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«Je me sens comme une souris qui fait face à un lion», confie d’entrée de jeu en entrevue celle qui est notamment reconnue à l’international pour l’unicité de ses planches à roulettes
griffées. Il y a 20 ans, l’artiste a enregistré son entreprise, créant dans la foulée son logo à l’effigie d’un Jackalope, un mythique lapin doté de bois issu du folklore nord-américain.
Elle évolue dès lors sous le pseudonyme Jackalop (sans le e) dans le domaine des sports de planche à roulettes, qu’elle garnit de ses créations. Elle filait le parfait bonheur jusqu’en 2012,
lorsqu’elle a découvert le nouveau festival de sports extrêmes qui utilise le même nom que son entreprise. «Je croyais naïvement qu’ils allaient rectifier la situation pour ne pas causer de
confusion avec ma compagnie», se remémore-t-elle. Selon elle, cette confusion a effectivement pris de l’ampleur année après année, au fur et à mesure que le festival montréalais a gagné en
popularité tout en vendant des produits dérivés, entre autres des vêtements, soit le même créneau dans lequel elle évolue. En 2018 et en 2021, elle dit avoir contacté les représentants du
festival pour dénouer l’impasse, en vain. «INTIMIDATION» En 2022, à bout de ressources pour faire valoir ses droits, l’artiste a décidé à contrecœur de changer le nom de son entreprise pour
Whitetail. Les répercussions n’ont pas tardé. «Mes ventes ont chuté du jour au lendemain au Québec et ailleurs au Canada. J’ai survécu à cause des exportations», souligne-t-elle. La tension
a monté d’un cran entre les deux parties en septembre 2024, lorsque Sophie B. Samson reçoit une mise en demeure de Gestion Tribu international. On lui reproche notamment que l’«utilisation
des noms et marques Jackalop crée de la confusion auprès du public qui croit, à tort, que vos produits et services sont ceux de notre cliente, ce qui n’est pas le cas.» On mentionne aussi
dans la mise en demeure élaborée par la firme Robic une série de mesures à l’endroit de la créatrice, auxquelles elle doit se conformer «afin d’éviter des procédures judiciaires et
administratives». On lui ordonne entre autres de ne plus utiliser sa marque de commerce Jackalop et de supprimer le mot de tout le matériel publicitaire et promotionnel, puis de changer le
nom de domaine sur le web. «C’est purement de l’intimidation. [...] Ils savent que si on va en cour, je n’ai pas les moyens», déplore-t-elle. La cerise sur le sundae, les dirigeants du
festival exigent qu’elle abandonne l’enregistrement de son logo à l’effigie du Jackalope. «Ils s’attaquent à mon logo, qui est sur tous mes produits. Il est au centre de ma compagnie. C’est
la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Mon logo, c’est intouchable. C’est trop personnel. Je vais me battre jusqu’à la fin.» Une pétition et une campagne de sociofinancement appuyant
l’artiste ont par ailleurs été lancées. On comptait près de 1000 signataires et le GoFundMe avait permis de récolter un peu plus de 3000 $ jeudi soir. DIVERGENCE Le fondateur et
président-directeur général de Tribu, propriétaire du Jackalope Fest, Micah Deforges, a refusé notre demande d’entrevue, se contentant d’une déclaration par courriel. L’homme d’affaires
affirme notamment que les recherches faites en 2012 au registraire des entreprises du Québec et à l’Office de la protection intellectuelle du Canada n’ont pas permis de connaître l’existence
de la compagnie de Sophie B. Samson, Jackalop, car il ne comportait pas de «e». «Tribu semblait seule à l’époque à faire affaire sous le nom Jackalope. L’organisation a donc enregistré son
festival, ainsi que ses produits dérivés, sous [cette] marque à partir de 2015», mentionne-t-il. «C’est un argument complètement absurde», lance Sophie B. Samson. À ce sujet, elle souligne
qu’en plus du nom de compagnie Jackalop répertorié au registre des entreprises, plusieurs textes ont été rédigés à propos d’elle dans plusieurs médias au fil des deux dernières décennies. M.
Desforges évoque aussi, en ce qui concerne le changement de nom de Jackalop pour Whitetail, que «Tribu croyait alors légitimement avoir une entente de principe [et aurait] proposé des
collaborations graphiques, un espace kiosque lors du festival, ainsi que des services vidéo», à Sophie B. Samson. L’homme d’affaires tente également de justifier les démarches juridiques à
l’endroit de l’artiste. «Pour pouvoir être protégée en droit, une marque de commerce doit avoir un caractère distinct et être unique. Les avocats de Tribu lui ont alors conseillé
d’entreprendre une démarche pour protéger la marque», indique-t-il. Or, une brève recherche au registre des entreprises permet de répertorier au moins cinq compagnies toujours immatriculées
comportant le mot Jackalope dans leur nom. Les dirigeants de ces entreprises devraient-ils craindre des poursuites s’ils n’abandonnent pas leur nom? Bouclant la boucle, Micah Deforges
affirme vouloir «reprendre le dialogue afin de trouver une solution à l’amiable» avec Sophie B. Samson.