Élections en séries (TV) | la revue des médias

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MÉDIAS ET ÉLECTIONS, PIÈGE À COMM’ - ÉPISODE 9/10 Nombre de séries télévisées nous immergent dans le quotidien de professionnels de la politique, notamment au moment de la compétition


électorale. Ces fictions nous captivent par les relations entre fond, forme et format qu’elles adoptent, mais que nous disent-elles du champ politique ? Antoine Faure Publié le 27 janvier


2017 De nombreuses séries télévisées mettent en scène les professionnels de la politique, les campagnes électorales, le fonctionnement des institutions et les coulisses du champ politique.


Entre intentions réalistes et ouvertures fictionnelles, existe-t-il un discours des séries télévisées sur ces moments de haute intensité électorale ? Si oui, que nous apprend-il ?


ESTHÉTIQUES NARRATIVES : ENTRE RÉALISME ET FICTION Francis Laugier, candidat socialiste aux élections présidentielles, rejoint Philippe Rickwaert, député du Nord, sur le toit d’un immeuble


parisien. Devant l’Arche de la Défense, symbole de pouvoir au second plan, les deux hommes discutent du prochain débat télévisé. Pour Laugier, c’est du poker : « Des centaines de milliers de


kilomètres parcourus. (...) Et tout jouer en un coup. Tapis ! » La discussion est cruciale, le jeu de champ / contre-champ de la caméra le montre. La scène représente la politique du coup,


en l’occurrence le coup ultime dans la conquête de l’Élysée. Elle énonce aussi une représentation de la fonction présidentielle, dans la bouche de Rickwaert : « Ce que veulent les gens,


c’est un patron ! ». Par cette scène d’ouverture de la série télévisée française _Baron Noir_, le spectateur entre de plain-pied dans la représentation de l’élite politique en temps de


campagne présidentielle. C’est sûrement l’une des tendances les plus remarquables des séries télévisées : elles proposent des images du champ politique, au sens de Pierre Bourdieu. Elles


mettent en scène les professionnels de la politique, leurs pratiques, les règles du jeu, la compétition électorale, le capital octroyé par les fonctions, la rhétorique, le rapport aux


médias, les coulisses... Les exemples sont multiples. Par souci de clarté, nous utilisons ici des cas dans lesquelles les séquences électorales sont centrales : _Baron Noir_ (Canal +, 2015),


_Show Me A Hero_ (HBO, 2015) et _The Wire _(HBO, 2000-2006), tout en convoquant la littérature sur _House of Cards_ (Netflix, 2013), _Borgen_ (DR-1, 2010-2013) et _The West Wing _(NBC,


1999-2006). Ces fictions proposent des situations reconnaissables, que ce soit par les lieux (la mairie, la résidence des dirigeants...), les références (le nom des partis, les médias...),


les personnages (le secrétaire général ou le chef de cabinet) et font des « clins d’œil » à des événements identifiables par les spectateurs. Ce cadre de référence a aussi pour fonction de


simplifier le champ politique et d’en condenser les relations de force, selon les besoins de la narration. > En montrant différents types de campagnes dans un jeu narratif > entre 


réalisme et fiction, les séries sur la politique donnent des > clés de lecture du champ politique, tout en ouvrant des > alternatives. Pour comprendre comment la politique est montrée


dans les séries télévisées, nous nous appuyons sur la notion « d’esthétiques narratives », développée avec Emmanuel Taïeb, qui questionne les relations entre fond, forme et format des


séries. En montrant différents types de campagnes électorales (internes aux partis, primaires, municipales, législatives et présidentielles) dans un jeu narratif entre réalisme et fiction,


les séries sur la politique donnent des clés de lecture du champ politique, tout en ouvrant des alternatives. PLAN SERRÉ SUR LES PROFESSIONNELS DE LA POLITIQUE Ce sont avant tout les


professionnels de la politique qui ont attiré les regards de la caméra, les personnes qui vivent de la politique – selon la fameuse distinction de Max Weber entre vivre _de_ et vivre _pour_


la politique. Rien de très étonnant, d’ailleurs : filmer la profession est un angle scénaristique commun dans les série télévisées (policiers, médecins, avocats, publicitaires...). Les


_dramas_ privilégient le personnel qui se trouve en haut de la pyramide, que ce soit au niveau national (_Borgen_, _House of Cards, The West Wing_) comme au niveau local (_The Wire, Show Me


