Municipales : le groupe de presse régionale centre france se dote d'une « charte de bonnes pratiques »

feature-image

Play all audios:

Loading...

© Crédits photo : Capture d'écran MUNICIPALES 2020 : CES MÉDIAS EN QUÊTE DE PROXIMITÉ - ÉPISODE 3/4 À quelques mois des élections municipales, La Revue des médias se penche sur des


initiatives mises en place par des médias pour couvrir le sujet. Entre émissions spéciales, questionnaires participatifs et charte de bonnes pratiques, notre série revient sur quatre projets


originaux. Ce troisième épisode décortique la « charte de bonnes pratiques » adoptée par le groupe Centre France (_La Montagne_, _L'Écho Républicain_...) Justine Rodier Publié le 02


janvier 2020 Un court paragraphe introductif et une liste de huit engagements pour les élections municipales, regroupés au sein d’une « charte des bonnes pratiques ». « Transparence » et « 


exigence d’équité » sont les valeurs au cœur du message que Centre France a adressé à ses lecteurs le 4 novembre sur les sites internet des huit titres du groupe (_La Montagne_,_ L’Écho


Républicain_,_ Le Journal du Centre_,_ Le Populaire du Centre_,_ La République du Centre_, _Le Berry Républicain_,_ L’Yonne Républicaine _et_ L’Éveil de la Haute-Loire_). La finalité ? « 


Donner la parole à nos lecteurs et leur apporter toutes les clefs de compréhension. » Pas de parti pris, respect de l’équité, aucun sondage local, indépendance vis-à-vis des agendas


politiques… L’établissement de ces règles et leur publication a paru indispensable au groupe de presse dans la perspective des prochains scrutins. « À chaque élection, le journal et les


journalistes servent de punching-ball : on nous accuse de tous côtés d’être de tous bords politiques. Cette charte est une manière de fixer un cadre et d’annoncer nos règles. De dire : voici


ce qu’on va faire, voici ce qu’on ne va pas faire », explique Sandrine Thomas, directrice des rédactions de Centre France et rédactrice en chef de _La Montagne_. Chacun des engagements est


explicité, détaillé. Pour ne pas subir les agendas politiques, l’engagement n°3 spécifie que les communiqués, les tribunes et « les évènements qui pourraient être surexploités par des élus


sortants et des candidats à des fins de campagnes », n’auront pas leur place dans les huit titres du groupe. Le deuxième point, sur l’équité, concerne directement les candidats prête-nom : «


 Certains partis que nous ne connaissons pas apparaissent subitement lors des élections municipales. Ils ne parlent pas de projets pour la ville, mais profitent de la campagne pour faire de


la politique nationale. Nous ne les couvrirons pas, car nous sommes garants des enjeux locaux », assure Sandrine Thomas. JOURNALISTES ET CANDIDATS ÉGALEMENT VISÉS Cette « charte de bonnes


pratiques », qui ne crée pas de difficultés particulières pour les journalistes, permettrait même quelques facilités. Fixer des règles globales est l’occasion d’offrir une plus grande


cohérence vis-à-vis des interlocuteurs extérieurs entre les huit titres du groupe Centre France. Et davantage de limpidité pour les rédactions qui savent quelle attitude adopter. « C’est


extrêmement bien vécu en interne », se réjouit la directrice des rédactions de Centre France. Parmi les engagements, on trouve en première place celui d’interdire aux correspondants locaux


de presse du groupe de prendre part à la campagne. « Si certains d’entre eux sont engagés, nous nous en séparerons définitivement et nous en recruterons d’autres », prévient Sandrine Thomas.


L’engagement de Centre France revêt toutefois une dimension politique, puisque le dernier point de la charte souligne les « valeurs républicaines » du groupe. « Comme en 2002 et 2017, nous


nous réservons le droit de prendre position au lendemain du premier tour pour défendre nos convictions, conformément aux histoires de nos titres et de nos territoires. » Une position tout à


fait assumée par Sandrine Thomas, qui assure que « si un candidat du Rassemblement national se retrouve au second tour, nous soutiendrons le parti qui défend les valeurs démocratiques et


républicaines ». > _« Nous recevons souvent des demandes pressantes de candidats. > Désormais, ils savent que nous ne leur répondrons pas »_ Afin de « replacer les préoccupations des


