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C’est la conclusion à laquelle est arrivé un ancien contrôleur financier de la société d’État, Jérôme Verreault, au regard des agissements de l’alliance formée par les fournisseurs LGS, IBM
et SAP. M. Verreault a témoigné jeudi à la commission Gallant, qui enquête sur le virage numérique raté de la SAAQ. Dans des notes datant de 2018 et 2019 et déposées à la commission, le
contrôleur a détecté certaines lacunes et un laxisme dans la documentation par rapport à la facturation de l’alliance. Il fait des constats qui montrent, selon lui, «l’appétit de l’alliance
pour avoir son argent». Ce dernier a notamment noté le non-respect d’une clause du contrat prévoyant une retenue de 10 % sur les honoraires réclamés par les firmes externes. Dans ses
factures, le consortium n’inscrivait pas ces retenues, qui étaient toutefois bien appliquées par le bureau de projet informatique de la SAAQ, a souligné M. Verreault. Cette clause servait à
retenir un certain montant en cas d’insatisfactions avec le projet. «Ce fait-là me permettait de voir que l’alliance avait faim et elle voulait être très bien nourrie par les fonds de la
Société de l’assurance automobile», a affirmé M. Verreault au commissaire Denis Gallant. Il a également cité une clause de disponibilité des ressources externes pour régler des anomalies
lors de phases de tests et de déploiement. Une rémunération de 100 $ par «plage de disponibilité» était prévue. M. Verreault a souligné que l’alliance avait la responsabilité de livrer une
solution qui fonctionne. La clause implique donc de devoir payer une deuxième fois les fournisseurs en cas de problèmes, a-t-il analysé. «Mon plombier est venu, il n’a pas fait la job, je le
rappelle et il me charge encore tant de l’heure», a illustré le commissaire Gallant. M. Verreault a dit n’avoir jamais trouvé de document mentionnant ou approuvant ce taux par l’alliance ou
la société d’État. Il écorche par ailleurs la SAAQ pour l’absence de vérification afin de s’assurer du respect du contrat et de la conformité de la facturation. «CE N’ÉTAIT PAS VOLDEMORT»
Comme révélé par un ancien vérificateur interne la semaine dernière, le taux horaire de certaines ressources est passé de 82 $ à 350 $ de l’heure. M. Verrreault a conclu que ce changement
concernait 26 consultants et pouvait entraîner des coûts additionnels de 14 millions $ annuellement. À ce jour, les raisons justifiant cette hausse du taux horaire demeurent «obscures» pour
M. Verreault. Les tâches ou l’expertise de ces ressources étaient les mêmes, a-t-il dit. Aux yeux de M. Verreault, il était clair que l’alliance ne travaillerait pas à coût nul,
contrairement à ce que pouvait laisser entendre la direction de la SAAQ, qui brandissait la clause de «partage de risques» initialement prévue au contrat. «La clause de partage de risque, ce
n’était pas Voldemort. Elle était dite à tout vent. Elle était quasiment écrite sur les murs à la Société assurance automobile», a déclaré M. Verreault. Rappelons que le projet de
modernisation technologique de la SAAQ, connu sous le nom de CASA, pourrait coûter minimalement plus de 1,1 milliard $ d’ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon le
Vérificateur général (VG). M. Verreault était en poste au moment où la première phase du projet CASA a été mise en branle. Elle visait les ressources financières et humaines de la SAAQ. Le
contrôleur a qualifié le début de cette livraison comme une «catastrophe». Plusieurs problèmes sont apparus et ont fini par l’agacer. «Parfois, je n’avais pas des mots tendres qui ont
exaspéré mes collègues. Des fois, je leur disais que c’était une maudite cochonnerie», a-t-il affirmé. M. Verreault a quitté la société d’État quelques mois après le début de la première
livraison. Il a expliqué son départ en raison notamment de l’attitude de la haute direction à l’égard de son travail. «Mes notes n’étaient pas prises au sérieux. (...) Mon rôle était
justement d’aider la société à prévenir (des problématiques). Mais c’était comme un singe: je ne veux rien entendre, je ne veux rien voir, je ne veux rien dire», a déploré M. Verreault.
«APPARENCE DE FAVORITISME» Jeudi après-midi, un cadre de la SAAQ est venu raconter une partie du processus d’appel d’offres. Nicolas Vincent a expliqué les différentes étapes menant à la
sélection du consortium en 2017. Il a joué un rôle de coordonnateur à conformité des 21 comités aviseurs, qui avaient pour objectif de conseiller le comité de sélection sur des aspects
précis des soumissions reçues. Son témoignage a mis en lumière qu’il y avait «une apparence de favoritisme» chez certains membres de comités aviseurs et «une «perception de favoritisme à
l’égard d’une alliance», à une étape où trois consortiums étaient toujours dans la course, selon un compte-rendu d’un comité aviseur présenté à la commission. Cela semblait aller «vers le
côté» de l’intégrateur SAP, qui appartenait à deux alliances à ce moment-là, a indiqué M. Vincent. «On avait une perception que certains de ceux qui avaient préparé l’appel d’offres avaient
un favoritisme vraiment pour aller vers une solution SAP», a-t-il ajouté. Certains de ces consultants externes avaient mené un projet avec une solution SAP chez Hydro-Québec avec Karl
Malenfant, le vice-président aux technologies de l’information de la SAAQ à l’époque, a souligné M. Vincent. Si le comité de sélection demeure indépendant, sa réflexion pouvait être
influencée par les notes provenant des comités aviseurs, a mentionné M. Vincent. ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION Plus tôt jeudi, l’informaticien Vincent Poirier, anciennement vérificateur de
la SAAQ, a poursuivi son témoignage. Il a été appelé à commenter un rapport d’audit sur la sécurité de l’information qu’il a produit en juin 2023. Toutefois, le contenu du rapport et les
commentaires de M. Poirirer font l’objet d’une ordonnance de non-publication pour les prochains jours. Elle porte sur «tout renseignement ou information technique identifiant l’architecture
de cybersécurité et de la protection des données». Selon la SAAQ, «à ce stade, l’ordonnance de non-publication est nécessaire afin de s’assurer que des informations susceptibles de mettre en
péril la sécurité et la protection des données des Québécois ne soient pas diffusées dans la sphère publique», peut-on lire dans le libellé de l’ordonnance.