A Hero_) ou dans le jeu entre les deux échelles (_Baron Noir_), ou encore lorsqu’il s’agit de mettre en scène les premiers pas d’une femme politique (et de poser la question du genre en


politique, comme dans _Borgen_ au Danemark mais aussi _Commander in Chief_ ou _L’État de Grâce_ en France). On retrouve, d’ailleurs, une technique filmique classique pour mettre en scène ces


fonctions : le plan en contre-plongée sur les dirigeants, comme pour mieux montrer leur autorité. Mais il serait réducteur de ne voir que ces marques de puissance. Le jeu du champ /


contre-champ agrémente souvent les discussions entre les figures centrales et leurs conseillers. C’est dans ce cadre filmique que l’on peut noter l’opposition récurrente entre les différents


types de _cursus honorum_ : les militants à la trajectoire ascendante et les technocrates à l’implantation descendante (dans le cas de _Baron Noir_, le militant Rickwaert face à l’énarque


Amélie Dorendeu). Mais, c’est surtout l’hybridation entre notables et technocrates qui attire l’attention. La figure du _manager_ est ici utile pour comprendre la représentation du


professionnel de la politique : il gère les équipes et maîtrise les comptes de campagne, tout en jouant sur son capital social et son implantation locale qui lui permettent de pérenniser sa


domination. C’est le sens du titre de la série française, _Baron Noir_, qui montre l’influence durable d’un professionnel de la politique aux traits de notable. Cette immersion dans le


quotidien des professionnels de la politique les plus hauts placés montre que les personnages sont entièrement dédiés à leur activité. C’est non seulement leur travail à plein temps et


rémunéré, mais aussi leur passion. Leurs affects passent au second plan face à la mission publique, à moins que leur famille ne soit elle-même directement engagée dans la vie politique du


personnage. À peine connaît-on la femme et les enfants de Tommy Carcetti, maire de Baltimore (dont on suit la campagne entre les saisons 3 et 4 de _The Wire_). La fille de Rickwaert est très


présente (_Baron Noir_), mais sous le jour de la politique : elle refuse de vivre chez sa mère, en couple avec un sympathisant de droite, et elle milite au sein de la section de Dunkerque


du PS. Dans _House of Cards_, Claire Underwood intervient quotidiennement dans la carrière de son mari, Franck Underwood, héros de la série et vice-président des États-Unis dans la saison 2.


Dans _Borgen_, la Première ministre paie au contraire de sa vie conjugale son engagement public. Paradoxalement, c’est justement lors de scènes qui semblent relativement faibles d’un point


de vue narratif, qu’émotions, sentiments et liens familiaux resurgissent et provoquent bon nombre de décisions politiquement fortes. On retrouve ici un principe relativement classique des


drames et mélodrames. > La notion de carrière est au centre des séries télévisées > traitant du champ politique. La plupart des personnages aspirent > sans cesse à gravir une marche


 supplémentaire. Ainsi, la notion de carrière est au centre des séries télévisées traitant du champ politique. La plupart des personnages aspirent sans cesse à gravir une marche


supplémentaire, comme le montre très bien Carcetti (_The Wire_) : à peine élu à la mairie de Baltimore, il pense déjà à briguer le siège de gouverneur du Maryland. Dans les séries, les


professionnels de la politique sont donc totalement dédiés à l’entreprise de conquête des suffrages. Mais c’est un premier arc de tension entre réalisme et fiction : les séries représentent


avant tout la personnalisation de la vie politique. FONDU ENCHAÎNÉ SUR LES SAVOIR-FAIRE POLITIQUES Ces séries montrent des carrières où le savoir-faire politique implique la maîtrise de tout


ce qui permet de conquérir une fonction, de l’exercer et d’y rester. Il y a des codes précis de comportement exposés de façon pédagogique : ainsi, l’interdiction d’entrer dans l’hémicycle


de l’Assemblée nationale sans porter de cravate (même si Rickwaert trouve d’autres stratagèmes pour adapter son _hexis corporelle_ aux catégories qu’il veut représenter et incarner, comme


lorsqu’il entre au Palais Bourbon en bleu de travail) ou encore le choix policé des mots dans le passage des coulisses à la scène publique. On voit, dans les séries, comment les


professionnels de la politique travaillent à maîtriser leurs gestes et leurs paroles. > Une minute, c’est le temps qu’il faut pour t’habituer aux > projecteurs. Là, tu baisses la tête 


et tu verras ton texte. Et > après tu les embarques, tu reviens sur rien, tu t’excuses de > rien. Tu les méprises tous, tu vas les scotcher. T’es la boss. Prendre la parole semble,


d’ailleurs, une des compétences majeures du personnel politique. À travers une campagne pour prendre la tête du PS, _Baron Noir_ le révèle bien. Dans la scène finale du troisième épisode,


