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© Crédits photo : © Illustration : Killian Pelletier Trois ans de travail ont été nécessaires au studio français Paradiso pour lancer une nouvelle version de son podcast « Conf Call » aux
États-Unis. _La Revue des médias_ en a retracé le cheminement. Xavier Eutrope Publié le 15 janvier 2024 En juin 2022, pour la deuxième fois de son histoire, le Tribeca Film Festival de New
York ouvre ses portes à des formats audio — notamment des podcasts. Dans la programmation de ce rendez-vous incontournable du cinéma indépendant, un nom retient l’attention : « Conference
call ». Dans les crédits du pilote de cette œuvre, des noms très américains, deux beaucoup moins : Lorenzo Benedetti et Louis Daboussy (cofondateurs avec Benoît Dunaigre du studio de
production français Paradiso). On les trouve juste en dessous de la mention « _adapted from the podcast “Conf Call”, created by…_ ». Rembobinons : juin 2020, Deezer propose un nouveau
podcast, « Conf Call ». Dans cette fiction, on suit trois entrepreneurs au fil de leurs réunions à distance. Chaque épisode (ou presque) a sa nouvelle idée farfelue. Ruche domestique
connectée anti-cambriolages, bot anti-procrastination, _escape game_ pour les timides : rien ne va, et c’est de pire en pire. « _Nous avons l’habitude de voir les studios pour leur proposer
des projets, _nous expliquait Lorenzo Benedetti en 2021. _Deezer nous a demandé de produire une comédie. _» La plateforme de streaming coproduit le programme, Paradiso se réserve les droits
à l’international. Écrits, enregistrés — dans les conditions réelles d’une réunion à distance — et produits au tout début de la pandémie de Covid 19, les épisodes sont publiés en juin 2020.
Sans donner de chiffres, Deezer considère ce programme comme un succès. UN HUMOUR À ADAPTER Juillet 2020 : Molly O’Keefe, chargée de développement au sein de la branche américaine de
Paradiso, contacte le réalisateur Gregory Stees et le scénariste Jeff Ward. Elle leur propose d’élaborer une version américaine de « Conf Call ». Ils ne parlent pas français ? Pas de
problème, elle leur communique une version sous-titrée. Soit un fichier vidéo avec un fond noir pour image, le son original et une traduction des dialogues à l’écran. Les versions
sous-titrées de podcast sont « _un outil très intéressant pour étudier le potentiel d’un programme_, explique-t-elle, _et intéresser les auteurs et réalisateurs à travailler dessus._ » C’est
la première fois que Gregory Stees travaille sur une fiction audio, mais il a déjà de l’expérience dans la comédie — il a collaboré à CollegeHumor entre 2014 et 2018, une société de
production qui s’est illustrée dans l’humour en ligne. « _J’ai été étonné par la similitude entre les sens de l’humour français et américain_ », raconte-t-il au téléphone. Avec Jeff Ward,
ils vont cependant proposer quelque chose d’assez différent. « _La comédie est un genre très local, _analyse Lorenzo Benedetti_, à l’inverse du thriller par exemple, il faut s’adapter aux
codes [du pays]_. » En août 2020, Gregory Stees et Jeff Ward présentent leur « traitement », leur vision du podcast. Ils en conservent le concept initial : des personnes moins malines
qu’elles ne le croient et qui veulent révolutionner le monde avec leur produit — on en trouve partout, l’idée est universelle. DES PERSONNAGES PLUS CALCULATEURS La structure, elle, évolue :
la version française est une anthologie — pas de fil rouge narratif, juste une succession de sketchs sans progression de l’intrigue d’épisode en épisode. L’équipe américaine fait le choix
d’introduire une véritable histoire, grâce à l’ajout d’un nouveau personnage, une journaliste interprétée par la comédienne Emma Roberts. Nous n’écoutons plus seulement des entrepreneurs
discuter de leurs nouvelles idées, mais l’enquête d’une journaliste utilisant l’enregistrement de ces discussions comme base pour son travail. C’est aussi l’occasion de proposer une sorte de
