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Konbini avec « Vidéo Club » et « Fast & Curious » ; Seriously avec « Ça roule » ; Allociné avec « Voix Ouf »... Certains médias ont choisi de tirer parti des contraintes liées aux
interviews à la chaîne. © Crédits photo : captures d'écran Konbini, Serieously, Allociné / montage La Revue des médias C'est un classique dans le milieu du cinéma : les _press
junkets, _ou interviews à la chaîne des acteurs ou cinéastes. Pour éviter de se retrouver avec les mêmes vidéos que la concurrence, certains médias innovent. Nathanaël Bentura Publié le 22
août 2024 Dans le milieu du cinéma, les _press junkets_ sont devenus la norme : pour assurer la promo d’un film ou d’une série, acteurs et cinéastes sont conviés dans des hôtels où défilent
les journalistes tout au long d’une journée. Pour eux, les contraintes sont nombreuses (créneaux très courts, interdiction d’aborder certains sujets, omniprésence des attachés de presse,
etc.) et il faut redoubler d’inventivité pour en tirer quelque chose de singulier. Quelques exemples racontés par ceux qui les font. 1. SUSCITER LA COMPLICITÉ GRÂCE À UN OBJET, DANS « ÇA
ROULE », DE _SERIEOUSLY_ Lorsqu’Aurélia Baranes lance le média _Serieously_, en 2017, la journaliste a dix ans de _junkets_ derrière elle et un constat sans appel : « _Plus le temps
avançait, plus les créneaux étaient courts_. » Difficile d’être original quand on n’a le droit qu’à quelques minutes d’interview : « O_n posait tous des questions similaires_ ; _à la fin,
tous les médias avaient la même vidéo_ », raconte la journaliste. D’où l’urgence de trouver un concept qui allait ancrer _Serieously_ comme un média que l’on reconnaît dès les premières
secondes. « _On voulait imaginer des choses assez visuelles pour qu’on puisse nous identifier mieux que les autres_. » Et un jour, c’est le déclic : « _Je scrollais sur TikTok, et je suis
tombée sur une vidéo d’un enfant qui jouait avec une roue à un anniversaire. Je me suis dit qu’il serait sympa d’utiliser une roue, ça attire l’œil et l’aspect jeu de hasard est accrocheur_.
» Nous sommes en 2018, le format « Ça roule » naît. Lors des _junkets_, les journalistes installent la roue, l’interviewé la lance, et livre une anecdote en fonction de l’élément sur lequel
il tombe. « _Ça peut être le visage des autres acteurs, ou bien un “Action ou Vérité”… Ce qui est bien, avec ce format, c’est qu’il est déclinable à l’infini_. » Très vite, les comédiens
jouent le jeu, et les attachés de presse en redemandent. « _On nous le réclame de plus en plus, c’est la preuve que ça fonctionne. Les RP nous placent dans les dernières interviews, au
moment où les talents sont fatigués et en ont marre de répondre aux mêmes questions. Ça leur donne un coup de boost pour la fin de la journée_. » « _Ce sont nos vidéos qui marchent le
mieux_, conclut Aurélia Baranes. _Parfois, on aimerait bien les interroger sur des sujets plus profonds, mais quand on nous donne quatre minutes top chrono, c’est forcément compliqué_. » 2.
