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«Ce qu’on appelle une nano-ferme, c’est pas plus de 2500 m² et souvent autour de 1000. Assez pour tester un modèle d’affaires, pas assez pour se ruiner si ça marche pas», explique Éric
Duchemin, le chercheur du AU/LAB derrière l’initiative. À LIRE AUSSI L’espace a beau être modeste, le directeur scientifique de AU/LAB a longtemps cherché les parcelles de terres que lui
louent aujourd’hui Catherine Sylvestre et Guillaume Lambert, les propriétaires de la Ferme Décembre, nouvellement installée sur l’une des rares terres agricoles encore cultivées dans la
ville de Québec. DEUX INCUBÉS INITIAUX Pour l’instant, quatre espaces sont offerts aux premiers «incubés» du projet — des organismes communautaires ou de jeunes fermes urbaines qui
souhaitent se diversifier. Ils s’y installeront progressivement au fil du mois de juin. Iris Chabout, fondatrice de la ferme urbaine Ô Champignon dans le quartier Saint-Sauveur, figure parmi
les premiers à embarquer dans l’aventure des nano-fermes de AU/LAB. Avec son équipe, elle prévoit d’y mener trois types d’activités. «On veut voir si [le compost provenant de] nos résidus
de substrats de culture de champignons peuvent améliorer les rendements en culture maraîchère. C’est vraiment notre premier objectif», explique-t-elle. DE L’AUTOCUEILLETTE DE CHAMPIGNONS
Ensuite, une portion du terrain servira à l’autocueillette de champignons, avec des ateliers d’initiation: «On veut rassurer les gens sur ce qu’ils peuvent cueillir, leur faire découvrir
différentes variétés, à quel moment les ramasser, et ainsi de suite », dit-elle. Enfin, Ô Champignon espère réussir un pari audacieux: cultiver la morille à l’extérieur, un champignon prisé,
mais capricieux. > Iris Chabout voit dans cette occasion un levier unique pour > continuer à faire pousser sa ferme en ville. La proximité du site, > en milieu urbain, change la
donne. «Généralement, trouver une terre, ça veut dire aller loin, sortir de la ville. Là, c’est merveilleux: plus besoin d’aller loin, de déplacer les équipes à la journée. On peut aller
travailler là-bas en demi-journée, garder le lien avec notre ferme». LIMITER LES TRANSPORTS D’où l’importance pour elle des fermes urbaines ou de proximité, qui plus est lorsque jumelé à un
projet comme celui piloté par Éric Duchemin. «L’année dernière, on a cultivé plus de neuf tonnes de champignons à notre ferme, tous destinés à la grande région de Québec. C’est neuf tonnes
d’aliments qu’on n’importe pas d’ailleurs,» argue-t-elle. L’organisme _Aliments d’ici & saveurs d’ailleurs_, fait aussi partie des incubés. Son concept à l’essai? Passer de la cuisine au
champ grâce à une ferme ethnoculturelle où pousseront okras et autres ingrédients familiers aux cuisines africaines. «C’est une phase pilote, mais on sent l’engouement, souffle le chercheur
qui explique que le projet est fait pour ratisser large et s’adresse notamment aux néoagriculteurs sans formation agricole classique qui veulent se réorienter. C’est pour ça qu’on arrive
dans un modèle différent… » SEMER SANS S’ENDETTER Avec son modèle différent, l’incubateur veut répondre à un besoin criant: «Les gens veulent se lancer, mais trouver un terrain, c’est
difficile. Puis, c’est beaucoup plus demandant pour quelqu’un qui est en reconversion, qui a peut-être encore un emploi. Là, tout est prêt. Ils peuvent commencer tout de suite, à petite
échelle.» > Avec l’expérience, certains passeront peut-être à des > superficies plus grandes, d’autres réaliseront que le rêve > bucolique est moins glamour dans la réalité. «Entre
planter des légumes et les vendre, il y a une mise en marché à penser. Et ça, plusieurs l’oublient», note Éric Duchemin. L’AGRICULTURE URBAINE BIEN ANCRÉE CHEZ NOUS À Québec, 23 entreprises
agricoles urbaines sont déjà en activité. Un ratio comparable à celui de Montréal, capitale mondiale de l’agriculture urbaine. «C’est nettement plus que Toronto, qui en compte à peine. Même
Paris ne suit pas», indique Éric Duchemin. > Pourquoi un tel engouement ici, malgré un climat peu favorable? > «Parce que notre climat nous a forcés à innover», résume le >
directeur de AU/LAB. Le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) et des Politiques municipales volontaristes explique aussi selon lui que les projets
se multiplient. «À Montréal, il y a 73 fermes urbaines, fait-il valoir. À Bruxelles, ils en ont 35 dans l’ensemble de la Région de Bruxelles-Capitale, qui est à la fois une ville, une
région et... une province à part entière dans l’organisation administrative belge!» L’agriculture urbaine québécoise se distingue aussi par son lien fort avec les communautés. Certaines
fermes comme Saint-Louis ou les Jardins du bassin Louise misent sur l’intégration sociale. D’autres, comme Apicole, en font un attrait agrotouristique. PAS DE POULES NI DE LAPIN, MAIS DES
POISSONS! En fait, il y a peu de limites à leur créativité. Elles sont essentiellement maraîchères, parce que les zones résidentielles norment et limitent la présence — et encore plus
l’abattage — d’animaux de ferme en ville. Une ferme d’animaux ne serait pas impossible pour autant. «Les projets d’élevage urbain qui peuvent tenir la route, c’est le poisson. L’aquaculture,
c’est la seule voie viable en ville pour l’instant», explique Éric Duchemin, en citant en exemple la ferme montréalaise Opercule, qui prévoit produire jusqu’à 35 tonnes d’omble chevalier
par année. «À Québec, il y avait un projet d’aquaponie [élevage de poissons et de plantes dans un même écosystème] mais il n’a jamais vu le jour parce que l’investissement était trop
important.» CULTIVÉS EN VILLE, SERVIS EN VILLE Prochain chantier pour le AU/LAB: _Récolte de ville_, un projet-passerelle entre les fermes urbaines et les restaurateurs dont l’objectif est
de valoriser les produits cultivés localement. > «Les gens mangent des pleurotes dans un resto de quartier sans > savoir qu’elles poussent à deux coins de rue. Il faut changer >
ça», dit le chercheur qui rêve d’une identité de production > locale urbaine, encore plus ciblée. «Pas juste “Produit au Québec”, mais “Cultivé à Québec”, ou à Laval ou même “Cultivé rue
du Vignoble”!», rêve Éric Duchemin Comme quoi, la terre n’est pas qu’un sol à bétonner. Ici à Beauport, elle devient laboratoire, terrain d’essai, lieu de réinvention collective. Une chose
est sûre: l’agriculture urbaine ne pousse plus en marge. C’est un avenir nourricier et local qui prend racine.