Mineurs isolés : «la commune ne peut pas être la variable d’ajustement de l’incompétence de l’état»

feature-image

Play all audios:

Loading...

MINEURS ISOLÉS : «LA COMMUNE NE PEUT PAS ÊTRE LA VARIABLE D’AJUSTEMENT DE L’INCOMPÉTENCE DE L’ÉTAT» FIGAROVOX/TRIBUNE - Le maire de Chapet (Yvelines), Benoît de Laurens, regrette que le


département veuille créer une structure d’accueil pour une centaine de mineurs isolés dans sa commune de 1400 habitants. Selon lui, on essaye de transférer au maire la culpabilité liée au


refus de les accueillir. Publicité _Benoît de Laurens est le maire, sans étiquette, de Chapet (Yvelines)._ ------------------------- Le 8 janvier dernier, les services du département des


Yvelines sont venus me présenter un projet d’installation, dans ma commune rurale de 1.400 habitants, d’un _«village»_ d’enfants d’une centaine de places dans des installations modulaires


pour accueillir les mineurs non accompagnés (MNA). Les départements, dans une situation de panique budgétaire, cherchent les solutions les plus économiques et les plus rapides à mettre en


place pour assurer l’accueil des MNA dont l’État leur a transféré la charge, et se préparent partout en France à installer dans l’urgence des véritables _«camps de jeunes isolés»_ y compris


dans des zones les plus reculées et les plus isolées. _«Que chacun prenne sa part»_ me dit-on. _«Arrêtons de toujours concentrer les centres d’accueils dans les mêmes villes»_, _«Il faut


bien les mettre quelque part, on ne peut plus les héberger en hôtel», _me dit-on encore. Comment en sommes-nous arrivés là ? Cette approche volumétrique macabre doit nous alerter et


questionner notre conscience. De qui parle-t-on ? De garçons et filles de 15 à 18 ans qui ont fui leurs pays pour venir chercher de l’aide ici en France. On ne parle pas de sacs de billes !


Cette gestion déshumanisée et technocratique du problème est humiliante pour tout le monde. Derrière des sourires compassés et des regards fuyants, avec un léger haussement d’épaule, on


essaye de transférer au maire la culpabilité liée au refus de les accueillir. Comme si la faute morale pouvait être ainsi allègrement déchargée sur le maire d’une commune qui est dans la


totale incapacité de créer les conditions de l’accueil juste d’une centaine d’adolescents, sans aucune structure d’accompagnement adaptée. > La commune ne peut pas être une variable 


d’ajustement de > l’incompétence de l’État ou du département, au risque > d’envoyer résolument notre pays dans le mur. > Benoît de Laurens La responsabilité d’un maire est d’assurer


justement les conditions d’un bon équilibre sociologique, capable de surmonter les différences dès lors qu’elles sont assumées et suffisamment assimilées. La responsabilité d’un maire est


de privilégier la dignité humaine à la technocratie productiviste. Le maire est en première ligne tous les jours, il ne peut pas se défausser, c’est lui qui est en contact avec la


population. Il a l’instinct de son territoire que n’aura jamais le polytechnicien de bureau. Vouloir lui imposer des solutions techniques indignes, c’est faire injure à ce qu’il représente -


mais pour combien de temps encore ? - à savoir la condition de la République et du fonctionnement démocratique. La commune ne peut pas être une variable d’ajustement de l’incompétence de


l’État ou du département, au risque d’envoyer résolument notre pays dans le mur. Cette question de l’accueil des mineurs isolés doit faire l’objet d’un débat national mené en concertation


avec tous les acteurs sans fausse pudeur, sans culpabilité. Ce pays doit être capable de les accueillir au lieu de les parquer et de les isoler davantage encore. Nous avons l’occasion de


faire de ces mineurs isolés des mineurs protégés et intégrés. Le débat doit être mis sur la place publique : il faut arrêter de tenter en catimini de gérer techniquement un terrible problème


humain. Il en va de notre morale et de notre honneur.