Mort de jean-marie le pen : retour en data sur une médiatisation

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CNews est la chaîne d'information en continu qui a le plus évoqué la mort de Jean-Marie Le Pen. Parmi les matinales radio, c'est celle de Sud Radio qui en a le plus parlé.  ©


Crédits photo : capture d'écran CNews, LCI, Sud Radio, France Culture Le 7 janvier dernier, vers 13 heures, les médias annoncent la mort de Jean-Marie Le Pen. Une actualité qui vient


bouleverser l’agenda médiatique prévu autour des commémorations de « Charlie Hebdo ». Camille Pettineo Publié le 04 février 2025 Il avait été plusieurs fois hospitalisé au cours des


dernières années. Aussi Jean-Marie Le Pen faisait-il l’objet de nécrologies préparées de longue date. Ce que les médias ne pouvaient en revanche pas prévoir, c’est que l’ancien leader de


l’extrême droite passe l’arme à gauche le 7 janvier et que ses obsèques aient lieu le 11 janvier en début d’après-midi à La Trinité-sur-Mer (Morbihan). Hasard du calendrier, la France


s’apprêtait à commémorer le dixième anniversaire des attentats islamistes de janvier 2015 et de la grande manifestation du 11 janvier qui avait réuni plus de 4 millions de Français.


L’ANNONCE DE LA MORT DE JEAN-MARIE LE PEN ÉCRASE LE RESTE DE L’ACTUALITÉ De manière assez prévisible, le décès de Jean-Marie Le Pen écrase le reste de l’actualité durant les trente-six


heures qui suivent son annonce. Alors que les commémorations de l’attentat contre « Charlie Hebdo » occupaient une large place dans l’actualité du matin, la mort de l’ancien leader du Front


national bouleverse tout. Ainsi, sur les quatre chaînes d’information en continu, alors que « Charlie Hebdo » est mentionné en moyenne 152 fois par heure entre 6 heures et 12 heures, le


journal satirique n’est plus mentionné que 44 fois sur le reste de la journée. Soit 3,5 fois moins. La date du 11 janvier, anniversaire de la grande marche « Je suis Charlie », est aussi


celle des obsèques de Jean-Marie Le Pen. Ce jour-là, l’homme politique est deux fois plus mentionné que « Charlie Hebdo » sur les matinales radio, 6 fois plus sur les JT du soir, 9 fois plus


sur les chaînes d’information en continu. CNEWS, PREMIÈRE CHAÎNE INFO SUR LA COUVERTURE DU DÉCÈS DE JEAN-MARIE LE PEN Toutes les chaînes d’information en continu n’ont pas donné la même


importance au décès de Jean-Marie Le Pen. CNews est celle qui, entre le 7 et le 11 janvier, l’a le plus évoqué (34,3 % de la médiatisation totale par les chaînes info). A contrario, LCI,


très portée sur l’actualité internationale, est celle qui en a le moins parlé (14 %). Entre les deux, France Info et BFMTV représentent respectivement 27,5 % et 24,3 % de la médiatisation de


la disparition de l’ancien président du FN. Dans les JT du soir, l’information du décès de Jean-Marie Le Pen est, assez logiquement, plus mentionnée dans les journaux télévisés nationaux


(France 2, M6, TF1) que dans ceux de France 3 ou Arte. Quant aux matinales radios, signalons que c’est sur Sud Radio que le décès de l’ancien président du FN a été le plus mentionné (près de


20 % des mentions). Enfin, signalons que la primauté accordée à l’événement se traduit également dans l’actualité même du décès de Jean-Marie Le Pen : sa disparition est ainsi trois fois


plus couverte que son enterrement. LA PROVOCATION COMME BOUSSOLE MÉDIATIQUE Bien qu’étant incontestablement hostile aux médias, « _Jean-Marie Le Pen était un homme de la IVe République qui


s’est très vite approprié les codes de la télévision »,_ rappelle Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et auteur d’un « essai


de bilan sur la vie politique de Jean-Marie Le Pen ». « _Il n’était pas qu’un homme politique, il était également une figure médiatique et c’était d’ailleurs une de ses stratégies pour


s’imposer au sein du monde politique_ », ajoute Valérie Igounet, historienne spécialiste du négationnisme et de l’extrême droite en France et directrice adjointe de Conspiracy Watch. Le jour


de sa mort, les médias que nous avons étudiés sont revenus sur ses sorties polémiques (antisémitisme, négationnisme, violence…), ses condamnations et ses dérapages. « _Ses phrases


provocantes ont incontestablement joué un rôle dans son émergence comme objet médiatique, son interview sur le "point de détail" est à la mesure de la transgression_ », explique


Jean-Yves Camus. Avec sa rhétorique de la mise en doute, poursuit le spécialiste de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen est allé plus loin que le simple négationnisme développé dans la


tribune de Robert Faurisson publiée, en décembre 1978, par _Le Monde_. Depuis ses premières participations à de grandes émissions politiques (« Le Club de la presse » d’Europe 1, en


septembre 1983, puis « L’Heure de vérité » d’Antenne 2 en février 1984) et l’émergence du FN comme force politique sur la scène nationale, on s’interroge sur le rôle des médias dans la


diffusion des idées de Jean-Marie Le Pen. Or, estime Jean-Yves Camus, « _le métier de journaliste ne consiste pas à se poser la question de savoir quel est l’impact politique de ce qu’il


écrit, c’est de rapporter ce qu’il voit et ce qui est _[…], _sauf à mettre en place __le cordon sanitaire__, comme en Belgique francophone. _» Quant à l’exercice de sa nécrologie, pour


Valérie Igounet, il ne pose pas de difficulté particulière pour les médias : « _On a des sources, des interviews phares, une connaissance précise de l’homme qu’il a été et de son empreinte


politique. _» Mais elle précise : « _Il fallait seulement ne pas réhabiliter un homme, ce que certains médias à l’extrême droite ont fait, évidemment, et rester dans une rigueur historique


et scientifique. _» MÉTHODOLOGIE Nous avons étudié 16 médias audiovisuels à l’aide des données de data.ina.fr entre le 7 et le 11 janvier 2025 : de 6 heures du matin à minuit sur les quatre


chaînes d’information en continu (BFM TV, LCI, CNews et France Info), de 6 heures à 10 heures du matin sur les sept matinales radio (Europe 1, France Culture, France Inter, France Info, RMC,


RTL et Sud Radio) et sur cinq JT du soir diffusés entre 19 h 30 et 21 heures (TF1, France 2, France 3, Arte et M6). Pour produire les données de data.ina.fr, l’INA utilise un outil


d’intelligence artificielle (IA) spécialisé dans la transcription, qui transforme en texte la parole d’un locuteur d’un document audiovisuel. L’INA s’appuie sur la technologie Whisper,


développée par la société américaine OpenAI. Dans cet article, la comptabilisation est exprimée en occurrence de termes. Pour quantifier la médiatisation de la mort de Jean-Marie Le Pen,


nous avons préalablement constitué un dictionnaire de cinq termes (Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, fondateur du FN, ancien leader du FN, ancien leader du Front national). Sa


disparition étant intervenue dix ans après, jour pour jour, l’attentat contre « Charlie Hebdo », nous avons procédé de la même façon avec six termes (« Charlie Hebdo », « Charlie », journal


satirique, hebdomadaire satirique, caricature, caricatures) pour comparer l’importance accordée à ces deux sujets.