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Uberisation de la société, _digital labor_, salariat algorithmique, part croissante de l’automatisation et de l’algorithmie dans des missions jusqu’ici considérées comme régaliennes
(transport, santé, éducation)…, l’essor de ces phénomènes et des problématiques qu’ils recouvrent sont le plus souvent analysés en miroir des modèles actuels qu'ils tendent à remplacer,
alors qu'il faudrait, pour s'y préparer et en prendre la pleine mesure, dès aujourd'hui les poser comme postulats de départ non négociables de l'organisation de la
société du XXIe siècle. Uber est un aboutissement. Après que les hyperliens ont permis de fractionner le texte, après que les profils ont permis de fractionner notre identité et nos traces
numériques, alors que l’internet des objets s’apprête à fractionner notre rapport au monde dans la trivialité de la moindre interaction, Uber a permis, pour la première fois à cette échelle,
de fractionner notre rapport au travail, à l’outil de travail, de la même manière qu’avant lui Airbnb avait permis de fractionner notre rapport à propriété. Et derrière chaque fragmentation
se donne à lire une complexification, un éclatement, une dispersion. Qui ne sont que le prétexte de nouvelles concentrations, de nouveaux oligopoles bien plus puissants que les précédents.
Uber est un paradigme. Celui de l’oscillation permanente entre des logiques de décentralisation, de facilitation, de désintermédiation vécues comme émancipatrices, et d’autres logiques de
ré-intermédation et d’hyper-centralisation immédiatement subséquentes, d’abord vécues comme de simples contreparties avant que l’on n’en mesure – mais souvent trop tard – le caractère
profondément aliénant. LA RÉVOLUTION SERA UBÉRISÉE France, 25 Juin 2015, des chauffeurs de taxis se révoltent contre l’usage du service UberPOP : l’économie du salariat algorithmique
fractionné vit son premier conflit social. Angleterre. Début du XIXe siècle. Révolution industrielle. Des disciples de Ned Ludd se révoltent contre l'usage de machines à tisser et
envahissent les usines pour briser lesdites machines. Dans l’un comme dans l’autre cas, la crainte de perdre son travail, son outil de travail. Dans l’un comme dans l’autre cas, sabotages,
menaces, destructions, intimidations, violences physiques. Dans l’un comme dans l’autre cas, un contexte de crise économique violente. Des "artisans" en première ligne. Dans l’un
comme dans l’autre cas, des corporations organisées dont les rentes sont remises en question de manière radicale, rapide. Dans l’un comme dans l’autre cas l’inéluctable extension du conflit
et la radicalisation du mouvement. Dans l’un comme dans l’autre cas, le recours à la loi, complexe, inabouti, et dans l’attente d’une loi qui ne viendra jamais, ou trop tard, ou trop peu, la
disparition lente des métiers initialement menacés, et le sentiment d’une profonde impuissance du politique, dont la seule stratégie consiste à « interdire » une application. La réalité de
ces conflits sociaux nouveau genre ne doit pas faire oublier l’essentiel, c’est-à-dire la question du « remplacement » (d’une catégorie de travailleurs par une autre ou par l’automatisation
de leurs tâches) et celle du « replacement » (que faire des travailleurs ainsi « remplacés »). L’enjeu politique est celui d’une redéfinition des règles de la productivité, du capitalisme,
et de la notion même de travail. Uber, mais aussi Amazon qui vient « d’embaucher » 30 000 robots magasiniers à l’approche des fêtes de Noël, tous ces acteurs nous imposent de réfléchir à des
modèles d’organisation du travail (qui est l’employeur ? qui est l’employé ? et à quel(s) moment(s) ?) et de protection sociale capables d’absorber l’effet de choc déjà mesurable au travers
de pans entiers de l’économie mondiale. > Aucune encyclopédie n’a survécu à Wikipédia. Aucune encyclopédie n’a survécu à Wikipédia. Aucun service permettant de transporter un individu
