Ce que les chatbots nous disent du web de demain

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Ils envahissent nos applications de messagerie, répondent à nos questions, nous rendent service : les chatbots sont partout. Mais derrière leur omniprésence se profile un nouvel écosystème


du web, plus fermé, avec Facebook en première ligne. Virginie Sonet Publié le 06 février 2017 Le 14 décembre 2016, Franceinfo lançait son chatbot sur Facebook Messenger. Une manière pour


l’utilisateur de « discuter directement avec Franceinfo », de recevoir des actualités personnalisées, au moment voulu, sous forme de texte, de photo, de vidéo, de podcast, le tout sans


quitter Messenger. Ça s’annonce simple et efficace. Ludique même. Que sont ces chatbots ? Et que présagent-ils du web de demain ? Le smartphone nous a incités puis habitués à utiliser des


applications pour accéder à l’ensemble de nos pratiques numériques mobiles (médiatiques, informationnelles, communicationnelles, culturelles, etc.). Aujourd’hui la surcharge informationnelle


et la complexité à occuper cet écran encouragent les grandes firmes à dépasser l’applification1 et à proposer à leurs utilisateurs des modalités d’entrée en contact de plus en plus


interactives et engageantes. Et comme le rappelle ChatBotFactory, « les humains passent en moyenne 50 minutes par jour sur une app de messagerie ». C’est donc là qu’interviennent les


chatbots. C’est-à-dire des comptes de messageries instantanées opérés par un logiciel et non par un humain. Ils incluent très souvent de l’intelligence artificielle afin d’agrémenter leurs


fonctionnalités. Ainsi, ces plateformes conversationnelles peuvent tout faire ou presque : jouer, informer, rechercher, émettre, alerter ou rappeler, connecter, passer une commande sur


internet …le tout évidemment en nous maintenant confortablement installés dans la plateforme sociale. FACEBOOK EN POSITION DOMINANTE AVEC MESSENGER Sur Messenger, la messagerie instantanée


du géant Facebook, ces bots sont déjà très nombreux. La plateforme a en effet ouvert ses API (interfaces de programmation applicative) aux développeurs tiers, qui peuvent ainsi créer leurs


propres bots, capables de contacter directement les utilisateurs,- comme le ferait un «  ami ». Forte de son 1,8 milliard d’utilisateurs, la plateforme est incontournable sur le marché pour


les marques, les éditeurs de contenus et de services qui y développent leur petit robot2. L’avantage pour les éditeurs vient du fait qu’il n’est pas nécessaire de développer des applications


ou des sites mobiles. Sans interface propre, toute l’interaction passe par l’application de messagerie instantanée utilisée. Aujourd’hui, les chatbots sont déjà disponibles sur de


nombreuses plateformes : Skype, Facebook Messenger, Telegram, Kik, et ouvrent de très nombreuses possibilités et perspectives : - suivre les dernières nouvelles de la Maison-Blanche ? Les


bots proposent ainsi des contenus d’actualité (comme le font déjà le Wall Street Journal et le New York Times Politics), en permettant de chercher une information par le biais d’une


conversation en direct ; - commander un VTC ou des sushis ? Avec les bots d’Uber et d’AlloResto, c’est plus rapide, plus simple et ça ne nécessite pas l’installation de l’application. C’est


la conversation avec le bot dans Messenger qui se charge de tout ; - acheter le jean de vos rêves ? Dans Telegram il suffit d’envoyer à Tap2Bot une photo du vêtement souhaité, et vous voilà


sur un site de vente en ligne. Regarder un film ? TapBot sait déjà vous en proposer quelques-uns ; - se souvenir de la tour Eiffel ? demandez à ImageBot de Telegram ; - chiner un cadeau pour


les fêtes dans eBay ? c’est déjà possible avec le Ebay ShopBot. Le dernier exemple n’est pas anodin. Les plateformes conversationnelles investissent en effet le marché des petites annonces.


