
- Select a language for the TTS:
- French Female
- French Male
- French Canadian Female
- French Canadian Male
- Language selected: (auto detect) - FR
Play all audios:
Les bureaux du journal français Le Monde, en mars 2013. © Crédits photo : Miguel Medina / AFP. _Le Monde_ sera prochainement le premier média français à s'appuyer sur le service
d’abonnement via Google, « Subscribe with Google ». Mais cette relation entre éditeur et géant du numérique profite-t-elle de façon équitable aux deux parties ? Alan Ouakrat Publié le 11
février 2020 Simplifier la prise d’abonnement en ligne. C’est ce qu’espère _Le Monde_ en « s’adossant » à Google, comme il l’a annoncé en février. Le service, appelé « Subscribe with Google
», fait partie de la Google News Initiative, proposé par la firme de Mountain View. Concrètement, cette fonctionnalité est un « moyen simplifié de créer un compte sur un média en ligne et de
s’y abonner », comme l’écrivait Frandroid lors du lancement en 2018, et devrait également offrir une visibilité accrue sur le moteur de recherche. Solution de paiement et d’identification,
le service prélève une commission d’intermédiation : d’après mind Media, 5 % pour un abonnement pris à partir du web et 15 % à partir d’une application mobile. Un écart qui témoigne de
l’essor du mobile comme principal relais de croissance de l’économie numérique et lieu de concentration d’une grande partie de nos usages quotidiens. Cette annonce s’inscrit dans un contexte
où les deux principaux acteurs du mobile, Apple et Google, étendent leurs activités vers les moyens de paiement avec Apple Pay et Google Pay, qui visent, une fois les coordonnées bancaires
de l’utilisateur enregistrées, à concurrencer la carte bancaire comme moyen de paiement. Dans le même temps, les médias en ligne, poussés par les réglementations en cours dans le domaine de
la publicité numérique (ePrivacy notamment) qui menacent le cookie tiers, se dirigent vers des systèmes d’identification centralisés. Cela leur permet de garder la trace des utilisateurs sur
un périmètre élargi de sites, à l’image de ce qu’on fait six éditeurs français récemment avec le Pass Media. AMÉLIORER LA SEGMENTATION DES OFFRES COMMERCIALES Pour les utilisateurs, le
principal attrait de cette nouvelle fonctionnalité de Google repose sur la fluidité du processus de paiement et de désabonnement, gérés via le magasin d’applications PlayStore. Il suffit en
effet d’enregistrer ses coordonnées bancaires une seule fois pour bénéficier de fonctionnalités développées par les différents groupes d’acteurs (annonceurs, développeurs, éditeurs,
utilisateurs) réunis autour de ce point de passage obligé qui centralise les échanges. À travers cette nouvelle solution, les internautes ayant créé un profil sur le site web d’un éditeur
(ici lemonde.fr) peuvent facilement s’abonner via un bouton intégré aux pages. L’idée consiste à opérer une meilleure segmentation des offres commerciales d’abonnement en les adaptant au
profil de l’utilisateur. Une dynamique dans laquelle les principaux éditeurs sont engagés. L’abonnement apparaît ainsi comme un moyen de s’émanciper de la dépendance aux revenus
publicitaires qui profitent essentiellement au duopole Google et Facebook. _Le Monde_ compte aujourd’hui 230 000 abonnés en ligne. L’objectif posé par le président de son directoire Louis
Dreyfus est très ambitieux, puisqu’il table sur un million d’abonnés en 2025. Il s’agit donc de multiplier ce nombre, mais aussi, parallèlement, d’augmenter le chiffre d’affaires moyen par
utilisateur (Arpu pour _average revenue per user_). À cette fin, les nouvelles technologies pourraient être d’un utile secours dans la segmentation des prospects et des clients. En effet,
les données accumulées sur les profils de millions d’utilisateurs participeraient à repérer celles et ceux susceptibles de s’abonner, proposant une discrimination tarifaire fine pour adapter
le tarif selon le consentement-à-payer des utilisateurs. Déjà testée par une cinquantaine de médias dans le monde (dont le _Financial Times_, le _Guardian_ ou le _Corriere della Serra_), «
Subscribe with Google » aurait permis à deux éditeurs majeurs de connaître une croissance de leurs abonnés de 30 % supérieure à celle obtenue par leurs propres moyens, aux dires de Christian
Heise, en charge des partenariaux mondiaux au sein de Google, cité par What’s New In Publishing. UNE RELATION VRAIMENT ÉQUITABLE ? L’action de Google ne se limite néanmoins pas à une
philanthropie dans le domaine des médias numériques. Les relations avec les plateformes se jouent à plusieurs niveaux. L’abonnement numérique est un nouveau terrain sur lequel s’engagent les
éditeurs sans être complètement au contrôle de ce type d’expérimentation. Google pourrait se comporter de façon opportuniste et se servir de cette nouvelle connaissance sur les publics,
leur consentement à payer, pour ajuster ses offres, améliorer sa capacité de segmentation client, leur proposer ensuite des offres concurrentes, voire mettre en compétition les acteurs de la
presse dans un même service. Il pourrait aussi se servir de ces informations pour lancer un service dédié à l’abonnement à la presse, un kiosque ou une application payante qui
fonctionnerait sur un modèle d’offre groupée (_bundle_) si un certain nombre d’éditeurs étaient prêts à le suivre. La firme de Mountain View affirme qu’elle partagera avec les éditeurs les
données clients collectées. Fort bien, mais il convient aussi de tenir compte du pouvoir de marché et de l’avance que possède la plateforme dans le traitement des données utilisateurs. Les
partenaires étant aussi concurrents, on peut donc se demander si ce service contribuera à apaiser les relations entre les médias et les plateformes et s’interroger sur qui en sera le
principal bénéficiaire. 300 MILLIONS D’EUROS POUR LE GOOGLE NEWS INITIATIVE À l’instar du Fonds pour l’innovation numérique de la presse (Finp), actif de 2013 à 2016 en France et doté de 60
millions d’euros pour trois ans, le financement de la Digital News Initiative (DNI), lancée en 2015 avec 150 millions d’euros de fonds, est combiné à une assistance technologique. Google
s’est ainsi donné comme « mission » avec la DNI d’aider les médias européens à monétiser d’un point de vue publicitaire l’audience qu’il leur apporte, et, désormais, en transformant ces
publics en abonnés. L’initiative s’inscrit dans le cadre de la Google News Initiative et s’articule autour de trois axes : le développement de produits, le soutien à l’innovation ainsi que
la formation et la recherche. En mars 2018, Google a lancé un projet plus large et qui prend le relais de la DNI : la Google News Initiative, dotée de 300 millions d’euros que le géant de
l’Internet prévoit d’investir sur trois ans. Outre « Subscribe with Google », il propose la création d’une rubrique « Top news » et un « Disinfo Lab » pour lutter contre la désinformation
lors des campagnes électorales.