Informer après le cyclone chido à mayotte, le défi des médias locaux

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La rédaction de Mayotte la 1ere soufflée par Chido. © Crédits photo : Mayotte la 1ere Après le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024, les médias locaux mahorais ont vu leurs locaux


dévastés. Malgré des moyens réduits et des situations personnelles difficiles, les journalistes tentent de maintenir informée une population privée de réseaux et d'électricité. Tom


Sallembien Publié le 31 décembre 2024 Samedi 14 décembre, des images apocalyptiques défilent en direct sur la chaîne publique locale Mayotte la1ere. On y distingue un arbre qui tente de


résister face au cyclone, sous une pluie torrentielle qui brouille l’image. À 10h25 heure locale, alors que l’arbre résiste toujours, une fenêtre du studio où se situent les journalistes


explose. _« On est en danger »_, s’alarme un des journalistes en plateau, avant que la retransmission ne soit coupée. L’édition spéciale cyclone, débutée dès le vendredi soir sur toutes les


plateformes de la chaîne, reprend 40 minutes plus tard. _« Le temps de mettre tout le monde en sécurité et de trouver un autre studio »_, raconte le directeur de la station Toufaili


Andjilani. Malgré le déclenchement du plus haut niveau d’alerte et le confinement de la population, Mayotte la1ere parvient à diffuser des images en direct de l’extérieur. Une caméra est


placée sur le toit de la station située à Mamoudzou dans le quartier de Kawéni, l’un des plus grands bidonvilles de France. « DES CONDITIONS ENCORE TRÈS DÉGRADÉES » Après le passage ravageur


du cyclone Chido, de nombreuses zones du département se sont retrouvées sans couverture réseau, ni internet, ni électricité. Sur le terrain, les principaux opérateurs téléphoniques ont


déploré un réseau fixe et mobile presque entièrement inopérant. Si la chaîne locale continue de diffuser les dernières informations, peu d’habitants sont en mesure de les recevoir. _« 


Localement, on a vraiment travaillé dans le vide pendant deux, trois jours. Les antennes satellites sont tombées à cause du cyclone, donc ceux qui nous écoutaient étaient surtout des gens


hors de Mayotte, qui le pouvaient grâce à Internet »_, regrette Toufaili Andjilani. À l’intérieur de la station, Chido a laissé des traces._ « On travaille dans des conditions encore très


dégradées_, poursuit-il. _Toute une aile du bâtiment, dont la salle de rédaction, est totalement HS.__ Nos machines sont tombées en panne car elles surchauffaient sans climatisation »_. DES


JOURNALISTES SINISTRÉS À Mamoudzou, d’autres médias locaux sont également touchés : _« Encore aujourd’hui, on n’a toujours pas internet dans nos bureaux, et je n’en ai pas non plus chez moi 


»_, raconte Alexis Duclos, rédacteur en chef web de Mayotte Hebdo. Les journalistes du média travaillent depuis le domicile de l’un d’entre eux, épargné par le cyclone. Parmi les six


journalistes qui composent la rédaction web du journal, trois sont hors du chef-lieu Mamoudzou et toujours injoignables. « _On a quand même eu des nouvelles entre temps, une de nos


journalistes a été blessée à la jambe par une baie vitrée au passage du cyclone. Elle va sûrement être bientôt rapatriée_ », ajoute-t-il. > « LES PREMIERS JOURS, JE COMMENÇAIS PAR ENLEVER


 LES GRAVATS CHEZ > MOI AVANT D’ALLER TRAVAILLER » Les journalistes locaux sont bien souvent eux-mêmes sinistrés._ « J’ai perdu une partie de mon toît. Les premiers jours, je commençais


par enlever les gravats chez moi avant d’aller travailler »_, témoigne le rédacteur en chef. Toufaili Andjilani le confirme : _« Presque tous les journalistes de la rédaction ont perdu leur


toît ou vivent des situations compliquées dans leur famille »_. Le directeur salue « _l’engagement »_ de ses collègues : _« Les premiers jours, beaucoup se sont concentrés sur leur travail


de journaliste en laissant de côté leurs problèmes. Ils pensent que leur rôle est là, car le public a besoin d’informations et de relais »_. UNE PRESSE LOCALE OUBLIÉE Mais l’État n’a pas


facilité la collecte de ces informations. Dans l’édition du lundi 16 décembre, alors que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau débarque sur le sol mahorais, la rédaction de Mayotte


Hebdo signe un article intitulé _« Une visite ministérielle sans la presse mahoraise_ ». Elle y dénonce une non-invitation de la presse locale, qui empêche de répondre aux questions et


préoccupations des habitants, au profit « _d’images pour la presse nationale » _qui, elle, accompagne le ministre._ _ > _« ON A PARFOIS CE SENTIMENT D’ÊTRE DES MÉDIAS DE SECONDE > ZONE


 »_ _« On l’a également appris au dernier moment, quand les choses étaient déjà lancées »_, confirme Toufaili Andjilani. Le directeur de Mayotte la1ere se dit habitué : _« On a parfois ce


sentiment d’être des médias de seconde zone. Au niveau local nous sommes le premier média, mais pour certains sujets on ne nous donne aucune autorisation. Et quelques jours plus tard, on


peut voir TF1 ou France 2 réaliser ce même sujet. »_ LES RÉSEAUX SOCIAUX EN DERNIER RELAIS Face à toutes ces difficultés, l’information s’est concentrée sur les réseaux sociaux. Faute


d’ordinateur, perdu dans le cyclone, Alexis Duclos utilisait son téléphone portable pour faire des images et les partager sur les réseaux sociaux : _« c’était le seul moyen de faire mon


travail et partager ce qu’il se passait »_. De son côté, Mayotte la1ere a relancé son groupe Facebook « Tous concernés ! », lancé en décembre 2019 lors de la pandémie de Covid_,_ afin de


permettre à la population de communiquer pour avoir des nouvelles de leurs proches. Le groupe compte aujourd’hui plus de 14 000 membres, un chiffre _« multiplié par cinq en trois jours »_


selon Toufaili Andjilani. La chaîne a également diffusé des points en direct sur Facebook, que la population pouvait suivre dans les rares endroits où le réseau restait actif. Depuis le


passage du cyclone, une armada de journalistes nationaux est arrivée sur l’île. Sans hôtel ni logements, ces envoyés spéciaux ont trouvé refuge dans la station de Mayotte la1ere, qui héberge


_« presque toute la presse nationale et internationale »_, souligne son directeur. Sur place, les journalistes s’entraident, notamment pour trouver des fixeurs ou indiquer les lieux


accessibles :_ « Il y a une bonne collaboration »_, se réjouit Toufaili Andjilani. _« Malheureusement, à Mayotte, ils ne viennent que pour les crises_, pointe tout de même Alexis Duclos. _À


l’année, il n'y a pas de correspondants AFP, ni du Monde ici »._