Nucléaire : trouver un modèle économique pour fermer le cycle

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NUCLÉAIRE : TROUVER UN MODÈLE ÉCONOMIQUE POUR FERMER LE CYCLE


Le conseil de politique nucléaire du 17 mars 2025 a fixé l'objectif d'« atteindre la fermeture du cycle du combustible nucléaire dans la deuxième moitié du siècle ». Y parvenir


nécessite de s'interroger quant à l'échec des tentatives passées françaises en ce sens : arrêt du réacteur Superphénix en 1997 et abandon du projet Astrid en 2019.


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Si le contexte politique a pesé dans les deux cas, sous-estimer le poids des paramètres technico-économiques serait une grave erreur qui compromettrait le projet que le gouvernement


s'apprête à mettre en œuvre.


FERMER LE CYCLE DU COMBUSTIBLE : QU'EST-CE QUE CELA VEUT DIRE ?


La technologie de réacteur à eau pressurisée actuellement exploitée en France utilise du combustible à l'uranium enrichi. L'uranium est extrait de la mine, importé, enrichi puis


conditionné. Il est alors introduit en réacteur, où il passera entre trois et cinq ans. Après avoir été déchargé, le combustible usé est entreposé quelques années en piscine pour refroidir


puis retraité à l'usine Orano de La Hague.


Concrètement, après passage en réacteur, le combustible ne contient plus 100 % d'uranium, mais 95 %. 1 % de plutonium s'est formé, ainsi que 4 % d'éléments constituant les


déchets ultimes. Le retraitement permet de récupérer l'uranium pour le réenrichir, le plutonium est également séparé pour faire un combustible particulier (le MOX) et les déchets


ultimes sont vitrifiés.


Cependant, pour des raisons physiques, les réacteurs actuels ne recyclent qu'une seule fois les matières issues du combustible usé, contraignant à devoir continuer à importer de


l'uranium.


Les réacteurs dits « à neutrons rapides » (RNR), tels Rapsodie, Phénix et Superphénix, qui furent exploités en France par le passé, ont la propriété de pouvoir « multirecycler » le plutonium


sans limite, et de générer plus ou moins de plutonium qu'ils consomment (selon les besoins) à partir d'uranium appauvri, dont la France dispose en abondance « sur étagère ». Ces


réacteurs permettraient donc de réduire, voire de se passer à terme, d'importations d'uranium en valorisant pendant plusieurs milliers d'années les matières issues du cycle du


combustible et présentes sur le territoire. C'est ça, la fermeture du cycle du combustible.


Se passer progressivement d'importations d'uranium est techniquement faisable, et c'est favorable sur les plans de la sécurité d'approvisionnement et de


l'environnement (en réduisant l'extraction minière). Cependant, les RNR et surtout leur cycle du combustible sont plus complexes que les réacteurs actuels à eau pressurisée. En


concevant des réacteurs à neutrons rapides pour rendre le même service, c'est-à-dire produire de l'électricité en base, il sera difficile de leur trouver un modèle économique,


d'autant plus que les RNR sont naturellement moins flexibles. Ces paramètres ont participé à l'échec de Superphénix et d'Astrid.


Cependant, les RNR produisent de la chaleur à plus haute température (500 °C) que les réacteurs à eau pressurisée (250 °C). Cela permet d'envisager un usage direct de cette chaleur pour


décarboner certaines industries qui ne disposent aujourd'hui d'aucune solution évidente pour se passer des combustibles fossiles. La chaleur peut en outre être stockée. La


flexibilité de la production électrique ne s'opère ainsi pas au détriment de la production d'énergie et donc de la rentabilité de l'installation : quand l'électricité


n'est pas produite, le réacteur continue à produire pour charger le stockage thermique en chaleur.


En se positionnant sur ces marchés difficilement accessibles aux réacteurs à eau pressurisée, les RNR pourraient ainsi étendre le champ d'action de l'énergie nucléaire et trouver


leur modèle économique. Cependant, produire de la chaleur pour l'industrie et produire de l'électricité pour le réseau sont deux choses différentes.


Là où la défaillance d'un réacteur électrogène sur un réseau peut être compensée par l'effet de parc à l'échelle nationale, un réacteur calogène doit être situé à proximité


des industries qu'il alimente. La sécurisation de l'approvisionnement passe donc par de la redondance. Autrement dit, plutôt qu'un seul gros réacteur devant être arrêté par


moments, mieux vaut plusieurs réacteurs petits ou moyens aptes à assurer ensemble la permanence de la production.À LIRE AUSSI NUCLÉAIRE : VENT DE FOLIE AUTOUR DES PETITS RÉACTEURS SMR


À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre En conclusion, pour que l'ambition du gouvernement de fermer le cycle soit un succès, celle-ci doit tirer les enseignements des échecs passés


et voir dans les RNR non pas un concurrent direct des réacteurs à eau pressurisée, dont la seule plus-value serait de ne pas consommer d'uranium issu de la mine, mais un outil


permettant d'attaquer de nouveaux marchés, principalement la chaleur nécessitant de petits réacteurs redondés pour décarboner les secteurs industriels les plus dépendants des


combustibles fossiles.


Sans les détourner de leur destination stratégique pour ces nouvelles applications, ces petits réacteurs permettront de démontrer la capacité de l'industrie française à relancer puis


perfectionner la technologie des neutrons rapides, donc d'en faire baisser les coûts, et de contribuer au réamorçage d'un cycle du combustible adapté. Ainsi, cette étape permettra


d'accélérer et d'augmenter les chances de succès d'une politique de construction de grands réacteurs à neutrons rapides en série, qui pourrait intervenir dans un second temps.