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Elon Musk a fait de son fils X son_ « accessoire de mignonnerie », _selon ses mots. Ici aux côtés de Donald Trump, dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, le 11 février 2025. © Crédits
photo : Jim Watson/AFP Au moins 11 enfants ? Au moins 12 ? Voire 14 ? S’y retrouver dans la descendance protéiforme du milliardaire-entrepreneur est un challenge pour les journalistes.
Guillemette Faure Publié le 16 mars 2025 Il y a quelques semaines, alors que je terminais une chronique pour _M le magazine du Monde_ sur la présence d’un enfant de quatre ans sur les
épaules d’Elon Musk dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, une éditrice du journal m’a envoyé un texto. _« Musk a 12 ou 11 enfants ? » _Écrire sur Elon Musk, c’est se donner le droit
d’être imprécis quant à sa progéniture. Dans un article d’octobre 2024 du _New York Times_, on lisait « au moins 11 », dans un autre de _Businessweek__ _« au moins 12 » (pour quelle autre
personnalité, le nombre d’enfants commence par « au moins ? ») tandis que le _Washington Post_ parlait en février de _« 12 enfants reconnus publiquement »_. Qui peut imaginer, alors que le
milliardaire conseiller du gouvernement américain apparaît tous les jours sur nos écrans depuis l’investiture de Donald Trump, que la réponse à cette question soit si difficile à trancher ?
Pour ceux qui ont raté le début, Musk a eu six enfants avec sa femme, l’écrivaine Justine Wilson (dont un décédé à dix semaines), trois avec l’artiste Grimes, quatre avec Shivon Zilis,
dirigeante d’une de ses entreprises, et peut-être un dont l’attribution fait pour le moment l’objet de discussions d’avocats et de tweets d’influenceuses trumpistes. Les enfants de Justine
Wilson sont tous majeurs, les sept ou huit suivants ont moins de six ans. Notons aussi que Grimes, Zilis et Wilson sont toutes trois canadiennes, ce qui lui donne un temps d’avance sur
l’annexion de ce que Donald Trump convoite comme 51e État. OVNI On pourrait dire que son nombre de rejetons ne regarde que lui (et les_ « bataillons de nannies », _selon l’expression de son
ex, l’actrice Talulah Riley) et ce sont probablement les réticences à exposer la vie privée — et plus particulièrement celle d’enfants qui n’ont rien demandé — qui expliquent la gêne des
médias à aborder cet ovni : un milliardaire au nombre d’enfants indéfini, quasiment tous conçus par procréation assistée, certains nés de mères différentes à un mois d’écart, qui encourage à
la fois à faire le plus d’enfants possible et à passer 120 heures par semaine au travail, qui admet avoir basculé politiquement après le changement de genre d’un de ses enfants, a fait des
enfants avec la dirigeante d’une de ses entreprises, et ne se déplace pas sans l’un d’eux sur ses épaules… _« Musk a évidemment droit à ses obsessions. Le problème, c’est que maintenant
qu’il est le meilleur ami de Donald Trump, il a la possibilité d’intégrer ses obsessions dans des politiques »_, note l’éditorialiste du _Guardian_ Arwa Mahdawi. Est-ce l’effet des tornades
quotidiennes de l’actualité ? Les médias traditionnels évoquent peu ce que le _New York Times_ appelle pudiquement _« une situation familiale peu conventionnelle »_. Quant aux chroniqueurs
conservateurs qui se sont indignés à l’idée que Volodymyr Zelensky soit entré à la Maison-Blanche sans cravate, ils n’ont pas été gênés par Lil X y essuyant ses crottes de nez. L’aile
traditionnelle du gouvernement, comme ceux qui ne parlent que de retour aux valeurs traditionnelles face au wokisme, ne semblent pas avoir de problème de cohabitation avec ce père qui se
démultiplie. Ashley St. Clair qui demande en justice la reconnaissance de paternité est au mieux ignorée, au pire traitée par la trumposphère en opportuniste. La conception de la famille de
Musk s’ajoute à ses pittoresques excentricités. Comme l’a dit Trump, _« lui seul peut s’en sortir en appelant son fils X »_. Il n’y a eu qu’Erdogan pour demander, candide, à Musk, venu le
voir avec le gamin dans les bras : _« Où est votre femme ? »_ « PERSONAL BRANDING » X est donc le plus visible, son_ « accessoire de mignonnerie » _selon ses mots, celui qui a arpenté les
usines de Tesla, été éclaboussé de fluide hydraulique sur le pas de tir de SpaceX, joué aux cubes dans la salle de réunion où Musk et ses mousquetaires décidaient des plans de licenciements
