Lycéens pris de malaises et de convulsions dans le jura : un médecin explique le "syndrome psychogène collectif"

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Lors d'un cross scolaire en octobre dernier, dix-sept collégiens ont été pris de douleurs inexpliquées. L'enquête a finalement conclu lundi à un "syndrome psychogène


collectif". Nous avons interrogé Stéphane Erouart, médecin de santé, sur cet effet de groupe.  France Télévisions Publié le 17/01/2020 18:50 Temps de lecture : 4min


Ils étaient quatre-vingt-dix élèves du collège Pierre-Hyacinthe Caseaux, à Morbier (Jura), à s'élancer dans la course, le 3 octobre dernier. Soudain, dix-sept d'entre eux ont


ressenti des douleurs, pris de convulsions et de malaises, après avoir bu à un stand de ravitaillement. Face à l'ampleur de la crise, le cabinet du préfet a activé le dispositif Orsec


(Organisation de la réponse de sécurité civile). Cinq collégiennes ont été hospitalisées, dont une avec un pronostic vital engagé. Elle est sortie de l'hôpital quelques jours plus tard.


Une enquête pour _"blessures involontaires"_ a été ouverte et, trois mois plus tard, le 13 janvier, l'affaire a été classée sans suite par le parquet de Lons-le-Saulnier. La


piste d'un agent toxique dans les boissons distribuées lors du cross écartée, le procureur a indiqué que les malaises ont été _"__consécutifs à un syndrome psychogène


collectif."_ Un phénomène sur lequel franceinfo a interrogé Stéphane Erouart, médecin de santé à l'Agence régionale de santé (ARS) de Normandie. Il a notamment corédigé une étude


sur le syndrome collectif inexpliqué, pour l'Institut de veille sanitaire (INVS).   FRANCEINFO : QU'EST CE QU'UN SYNDROME PSYCHOGÈNE COLLECTIF ? STÉPHANE EROUART : 


Initialement, on nommait ce phénomène le "syndrome collectif inexpliqué". Aujourd'hui, on parle plutôt de "syndrome collectif". Ce syndrome, face à une situation


perçue comme dangereuse, est une façon de réagir au stress et à l'angoisse provoqués par cette perception. Il est composé d'un ensemble de manifestions somatiques avec des signes


spécifiques, comme des maux de tête ou de ventre, des malaises ou encore des troubles neurologiques. C'est un peu comme une émotion qui provoque une rougeur sur le visage.  > Le 


syndrome collectif n'est pas un diagnostic par défaut, il est > posé après avoir éliminé toutes les autres causes potentielles. >  > Stéphane Erouart, médecin de santé à 


l'ARS QUELS SONT LES FACTEURS DÉCLENCHEURS ? Souvent, il y a un cas sanitaire au départ, comme une gastro-entérite, une migraine avec vomissement, un malaise vagal ou un accident


cardiovasculaire. On retrouve également, comme facteur déclenchant, l'environnement. Si l'événement se déroule dans un milieu fermé, par exemple, avec de fortes odeurs de peinture 


ou de produits ménagers. Cela peut être aussi renforcé par un contexte social difficile, dans une entreprise qui est en pleine phase de licenciements, par exemple. Autrefois, nous nommions


cela le "syndrome du bâtiment malsain".__ > C'est tout un ensemble de facteurs qui vont amener le développement > du phénomène de 'syndrome collectif'. > 


> Stéphane Erouart __Ensuite, la gestion même de l'épisode peut contribuer au développement du "syndrome collectif", comme l'intervention des pompiers ou du Samu


auprès du premier cas malade. Car tout ce qui valide l'hypothèse d'un événement grave renforce le phénomène. Par la vue et par la connaissance de ce qu'il s'est passé,


les personnes, stressées et angoissées, vont avoir des réactions symptomatiques, des signes physiques ressentis. Ce qui va leur confirmer qu'il y a potentiellement quelque chose de


grave. Y A-T-IL DES PUBLICS PLUS EXPOSÉS ? Tout le monde peut être concerné par ce phénomène. Cependant, les femmes et les jeunes y sont plus sensibles. Cela arrive réguliérement dans les


écoles, comme les gymnases, où le phénomène collectif est impressionnant et peut être accentué par la panique du personnel encadrant.  COMMENT LES SECOURS GÈRENT-ILS CE TYPE D'ÉVÉNEMENT


 ? Sur les lieux, pompiers et Samu doivent d'abord éliminer le plus rapidement possible les causes environnementales (intoxication, microbiologie...). L'idéal pour les équipes de


secours, c'est de disposer d'une description factuelle de l'événement avec l'heure, le lieu et le facteur déclencheur. Car tout le temps écoulé à comprendre ce qui se


passe contribue à la montée du phénonème sur les autres personnes présentes.  > La psychose peut s'étendre rapidement sur une journée. Il peut > même y avoir des phénomènes de 


récidive plusieurs mois après > l'acte initial. Chaque nouveau phénomène venant valider qu'il se > passe quelque chose de grave. >  > Stéphane Erouart Une fois que les


patients sont sortis du contexte angoissant, voire placés en milieu hospitalier, les phénomènes physiques disparaissent. Le fait de leur expliquer ce qu'est le "syndrome


collectif" les rassure. Une meilleure connaissance de ce phénomème fait aussi que nous avons de moins en moins besoin de mettre en place des investigations, comme ce fut le cas pour les


élèves du collège jurassien.