«quo non ascendet», cette devise qui finit par porter malheur

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LE LATIN QUOTIDIEN (3/5) - Cet été, la rédaction vous propose de (re)découvrir les formules latines qui ont marqué l’histoire, devenues pour beaucoup des expressions courantes. Publicité À


vouloir monter au zénith, la cire qui fait tenir les ailes aux plumes d’oiseaux d'Icare fond. Et, grisé par le vol, le fils de Dédale meurt précipité dans la mer. Faut-il une preuve


supplémentaire que l’histoire se répète ? Sans crainte d'éclipser le Roi Soleil par son propre rayonnement, Nicolas Fouquet finit pareillement par se brûler les ailes. Et par rejoindre,


comme l'amiral de Coligny, Ravaillac ou le comte de Chalais avant lui, la liste des accusés du pire des forfaits : le crime de lèse-majesté. DÉCOUVREZ LES AUTRES ÉPISODES C'est,


bien sûr, l'écureuil qui orne le blason familial. Ce rongeur qui saute de branche en branche avec une agilité folle, sans vertige ni retenue. _«_Fouquet_»_ ne veut-il pas dire


_«_écureuil_»_ dans le patois de la région angevine dont ils sont originaires ? Quant à la devise, elle va de soi pour cette famille qui monte rapidement l’ascenseur social : _«Quo non


ascendet? » _signifie _«jusqu'où ne montera-t-il pas ? »._ À la fin du XVe siècle, leur ancêtre Jehan Fouquet est drapier-chaussier. Faisant fortune dans le commerce de draps, le clan


parvient aux plus hautes sphères du service du roi. L’arrière grand-père, François, donne une solide éducation à ses enfants. Le grand-père et le père, respectivement François III et


François IV, sont conseillers au Parlement de Paris. Nicolas est le troisième de treize enfants, qui n’atteignent pas tous l’âge adulte et entrent en religion pour la grande majorité. Le


frère aîné, François V, sera archevêque de Narbonne. La même voie est tracée pour notre jeune ambitieux, qui choisit pourtant d'embrasser la magistrature. D'abord conseiller au


Parlement de Metz à 19 ans, le jeune homme doué devient successivement intendant de l’armée des Flandres puis procureur général du parlement de Paris. UNE ASCENSION REMARQUABLE Ce _«cursus


honorum»_ foudroyant se poursuit. En 1653, il est nommé surintendant des Finances ordinaires et extraordinaires, la Fronde lui ayant permis d’asseoir sa fidélité au roi. Après Mazarin, le


voici l’un des plus puissants du Royaume. Comment mène-t-il sa tâche ? _«Nicolas Fouquet avait beaucoup de facilité aux affaires, et encore plus de négligence (...) Il se flattait aisément ;


et dès qu'il avait fait un petit plaisir à un homme, il le mettait sur le rôle de ses amis, et le croyait prêt à se sacrifier pour son service»,_ a écrit l’abbé de Choisy. Et de


continuer : _«Il vivait au jour la journée ; nulle mesure pour l'avenir, se fiant aux promesses de quelques partisans qui, pour se rendre nécessaires, lui faisaient filer les traites.»_


A force de viser la lune, l’étoile montante pâlit auprès du roi. Il n’est pas difficile à Colbert, malade de jalousie, de faire perdre Fouquet dans l’esprit de ce dernier. Colbert rédige un


mémoire sur ses prétendus détournements, pointant que moins de 50% des impôts collectés parviennent au grand monarque, qui finit par prendre ombrage. Insouciant, léger, celui qui


_«prétendait être Premier ministre sans perdre un moment de ses plaisirs »_, selon les mots de l'abbé de Choisy, ne devine pas ce qui se trame sourdement contre lui. Ses impudences


accélèrent l’engrenage déjà lancé, l’arrestation étant décidée depuis mai 1661. Le don de 20 000 pistoles à Mademoiselle de la Vallière, favorite adorée du roi, pour espérer ses faveurs, la


folie des grandeurs de la réception à Vaux-le-Vicomte en août... D’autant plus qu’en mars, il ignore que Mazarin dont il s’est cru longtemps le poulain a conseillé au roi de se défaire de


lui _« comme d'un homme sujet à ses passions, dissipateur, hautain »_. Le jeune Roi-Soleil offre un visage avenant, ne tarit pas de compliments. Mais, comme porte de sortie vers la


monarchie absolue, Fouquet est un bouc émissaire trop parfait pour laisser l’occasion lui échapper. C’est au sortir d’une réunion du Conseil comme une autre, au château de Nantes, que le 5


septembre 1661, Nicolas Fouquet est arrêté par d’Artagnan. Place Saint-Pierre, il est rattrapé dans sa chaise à porteurs, se voit montrer, incrédule, lui qui espérait un poste de premier


ministre, la lettre de cachet. Dix jours plus tard, Louis XIV supprime la Surintendance, remplacée par un Conseil royal des finances. Après trois ans d’audience où il se débat comme un


diable, Fouquet est condamné à la perpétuité hors du royaume. Furieux que la peine capitale n’ait été prononcée, Louis XIV commue le jugement en une peine d’emprisonnement dans la forteresse


de Pignerol, place forte royale dans les Alpes, où l’écureuil finira ses jours. Contre vents et marées, alors que les vestes se retournaient autour de lui, un auteur sera resté fidèle à


Fouquet : Jean de la Fontaine. Et dans _«l'Elégie aux Nymphes de Vaux»_, il aura tenté de faire fléchir le Souverain jusqu’au bout, parlant de celui dont _«tout ce vain amour des


grandeurs et du bruit/ ne le saurait quitter qu'après l'avoir détruit»_. DÉCOUVREZ LES AUTRES ÉPISODES