de Twitter, est arrivé sur les épaules de son père à la fête de l’extrême droite italienne… Les jumeaux qu’il a eus avec Shivon Sillis ont rencontré le Premier ministre indien Modi quand
ceux conçus avec sa première femme sont venus à la sonnerie de la cloche du Nasdaq pour l’entrée en bourse de Tesla. À en croire la biographie de Walter Isaacson (_Elon Musk_, Fayard, 2023),
il semble que ce soit après que leur père a tweeté une photo d’eux avec le pape que les aînés ont insisté pour rester hors de son fil Twitter. Malgré cette parade parentale, le décompte des
enfants d’Elon Musk dans les médias s’est souvent fait au hasard des découvertes de journalistes. En 2022, la journaliste Devin Gordon interviewe la chanteuse Grimes pour _Vanity Fair_
quand elle croit entendre un bruit. Puis, plus nettement : _« Des cris multiples et sans équivoque. J’ai deux enfants. C’est un bébé »_, reconnaît la journaliste. _« Et je peux dire à
l’expression figée du visage de mon hôte qu’elle l’a entendu, elle aussi. Je me prépare donc à poser la question la plus étrange de ma carrière : _“Avez-vous un autre bébé dans votre vie,
Grimes ?” _», _écrit-elle. L’artiste commence par lui répondre qu’elle n’a pas la liberté d’en parler. _« Je propose que nous nous arrêtions un instant pour discuter de l’éthique
professionnelle surréaliste en jeu, à savoir que je ne peux pas faire semblant de ne pas savoir qu’elle a un bébé secret avec l’homme le plus riche du monde qui se cache à l’étage… »_ Dans
la suite de l’article, on apprend que le bébé s’appelle Y (de son vrai nom Exa Dark Sideræl), qu’il s’agit bien de la petite sœur de X (de son vrai nom X Æ A-Xii), ce qui, au passage,
soulève d’autres questions pour les journalistes qui évoquent la descendance de Musk : doivent-ils utiliser les noms donnés ou les surnoms (Techno Mechanicus ou Tau ?). Doit-on en donner les
explications ? Par exemple _« Tau comme la lettre grecque qui représente deux fois le nombre pi, soit 6,28 en référence au 28 juin, la date de naissance de Musk » _? On n’écrit pas sur la
famille d’Elon Musk, me suggérait une consœur, parce qu’une fois qu’on a écrit leurs prénoms et qu’on en a donné l’explication, on n’a plus de place pour le reste. Mais quand on sait que
Mark Zuckerberg, le patron de Meta, a donné à ses trois filles les prénoms de trois empereurs romains, les prénoms des rejetons des patrons milliardaires finissent par faire partie de leur
personal branding, de leurs obsessions, multiplanétaristes pour l’un, impériales pour l’autre. DÉSORDRE _Business Insider_ a contribué à l’actualisation du décompte des enfants de Musk en
révélant l’existence des jumeaux Struder Sehar Sirius et Azure Astra Alice que le milliardaire avait conçus avec Shivon Zilis. Le journaliste Walter Isaacson s’est chargé dans sa biographie
de celle de Techno Mechanicus, le troisième de Grimes né peu après. Et l’hebdomadaire _Businessweek_ y a ajouté le troisième enfant de Musk avec Shivon Zilis._ « Ne pas avoir fait de
communiqué de presse, ce qui aurait été bizarre, ne veut pas dire que c’était un secret »_, a réagi Elon Musk auprès du _New York Post_ qui lui en demandait la confirmation. Pas un secret,
mais il semble pour autant que même au sein de la famille, l’information ne circule pas toujours bien. _« Si je gagnais une pièce à chaque fois que je découvre en ligne que j’ai un nouveau
demi-frère ou une nouvelle demi-sœur, j’aurais quelques pièces »_, écrivait Vivian Wilson, la fille aînée de Musk, 20 ans, se souvenant avoir appris l’existence d’un fils de son père sur un
forum Reddit. Le 28 février dernier, après le tweet de Zillis annonçant l’existence d’un Seldon Lycurgus, elle a ajouté _« sept »_. C’est la transition de genre de Vivian, admet Elon Musk,
qui a nourri son obsession antiwoke, déclenchant sa radicalisation politique. _« J’ai perdu mon fils »_, dira-t-il en interview avec Jordan Peterson, psychologue conservateur, _« et je me
suis juré de détruire le virus woke après ça »_. Après cet entretien, Vivian Wilson (elle a pris le patronyme de sa mère en 2022) s’est autorisé à donner à NBC sa version de ce père de
famille qui lui a demandé dès 9 ans de ne pas parler avec une voix trop aiguë. C’était au cours d’un road trip,_ « je ne savais pas que c’était une publicité pour [une voiture] »_. Sur les
réseaux sociaux autres que X, Vivian pointe régulièrement le décalage entre l’image de bon père de famille que veut se donner Musk et la réalité du désordre de la construction familiale.
