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LES MOTS DE LA PHILOSOPHIE - Ce penseur difficile exerça une influence considérable sur certains courants de la théologie chrétienne et de la mystique orientale. Quel est l’essentiel à
retenir ? Publicité On connaît peu de sa vie. Pour Plotin, né en 205 après J.-C dans une colonie grecque en Egypte, l’ascendance, le physique ou la vie privée sont des banalités indignes
d’être consignées. On sait en revanche qu’il est très tôt disciple du platonicien Ammonios Saccas, et qu’après des années d’études, il rejoint la campagne militaire de l’empereur Gordien III
en Perse afin d’apprendre les philosophies perse et indienne. Lorsque Gordien est assassiné par ses troupes, Plotin se rend à Antioche, puis à Rome. Le néoplatonisme se perpétue jusqu’à la
fermeture de l’Académie de Platon par l’empereur Justinien en 529. De sa doctrine, retenons un système métaphysique absolument novateur. Une _«hénologie»_. Comprenez que _«l’Un»_, au-dessus
du multiple, du changement, de l’Intellect, de l’âme ou encore - et voilà sa révolution - de l’être, est le principe unificateur, auquel tout procède et duquel tout émane. Le but de la
philosophie, dès lors, est d’y retourner. _«Chaque réalité engendrée, _nous dit-il, _tend par nature vers ce qui l’a engendrée.»_ Quels sont les concepts principaux à retenir ? CONTEMPLATION
Activité essentiellement humaine, recherche intellectuelle... Voilà ce que la philosophie antique traditionnelle entendait jusqu’alors de la contemplation. C’est l’archétype du sage
aristotélicien, qui trouve son bonheur dans l’activité la plus digne. Tout change avec Plotin. Selon le penseur, _«toutes choses aspirent à la contemplation»_, comme il l’écrit dans le
_Prologue _de son traité 30. La contemplation est érigée comme un principe unificateur qui concentre tout, de la genèse du monde sensible à la révélation du principe. Toutes les réalités,
sans distinction aucune, contemplent, jusqu’au degré le plus infime des êtres, jusqu’aux végétaux ou au minéral même. _«Et maintenant, si nous commencions par jouer, avant d’essayer d’être
sérieux, en disant que toutes choses désirent la contemplation et visent à cette fin, non seulement les animaux raisonnables, mais aussi les animaux privés de raison (…) et que toutes choses
atteignent cette fin autant qu’il leur est possible selon leur nature…»_, écrit-il ainsi. HYPOSTASES Plotin admet trois hypostases : L’Un, absolu et ineffable, échappant à toute
connaissance, l’Intellect, qui émane de l’Un, et l’Âme. On peut comparer l’Un à la lumière, l’Intellect au Soleil, et l’Âme à l’astre de la Lune qui reçoit sa lumière du Soleil. Son geste
disruptif ? Ne plus considérer les structures de la réalité comme des entités indépendantes et autonomes, mais comme des _«niveaux noétiques»_, délimités par leur tension interne et non plus
par leur consistance métaphysique. Les hypostases, constituées en une procession, ne peuvent se comprendre que comme les degrés d’une source inépuisable, d’une vie spirituelle qui s’étend
de manière continue. Le commentateur Emile Bréhier notera que _« la conception de la réalité métaphysique vient rejoindre l’expérience intime de la vie spirituelle»_. L’UN L’Un est au-delà
de l’être et de l’intelligence : il est simplicité absolue, sans division ni multiplicité. Le but ultime de notre vie ? Y réintégrer notre âme, dans un processus d’élévation spirituelle. Il
s’agit d’une expérience rare et indicible où l’âme se fond dans l’Un, dépassant toute distinction entre sujet et objet. Il n’y a donc qu’un pas chez Plotin entre l’expérience spirituelle et
la philosophie. Comment s’y prendre ? L’Un préexiste en nous comme notre _«moi»_ le plus profond et le plus authentique. Dès lors, toute la vie du sujet consiste en une tension vers la
réunion avec cette trace. Pour atteindre cet état, l’individu doit se détacher du monde sensible et s’adonner à une vie contemplative. Cette quête mystique rapproche Plotin de certaines
traditions spirituelles orientales et du christianisme naissant. On ne peut que penser ici aux mots de Saint Augustin : _«Tu étais avec moi, et moi je n’étais pas avec Toi.»_ Mais l’Un étant
au-dessus de toute dualité entre l’objet et le sujet, peut-on vraiment le contempler ? Cette contemplation est davantage une union, une extase, un mode de connaissance tout à fait nouveau.
