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© Crédits photo : Christian Payne / Flickr. CC License BY-NC-SA 2.0. L'inventeur du web s'inquiète de voir de plus en plus menacés les grands fondements du réseau des réseaux : la
liberté, la gratuité et l'ouverture. En cause : Apple, les réseaux sociaux et les applications pour mobiles. Cédric Cousseau Publié le 03 décembre 2010 Tim Berners-Lee s'est livré
à une longue tribune dans le magazine _Scientific American _où il regrette les comportements de certains sites Internet, fournisseurs d'accès, gouvernements et entreprises
s'écartant du principe même du Web : l’universalité. Celui qui a mis au point le « _world wide web" _ analyse de manière fine, accessible et méthodique la dérive d'acteurs
tels que Apple, Facebook ou Comcast ne respectant plus - selon lui - les valeurs cardinales du réseau des réseaux : la liberté, la gratuité, l'accès sans entrave aux données et à
l'information. Pour lui, une plateforme comme l’iTunes Store rend en effet captif chacun de ses utilisateurs puisqu'à partir du moment où ces derniers ont franchi son seuil, ils
n'ont plus qu'un moyen d'acheter de la musique en ligne : celui de recourir au système d'Apple. Les règles du Web, celles établies lors de sa création, seraient en
revanche de laisser à ces mêmes utilisateurs la possibilité d'accéder aux catalogues des sites concurrents. Il fustige aussi les réseaux sociaux qui s'accaparent les internautes. «
Plus vous entrez de données, et plus vous vous enfermez dans une impasse. Votre site de réseau social devient une plateforme fermée, qui ne vous donne pas le plein contrôle sur les
informations qu’il contient. Plus ce genre d’architecture se répand, plus le Web se fragmente, et moins nous profitons d’un unique espace d’information universel. » Tim Berners-Lee plaide
donc pour l'ouverture. Il en va de la liberté de - dirons-nous - produire du Web, c'est-à-dire de mettre en ligne des pages interconnectées par des liens. Or, il est impossible de
faire un lien pointant vers la plateforme d'Apple - pour reprendre cet exemple - puisque ce système est clos. Il "emmure" et "piège", estime Berners-Lee. Que dire
également de la censure qu’il opère lorsqu’il écarte de sa boutique les œuvres qu'il ne juge pas conformes à ses valeurs, ou bien de celle qu’il effectue contre les volontés des pays où
il est implanté ? Le principe d’universalité du Web est également attaqué par les atteintes faites à sa neutralité. C’est le cas, par exemple, de certains fournisseurs d'accès à
Internet (FAI) ralentissant le trafic de sites, pour empêcher certaines pratiques telles que le_ peer-to-peer_, ou plus tragiquement parce qu'ils ne disposent pas de partenariats
commerciaux avec ceux-ci. Tim Berners-Lee évoque également l'attitude des "gouvernements - qu’ils soient totalitaires ou démocratiques - qui surveillent les habitudes en ligne des
citoyens et mettent en danger d’importants droits de l’Homme". Il égratigne au passage la procédure mise en place en France par la Hadopi et deux systèmes analogues au Royaume-Uni et
aux États-Unis. Le « père du Web », dans son analyse qu’il a intitulée « longue vie au Web », défend les standards d’Internet pour que chacun ait la même possibilité d'action. Le Web
porte dans sa nature la valeur d'être utilisable par tous et à tout instant, de manière individuelle à l'instar des blogs, ou collaborative comme l'encyclopédie Wikipédia.
L'internaute doit donc pouvoir profiter sans restriction de toutes les informations disponibles et les partager. Ce qui est compromis, notamment par le manque de respect encore criant
des recommandations du W3C qui régit l'écriture des pages afin que les déficients visuels et auditifs disposent eux-aussi du Web. Les règles du consortium existent pour le leur
permettre. Il reste à les appliquer. Ce qui est compromis également avec les applications pour mobiles qui sont, elles aussi, des univers fermés, des réseaux distincts comme suffisants à
eux-mêmes. Tim Berners-Lee suit en ce sens l'analyse de Chris Anderson, rédacteur en chef du magazine _Wired_, qui consacrait en septembre dernier un important article à "la mort
du Web". Le professeur de droit à l'université de Columbia fonde ses critiques en reprenant notamment l'analyse de l'économiste Schumpeter pour associer Steve Jobs et
Mark Zuckerberg, patrons d'Apple et de Facebook, à ces entrepreneurs uniquement motivés par la création de « royaumes privés ». Par cette tribune, Tim Berners-Lee lance finalement un
appel : « Si nous, les utilisateurs du Web, nous permettons à ces tendances et à d’autres encore de se développer sans les contrôler, le Web pourrait bien se retrouver fragmenté en archipel
». Il ne s'agit pas uniquement selon lui de « faire de la philosophie » ; Tim Berners-Lee montre notamment comment une bonne gestion et l'ouverture des bases de données font aussi
avancer la recherche, et donc notre société : « Un moyen de communication neutre est la base d’une économie de marché juste et compétitive, de la démocratie et de la science. » -- Crédit
photo : Documentally/Flickr.