parodie des podcasts d’investigation. Autre transformation : l’écriture. Les dialogues de « Conf Call » sont écrits à l’avance et rythmés. Pour « Conference Call », Gregory Stees et Jeff
Ward ont parié sur l’improvisation des acteurs à partir d’une situation de départ. Charge au montage de rendre le tout fluide et maîtrisé. Les personnages sont aussi un peu différents, en
l’occurrence plus calculateurs, voire peut-être même nocifs. « _Ils seraient capables de tout pour une photo avec Elon Musk_ », ironise Gregory Stees. > « _C’était une série française à
l’origine, faite par un > studio français pour un distributeur français_ » Les enregistrements débutent tout début 2022, peu après le bouclage du casting et les dernières signatures de
contrats. Au seuil de l’été, l’intégralité des voix est enregistrée. Approche le festival de Tribeca de New York. Une vitrine potentielle : y faire écouter une production permet d’attirer
d’éventuels partenaires. Un pilote est alors monté en toute hâte, car seuls les programmes faisant une « _world premiere_ » peuvent y être présentés. « _Ce n’était pas idéal_, reconnaît Emi
Norris, directrice déléguée de Paradiso aux États-Unis, _car le show n’était clairement pas terminé. Cependant, nous avons estimé que les bénéfices de le présenter à Tribeca, la visibilité
notamment, compensaient largement le reste._ » À la suite de la présentation, le travail d’édition de la série reprend, à la façon d’un documentaire. « _Nous avions beaucoup de matériaux,
pas de script à proprement parler_, explique Emi Norris, _et nous avons décidé d’ajouter beaucoup de narration. _» Un travail de plusieurs mois, en raison notamment du planning chargé d’une
des stars de la série : Emma Roberts devait (ré)enregistrer plusieurs séquences. Tout début 2023, la série est enfin bouclée. Mais elle est loin d’être publiable. Car Paradiso ne souhaite
pas juste « balancer » les épisodes. Rappel : présenter « Conference Call » à Tribeca avait pour objectif de faire parler du programme… et d’attirer de potentiels partenaires. Rapidement,
les discussions s'engagent avec Realm, un diffuseur américain. La mission de ce nouveau partenaire ? Monétiser le programme. C’est-à-dire, entre autres, de trouver des annonceurs
souhaitant mettre de la publicité dans les épisodes. UN CONTEXTE « TRÈS TENDU » Au bout de quelques mois, un accord est trouvé entre Realm et Paradiso. Moment idéal pour publier la série ?
Pas vraiment : à ce moment précis, les syndicats d’acteurs et de scénaristes américains se mettent en grève. Les acteurs réclament notamment une régulation de l’usage par les studios
d’intelligence artificielle pour les cloner, les auteurs une revalorisation de leurs droits résiduels, sommes versées lors de la rediffusion de matériaux sur lesquels ils ont travaillé. Les
podcasts n’étaient touchés par aucune de ces revendications, mais « _le contexte était très tendu_, récapitule Emi Norris, _nous étions face à la plus grosse grève du secteur depuis des
dizaines d’années_. _Aucun des acteurs ne voulait donner l’impression de faire de la promotion pendant que leurs collègues manifestaient._ » Décision est donc prise… d’attendre encore un
peu. Jusqu’en août : la grève continue, mais les épisodes sortent en catimini, petit à petit. Ce n’est qu’une fois la grève terminée, et Thanksgiving passé, que la promotion commence : les
visuels invitent à « binger » la série. Après la vente en 2020 de « Love Under Lockdown », une fiction, à la plateforme Stitcher, l’adaptation de « Mes 14 ans » de Lucie Mikaélian, et celle
de « Free from Desire » d’Aline Mayard, « Conference Call » est la troisième production de Paradiso lancée aux États-Unis. « _C’était une série française à l’origine, faite par un studio
français pour un distributeur français_, rappelle Emi Norris. _Qu’il en existe aujourd’hui une version américaine est un grand succès, c’est un très beau gâteau. La cerise serait que l’on
puisse, au terme de négociations, en faire une série télévisée._ »