d’un point A à un point B ne survivra à Uber. Si l’on parle beaucoup actuellement de la question des réfugiés climatiques (sans pour autant être capable d’y apporter de réponse), on
sous-estime largement celle de ces populations entières, souvent déjà les plus marquées par la crise économique, et qui verront leurs « métiers » remplacés par l’automatisation ou
deviendront dépendants de plateformes inaugurant de nouvelles formes de travail journalier et de paiement à la tâche. L’ÉTAT, LES SYNDICATS ET LE DROIT Le discours étatique sur ce sujet se
cantonne à vanter les promesses d'une Frenchtech, dont les thermostats connectés ne régleront jamais le problème des réfugiés climatiques. Et les investissements massifs autour
d'eldorados de silicium perçus comme autant de remèdes à une économie — par ailleurs chancelante — soulignent déjà de manière dramatique l'absence de toute réflexion politique,
éthique, philosophique et morale autour, par exemple, des questions d'automatisation et de délégation à des environnements algorithmiques privatifs de tâches jusqu'ici régaliennes
et financées ou régulées par la puissance publique. Les syndicats, de leur côté, commencent à peine à prendre la mesure de la tâche que les attend. Enfin, arrivent en justice et en droit les
premiers cas emblématiques de ces nouvelles formes d’exploitation, comme celui de cette chauffeuse UberPop qui demandait à être reconnue comme salariée de la firme : « Pour la justice
californienne, Barbara Ann Berwick, chauffeuse indépendante pour Uber, est une employée comme une autre. La raison : elle prend ses ordres auprès de la plate-forme. Comme à son habitude, la
start-up américaine a fait appel de cette décision a priori anodine. Mais si celle-ci était confirmée, tout le modèle économique d’Uber, qui repose sur le paiement à la tâche au détriment de
l’activité salariée, pourrait être remis en cause, jusqu’à causer sa disparition sous sa forme actuelle. » LA PAYE ALGORITHMIQUE > Ce n’est plus un individu qui paie lorsqu’il souhaite
accéder > à un bien ou être mis en relation , mais un algorithme qui > rémunère un individu lorsque celui-ci s’acquitte d’un certain > nombre de tâches Il est frappant de voir à
quel point le contrôle des flux financiers par les algorithmes s’est établi à l’inverse de l’histoire de la monnaie. Les algorithmes ont d’abord été utilisés pour gérer d’immenses mouvements
spéculatifs à l’échelle mondiale (High Frequency Trading), avant de réguler progressivement des pans entiers du secteurs des loisirs et des biens culturels (Amazon et l’ensemble des
algorithmes de « recommandation » puis AirB’nB, Netflix, Uber, mais aussi Google Books, qui utilise des critères algorithmiques pour déterminer le prix d’achat d’un livre, Ils continuent de
« redescendre » en inaugurant une nouvelle forme de travail à la tâche et de paiement à l’acte, dans lequel ce n’est plus un individu qui paie lorsqu’il souhaite accéder à un bien ou être
mis en relation (comme dans les sites de rencontre par exemple), mais un algorithme qui rémunère un individu lorsque celui-ci s’acquitte d’un certain nombre de tâches. Des humains
travaillant _pour_ les algorithmes quand jusqu'ici on entretenait l'idée que les algorithmes travailleraient _pour_ les humains. L’exemple emblématique est celui du Turc Mécanique
d’Amazon. LUMPEN-COGNITARIAT ET SALARIAT ALGORITHMIQUE Fin 2005, Amazon lance son "Mechanical Turk" dont Wikipédia nous rappelle qu’il consiste : _« _À faire effectuer par des
humains contre rémunération des tâches plus ou moins complexes. Les tâches en question doivent être dématérialisées, c'est-à-dire ne pas dépendre d'un support physique ; il
s'agit donc souvent d'analyser ou de produire de l'information dans des domaines où l'intelligence artificielle est encore trop peu performante, par exemple
l'analyse du contenu d'images. _»_ On s'inscrit, on réalise des tâches à tout le moins répétitives, sinon ingrates ou hors de portée algorithmique, et on est payé une misère.
