Entre le royaume-uni et l’ue, un début de retrouvailles bienvenu

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Pour la première fois depuis le référendum historique sur le Brexit de 2016 et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) en 2020, les îles Britanniques amorcent un mouvement de


rapprochement, lui aussi marquant, avec le continent. La conclusion, lundi 19 mai à Londres, par le gouvernement travailliste de Keir Starmer et la présidente de la Commission européenne,


Ursula von der Leyen, d’un _« nouveau partenariat stratégique »_ officialise un retour de balancier après les interminables et acrimonieuses négociations de sortie suivies par des années


d’éloignement et de méfiance. Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, la menace russe, l’isolationnisme américain, le risque de décrochage européen et la montée des égoïsmes


nationaux, c’est une bonne nouvelle pour les Vingt-Sept. Ce lourd paysage n’est évidemment pas étranger à ce début de retrouvailles bienvenu. Le cœur de l’accord signé lundi est constitué


par un pacte de défense et de sécurité qui renforce la coopération en matière militaire et d’armement. Il ouvre la voie à un futur accès des industriels britanniques au fonds européen SAFE


de 150 milliards d’euros destiné à financer le réarmement des Vingt-Sept. Les Britanniques ont aussi obtenu la suppression sans limite de durée des contrôles sanitaires pour leurs produits


entrant dans l’UE. En contrepartie, ils ont consenti à maintenir jusqu’à 2038 l’accès de leurs eaux nationales aux bateaux de pêche français, belges et néerlandais. En revanche, M. Starmer


n’a pas accepté de rétablir les facilités qu’offre l’UE en matière de mobilité des jeunes, sujet sur lequel des négociations vont cependant se poursuivre. LE POIDS DE LA RHÉTORIQUE


ANTIEUROPÉENNE Relativement modestes, ces avancées reflètent cependant l’esprit constructif qui anime désormais les deux parties. Côté britannique, le mouvement traduit une forme de


reconnaissance des dommages que s’est lui-même infligés le Royaume-Uni en entravant ses échanges avec son principal partenaire économique, dommages constatés aujourd’hui par une majorité de


Britanniques, selon les sondages. Pour les Européens, il s’agit d’admettre qu’ils pèseront davantage dans les affaires du monde en coopérant étroitement avec un pays doté d’une importante


industrie de défense, d’une armée structurée et de l’arme atomique. Pourtant, l’accord porte les traces du profond traumatisme qu’a laissé le Brexit au Royaume-Uni et du poids qu’y conserve


la rhétorique antieuropéenne. Sous la pression des discours anti-immigration tenus par les conservateurs et le parti d’extrême droite Reform UK, fort de récents succès électoraux, le premier


ministre Starmer a refusé de rétablir une forme de libre circulation pour les jeunes Européens que souhaite l’UE. Les tories considèrent d’ailleurs l’alignement sur les normes sanitaires de


l’Union et l’accord sur la pêche comme une nouvelle _« capitulation »_ devant l’UE, tandis que Reform UK y voit une _« trahison du Brexit ». _La presse conservatrice britannique accuse le


dirigeant travailliste d’avoir sacrifié la souveraineté nationale reconquise lors du vote de 2016. Dans ce contexte où « Bruxelles » demeure un mot piégé au Royaume-Uni, et où les Vingt-Sept


eux-mêmes sont aux prises avec les populismes et les nationalismes, le « nouveau partenariat » conclu à Londres reflète à la fois la force d’attraction de l’UE, un début de prise de


conscience au Royaume-Uni, mais aussi la nécessité d’user de pragmatisme pour favoriser la reconstruction d’un lien rendu évident par l’économie, la géographie et l’histoire, et


indispensable par la dureté des temps. Le Monde