lecteurs au cœur de leur ligne éditoriale et prendre le pouls de leurs attentes », l’engagement n°4 promet la mise en place d’« outils interactifs » comme des débats, des rencontres et des


questionnaires, fait valoir Sandrine Thomas. « Conjointement avec _Sud-Ouest_, nous préparons des podcasts pour donner la parole à des réalités, aux maires qui ne se représentent pas, à ceux


en milieu rural », ajoute la directrice des rédactions du groupe Centre France. La charte n’est pas seulement destinée aux journalistes et aux lecteurs, mais aussi aux candidats. « Nous


recevons souvent des demandes pressantes pour couvrir l’inauguration d’un local de campagne, une cérémonie de vœux, des réunions publiques... Désormais, les candidats savent que nous ne leur


répondrons pas. Cela fait gagner du temps et de l'énergie à tout le monde », souffle-t-elle, précisant que, pour l’instant, les partis n’ont pas cherché à contourner la charte. UNE


STRATÉGIE AXÉE SUR LA PROXIMITÉ Pour Centre France, prendre de tels engagements était nécessaire. « Nous voulions descendre de notre piédestal, être davantage à l’écoute de nos lecteurs,


avoir plus de proximité pour mieux cerner leurs attentes », confie la directrice des rédactions du groupe. Selon elle, la stratégie porte ses fruits. « Les lecteurs nous font des retours


positifs, notamment sur les sondages. Certains nous remercient et nous confirment qu’ils n’attendent pas de nous une influence sur leur vote mais un traitement des sujets de fond pour voter


en conscience. » > _« Nos journalistes sur le terrain au quotidien et vivant sur nos > territoires sont les meilleurs instituts de sondage »_ Si Sandrine Thomas se félicite que le


groupe Centre France ait adopté un tel engagement, c’est parce que lors des précédentes élections municipales (2001, 2008 et 2014), les huit titres avaient commandé et relayé des sondages («


 faits depuis Paris ») annonçant « l’exact opposé » des verdicts venus des urnes quelques semaines plus tard. « Nous étions à côté de la plaque. Depuis, nous avons réalisé que nos


journalistes sur le terrain au quotidien et vivant sur nos territoires sont les meilleurs instituts de sondage. » Au-delà de cette initiative, Centre France s’est lancée dans une démarche


globale sur la stratégie éditoriale du groupe qui passe par « le temps de l’écriture, la recherche de la qualité plutôt que l’audience », affirme-t-elle. Dans sa volonté de « s’engager comme


acteur du territoire », _La Montagne_ a publié une série d’articles sur la nécessité d’améliorer la ligne ferroviaire qui relie Paris à Clermont-Ferrand. En septembre, le journal a


notamment invité Guillaume Pepy à rencontrer les usagers durant plusieurs heures. AILLEURS AUSSI, DES ENGAGEMENTS SUR LE LONG TERME Rédacteur en chef d’_Ouest-France_, principal titre de la


presse quotidienne régionale (PQR), François-Xavier Lefranc salue l’initiative de ses confrères. « C’est toujours bien de dire aux lecteurs ce que l’on fait, d’autant plus que notre métier


est très interrogé aujourd’hui dans la société. Mais il ne faudrait pas que cela tombe dans la communication facile », souligne-t-il, estimant que « l’on ne convainc pas les lecteurs en


proclamant les choses mais en les faisant ». Le rédacteur en chef assure que son journal respecte tous les engagements pris par Centre France. « Depuis très longtemps, nous avons des règles


bien définies en interne, valables toute l’année. Par exemple, nous n’avons jamais fait et ne ferons jamais de sondages durant les élections municipales », explique-t-il. _Ouest-France_


s’applique à actualiser régulièrement cette charte. Le dernier ajout concerne notamment le traitement des violences faites aux femmes à propos desquelles le terme de « crime » est désormais


préféré à celui de « crime passionnel ». À _La Voix du Nord_ aussi, le journal s’engage auprès de ses lecteurs, soutient Patrick Jankielewicz, son rédacteur en chef, citant notamment une


charte des faits divers créée en 2008 et, plus récemment, « une plateforme participative via laquelle nous communiquons sur nos engagements et expliquons comment nous fonctionnons ». La


stratégie de l’engagement de _La Voix du Nord_ dépasse aussi parfois sa mission d’information. Début novembre, et à l’issue d’une campagne contre le harcèlement scolaire, le journal a publié


huit propositions à destination des institutions pour faire cesser ce fléau.