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L’ex-spécialiste du PSG explore dorénavant la vie sexuelle des Français. © Crédits photo : Babeth Aloy / La Revue des médias Baisse du désir dans le couple, expériences insolites, deuil
d’une relation adultère… Il pilote depuis bientôt quatre ans une rubrique web du quotidien consacrée à la sexualité, après dix ans d'actualité sportive. Mario Lawson Publié le 24
décembre 2024 _« Quand je me présente en disant : “Je parle de cul”, les gens sont toujours un peu surpris »,_ s’amuse Bertrand Métayer. À 46 ans, l’ancien journaliste sportif dirige la
rubrique « Intime » du _Parisien_. Sa promesse : _« Raconter sans tabou ce qui se passe dans votre lit ou celui de votre voisin. » _Or, constate-t-il après quelques années d’expérience : _«
La réalité de beaucoup de gens, c’est de __ne pas avoir de vie sexuelle__. »_ Il a initié la thématique en janvier 2021 avec un article consacré à la commercialisation de sextoys dans des
Monoprix, et la fait vivre à raison d’une dizaine d’articles par mois. Une aventure en solitaire les premiers mois, à laquelle collaborent parfois des journalistes de la rédaction ou la
pigiste Marie Gréco. Toujours vêtu en bleu marine au bureau _« par simplicité »_, le journaliste est aujourd’hui un des atouts sûrs des abonnements numériques du _Parisien_. Si ceux-ci sont
principalement portés par les faits divers et l’actu locale, les articles « intimes », moins nombreux, génèrent des _« dizaines »_ d’abonnements par article selon Pierre Chausse, directeur
délégué des rédactions. Les articles les plus lus en 2024 ? « Dans le lit d’Elsa, 28 ans, maîtresse d’un collègue », « Pourquoi Mickaël privilégie les ébats en plein air avec des inconnus »,
ou « Dans le lit d’Angélique, 44 ans : « Je ne peux plus me passer de sexe ». « ZONE DE PÊCHE » « _C’est le témoignage qui performe »_, observe Bertrand Métayer, qui a lancé plusieurs
séries — « Dans le lit des Français », « Dans le secret du couple » — pour raconter plus qu’une simple histoire de sexe ou des expériences insolites. Mais _« nos témoins ne veulent souvent
pas apparaître, _relate Pierre Chausse,_ on a donc particulièrement travaillé avec des illustrateurs sur cette rubrique. »_ > _« Il ne porte aucun jugement, ce qui fait que les gens sont
en > toute confiance »_ Son secret : étendre sa _« zone de pêche »_ au maximum. D’abord, _« écumer les réseaux sociaux (Instagram, X), les forums spécialisés (Doctissimo, Reddit,
Psychologies.com), laisser des messages aux internautes (pour échanger au téléphone ou les rencontrer si possible en région parisienne) »_. Puis, _« à l’instar d’un journaliste politique,
créer un carnet d’adresses avec des sources prêtes à parler, par exemple, __de pratiques sexuelles très particulières__ »_. Le journaliste, qui écrit en moyenne deux papiers par semaine,
trouve aussi des témoins au bar, autour d’un apéro, ou… en soirée arrosée. On lui reconnaît un certain talent pour recueillir les confidences_ _: _« La force de Bertrand, c’est qu’il ne
porte aucun jugement, ce qui fait que les gens sont en toute confiance pour lui raconter des choses très très personnelles_ », témoigne Julie Cloris, journaliste au pôle News. _« Bertrand a
une ouverture d’esprit tellement ancrée en lui, c'est ce qui lui a permis de trouver sa niche »_, confirme son ancien collègue aux sports, Matthieu Le Chevallier, reconverti
écrivain-biographe. _« Comme d’autres au _Parisien_, à l’image de Yann Foreix qui est devenu le spécialiste des sujets vélos avec sa série “Biclou”. »_ « 30 SUJETS » _« La rubrique a été
bien accueillie quand elle a été lancée. D’autres titres commençaient à développer ces rubriques avant _Le Parisien_, donc c’était un peu “Ah enfin, on ose aller sur ces sujets-là, il était
temps” »_, se rappelle Séverine Cazes, cheffe du service société (où Bertrand Métayer traite aussi la sécurité routière). Cette nouvelle rubrique s’inscrit alors dans la stratégie
#Parisien200000, plan post-Covid de _« réorganisation interne et de redéfinition du projet éditorial »_, explique Pierre Chausse. L’objectif : conquérir 200 000 abonnés numériques en cinq
ans. _« Stéphane Albouy (alors directeur de la rédaction, aujourd’hui à _Paris Match_) avait décidé de développer cinq thématiques web : _ “_Sciences”, “Tech”, “Bien Manger”, “Sentinelles” —
actualité des combats pour l’égalité femmes-hommes — et _“_Intime” »_ pour « _créer une expertise sur des sujets qu’on traitait plus ou moins »_, détaille Bertrand Métayer. Le journaliste
