Grâce à anobii, mondadori se positionne sur la lecture sociale

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Lancé à Hong Kong en 2006, aNobii tire son nom de l’_a__nobium punctatum _(ou vrillette)_, _une espèce d’insectes xylophages qui s’attaque notamment au bois des bibliothèques et creuse des


galeries à l’intérieur des livres. En anglais, ce latinisme est traduit par le mot « bookworm », une expression également employée pour désigner les lecteurs les plus avides.1 Un tel double


sens véhicule l’image d’un réseau qui se crée à travers la lecture et les activités menées par une multitude d’individus occupés à dévorer des livres. Comment l’idée du site est-elle née ?


Greg Sung, son fondateur, explique y avoir d’abord pensé parce qu’après avoir apprécié un livre, il désirait prendre connaissance des préférences littéraires d’autres personnes qui l’avaient


également apprécié. C’est pourquoi il s’est attelé à la construction d’« un outil qui permettrait de satisfaire cette curiosité ». Sur aNobii, les internautes peuvent interagir entre eux,


se constituer une bibliothèque virtuelle et partager leurs expériences de lecture. Déclinées en plusieurs langues, les fonctionnalités de prescription et de sociabilité littéraires


correspondent à ce que l’on retrouve sur d’autres plateformes apparues à peu près en même temps à travers le monde (Goodreads, Babelio, LibraryThing, Shelfari, etc.). En 2010, le groupe


britannique HMV, spécialisé dans la distribution de produits culturels, s’associe aux éditeurs Harper Collins, Penguin et Random House pour acquérir l’entreprise dont les locaux sont


déplacés à Londres. Selon Matteo Berlucchi, le directeur d’aNobii à l’époque, l’objectif est de rapprocher le réseau social de la commercialisation d’e-books, d’en faire une société de vente


au détail « sans vitrine », « où la boutique est le réseau ». L’investissement d’HMV est principalement destiné à soutenir le développement des activités numériques de son réseau de


librairies Waterstones, mais le groupe rencontre d’importantes difficultés économiques et doit se défaire d’actifs très rapidement. Après avoir vendu Waterstones à un fond d’investissement,


HMV cède finalement, en 2012, les parts d’aNobii qu’il détient. La chaîne de supermarchés Sainsbury’s se porte acquéreur pour un montant symbolique d’une livre sterling. L’entreprise possède


alors 64 % des parts du réseau et entend rattraper son retard sur Amazon et Tesco dans la distribution d’e-books. Au Royaume-Uni, cette opération s’inscrit dans un contexte où l’industrie


du supermarché connaît une progression spectaculaire de ses activités en ligne et tend à diversifier la gamme des produits commercialisés par l’intermédiaire de nouvelles infrastructures,


tout en cherchant à concurrencer les détaillants pure-players, uniquement positionnés sur Internet. La dernière étape intervient en mars 2014 : après avoir dissocié la librairie numérique du


service de réseau social, Sainsbury’s décide de se séparer du second au profit du géant de l’édition italienne Mondadori. Ce passage de témoin entre britanniques et italiens n’est pas


illogique puisque le site web, qui revendique un million d’utilisateurs à travers le monde, est surtout populaire en Italie où se trouve près du tiers de son audience. Le prix de la


transaction n’a pas été divulgué, mais l’ambition affichée par Mondadori est de relancer un site dont la perte de vitesse est liée aux cessions à répétition qui l’ont affecté depuis quatre


ans. Pour Ernesto Mauri, le directeur général du groupe, « l’acquisition d’aNobii renforce notre stratégie de développement pour les livres, et remplit parfaitement son objectif principal :


placer le lecteur au centre de nos préoccupations. » Une équipe d’une vingtaine de personnes a été constituée et placée sous la direction de Greg Sung, le fondateur du site, afin de porter


de nouveaux projets de développement . L’acquisition d’un réseau social dédié au livre marque une étape décisive dans la stratégie numérique de Mondadori. Peu de temps après avoir lancé une


liseuse électronique en partenariat avec Kobo , ainsi qu’un portail d’auto-publication dénommé Scrivo.me, l’entreprise milanaise consolide sa position à un moment où le livre numérique


apparaît dans le pays comme le seul secteur éditorial vraiment en progression. Pour un groupe d’édition, nul doute que l’intérêt de disposer d’une telle plateforme tient dans les multiples


possibilités d’entretenir une communication privilégiée avec le lectorat et de développer des passerelles entre prescription numérique et activités éditoriales. Un an après le rachat de


Goodreads par Amazon, l’opération menée par Mondadori montre une nouvelle fois l’importance croissante que les entreprises du monde du livre accordent aux communautés de lecteurs en ligne.


-- Crédit photo : Andrew Mason / Flickr * 1L’équivalent français le plus proche serait l’expression « rat de bibliothèque ».