Messenger propose avec Facebook Market Place de rechercher un produit, de le vendre et de conclure un marché entre particuliers. Dans les pays concernés (anglophones pour le moment), une


petite icône dans la barre de navigation de la plateforme permet déjà de photographier un objet, d’en chercher un autre, et de contacter les vendeurs en direct. Et voici Facebook concurrent


d’Amazon, mais aussi de Craig List et à terme du Bon Coin en France. FACEBOOK VEUT CONQUÉRIR LE WEB ET LES CHATBOTS SONT EN PREMIÈRE LIGNE > Les géants du web sont en passe de 


"devenir le web" Après le phénomène d’applification engendré et accentué par le développement du modèle applicatif des plateformes mobiles (Android et iOS), nous assistons à un


mouvement de « chatbotisation » du web. Derrière ce néologisme barbare, il faut comprendre que les géants du web sont en passe de devenir le web, ou plus précisément de devenir des OTT. Ce


concept, originellement associé aux services audiovisuels qui atteignent les consommateurs en contournant les offres des opérateurs – directement par le web - peut être étendu aux services


de communication qui passent « au-dessus » des systèmes d’exploitation des terminaux. Ils favorisent donc un contact direct avec l’utilisateur, en court-circuitant les primo-intermédiaires


économiques ou techniques. Ainsi, les chatbots se substituent aux applications mobiles, aux sites, mais également aux navigateurs et aux moteurs de recherche. Ils sont la voie pour « devenir


le web » en offrant aux utilisateurs la possibilité de réaliser leurs pratiques numériques les plus courantes au sein d’une seule plateforme de messagerie : communication, information,


commerce, consommation de services et de contenus… Un coup dur pour les modèles applicatifs des systèmes d’exploitation mobiles (OS) tels que le Google Play Store et App Store, qui voient


leur hégémonie sérieusement menacée. Les boutiques de bots fleurissent d’ailleurs déjà. Mais une fois de plus les fournisseurs de contenus et de services se retrouvent « intermédiés » par


une plateforme qui leur sert de cadre techno-économique, à l’image des boutiques d’applications et des comptes sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, dans un marché publicitaire où le mobile


prend une place croissante, les chatbots annoncent également l’avènement d’une publicité réellement sociale, remplaçant progressivement le_ search_3 et le SEO. Finalement les chatbots c’est


un peu comme « téléphoner à Google ». Dans ce nouvel écosystème, les contenus sponsorisés sous toutes leurs formes ont évidemment un bel avenir devant eux. Et dans ce domaine, Facebook est


déjà très bien placé et risque de fragiliser le moteur de recherche dominant sur le marché de la porte d’accès aux pratiques numériques. Et la firme ne se limite pas aux écrans mobiles :


aujourd’hui l’écran de télévision est déjà directement ciblé par le réseau social planétaire puisque Facebook vient de rendre lisibles les vidéos du fil d’actualité des utilisateurs sur les


téléviseurs, en passant par les clés et boitiers OTT (Chromecast, Apple TV). Demain, ce seront les casques de réalité virtuelle et de réalité augmentée. L’Oculus Rift, propriété de Facebook


embarquera en effet un navigateur de la marque pour accéder au web. -- Crédits photo : Capture d'écran. _Visionnage d'un contenu vidéo depuis le bot de Franceinfo_. Capture


d'écran. C_ommande d'un VTC avec le bot d'Uber_. Capture d'écran. _Achat en ligne via le Ebay Shop Bot_. * 1Le fait de passer d’un site web ouvert à une application


mobile généralement conçue pour fonctionner dans un système d’exploitation spécifique. Voir aussi la thèse de Tim Berners-Lee . * 2Selon Nielsen (2017), Facebook Messenger est la 2e


application mobile la plus utilisée en 2016 aux États-Unis, juste derrière Facebook. * 3Publicité par le biais d’achat de liens sponsorisés dans les moteurs de recherche .