JOUER SUR UNE PROXIMITÉ DIFFÉRENTE AVEC « VOIX OUF » D’_ALLOCINÉ_ Après des années passées à enchaîner les _junkets_, Thomas Imbert et Vincent Formica sont épuisés. Rencontrer des stars, ça
met des étoiles dans les yeux de tous les débutants, mais pour le chef du service _infotainment_ et le journaliste ciné et série d’_AlloCiné_, la fascination des débuts laisse rapidement
place à la frustration. Il est de plus en plus difficile de se démarquer en si peu de temps. Ici et là, les deux journalistes croisent des comédiens de doublages, qu’_AlloCiné _met en avant
depuis ses toutes premières interviews. Pour eux, la solution est là : il faut créer un format maison dédié au doublage. Dans un premier temps, c’est un podcast, créé avec leur collègue,
Manon Maroufi, également passionnée de doublage français. Et au vu du succès des premiers épisodes, « Voix Ouf » devient une émission filmée. La formule fonctionne et l’engouement du public
est tel que « Voix Ouf » évolue et contourne désormais toutes les contraintes du _junket_ classique : « _Quand un film avec Brad Pitt sort au cinéma, on préfère passer __toute une matinée
avec la voix française de Brad Pitt__ plutôt que deux minutes avec la star. Et nos spectateurs aussi ! D’une part parce que les comédiens de doublage sont beaucoup plus accessibles, d’autre
part parce que les gens se sentent beaucoup plus proches d’eux. Il y a un côté nostalgique très fort, ainsi qu’une forte curiosité pour ce métier, _expliquent les journalistes_. Les “Voix
Ouf” font bien plus de vues que des interviews _junket_ lambdas car les gens veulent découvrir le visage derrière ces voix qu’on connaît si bien. Et c’était notre intention première : mettre
en lumière des gens qui sont dans l’ombre_. » 3. RÉINVENTER LE _JUNKET_ CHEZ _KONBINI_, DU « FAST & CURIOUS » AU « VIDÉO CLUB » Quand on cherche une interview divertissante et
originale, _Konbini_ s’impose souvent à l’esprit. C’est surtout grâce à « Fast & Curious », le format qui a fait découvrir le média au plus grand nombre. Le principe est simple, une
personnalité est confrontée à deux choix et doit répondre le plus vite possible (« César ou Oscar », « boire ou conduire », « Booba ou Kaaris », etc.). Dès le début, en 2014, les attachés
presse du cinéma sont partants pour soumettre leurs stars au « Fast & Curious ». Dans les années qui suivent, Emma Watson, Martin Scorsese, Jean Dujardin, Kendrick Lamar, 50 Cent, Ryan
Gosling, et des centaines d’autres s’y collent… et même, dans un autre registre, Emmanuel Macron. « _En trois ou quatre minutes, on pouvait sortir un contenu, alors qu’à cette époque, les
_junkets_ étaient réservés pour les formats télévisés_ », se souvient Arthur Cios, l’actuel chef de rubrique cinéma et série du média. « _Dès que _Konbini_ est arrivé sur les _junkets_, les
autres médias web ont très vite suivi. J’ai ressenti une crainte de mes confrères de télé et de presse écrite, car on leur volait des créneaux. J’ai mis du temps à faire accepter _Konbini_
comme un média comme les autres. Aujourd’hui, c’est la même chose __avec les influenceurs__. _» « Fast & Curious » a fait les beaux jours de _Konbini_ jusqu’à sa disparition, en décembre
2022. _«_ _Internet a évolué_. _La consommation de contenu très rapide a été notre force, mais ce n’est plus ce que cherchent les internautes aujourd’hui », _estime Arthur Cios. _Konbini_
invite désormais les « talents » dans un vidéo-club du Xe arrondissement, un des derniers de la capitale, pour qu’ils piochent ici et là leurs films préférés et en parlent face à la caméra.
« _Ça a changé notre vision des _junkets_. Les gens réclamaient des formats de plus en plus longs, et je me demandais ce qu’il était possible de faire. J’ai pensé aux interviews d’artistes
dans des magasins de vinyles, je me suis rendu compte que cela n’existait pas pour le cinéma. J’ai cherché des vidéo-clubs dans Paris, et j’en ai trouvé un à 300 mètres de la rédaction de
_Konbini. » Mais dans le cadre des _junkets_, déplacer un artiste, c’est toute une organisation. Ces derniers ne peuvent se soumettre au « Vidéo Club » qu’à la fin de leur session
d’interview, en général lorsqu’ils quittent leur hôtel pour se rendre dans les locaux d’une chaîne de télévision. Pourtant, ces contraintes-là, Arthur Cios ne les échangerait pour rien au
monde : « _Contrairement aux autres types de _junkets_ que je fais, il n’y a que dans le “Vidéo Club” que j’ai l’impression d’avoir une conversation vraie, les talents ne me répètent pas ce
qu’ils disent à tous les autres_. » Un succès tel que le format a été décliné en littérature, jeux vidéo, _food_ et musique.