Entente illicite : l’UE inflige à deux sociétés de livraison de repas une amende de 329 millions d’euros

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ENTENTE ILLICITE : L’UE INFLIGE À DEUX SOCIÉTÉS DE LIVRAISON DE REPAS UNE AMENDE DE 329 MILLIONS D’EUROS


L'addition est significative pour Delivery Hero et Glovo, les deux sociétés de livraison de plats à domicile : une amende de 329 millions d'euros infligée par la Commission


européenne pour « non-débauchage » d'employés. Une première.


Selon Teresa Ribera, la nouvelle commissaire à la Concurrence, « il est important de montrer dans quelle mesure, dans le contexte des fusions, la position minoritaire peut donner accès à des


informations très sensibles qui nuisent à la concurrence ».


Tout commence en juillet 2018, quand Delivery Hero, le géant allemand de la livraison implanté dans près de 70 pays (mais pas en France), croque une participation minoritaire dans Glovo, son


petit concurrent barcelonais. Une opération qui aurait pu passer inaperçue tant elle est banale. Sauf que cette « simple » prise de participation va rapidement tourner au vinaigre.


Alertés par un lanceur d'alerte anonyme, les enquêteurs découvrent que la relation capitalistique va bien au-delà. « Cette participation a fourni aux deux entreprises un canal pour


coordonner leurs opérations et stratégies », assène Teresa Ribera. Loin de se contenter d'échanger les informations nécessaires à la protection de l'investissement, les deux


groupes s'entendent pour se partager le marché.


À LIRE AUSSI COMPÉTITIVITÉ : LE PLAN DE LA DERNIÈRE CHANCE POUR L'UEPremier problème : des accords de non-débauchage. Les deux entreprises se mettent d'accord pour ne pas se voler


mutuellement leurs meilleurs salariés. Une pratique que la commissaire Ribera estampille comme un « cartel d'achat sur le marché du travail ». En clair, au lieu de se battre sur les


salaires pour attirer les meilleurs talents, les deux groupes s'entendent pour garder les mains dans les poches.


Deuxième problème : l'échange d'informations ultra-confidentielles. Prix actuels, prix futurs, stratégies commerciales… Le menu complet passe à table. « Au lieu de rivaliser dans


l'incertitude sur leurs comportements respectifs, les deux entreprises ont choisi de rester dans une zone de confort sans incitation à améliorer la qualité ou les prix de leurs services


 », résume la commissaire à la Concurrence.


Troisième problème : le partage des marchés. Delivery Hero joue de son statut d'actionnaire pour convaincre Glovo de ne pas s'affronter en se réservant chacun son marché.


L'Allemagne pour l'un, l'Espagne pour l'autre.


Delivery Hero écope de 223 millions d'euros, Glovo celle de 106 millions. Une répartition qui reflète la taille des deux préparateurs de plats. Les deux groupes ont joué, mais admis


leur faute et accepté une procédure de transaction, ce qui leur évite 10 % d'amende supplémentaires. Ce mea culpa permet à Bruxelles de boucler l'affaire en quatre années, du coup


de sifflet initial en 2022 au carton rouge final.


À LIRE AUSSI À BRUXELLES, UNE « BOUSSOLE DE LA COMPÉTITIVITÉ » QUI MANQUE LE NORDDelivery Hero a franchi un cap important en 2023 en atteignant la rentabilité opérationnelle après des années


de pertes, avec un chiffre d'affaires de près de 10 milliards d'euros. L'amende est, certes, significative mais pas insurmontable pour un groupe qui génère désormais des


bénéfices.


À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Au-delà des chiffres, cette affaire plante le drapeau de la nouvelle commissaire. Teresa Ribera, qui a aiguisé ses lames dans l'écologie avant


de débarquer rue de la Loi, à Bruxelles, veut montrer que l'Europe protège autant les consommateurs que les travailleurs. « Nous, Européens, pouvons être fiers parce que nous disposons


d'un haut niveau de protection des travailleurs, dit-elle. Nous ne voulons pas être compétitifs en lançant une course au nivellement par le bas. »


Cette affaire est aussi une mise en garde des plateformes numériques. Fini le temps où une participation minoritaire permettait de naviguer en eaux troubles sous le radar de la concurrence !


« Détenir une participation dans un concurrent, ce n'est pas illégal. Mais cela peut devenir radioactif quand cette participation est utilisée pour obtenir des informations


privilégiées », prévient la commissaire avec une pointe de menace. Or, dans la tech européenne, les participations croisées sont monnaie courante.