Elle force à peine le trait sur le fouillis. L’épisode le plus rocambolesque tient au calendrier des naissances de la fille de Grimes et des jumeaux de Shivon Zilis. Selon la biographie de
Walter Isaacson, le milliardaire avait proposé à Shivon Zilis, cadre dirigeante d’une de ses entreprises et célibataire, d’être son donneur, mais sans en avertir Grimes avec qui il allait
simultanément avoir un deuxième enfant par mère porteuse. Un compartimentage parfait alors que la grossesse de Zilis était suivie dans la maternité d’Austin au Texas où à quelques chambres
de là, une mère porteuse l’était aussi, avant de donner naissance un mois plus tard à la fille de Musk et Grimes. Détail digne de la presse people du futur révélé par le _New York Times_ à
l’occasion d’un article au prétexte immobilier (_« Elon Musk a acheté une propriété au Texas pour ses 11 enfants »_), _« M. Musk a pris le nom que Mme Boucher [Grimes] et lui avaient choisi
pour leur fille — Valkyrie — et l’a donné à l’une des jumelles de Mme Zilis […]. Mme Boucher a été tellement offensée qu’elle a écrit une chanson sur cet épisode, qu’elle a postée sur
Twitter. » _On apprend dans la suite de l’article que les deux femmes ont finalement changé les prénoms de leur fille et plus personne ne s’appelle Valkyrie. > _« Il veut vraiment que les
gens intelligents aient des > enfants »_ Shivon Zilis, qui a travaillé sur des projets d’intelligence artificielle de trois des entreprises d’Elon Musk, est alors directrice des
opérations de Neuralink. Voilà qui peut faire désordre dans un pays où les relations entre employés quand il y a lien hiérarchique sont interdites._ « Musk teste les limites de la
gouvernance d’entreprise en ayant des enfants avec une adjointe »_, titre alors Reuters. L’agence de presse explique avoir consulté le manuel des employés, qui interdit « relations
personnelles » et « amitiés personnelles étroites » entre les employés ayant une relation de supervision directe, afin d’éviter tout conflit d’intérêts._ « Mais les faits présentés par la
relation entre Musk et Zilis sont si inhabituels que les experts en gouvernance d’entreprise qui ont analysé le règlement […] ont exprimé des opinions divergentes quant à savoir s’ils
pensaient que l’entrepreneur l’avait enfreint en ayant des enfants avec sa subordonnée par FIV. »_ Shivon Zilis assure à Isaacson qu’elle était partie pour avoir un enfant seule avec donneur
quand Elon Musk s’est proposé de la dépanner. _« Il veut vraiment que les gens intelligents aient des enfants, alors il m’a encouragée à le faire_, explique-t-elle. _Si le choix est entre
un donneur de sperme anonyme ou la personne que vous admirez le plus au monde, pour moi c’était une décision facile à prendre. Je ne peux pas imaginer de meilleurs gènes pour mes enfants. »_
HOMME AUGMENTÉ ET SUPERBABIES Des quatorze enfants reconnus d’Elon Musk et connus du grand public, douze ont été conçus par FIV, dont plusieurs par mère porteuse._ « M. Musk a déclaré que
la fécondation in vitro était un moyen plus efficace d’avoir des enfants car il permet aux parents de contrôler certaines parties du processus, selon une personne qui comprend sa pensée »_,
écrivait le _New York Times, _qui ne précise pas jusqu’où va le contrôle du processus, à une période où homme augmenté et superbabies font partie de l’idéologie ambiante. L’article
mentionnait au passage que le milliardaire avait aussi déjà proposé ses gamètes _« à des amis et connaissances, dont l’ancienne candidate indépendante à la vice-présidence Nicole Shanahan
»_. Quatre mois plutôt, au détour d’un article du _Wall Street Journal_ titré _« Les relations floues d'Elon Musk avec les femmes de SpaceX »_, ses lecteurs apprenaient qu’une femme