postule en interne fin 2020. Cela fait alors un peu plus de dix ans qu’il évolue au service des sports (_« une bonne école pour l’agilité, la rapidité, mais il faut en sortir »_), au sein de
la cellule des cinq-six journalistes qui suivent le PSG et l’équipe de France masculine. _« C’est sans doute la matière la plus compliquée à traiter en termes journalistiques puisque c’est
très fermé »_, précise Benoît Lallement, chef du service sports. En concurrence avec une candidate interne, il redoute que son genre puisse être un _« frein potentiel »_. En entretien,
Bertrand Métayer dit être venu avec _« 30 sujets, du plus attendu au plus cru »_, et convainc Pierre Chausse pour ce poste sur lequel il y a eu le moins de candidatures. Son projet : _« Ne
pas évoquer ma sexualité mais faire ce qu’on fait toujours au _Parisien_, des papiers portés majoritairement par des témoignages »,_ conformément à l’ADN du journal. UNE VERTU PÉDAGOGIQUE
Dominique Sévérac, grand reporter en charge du PSG et de l’équipe de France masculine, se dit _« admiratif »_ de son ancien collègue. « _J’ai trouvé ça courageux de créer une rubrique, dont
on ne savait pas si elle allait être maintenue. Lorsque ça ne marche pas, elles sont vite supprimées. »_ Marie Gréco, pigiste régulière pour la thématique « Dans le secret du couple », salue
la vertu pédagogique de la série « Dans le lit des Français », qui montre « _que le schéma sexuel dans lequel on est n’est pas unique »._ Séverine Cazes, cheffe du service Société, apprécie
qu’il surmonte la facilité — les marronniers « libertinage, pratiques BDSM » — et se renouvelle _« en déployant la dimension sociétale »_ autour de l’intime. Exemple : la difficulté à faire
son deuil d’une relation adultère. _« Beaucoup de collègues forts en faits divers, en politique, me disent “Moi, je n’en serai pas capable”, pensent que ça doit être dérangeant de parler
d’intimité, avec des gens qu’on ne connaît pas, _déclare Bertrand Métayer_. Parler masturbation ou adultère, refléterait pour certains sa propre sexualité. Pourtant, on ne soupçonne pas ceux
qui écrivent sur les faits divers d’avoir envie de trucider des gens. »_ D’autres journalistes hommes ont déjà couvert ce type de rubrique — souvent vue comme « féminine » —, comme Quentin
Girard à _Libération_. _« Mais c’est sûr que son poste au _Parisien_ raconte une évolution à la fois sociétale et journalistique : la sexualité est de moins en moins considérée comme une
préoccupation de bonnes femmes »_, analyse Renée Greusard, journaliste au _Nouvel Obs_ et spécialiste des sujets liés à l’amour, au sexe, au corps et au féminisme. BÛCHERON Rien ne le
prédestinait au journalisme. Père informaticien, mère secrétaire dans une maison d’édition. Il grandit dans le 5e arrondissement de Paris, entouré de trois sœurs. Famille catholique : parler
de sexualité n’a _« jamais été possible »._ Enfant, il rêve de devenir bûcheron. Puis découvre le foot : les premiers matchs au Parc des Princes, les revues _Sport’s_, _Onze Mondial_.
Obtient son bac du deuxième coup, décroche une maîtrise d’histoire. Échoue aux concours des écoles de journalisme _(« Devenir journaliste, c’était un bon moyen d’aller au stade »). _Répond à
une petite annonce à la fac pour _Toutes les nouvelles de Versailles__ _et devient correspondant de sport. Enchaîne avec un stage au _Monde_, après quoi Michel Dalloni et Gérard Davet le _«
branchent »_, en 2002, avec Jean-Louis Picot au _Parisien_. Il y débute aux éditions locales puis traite uniquement les sports départementaux, pendant cinq ans. Il suit ensuite le PSG et
l'équipe de France à partir de 2007 au pôle News, puis à partir de 2012 au service des sports. Est envoyé spécial pour l’Euro 2008, 2012, 2016 et les éditions 2010 et 2018 de la Coupe
du monde. « DES AMIS » Se voit-il animer la rubrique « Intime » pendant dix ans ? _« Même si c’est un sujet assez intense, j’espère que je ferai autre chose »_, mais toujours au _Parisien,_
précise-t-il : _« _Le Parisien_, c’est aussi des amis avec qui je peux partir en vacances, jouer au foot et… danser ! Des amis qui m’ont connu avant d’avoir des enfants, les ont connus
petits. »_ Ses filles (16 et 13 ans) connaissent son métier et « _[lui] en parlent peu._ _Ma fille aînée est abonnée au journal donc peut lire ce que j’écris. »_ Son poste l’aide-t-il,
d’ailleurs, pour leur éducation ? _« Disons que j’ai une plus grande vigilance et ouverture. Même si cela reste compliqué comme pour la plupart des parents._ » Et lui, serait-il prêt un jour
à raconter ce qui se passe dans son lit ? _« Ah non ! _(il rit)_ Ou alors, je ferai exactement comme un certain nombre de mes témoins, j’utiliserais un pseudo. » _Intimité oblige.