Mais on est payé. > On est payé une misère, mais on est payé. Partout, tout le temps, insidieusement, à l'aide par exemple de ces chevaux de Troie que sont les applications et leurs
notifications ou les diverses logiques de "récompense", nous sommes incités à "travailler gratuitement" pour alimenter une régulation algorithmique constitutive des
nouveaux effets de rente de ces oligopoles calculatoires. L'affaire n'est certes pas nouvelle puisque dès son lancement en 1998, l’algorithme PageRank de Google s'appuyait
principalement sur ces internautes qui, en créant un lien hypertexte vers un contenu qu'ils jugeaient intéressant, travaillaient _de facto_ gratuitement pour la firme de Mountain View
en assurant le travail d’indexation et de « qualification documentaire » que l’algorithme était incapable de faire et qu’il ne lui restait alors plus qu’à comptabiliser et à transformer en
graphe relationnel grâce à sa puissance de modélisation et de calcul. À partir de 2005 et jusqu'à aujourd'hui, avec l'explosion des réseaux sociaux, la "modération"
des contenus est confiée à de véritables armées de travailleurs philippins, nouveaux "coolies" d'une économie de la publication en temps réel. Leur nombre réel est inconnu,
mais ils seraient plus de 100 000 aux Philippines à traquer et supprimer toute la journée les contenus jugés "offensants" ou contrevenant aux CGU (Conditions générales
d’utilisation) des grands réseaux sociaux américains. Eux aussi s'appliquent à réaliser des tâches pour lesquels les algorithmes n'ont pas — encore ? — de capacité de discernement
suffisante. Des tâches répétitives mais également très usantes psychologiquement, l’essentiel des contenus extrêmement violents étant ainsi « modérés » à la main par ces travailleurs qui s’y
trouvent donc exposés pendant des journées et des semaines entières. Une étude récente montre que c’est près de 10 % du PIB des Philippines qui provient directement de l’activité de ces «
call-centers » (principalement tournés vers les États-Unis). TRAVAILLER 10 MINUTES PAR JOUR ET 350 HEURES PAR AN Des Philippines jusqu’à la Silicon Valley, les GAFA (Google, Apple, Facebook
et Amazon) valent à elles quatre une capitalisation d'un trillion de dollars mais ne comptent, à elles quatre toujours, que 150 000 employés. De quoi, en effet, poser la question de
l'avenir de l'emploi tel que nous le connaissons aujourd'hui... D'autant que dans moins de 20 ans, c'est plus de 47 % des emplois existant aujourd’hui qui seront
entièrement automatisés. Le scénario dans lequel à peine quelques millions de travailleurs "permanents" et d’immenses cohortes de robots suffiront à produire les biens de
consommation nécessaires aux 7 milliards d'habitants de cette planète ne relève plus de la science-fiction. L'opposition entre « les riches et leurs robots » exploitant de
nouvelles formes de sous-cognitariat ne va faire que se durcir. Et si ce n'est pas Uber ou AirBn'B qui remportent la mise, ce sera Postmates ou l'une des innombrables sociétés
/ solutions applicative de travail à la demande. Comme le résume très bien Diana Filippova (connector du think tank OuiShare) : « Nous sommes ainsi à un moment charnière. Soit une société
de travailleurs autonomes et indépendants émergera, avec un revenu et une protection sociale décents ; soit le travail à la demande mettra à bas tous les remparts contre la précarité bâtis
depuis plus d’un demi-siècle par l’État-providence, sans les remplacer par un nouveau système de protection. Loin de bénéficier aux travailleurs, cette fragmentation du travail donnerait aux
détenteurs du capital et des plateformes un pouvoir de négociation démesuré face à une armée éclatée de personnes précaires, prêtes à accepter un travail à n’importe quel prix. » Diana
Filippova, dans _Société Collaborative, la fin des hiérarchies_ (Rue de L’Échiquier, 2015), citée par Les Inrocks. LES GAFA À (LA PLACE DE) PÔLE EMPLOI Au-delà des avancées technologiques
qui permettront l'automatisation d'un certain nombre de tâches, d'emplois ou de métiers, les critères d'une "uberisation" sont clairement posés dans cette
interview d'Olivier Ezratty. En première ligne des "uberisables", on trouve : • _"ceux qui génèrent de l'insatisfaction client_" (des médecins aux plombiers
pour — par exemple — raccourcir les délais d'attente et favoriser la mise en contact directe) ; •_ "ceux susceptibles d'être désintermédiés par des plateformes
d'évaluation"_, c'est à dire ceux qui nécessitent une forte évaluation client distribuée en pair à pair ; • _"ceux qui sont dans une situation de quasi-monopole"_
(les taxis donc, mais aussi, dans un tout autre registre ... l'éducation) ; • _"les métiers de service dans l'aide à la personne"_ (de la livraison à domicile en passant
