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DÉCRYPTAGE - Pour «reconnaître» les mérites du capitaine Dreyfus et rendre «hommage à son engagement républicain» 130 ans après sa condamnation, le Palais Bourbon vient d’adopter un texte du
patron des députés Renaissance, Gabriel Attal. Publicité Une réhabilitation symbolique et un texte très politique. Ce lundi après-midi, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité en
première lecture une proposition de loi visant à élever à titre posthume Alfred Dreyfus au rang de général de brigade, par 197 voix contre 0. Un _«acte de réparation»_ visant à parachever sa
réhabilitation, 130 ans après sa condamnation. Un texte déposé par l’ancien premier ministre et désormais patron des députés Renaissance Gabriel Attal qui vise à _«reconnaître»_ les mérites
du capitaine Dreyfus ainsi qu’à rendre _«hommage à son engagement républicain»_. Ce, dans un contexte où _«l’antisémitisme qui frappa Alfred Dreyfus n’appartient pas à un passé révolu»_, et
où la _«République doit sans cesse réaffirmer sa vigilance, sa fermeté, son engagement absolu contre toutes les formes de discrimination»_, écrit le député des Hauts-de-Seine dans l’exposé
des motifs. En 1894, Alfred Dreyfus était condamné pour trahison et contraint à l’exil sur l’île du Diable, en Guyane, sur la base de fausses accusations alimentées par l’antisémitisme.
Innocenté en 1906, il réintègre l’armée et est dans la foulée nommé chef d’escadron (commandant) par le biais d’une loi votée à cette époque. Pas suffisant et même _«injuste»_, rappelle
député Renaissance Charles Sitzenstuhl, rapporteur de cette proposition de loi. _«La République va réparer une erreur. Erreur qui ne fut en rien anecdotique puisqu’elle brise sa carrière
militaire. (...) Il est réintégré en dessous du grade auquel il aurait pu prétendre. Il est encore pénalisé, amputé de cinq années d’avancement»_, raconte le député du Bas-Rhin à la tribune
de l’Assemblée. Alfred Dreyfus demandera lui-même à voir sa carrière revalorisée mais n’obtiendra pas gain de cause. Il quittera donc l’armée en 1907, avant de servir à nouveau pendant la
Grande Guerre. TENSIONS Au cours des débats dans l’Hémicycle, beaucoup d’orateurs ont fait le parallèle entre l’antisémitisme connu par Alfred Dreyfus à l’époque et la période actuelle.
_«L’antisémitisme frappe encore dans notre démocratie. (...) cette haine doit être combattue résolument»_, a notamment regretté la ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens
Combattants de France, Patricia Mirallès. Le député Rassemblement National Thierry Tesson a quant à lui loué _«la force du symbole»_ que l’adoption de cette proposition de loi _«apporte au
présent»_. _«Il est utile de rappeler aux générations nouvelles ce moment où la République a vacillé. (...) Dans un contexte inquiétant, quand les façades des synagogues sont recouvertes de
peinture verte, il est important de rappeler l’urgence de défendre nos principes fondateurs»_, a-t-il plaidé. La tension est montée d’un cran pendant la prise de parole du député LFI Gabriel
Amard. _«Cette loi n’est pas un symbole, c’est une exigence. (...) Voilà que celles et ceux qui ricanent à l’ombre des croix gammées numériques (...), ceux-là même lèvent aujourd’hui la
main comme s’ils avaient été dreyfusards. Non, dans ma famille on descend des dreyfusards, pas dans la vôtre»_, a-t-il lancé en regardant les députés du RN. Et de compléter, quelques
secondes plus tard : _«Ne vous servez pas de l’antisémitisme comme d’un javelot politicien il n’est pas votre cause il est notre serment !»_. Provoquant ainsi de nombreuses réactions,
particulièrement dans les rangs du camp présidentiel. _«Prouvez-le alors»_, a notamment lancé, en réponse, le député Renaissance François Cormier-Bouligeon, pendant que les députés RN
soufflaient, comme exaspérés. La députée écologiste Sophie Taillé-Polian a quant à elle cible l’_«extrême droite contemporaine»_ qui cherche _«à fragiliser l’indépendance de la justice»_.
RISQUES D’INSTRUMENTALISATION Dans une tribune publiée dans nos colonnes, samedi, les députés MoDem avaient annoncé qu’ils ne prendraient pas part au débat, craignant _«le risque d’une
nouvelle instrumentalisation»_. _«Sous couvert d’honorer Alfred Dreyfus, certains cherchent à blanchir leur propre récit, leur propre histoire, ancienne ou plus contemporaine, et
s’approprient une figure dont, de fait, ils combattent ou ont combattu les valeurs»_, jugent les députés MoDem, parti du premier ministre François Bayrou. Et de poursuivre : _«En faisant
mine d’être unanimes sur ce texte, au motif de commémorer à juste titre l’antisémitisme de la fin du XIXe siècle et sa figure sacrifiée, nous donnerions le sentiment fallacieux que nous
serions réellement unis pour faire face à l’antisémitisme d’aujourd’hui ou de demain. Force est de constater que n’est pas le cas. Et c’est cela que nous regrettons»_. Le député Renaissance
Sylvain Maillard, a, pendant les débats, répondu à ses _«craintes en récupération politique»_ : _«Prenons cette proposition de loi pour ce qu’elle est : une correction d’un tort historique.
Il ne s’agit pas d’ouvrir les blessures du passé ou de le travestir. (...) Nous devons finir l’affaire Dreyfus par le haut»_. Avant d’être définitivement adoptée, cette proposition de loi
devra d’abord être examinée au Sénat dans les prochaines semaines.