
- Select a language for the TTS:
- French Female
- French Male
- French Canadian Female
- French Canadian Male
- Language selected: (auto detect) - FR
Play all audios:
SIDONIE BONNEC : « MON MARI EST MON ROC, IL M’A EMPÊCHÉE D’ABANDONNER L’ÉCRITURE »
Lorsque nous arrivons au domicile de Sidonie Bonnec, dans une banlieue chic de l'ouest parisien, c'est d'abord sa voix – immédiatement souriante – que nous entendons au loin.
« Comment ça va ? » lance-t-elle. L'animatrice nous dirige au rez-de-chaussée de l'immeuble où elle vit, dans son « bureau d'écriture », comme elle l'appelle,
qu'elle a acheté il y a deux ans environ. « J'ai essayé d'écrire de chez moi, mais le quotidien me rattrapait constamment », détaille la journaliste, mère de deux enfants. «
Quand je viens écrire, mon mari, mes enfants, même s'ils sont là, savent qu'on ne dérange pas maman. Parfois, j'entends mes enfants rentrer de l'école, je sais
qu'ils essaient d'ouvrir la porte et qu'ils ne peuvent pas », s'amuse-t-elle.
Recevez l’actualité culturelle de la semaine à ne pas manquer ainsi que les Enquêtes, décryptages, portraits, tendances…
Merci ! Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :
Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.
Ce bureau d'écriture est en réalité une studette d'environ 15 m2 avec une petite cuisine, un bureau et un canapé-lit, qu'elle adore déplier pour s'y poser et écrire. Ici,
tout est à sa place, épuré, presque minimaliste. Deux étagères ont été installées au-dessus de son bureau. On peut apercevoir une peinture réalisée par sa fille, quelques exemplaires de son
roman et les nouvelles de Richard Matheson, qu'elle relit quand elle a « une petite panne d'inspiration ou un coup au moral ». La pièce donne sur un petit jardin privatif. Fidèle
à l'image qu'elle renvoie, Sidonie Bonnec pourrait être une amie, cette copine chez qui l'on va pour refaire le monde. « Tu veux un café ? » Le tutoiement est instantané et la
conversation fluide.
Aujourd'hui à la tête du jeu télévisé _Tout le monde a son mot à dire_ sur France 2, qu'elle coprésente avec Olivier Minne, Sidonie Bonnec a, avant cela, longtemps travaillé en
radio. Elle animait une émission quotidienne d'abord sur RTL, puis chez ICI (ex-France Bleu). Un emploi du temps surchargé, ne laissant aucune place à l'écriture. Du moins, pas
assez pour s'attaquer à un roman.
L'écriture a toujours fait partie d'elle. Ses histoires, elle les a gardées pour elle. Des histoires noires, bien loin de l'image lumineuse qu'elle renvoie au grand
public. Une volonté d'étonner ? « Non, c'est juste une partie de moi que je n'ai jamais montrée. Depuis que j'ai seize ou dix-sept ans, j'écris des nouvelles noires.
Elles sont dans mon placard, jamais publiées, parce qu'en France, on n'a pas trop ce goût de la nouvelle. »
Il aura fallu une pause dans sa carrière de journaliste et d'animatrice, et une urgence intérieure, pour que Sidonie Bonnec se lance enfin dans l'écriture. « Je devais savoir si
j'étais capable d'écrire un roman fort. » Les premiers mois sont difficiles. « J'ai mis six mois à me désintoxiquer, à ralentir mon cœur, à ne plus regarder mon téléphone
toutes les quinze minutes. » Mais peu à peu, l'écriture s'impose.
On entend souvent qu'un premier roman est celui qui ressemble le plus à son auteur. Une idée préconçue qui se vérifie auprès de Sidonie Bonnec. Il y a 25 ans, alors qu'elle
n'a que 22 ans, elle décide de partir à Londres pour être fille au pair. « Ça s'est très mal passé, se remémore-t-elle, la mine fermée. Je suis tombée dans une famille de fous. Le
père ne souhaitait qu'une chose : que je devienne sa maîtresse. » Elle se rend rapidement compte de la situation et réussit à fuir en inventant un mensonge l'obligeant à retourner
auprès de ses parents.