par la recherche de nounous ou de cours particuliers). Plus globalement et comme le rappelle encore Xavier Pavie (Essec), « _On reconnaît facilement qu’un secteur est « ubérisable » quand
l’activité principale se situe ailleurs que sur la réelle valeur ajoutée. _». Lorsqu’à l’image de celui du transport de personnes, des secteurs entiers auront ainsi basculé dans le salariat
algorithmique et le travail à la tâche, il ne faudra pas s'étonner de voir un actuel ou futur GAFA lancer l'uberisation de Pôle emploi, ni se plaindre de voir la « rationalité »
algorithmique devenir le seul contremaître de formes de travail aussi précaires que grégaires. UNE NOUVELLE BULLE DE SERVITUDE : ÉCONOMIE DU PARTAGE OU PARTAGE DE L'AUTONOMIE ? Le point
commun de l'ensemble de ces services, souvent improprement rattachés à l'économie du partage, comme le rappelle Michel Bauwens (théoricien du pair à pair), est de pointer la
nécessité d'un tiers régulateur centralisé. L'État ne jouant plus ce rôle, les GAFA et aspirants GAFA s'y collent avec le tiroir-caisse, la maîtrise des usages, la capacité de
déterritorialisation (y compris souvent et surtout… fiscale) qui sont les leurs, le tout en naviguant entre l’idéologie libertarienne et celle du cyberpunk. Après la célèbre bulle de filtre
d'Eli Pariser, la Sharing Economy, si sa préemption par les GAFA ou les NATU– Netflix, AirB’nB, Tesla Uber – se confirme , sera avant tout une (nouvelle) bulle de servitude et un outil
de « (re)mise à la tâche », dont les représentants les plus libéraux de l’idéologie managériale n’auraient même jamais osé rêver. « La particularité de la Bulle de la Servitude est
qu'elle fait d'un petit nombre de gens des sortes de maîtres néo-féodaux, des seigneurs avec une abondance de services de luxe disponibles à la demande au bout des doigts. Mais
ceci n'est possible qu'en faisant d'un très grand nombre des néo-serfs améliorés : majordomes, bonnes, chauffeurs, serveurs, etc. La Bulle de la Servitude est certes créatrice
d' « emplois », mais il ne s'agit que d'emplois de « service » de bas étage, des petits jobs non qualifiés et sans perspectives d'évolution qui non seulement vous
anéantissent l'âme, vous écorchent le mental et vous minent le moral, mais qui en plus gâchent votre potentiel. Il ne s'agit pas des « services » d'un médecin ou d'un
thérapeute, mais des « services » d'une pédicure, d'un éboueur ou d'un promeneur de chiens. De ce fait, dans l'ensemble, ils appauvrissent le potentiel humain et en
détruisent les compétences au lieu de l'enrichir et de le faire grandir. La Bulle de la Servitude est faite de choses qui, à grande échelle, gâchent, déciment et démolissent ce qui
compte : le potentiel humain. » Umair Haque(1)_. _ La « pression » managériale, loin de se dissoudre ou de s’effacer, s’en trouvera tout au contraire renforcée parce que redistribuée et
démultipliée au travers d’entités non assignables (en recours ou en justice), comme le soulignent Alex Rosenblat et Luke Stark : « Le système d’emploi flexible par mise en relation numérique
et algorithmique d’Uber construit des formes de surveillance et de contrôle qui résultent en asymétries d’informations et de pouvoir pour les travailleurs. Le système Uber, les algorithmes,
les Community Support Representatives, les passagers, les évaluations de performance semi-automatisées, et tout le système de notation agissent ensemble pour créer un substitut au contrôle
managérial direct sur les chauffeurs. » SE POSER LA BONNE QUESTION. MAIS LAQUELLE ? Celle d'une troisième voie, comme le rappelle Michel Bauwens : « La troisième voie est à mon sens
celle de Bologne où la ville, à travers The Bologna Regulation for the Care and Regeneration of Urban Commons, mène une politique facilitatrice, elle crée les infrastructures pour permettre
aux gens d’exercer leur autonomie, met en place une régulation municipale pour le soin des biens communs : la loi autorise les habitants à proposer des changements pour leur quartier et
s’engage à les aider à réaliser ces projets, avec un processus d’évaluation à la clé. Plutôt que d’être dans une transmission de haut en bas en considérant les citoyens comme des
consommateurs, une ville ou un État peut devenir un partenaire et faciliter l’autonomie sociale et individuelle. C’est une source de progrès social. Plusieurs projets vont en ce sens en
Italie. » En 1968, J.C.R. Licklider publie un article, « The computer as a communication device » qu’il conclut par cette question : _« _Pour la société, savoir si l'impact (du fait