Rickwaert, alors ennemi politique de Dorendeu, la « coache » sur sa prise de parole lors du congrès. À l’écran, le député avance vers celle avec qui il veut désormais s’allier. La caméra


passe d’un plan large à un plan rapproché poitrine, et pousse le spectateur à se focaliser sur les intentions du personnage. Après un jeu de champ / contre-champ, la caméra se fixe sur


Dorendeu, médusée : « c’est le début qui est dur » assène Rickwaert. Puis la caméra se fixe sur le député et valide sa _maestria_ : « Quand tu te poses au pupitre. Les lumières ça t’aveugle.


Tu vois rien, tu vois même pas ton texte. Mais tu t’en fous, t’as pas besoin de voir ton texte. T’as besoin d’voir un visage en face de toi, un visage dans la salle, à peu près au niveau du


dixième rang. Tu le fixes, tu le lâches pas ». Sans changer d’échelle, la caméra montre le visage de Dorendeu, littéralement aspirée. L’image revient sur Rickwaert : « Tu parles qu’à lui,


tu t’en fous des caméras, tu t’en fous, tu regardes pas les côtés, tu regardes pas les feuilles. Tu fais ça pendant une minute, pendant que tout le monde braille encore. Une minute, c’est le


temps qu’il faut pour t’habituer aux projecteurs. Là, tu baisses la tête et tu verras ton texte. Et après tu les embarques, tu reviens sur rien, tu t’excuses de rien. Tu les méprises tous,


tu vas les scotcher. T’es la boss. Avec ta p’tite tête de méchante, là ! ». La scène continue jusqu’à l’entrée en scène triomphale de l’énarque, dont la séquence confirme les consignes de


Rickwaert. La gestion du temps est aussi essentielle, du fait du rythme soutenu de l’activité politique. Une des qualités premières des personnages réside dans leur réactivité, du fait


d’agendas extrêmement chargés, de l’urgence des décisions comme des pressions d’un jeu hypercompétitif. Un oubli ou une lenteur peuvent avoir des conséquences dramatiques, pas seulement sur


le gouvernement mais, surtout, sur leurs carrières. Les injonctions de Laugier doivent, par exemple, être suivies « maintenant » et « tout de suite » (_Baron Noir_). Tout se fait sur le


moment, ce qui montre en permanence de possibles fenêtres d’opportunité politique. « Avoir le coup d’œil » pour reprendre l’expression de Weber. Apparaît un second arc de tension entre


réalisme et fiction : l’héroïsation du personnel politique. Si _showrunners,_ réalisateurs et scénaristes cherchent à montrer en quoi consiste le métier de politique, on a avant tout affaire


à des personnages surhumains, infatigables (ils ne dorment pas), omniscients et dotés d’un don d’ubiquité. TRAVELLING ARRIÈRE : DE L’ORDINAIRE DU PARTI À L’EXTRAORDINAIRE DES CAMPAGNES


ÉLECTORALES > Dans les séries, les héros de la politique passent plus de temps > dans les joutes de parti qu’à défendre une idéologie. Dans les séries, les héros de la politique


passent plus de temps dans les joutes de parti qu’à défendre une idéologie. On le voit dans les nombreuses représentations des primaires américaines et, maintenant, françaises. Le parti est


représenté comme l’espace de sociabilité politique par excellence, là où tout se passe. La lutte fratricide prévaut sur le conflit avec les adversaires. Candidat blanc à la mairie de


Baltimore, Carcetti pousse un candidat démocrate noir à se présenter aux primaires contre le maire noir sortant pour mieux diviser les votes et s’imposer (_The Wire_). Sans même voter pour


Laugier, Rickwaert se lance dans une lutte sans merci avec le président de la République, tout en s’alliant avec ses adversaires en interne (_Baron Noir_). Sans parler de la vengeance du


vice-président Underwood contre son président (_House of Cards_). La compétition électorale entre coalitions n’est toutefois pas en reste. Les séries télévisées font alors preuve de


pédagogie, en détaillant les pratiques électorales. Pour ne prendre qu’un seul exemple, on voit à la charnière du premier épisode de _Show Me A Hero_, la mise en scène d’une campagne


municipale à Yonkers (qui a réellement eu lieu), sur fond de polarisation autour d’une politique publique du logement visant à plus de mixité ethnique (projet fédéral imposé par les


tribunaux à la fin des années 1980). Les scènes se focalisent sur _l’outsider_, Nick Wacicsko, le candidat démocrate (le personnage central), tout en montrant l’intensité du moment politique