« J'ai eu beaucoup de chance », admet l'animatrice, qui estime être sortie de cet enfer grâce à l'éducation de ses parents. « J'ai été élevée pour être assez incassable
et très alerte. Ma maman m'a toujours dit : “Ton corps, personne n'a le droit de le toucher, n'accepte pas l'inacceptable.” Ça m'a permis d'échapper à pas mal
d'agressions dans ma vie, et celle-ci notamment. »
Cette « chance », le personnage de son roman, Emmylou, ne l'a pas « et c'est cette version alternative qu['elle] avai[t] envie d'écrire ». L'écriture de ce premier
roman semble avoir été un exutoire pour l'animatrice. Comme une manière de revisiter des blessures anciennes. Outre le traumatisme vécu en tant que fille au pair, ce roman panse
également le choc du décès de son amie, Morgane.
Les deux amies se sont rencontrées pendant leurs études supérieures. « On s'adorait. On s'était choisies. » Puis elle est tombée malade et s'est suicidée à l'âge de 26
ans. « Ça a été une énorme perte. Encore aujourd'hui, elle reste ma meilleure amie. » Se définissant elle-même comme cartésienne, l'animatrice désormais autrice a paradoxalement
utilisé son premier roman pour parler à Morgane. « C'est vrai que, quelque part, je lui dis : “Tu vois, je rêvais d'être journaliste, écrivain, regarde ce que j'ai fait,
j'espère que ça te plaît.” Comme si elle était encore là. »
Cette fidélité amicale, Sidonie la cultive. « C'est aussi important que l'amour, résume-t-elle. Je n'ai qu'une poignée d'amis, mais je fais tout pour entretenir la
relation » même si, avec le quotidien, le travail, les enfants, ce n'est pas toujours évident. « Quand on aime les gens, on a envie de prendre de leurs nouvelles. »
Et l'amour, justement. Sidonie Bonnec est en couple depuis 16 ans avec le réalisateur Jérôme Korkikian, qu'elle a rencontré sur un bateau en mer du Nord. « J'ai fait une
immersion de trois semaines auprès de quinze marins », se souvient-elle. Jérôme était le réalisateur du documentaire. « Au début du projet, nous avons pris un café pour parler de nos idées,
et on ne s'est plus quittés. »
Émerveillée à l'évocation de son conjoint, la romancière l'avoue : « C'est mon roc ! Je peux toujours compter sur lui. » C'est d'ailleurs lui qui l'a dissuadé
d'arrêter l'écriture lorsqu'elle doutait. « Il m'a dit : “Je te lis, je connais ton rêve, tu ne vas pas lâcher ma cocotte” », se souvient-elle dans un éclat de rire.
À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Et elle a bien fait de persévérer. Aujourd'hui, _La Fille au pair_ est un succès en librairie, sélectionné pour plusieurs prix et bientôt
disponible dans une dizaine de pays en Europe. Une réussite qu'elle partage avec ses enfants, à qui elle semble avoir donné ce goût pour l'écriture. « Ma fille a démarré un roman
en même temps que moi. Mon fils également, même s'il ne sait pas écrire, explique-t-elle avec humour. Mais il a trouvé une solution en dictant le tout à son père », détaille celle qui
souhaite désormais faire découvrir à ses enfants tous les pays dans lequel son roman va paraître.
À LIRE AUSSI ANTOINE DE CAUNES : « MCCARTNEY A ACCOMPAGNÉ TOUTE MA VIE » Au-delà du goût pour l'écriture, Sidonie essaie de transmettre à ses enfants une valeur chère à son cœur
qu'elle tient de ses parents : l'indépendance financière, signe de liberté pour elle. « J'ai toujours tout fait pour l'être. Aujourd'hui, quoi qu'il arrive, je
peux assumer mon appartement, assumer les études de mes enfants. Je n'ai besoin de personne, et ça me rend heureuse. »
Cette liberté, Sidonie Bonnec la cultive dans sa carrière professionnelle. Personne ne l'attendait avec cette nouvelle casquette d'autrice de polar. « J'aime bien l'idée
que les gens se disent : “Ah, elle fait aussi ça”, argumente Sidonie. C'est peut-être un peu présomptueux, mais je me moque de ce qu'on pense de moi. Je veux faire ce que
j'aime. C'est ça, la liberté. » Et peut-être la clé de son succès.
_« LA FILLE AU PAIR », de Sidonie Bonnec (Albin Michel, 320 p., 21,90 €)._