rôle déterminant dans ce nouveau chapitre. Passionné de minéraux qu'il collectionne depuis
l'adolescence, cet autodidacte vend en 1875 une curieuse pierre verte issue d'un filon situé dans le Maine - une tourmaline – au joaillier qui accepte de l'intégrer dans une
ligne expérimentale : le succès est au rendez-vous. Trois ans plus tard, le jeune homme, qui a 23 ans, intègre la maison dont il devient rapidement l'expert en gemmes : son flair
convainc l'entreprise de se tourner vers les pierres fines qu'il a lui-même découvert lors de ses voyages dans les montagnes de l'Oural pour sourcer le grenat démantoïde ou
l'alexandrite tout en encourageant l'exploitation de gisements américains afin de réduire la dépendance aux importantes européennes. Cet expert précoce découvre coup sur coup en
1902, dans la mine de Pala située en Californie, une nouvelle variété de béryl rose et une autre variété, rose elle-aussi, de spodumène. La première sera baptisée Morganite, en
l'honneur J.P Morgan, important client du joaillier, la seconde sera prénommée Kunzite, en hommage au jeune prodigue qui a redéfini la gemmologie moderne tout en positionnant Tiffany
comme un acteur important de la recherche. Cette aptitude se prolongera durant tout le XXe siècle avec l'introduction par Tiffany sur le marché mondial de la Tanzanite en 1967 et de la
Tsavorite en 1970.
Sous l'impulsion de Kuntz, le sentiment quasi révérenciel des Américains pour leur terre s'est exprimé à la fin du XIXe siècle chez Tiffany par l'utilisation de perles brunes
du Tennessee, de saphirs du Montana, de grenats de l'Arizona, de corail fossile de l'lowa, de cristal de roche fumé du Colorado, d'Agathe du Mexique. Même les coffres à bijoux
découverts par les Parisiens en 1889 étaient taillés dans des bois américains (séquoia de Californie, cyprès d'Alaska) que recouvraient des peaux de panthère noire, de raton-laveur, de
lézard, de crocodile, de caméléon, de renne ou d'élan. Le joaillier ressuscite cette année cette approche, enracinée dans l'anthropologie, en annonçant l'achat d'un brut
au poids spectaculaire : une Kunzite de 7500 carats, découverte au Mozambique il y a 25 ans. Elle rend clairement hommage au gemmologue qui a donné aux productions de la maison, un
caractère profondément novateur. Ce brut, après la taille, fournira plusieurs gemmes qui sertiront une série de broches s'inspirant du célèbre Bird on the Rock, imaginée par le créateur
français Jean Schlumberger en 1965. En réunissant dans une même collection les deux facettes qui ont illuminé son histoire (l'attrait pour le gout français, l'attirance pour les
pierres nouvelles), le joaillier rappelle mine de rien que l'éclat de sa légende a puisé sa force dans le meilleur de deux mondes.