(42’23-44’11, à la fin de la première partie de l’épisode). Dans un plan américain (à mi-cuisse), Wacicsko est filmé en contre-plongée et cadré de trois-quarts, répondant à des journalistes


de télévision. Tiré à quatre épingles, il est à la fois précis et tranquille, une main dans la poche. On sent qu’il commence à compter dans la course électorale. Dans la scène suivante, le


plan rapproché poitrine, le cadrage frontal et les trois journalistes rapprochés pourraient donner l’impression d’un écrasement. Mais par son regard caméra, c’est au contraire la


détermination de Wacicsko à mener le débat sur la politique publique de logements qui est montrée, avec en écho le problème du pluralisme. Le candidat apparaît ensuite en train de tracter.


Il est cadré de profil dans un plan moyen. Après le travail médiatique, la scène montre ici l’entreprise électorale de communication interpersonnelle. Mais la caméra filme de loin, comme si


elle ne voulait pas faire intrusion dans ces échanges rapprochés. Elle zoome seulement lors d’un dialogue du candidat avec une femme qui affirme son soutien. L’enchaînement des scènes se


reproduit sur le même schéma pendant une minute encore. Les journalistes sont de plus en plus nombreux et l’usage panoramique de la caméra autour de Wacicsko montre l’ampleur électorale


qu’il prend (jusqu’à être invectivé sur la nécessaire rigidité qu’il devra adopter devant les tribunaux). L’esthétique narrative renvoie ici au documentaire, tout en indiquant la direction


du récit : la victoire de Wacicsko (qui intervient à peine une minute trente plus tard dans l’épisode). La caméra fonctionne suivant le mode du « suivez mon regard... » S’il n’y a pas de


débat télévisé dans _Show Me A Hero _(au contraire de _Borgen_, qui commence tous ses épisodes par un débat filmé depuis l’écran de contrôle), le rôle des médias traditionnels, par leur


capacité à miser sur un cheval de course et à fonctionner comme des leaders d’opinion, apparaît. On voit aussi dans _Baron Noir_ comment l’accès à ces médias est facilité aux élus, Laugier


imposant Dorendeu à France Inter, il peut donc convoquer les médias à sa guise. L’accès à la sphère médiatique donne donc, dans les séries télévisées, un avantage aux gouvernants dans la


mise à l’agenda des problèmes publics, dans la communication de crise comme dans les campagnes électorales. Les séries plus contemporaines montrent, quant à elles, le _phoning_ des


candidats, c’est-à-dire leurs appels téléphoniques pour récolter des fonds, ou même les usages des réseaux sociaux. Et le crédit apporté aux sondages est largement abordé, que ce soit durant


les campagnes comme dans l’action publique. Dans ce contexte, les équipes de campagne ont acquis une place sur les écrans, à l’instar de Jim, le conseiller stratège qui pilote la campagne


de Wacicsko en marquant ses différences de position autour du projet de logements (on voit aussi la mise en scène de ces personnages dans _The Wire_ ou _Borgen_). Et le problème du


traitement médiatique de la vie privée des professionnels de la politique devient récurrent, dans les séries (notamment dans _Borgen_ et _Baron Noir_). Dans la lignée de ces pratiques


politico-médiatiques moins « nobles », les intrigues montrent avec insistance les coups bas, le contournement des règles et les pratiques de corruption. Le candidat Rickwaert soudoie un


petit gangster local pour détruire des urnes, acte qui va contre la pacification historique de l’espace de vote. Puis, ministre du Travail, il organise le transfert du piano de Laugier pour


couvrir de fausses dépenses électorales liées au divorce du président. Or, on peut penser qu’un ministre ne prendrait pas lui-même part à ce genre d’opération, aussi impliqué soit-il dans


les pratiques frauduleuses. La narration reprend alors ses droits : tout devient chantage et pression, et le large répertoire de pratiques politiques peut aller jusqu’aux actes les plus


violents (_House of Cards_). Avec ce troisième arc de tension, la dépolitisation du champ politique, la fiction trahit les limites de la pédagogie politique des séries télévisées. Mais ces


trois dissonances ouvrent aussi des alternatives. CADRAGE : UN DISCOURS POLITIQUE DES SÉRIES ? Une question reste alors en suspens. Les séries télévisées jouent sur les représentations