Elle est la _«saisie d’une présence»_. Il faudrait en effet davantage parler de _« réunion »_ que d’union à l’Un, en ce que celle-ci consiste dans la conversion d’un regard qui retourne à
l’intérieur du soi pour y trouver la trace du Principe qui lui préexiste. La contemplation est donc un recueillement en soi-même. PROCESSION ET CONVERSION Il y a deux mouvements simultanés
chez Plotin : la procession et la conversion. Ces mouvements sont si intimement liés que chaque hypostase est à la fois l’origine de la procession (ή πρόοδος) et le terme de la conversion (ή
επιστροφή). Qu’est-ce que la procession ? Elle n’est pas une simple énumération successive des réalités qui dérivent du principe. Elle est une surabondance de la perfection qu’il engendre
d’elle-même, sans perdre de ce qu’elle est. _«Toutes les choses, une fois qu’elles sont parvenues à la perfection, engendrent ; mais ce qui est toujours parfait engendre sans cesse et
quelque chose d’éternel ; de surcroît, il engendre une réalité qui lui est inférieure»_, pour le penseur. Si l’Un est incommensurable et parfait, comment alors expliquer la multiplicité du
monde ? Plotin développe la théorie de _l’émanation_, selon laquelle tout découle de l’Un par une sorte de débordement naturel, sans altérer son unité. Cette émanation s’opère en plusieurs
degrés : l’Intellect (_Nous_), l’Âme (_Psychè_), et enfin le monde sensible. L’Intellect est la première émanation de l’Un, contenant toutes les Idées platoniciennes dans un acte de
contemplation pure. Il est lui-même source de l’Âme, qui, à son tour, engendre le monde sensible. Ce modèle permet à Plotin d’expliquer la diversité de l’univers sans supposer un acte
volontaire de création. L’Un n’agit pas par choix ou par besoin : il diffuse simplement son existence comme le soleil rayonne. INTELLECT L’Intellect (_Nous_) est la seconde hypostase après
l’Un. Il représente le domaine des formes intelligibles, correspondant au monde des Idées chez Platon. Contrairement à l’Un, qui est au-delà de l’être, l’Intellect est déjà un principe de
dualité : il est à la fois pensée et objet de pensée. Il est dans un état de contemplation continue, où il se saisit lui-même et connaît toutes les réalités éternelles. L’Intellect est ainsi
le fondement de l’ordre et de la rationalité dans le cosmos, structurant l’ensemble des essences. Chaque âme humaine est une émanation de l’Intellect et contient en elle la possibilité de
retourner vers cette source divine par la connaissance et l’élévation spirituelle. PURIFICATION S’il en garde la finalité, Plotin rompt avec la vision classique de l’éthique comme tension
volontaire vers l’acquisition des vertus morales. Elle est une purification, une conversion, et enfin une assimilation au divin. L’éthique de Plotin est déconcertante en ce qu’elle n’est
autre que _« la poursuite continuelle par l’âme de l’union avec le divin»_. Et par là, la vertu ne consiste qu’en _« l’effort d’attention par lequel l’âme essaie de se maintenir au niveau où
Dieu l’a élevée»_. Elle consiste en une métamorphose, une conversion du regard qui ne veut plus voir que la présence de l’intelligible. Il faut en effet relativiser l’importance de la
tension morale, et c’est là la grande nouveauté de la doctrine plotinienne. L’intelligible ne s’impose pas dans l’âme par la violence : l’inspiration plotinienne ne porte pas avant tout au
volontarisme moral, à la lutte crispée, aux exercices crépitants. L’ascèse néoplatonicienne ne consiste pas à contredire systématiquement le corps, à rechercher d’abord la souffrance ou
l’anéantissement des puissances inférieures.