ayant quitté l’entreprise en 2013 avait affirmé lors de ses négociations de départ que M. Musk lui avait proposé de porter ses enfants. _« Je fais de mon mieux pour aider à résoudre la crise
de sous-population, _avait réagi Musk sur sa plateforme quand l’existence de ses jumeaux avec Shivon Zilis avait été révélée. _L’effondrement du taux de natalité est de loin le plus grand
danger auquel la civilisation est confrontée. »_ Quand il a confirmé au _New York Post_, l’existence de leur troisième enfant, la journaliste a précisé que _« Musk nous a également envoyé un
lien vers des statistiques sur les taux de fécondité de la Banque mondiale »._ LE PRONATALISME, SA CAUSE _Businessweek_ observe que le pronatalisme est l’une des rares causes que Musk
défend _« avec son argent [avec des dons à des groupes de recherche natalistes] comme avec ses messages »_. L’hebdomadaire aurait pu ajouter_ « et avec son sperme », _car se dessine en
filigrane le portrait d’un homme qui a entrepris de repeupler le monde seul à coups de tubes à essai. En 2022, pour railler un fabricant de véhicules concurrent, Elon Musk s’était moqué
ainsi :_ « J’ai eu plus d’enfants qu’ils n’ont produit de voitures au deuxième trimestre. »_ Autant en rire. De fait, pendant que les médias cherchent la bonne distance pour couvrir cette
paternité vertigineuse, les plus à l’aise sont les humoristes. De Jimmy Fallon venu présenter son talk show un enfant sur les épaules ou organisant un quiz sur les prénoms des enfants de
Musk au Borowitz Report se moquant des imprécisions du Doge : _« Qualifiant cela de “petite erreur mathématique”, le Département de l’efficacité gouvernementale (Doge) a révélé vendredi
qu’il avait surestimé le nombre d’enfants d’Elon Musk à 13 milliards au lieu de 13. »_ À la publication de l’article du _New York Times _qui, au prétexte de parler de son projet immobilier,
racontait sa descendance et ses propositions de gamètes à son entourage, Elon Musk a nié acheter un _« compound » _et avoir proposé de donner son sperme à un couple rencontré dans un dîner.
Il en a aussi profité pour glisser qu’il n’était pas abonné au _New York Times_. Le milliardaire sans filtres sur tant de sujets a fermé l’accès à ce qu’il faisait de ses gamètes. La plupart
des articles sur les minimusks s’appuient sur la biographie de Walter Isaacson. Au point que Grimes a déjà interpellé le journaliste biographe sur Twitter pour régler ses conflits de garde
d’enfants avec leur père (_« Dites à Shivon de me débloquer et à Elon de me laisser voir mon fils ou de répondre à mon avocat »_). UNE URGENCE MÉDICALE Dans sa croisade violente contre les
médias traditionnels dont il promet la fin, Elon Musk en appelle régulièrement aux utilisateurs de sa plateforme X, _« you’re the media »_, vous êtes les médias ! Pour sa vie privée, c’est
en partie vrai. La plateforme reste la scène des grands déballages à coups de tweets — aussitôt publiés, aussitôt dépubliés. C’est sur X encore que Grimes relève après la conférence de
presse dans le bureau ovale que Lil’X n’avait rien à faire là. C’est sur X qu’elle a posté quelques jours plus tard_ : « Désolée d’en arriver là mais j’ai besoin qu’Elon me contacte pour une
urgence médicale concernant notre enfant… »_ C’est toujours sur la plateforme que l’influenceuse trumpiste Ashley St. Clair révélait, à l’occasion de la Saint-Valentin, être la mère depuis
cinq mois d’un autre enfant du milliardaire. Deux semaines plus tard, Shivon Zelis, annonçait l’existence d’un quatrième enfant et le prénom du troisième._ « Nous en avons discuté avec Elon
et, à la lumière de l’anniversaire de la belle Arcadia, nous avons pensé qu’il était préférable de parler directement de notre merveilleux et incroyable fils Seldon Lycurgus. »_ Elon Musk a
raison. _« You’re the media. »_