d'être "en ligne" et d'utiliser des ordinateurs pour communiquer, NDLR) sera bon ou mauvais dépendra principalement de la réponse à cette question : être connecté
("to be on line") sera-t-il un privilège ou un droit ? Si c'est seulement un segment déjà favorisé de la population qui a une chance de profiter des avantages permis par la
facilitation de ces capacités intellectuelles nouvelles ("intelligence amplification"), alors le réseau pourrait amplifier / aggraver la discontinuité dans l'éventail de
l'accès à ces nouvelles opportunités ("_intellectual opportunity_" »)._ _ À l'aube du XXIe siècle, c'est la même question qu'il faut poser une fois acté le
remplacement d'un certain nombre de tâches et de fonctions par des automates, des algorithmes ou des robots. Ces nouvelles formes de "travail journalier à la tâche", ce
"salariat algorithmique", produit d’une rationalité calculatoire — par bien des aspects efficiente et par bien d’autres aliénante — sera-t-il un privilège ou un droit ? > On
cotisera tous à la sécurité sociale de Google, nos points > retraites seront chez Amazon, Apple sera notre banquier, et Facebook > fera office de mairie et d'état-civil S’il doit
devenir un privilège (c'est pour l'instant ce vers quoi nous nous dirigeons), alors il ne permettra qu'à quelques-uns d'accentuer leurs rentes en déployant une idéologie
libérale devant laquelle notre actuel capitalisme dérégulé fera office de gentillet kolkhoze ; le modèle du Mechanical Turk d'Amazon deviendra la norme, on cotisera tous à la sécurité
sociale de Google, nos points retraites seront chez Amazon, Apple sera notre banquier, et Facebook fera office de mairie et d'état-civil. A Brave New World. A _Fucking_ _Brave New
World_… Pour qu'il puisse exister comme un droit, c’est désormais au « politique » — c’est-à-dire à cette dimension de l’action collective qui permet l’articulation de politiques
publiques en relai et en soutien d’initiatives citoyennes —de faire en sorte que chaque citoyen ait la possibilité de réinstaller au cœur d'un système outrancièrement individualiste
l'horizon d'une représentation et d'une négociation collective possible. C'est aujourd'hui également que la question de savoir ce qui relève du bien commun
inaliénable, dans nos usages sociaux comme dans nos ressources naturelles, doit être posée. Cette question qu’Uber ne pose pas quand elle utilise nos voitures, cette question qu’AirB’nB ne
pose pas quand il loue nos appartements, cette question d’Amazon ne se pose pas quand elle nous fait livrer des colis sur ce dernier kilomètre qui lui coûte si cher. SCHIZO-TRAVAIL ET
MASO-RÉMUNÉRATION Après une journée à co-worker avec différents algorithmes de hiérarchisation de l'info pour alimenter les différentes "Filter Bubble" pendant que
d'autres, à Manille ou ailleurs, accompliront la part ingrate des mêmes tâches, quand nos enfants rentreront du boulot dans 20 ans, il est probable qu'ils prennent en route un ou
deux passagers avec leur casquette UberPOP, que l'un de ces passagers soit — aussi — un travailleur occasionnel Amazon Flex profitant de la course pour livrer un colis commandé par son
voisin de pallier. Il est tout aussi probable que l'ensemble de ces schizo-salariés soient tous à bord d'une Google Car entièrement automatisée (à moins qu'ils ne se déplacent
avec un véhicule autonome de la flotte Über) dont celui qui n’en sera même plus le propriétaire mais simplement le locataire temporaire (l'acopie) percevra un micro-salaire de Google
en échange, par exemple, d'une procédure de contrôle qualité temps réel, c'est à dire en échange d'une supervision humaine de cette conduite algorithmique, devenant alors
temporairement un « professeur des algorithmes », nouvelle variante de la dialectique du maître et de l’esclave. Il est également probable que rien de tout cela ne se produise. Mais il est
encore davantage probable que la phrase précédente … soit très improbable. --- Crédits photos : - Press Kit Uber - _Turc mécaniqu_e, Wikipédia À LIRE ÉGALEMENT DANS LE DOSSIER « AUTOUR DU
_DIGITAL LABOR_ » : Digital labor, travail du consommateur: quels usages sociaux du numérique ? Digital labor ? Le travail collaboratif malgré tout Le digital labor est-il vraiment du
travail ? Le digital labor profite aussi à l’internaute Le digital labor, un amateurisme heureux ou un travail qui s’ignore ? Digital labor : une exploitation sans aliénation Le digital
labor : une question de société Qu'est-ce que le digital labor ? AUTOUR DU DIGITAL LABOR - ÉPISODE 5/9 Par leurs activités en ligne, les internautes participent à la création de valeur
et alimentent l’économie du Web. Peut-on pour autant considérer ces activités de loisirs ou de partage comme un travail, qui serait exploité par le capitalisme numérique ?