proposées de la politique, mais tiennent-elles un propos sur le champ politique ? La question trouve une première formulation dans l’idée de pédagogie. La science électorale est, par


exemple, éclairée par les conseillers de Rickwaert, de Carcetti ou de Wacicsko. Et de multiples dialogues définissent en quoi consiste l’activité politique_ _: « la politique c’est du sumo,


il faut se servir de la force de l’autre » (_Baron Noir_). Marjolaine Boutet analyse ainsi _The West Wing_, dont le récit s’empare de la fonction de président des États-Unis, comme une « 


leçon hebdomadaire d’éducation civique ». Il y a un propos normatif et didactique dans les _dramas_ traitant du champ politique. Une seconde réponse est apportée par l’approche des _Cultural


Studies_, qui se focalise sur les représentations de l’hégémonie culturelle. Le propos tiendrait alors dans la transmission de représentations supposées fidèles de l’ordre socio-politique.


En synthèse, ce serait ici la représentation du champ politique comme relevant exclusivement de la culture élitiste ou celle de la plus grande propension des femmes politiques à montrer de


la diplomatie (_Borgen_). > Les auteurs des séries peuvent participer à la dispute sur la > vérité Mais ces deux réponses négligent le caractère fictionnel des représentations


proposées. Les angles de caméra, les plans, le montage, l’usage diégétique de la musique sont autant de choix qui imposent une perception des situations. La notion « d’auteur » est alors une


voie à suivre. Avec la reconnaissance culturelle des séries, certains _showrunners_ deviennent de véritables autorités portant une vision du monde. C’est le cas de David Simon, entre autres


créateur de _The Wire_ et _Show Me A Hero_. Lui-même issu du champ politico-médiatique (il était journaliste au _Baltimore Sun_), David Simon déconstruit le monde urbain pour montrer la


résilience institutionnelle, l’inefficacité des politiques publiques et les inégalités croissantes aux États-Unis. Sur la base d’une forte référentialité (qui a fait parler de _social


science fiction_), il porte un message sur la façon dont le monde évolue et les médias « réels » s’en font l’écho. Ainsi, il prend part au débat public à travers un objet télévisuel qui


exprime son point de vue, dans la complexité de sa sérialité, et cherche à « provoquer l’indignation ». De la même façon,à partir d’un débat télévisé sur l’immigration, _Borgen_ montre


comment le choix de l’interlocuteur est aussi une façon de poser la question du _hijab_ dans l’espace public et des stéréotypes associés aux musulmans. En ce sens, les auteurs des séries


peuvent participer à la dispute sur la vérité. Les séries jouent, enfin, comme des miroirs déformants qui montrent une image incomplète de ce qu’ils reflètent. Aussi, il n’est pas proposé de


solutions aux problèmes soulevés, mais des possibilités qui ne sont pas – encore ? – assumées dans la réalité. Les exemples de _The Wire_ sont particulièrement parlants_ _: la création


d’une zone de libre vente des drogues pour réguler le trafic et les problèmes sanitaires qu’il entraîne (Hamsterdam) ou l’expérimentation d’une classe de resocialisation. Dans _Baron Noir_,


la présidence de Laugier est marquée par une réforme de l’éducation de grande ampleur et une politique de refondation du projet européen ; alors que Rickwaert voit dans le scandale


politico-financier qui marque le quinquennat l’opportunité d’instaurer une VIe République. Les propos des scénaristes sur le vivre ensemble (dans ce cas, le champ politique, les politiques


publiques et les rapports sociaux) jouent entre la dénonciation de l’état du monde et des ouvertures, à travers des esthétiques narratives qui peuvent provoquer des émotions (l’indignation,


par exemple) et la prise de conscience. Mais cela impliquerait un impact des séries sur les comportements politiques, ce qui reste à démontrer dans le cas des spectateurs ordinaires, même si


on observe l’intervention d’acteurs politiques dans la fiction (Clinton/Obama avec _House of Cards_), tandis que des acteurs de série prennent position sur la base de leur légitimité


fictionnelle : l’acteur qui joue Bubbles dans _The Wire_ a ainsi multiplié les appels au calme lors des émeutes de Baltimore de 2015. À LIRE ÉGALEMENT DANS LE DOSSIER _ÉLECTIONS PIÈGE À


COMM’_ La télévision au centre de la bataille présidentielle, par Isabelle Veyrat-Masson Stratégie électorale : le média n’est pas le problème (ni la solution) par Thierry Vedel


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