En 2023, les médias expérimenteront davantage l'ia

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© Illustration : Sophie and the Frogs « _Percée _» de l'intelligence artificielle, difficultés économiques, développement de formats incarnés, traitement plus transversal des enjeux


climatiques... L'Institut Reuters a interrogé plus de 300 dirigeants de médias pour établir ses prédictions pour 2023. Marine Slavitch Publié le 10 janvier 2023 L’Institut Reuters pour


l’étude du journalisme publie, ce 10 janvier, son rapport sur les défis auxquels seront confrontés les médias en 2023, ainsi que leurs stratégies pour les affronter. Cette étude, réalisée


par Nic Newman, repose sur un sondage auquel ont répondu 303 dirigeants de médias (PDG, rédacteurs en chef, directeurs du numérique et de l’innovation,…) venant de 53 pays, principalement


européens, entre novembre et décembre 2022. Nous vous présentons les six prédictions à retenir de cette étude. 1. VERS DES ABONNEMENTS À PRIX CASSÉ En 2022, l’inflation a atteint des sommets


avec la crise en Ukraine, n’épargnant pas les entreprises de presse. Le financement du journalisme a rarement été aussi précaire entre la coupe des budgets publicitaires, la hausse du prix


du papier et la réduction des dépenses des ménages. Les médias ont mis en place des mesures drastiques pour éponger ces pertes et devraient continuer à affronter ces pressions cette année.


Moins de la moitié des éditeurs de presse se disent ainsi confiants quant à l’avenir économique de leurs titres. Dans le même temps, ces crises ont permis aux médias d’augmenter leurs taux


d’abonnements. Une croissance sur laquelle les entreprises de presse comptent bien miser en 2023, quitte à brader leurs contenus. Face à la hausse des prix, leur stratégie consistera à


proposer pléthore de remises mirobolantes comme le _LA Times,_ le _Chicago Tribune_ ou le _Boston Globe_ et leurs accès numériques de six mois pour 1,4 dollar. 2. DES FORMATS EXPLICATIFS ET


QUESTIONS/RÉPONSES POUR LUTTER CONTRE L’ÉVITEMENT DES INFORMATIONS Un précédent rapport du même institut avait mis en avant la tendance du public à éviter les informations jugées trop


abondantes et/ou anxyogènes. Pour y remédier, 48 % des éditeurs de presse envisagent de mettre l’accent sur les informations positives en 2023, en intégrant des filtres. C’est le cas de


_PinkNews_, pure player britannique destiné à la communauté LGBTQI+. Sur ce site, un bouton permet aux lecteurs d’afficher, par exemple, uniquement les actualités liées à la culture ou de


passer à la trappe les articles aux contenus jugés négatifs ou anxiogènes. Select your preferences What topics are you interested in ? _PINKNEWS_, PURE PLAYER BRITANNIQUE DESTINÉ À LA


COMMUNAUTÉ LGBTQI+, PROPOSE DES FILTRES AU PUBLIC POUR ÉCARTER DES INFOS JUGÉES TROP ANXIOGÈNES (REUTERS INSTITUTE FOR THE STUDY OF JOURNALISM). Pour autant, ces filtres ne font pas


l’unanimité parmi les éditeurs de presse. L’immense majorité compte mettre en place des campagnes vantant la qualité du journalisme qu’ils proposent à l’heure de la guerre en Ukraine et de


l’urgence climatique, et misent sur les formats explicatifs (94 %) et les sessions de questions-réponses (87 %) visant à renforcer la confiance avec leurs lecteurs. 3. MOINS DE FACEBOOK,


PLUS DE TIKTOK Moins de Facebook, plus de TikTok. Cette année, les éditeurs de presse comptent toucher de nouveaux publics en développant leur présence sur les réseaux sociaux émergents —


TikTok, Instagram — particulièrement populaires auprès des jeunes. Objectif ? Profiter de l’espace offert par ces nouvelles plateformes pour produire des contenus informatifs et vertueux, à


rebours des titres attrape-clics de Facebook qui tendent plutôt à susciter l’indignation. Publishers will be putting more effort into TikTok and less into Facebook and Twitter (REUTERS


INSTITUTE FOR THE STUDY OF JOURNALISM). Concernant Twitter, les éditeurs sont plus partagés. Si la mainmise d’Elon Musk inquiète, 51 % des répondants considèrent qu’un retrait total de la


plateforme aurait des conséquences négatives pour le journalisme. D’autres patrons de presse soulignent qu’en plus de réduire le trafic vers leurs sites, le réseau social pollue les contenus


des médias de fausses informations et de polémiques futiles. Certains songent de ce fait à s’orienter vers des plateformes décentralisées comme Discord dans le but de créer des modèles


communautaires intimistes qui nourriraient des débats plus fructueux. Relevons enfin l’intention affichée d’investir encore davantage sur le référencement par Google, ainsi que sur sa


plateforme vidéo YouTube. 4. PLUS DE PODCAST, NEWSLETTERS ET VIDÉOS POUR INCARNER L’INFORMATION Diversification sera le maître mot de 2023. 72 % des éditeurs de presse confient vouloir


investir dans le podcast. 69 % d’entre eux comptent également se pencher sur le développement de newsletters et 67 % sur les vidéos. Les médias considèrent que ces formats offrent une


possibilité intéressante de créer du lien et de la rétention avec leurs audiences. Par ailleurs, ils permettent de ralentir via l’incarnation de contenus uniques et plus fouillés, à rebours


des informations générales omniprésentes sur leurs sites. Au-delà de ces nouveaux formats, les éditeurs comptent investir dans l’audio numérique en proposant de plus en plus de lectures


d’articles. Si celles-ci peuvent prendre la forme de lecteurs de textes robotiques, les plus fréquentes aujourd’hui, des approches plus humaines devraient être testées dans les mois à venir.


Le _New York Times_ prévoit ainsi de lancer un outil de lecture au sein duquel les journalistes liront eux-mêmes leurs propres articles, après s’être brièvement présentés aux lecteurs.


D’autres journaux comme le sud-africain _News24 _expérimentent également des outils d’intelligence artificielle permettant de cloner les voix de leurs journalistes et réservent cette option


à leurs abonnés payants. 5. LA CRISE CLIMATIQUE NE POURRA PLUS ÊTRE CANTONNÉE À UNE SEULE RUBRIQUE En 2023, les médias devraient adopter une approche plus globale, plus holistique, dans leur


couverture de l’urgence climatique. On devrait ainsi retrouver ces enjeux plus largement traités au sein des articles politiques et économiques plutôt que dans la seule rubrique Planète des


journaux. D’après l’enquête de l’Institut Reuters, certaines rédactions prévoient de recruter des journalistes chargés de veiller à ce traitement transversal du climat. La démarche rappelle


celle des _gender editors_, à l’instar de la journaliste Lénaïg Bredoux, responsable éditoriale concernant les questions de genre au sein de _Mediapart_. Changes that news organisations are


making to improve coverage further LES CHANGEMENTS ENVISAGÉS AFIN D'AMÉLIORER LA COUVERTURE MÉDIATIQUE DE L'URGENCE CLIMATIQUE (REUTERS INSTITUTE FOR THE STUDY OF JOURNALISM). 33


% des médias interrogés affirment par ailleurs se fixer des objectifs afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Depuis trois ans, le groupe norvégien Schibsted publie un


rapport annuel de durabilité détaillant les solutions mises en place au sein des rédactions pour limiter leur empreinte sur la planète. Il y a deux ans, le service vidéo du _Monde_ avait


également rendu public son bilan carbone ainsi que la méthode employée pour le calculer. Du côté des formats, les médias intensifieront leur couverture du climat via des contenus vidéos


incarnés et explicatifs dans le but d’engager leurs audiences sans les effrayer. 6. ATTENDEZ-VOUS À UNE « PERCÉE » DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE Dans les rédactions, l’usage de


l’intelligence artificielle se limite majoritairement à des systèmes de transcription, de traduction et de génération automatique des sous-titres. Certains éditeurs commencent néanmoins à


tester des outils prédictifs comme Sophi.io afin d’actualiser automatiquement leurs pages d’accueil en fonction des tendances du moment dans le but de proposer une curation toujours plus


pertinente. Au Canada, le _Globe and Mail_ explique avoir augmenté son taux de clic de 17 % grâce à l’utilisation de cette technologie. Most publishers are experimenting with IA for


recommendation LA PLUPART DES ÉDITEURS UTILISENT DÉJÀ L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE POUR LES RECOMMANDATIONS (REUTERS INSTITUTE FOR THE STUDY OF JOURNALISM). Outre le clonage des voix de


leurs journalistes (voir point n° 4), d’autres vont déjà plus loin. En Chine (BTV et CCTV) et en Corée du Sud (MBN et Arirang), la télévision s’est récemment mise à utiliser des copies


virtuelles de ses présentateurs vedettes afin de renforcer leur présence à l’antenne tout en réduisant leurs coûts. Cette stratégie devrait s’exporter cette année aux États-Unis, où les


chaînes sont d’autant plus soumises à la pression de faire plus avec moins de moyens. Le rapport de l’Institut Reuters anticipe chez les médias la publication de chartes éthiques précisant


l’étendue de leur utilisation de l’intelligence artificielle dans un objectif de transparence. EN NOVEMBRE 2020, LA CHAÎNE SUD-CORÉENNE MBN, A PRÉSENTÉ AUX TÉLÉSPECTATEURS L'AVATAR DE


LA PRÉSENTATRICE KIM JU-HA, UN DOUBLE VIRTUEL TRÈS RESSEMBLANT (LEHUFFPOST). Baisse mondiale de la confiance dans les médias, hausse de la consommation de podcasts, fort intérêt pour l’enjeu


climatique, augmentation des abonnements en ligne, information locale sur les réseaux sociaux : La Revue des médias vous résume cinq tendances identifiées par le Reuters Institute for the


Study of Journalism.